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Message Internet sur la liste Multitudes, Infozone, Zpajol, etc...
Date: Wed, 10 Dec 2003 21:27:09 +0100
Subject: [multitudes-infos] Appel "feministes pour l'egalite"
Ci-joint un texte/appel "féministes pour l'égalité"
contre une loi sur le voile pour publication avec signatures - qui
sont à transmettre à Alain.Gresh@monde-diplomatique.fr
Les signatures de femmes sont prioritairement et urgemment recherchées...
Merci de faire circuler...
Un voile sur les discriminations
« L’affaire du foulard » est devenue un débat
national, LE débat national : on ne parle plus que de cela.
On y apprend des choses : que pour nombre d’hommes politiques
l’égalité entre les sexes est une priorité
tiens ! Tandis que pour certaines féministes, c’est
dans la lutte contre l’islam, intégriste - forcément
intégriste-, que se joue le sort des femmes en France. Re-tiens
!
Des alliances inimaginables il y a quelques mois se forment, des
fronts laïco-féministes qui ont pour dénominateur
commun un fonds de fantasmes apocalyptiques : le « salafisme
» et le « wahabisme » sont aux portes de nos mairies,
prêts à piétiner notre constitution, et leurs
fourriers sont quelques dizaines de femmes « voilées
» qui semblent ne demander qu’à porter leurs
foulards en paix. Mais que demanderont-elles après ? Il faut
retrouver la raison, et en particulier la raison féministe
: les jeunes filles et les femmes qui portent le foulard ne sont
pas la cinquième colonne d’une puissance étrangère,
elles sont d’ici, partie intégrante de notre société
même si doublement exclues en tant que femmes et en tant que
groupe social. Et la France n’est pas près d’être
transformée en république islamique. De telles peurs
feraient rire si elles ne révélaient une crispation
identitaire française, un rejet qui est aussi fort aujourd’hui
qu’il l’était il y a quarante ans ou cent cinquante
ans. On ne compte plus les « vrais-faux » lapsus qui
transforment, dans la bouche des politiques et des journalistes,
des citoyen-nes français-es en immigré-es pour l’éternité.
C’est à qui exhibera le plus fort « complexe
de Charles Martel » : si on ne peut pas les arrêter
à Poitiers, au moins leur interdira-t-on l’entrée
des écoles, des administrations, des hopitaux, etc. ! Ne
pouvant les renvoyer chez eux/elles » puisque qu’ils/elles
sont ici chez eux, on peut - on sait faire - les traiter en citoyen-nes
de seconde zone, en indésirables, en caste inférieure.
Et c’est là que réside le problème,
le seul et l’unique problème républicain, de
la république et pour la république, sur lequel le
débat du foulard tente de jeter un voile pudique, sans y
parvenir tout à fait ; en témoigne cet intérêt
tout neuf pour la discrimination. Cette notion était jusqu’à
hier inconnue en France : puisqu’il n’y a pas de races,
il ne peut y avoir de discrimination raciale. S’il y en a,
on fait semblant de ne pas la voir, car la voir conforterait la
notion de race, donc le racisme. Ce raisonnement, ubuesque ou kafkaïen
selon qu’on est témoin ou victime , la France est le
seul de tous les pays du globe à le tenir.
Et tant qu’elle le tiendra, et refusera de donner aux descendants
des peuples qu’elle a colonisés, l’égalité
promise par sa constitution, par sa loi interne autant que par ses
obligations internationales, la France aura des problèmes
; des foulards, dont l’interdiction exacerbera la visibilité
au lieu de la réduire, mais peut-être aussi d’autres
réactions d’amertume un peu plus méchantes de
la part des groupes discriminés. «Qui sème l’injustice
récolte la colère », non ? On ne peut pas constamment
mépriser, écraser, exclure sans provoquer un jour
des révoltes. Et la France ne pourra tenir sa promesse d’égalité
tant qu’elle refusera de regarder en face l’inégalité
illégale tous les jours perpétrée : la discrimination
permanente à tous les niveaux, emplois, école, administration,
logementS Il n’y a pas un acte de la vie quotidienne qui soit
indemne de racisme à l’égard de ceux que notre
histoire coloniale continue à nous faire considérer
comme des sous-êtres.
Traquer les traitements discriminatoires, qu’ils s’exercent
à l’encontre des femmes ou d’autres groupes,
relève d’un véritable enjeu de société.
Cela demande des études, dans tous les domaines, sur les
mécanismes de discrimination, qui ne sont pas le fait d’individus
racistes, mais de tout le système social et de tous ses acteurs,
consciemment ou inconsciemment ; et cela demande de construire des
outils de lutte efficaces - qu’on les appelle «action
positive» ou «action volontariste», «aménagement
territorial» ou «politiques anti-ségrégation
» pour faire de la fin de ce système, et de la souffrance
qu’il induit, une priorité absolue.
Pour l’instant, ce pays vit très bien avec ces discriminations,
ou du moins le croit-il, et applique de facto sinon de jure le système
de la préférence nationale (favorisant les Français
«de souche ») et de la préférence masculine
(favorisant les hommes) de façon éhontée. Et
l’on veut encore ajouter une loi inique et raciste au contentieux
? Comment des féministes peuvent-elles soutenir une loi qui
aboutit à exclure des jeunes filles de l’école,
souvent leur seul lieu d’émancipation, pour les renvoyer
à un milieu familial censé les opprimer ? Chacun sait
que cette loi qu’on nous présente comme « une
loi pour la laïcité » vise en premier lieu le
foulard, en tant que signe visible d’une religion crainte
et fantasmée, celle des « nouvelles classes dangereuses
».
Rappelons que dans le Haut-Rhin, le Bas-Rhin, et la Moselle, les
religieux sont payés par l’Etat, qu’il dispensent
des cours religieux dans les écoles publiques (pour les catholiques,
protestants et juifs seulement) et que curieusement ce dispositif
ne serait pas affecté par la loi. D’où l’évidence
de son caractère discriminatoire qui ne fera qu’agrandir
les lignes de clivage et les fractures sociales.
Aussi manifestons-nous très fermement notre opposition à
toute loi stigmatisant l’islam, et les femmes musulmanes en
particulier, et en appelons-nous à un débat de fond
sur toutes ces questions à travers des discussions, contributions,
rencontres, débats publicsS, à lutter ensemble, en
tant que démocrates et féministes, athées ou
pas, voilées ou pas, contre toutes les discriminations et
pour l’égalité.
Féministes pour l’égalité Signataires
:
Christine Delphy, directrice de Nouvelles questions féministes,
Marina Da Silva, journaliste, Joss Dray photographe, Anne-Marie
Camps, Geneviève Sellier ( professeure en études cinématographiques),
Geneviève Clancy, poète et philosophe
I N F O Z O N E
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http://listes.samizdat.net/wws/info/infozone_l
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