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Jeudi 8 septembre 2005, le journal Le Monde dans son cahier Le
Monde des livres, consacre une page à la sortie du Livre
noir de la psychanalyse (Editions Les Arènes). Cet ouvrage
réunit aussi bien des historiens, des philosophes, des psychiatres,
des psychologues, que des patients ou des proches de patients (mère
d’enfant autiste, sœur de schizophrène, personnes
souffrant de troubles anxieux ou bipolaires). Symboliquement, il
était important que la parole ne soit pas donnée uniquement
aux experts du sérail, mais aussi à ceux qui souffrent
et souhaitent témoigner de leur expérience.
Jean Birnbaum fait une critique de l’ouvrage extrêmement
négative, qui nous paraît en réalité
traduire un jugement personnel, qui lui appartient et auquel nous
ne répondrons pas. Le titre de son article (le catalogue
de la détestation anti-freudienne) est lui aussi très
étonnant : exercer un regard critique signifie forcément
haïr et détester.
Passons…ce qui est en revanche nouveau et choquant, c’est
le caractère méprisant et ironique de l’article
envers les personnes en souffrance et leurs proches qui témoignent
avec courage et sensibilité dans ce livre :
« Face à cet « obscurantisme » coriace,
l’urgence serait de faire éclater la vérité
en donnant la parole aux « victimes». Ainsi de Paul
A., qui préfère témoigner sous couvert d’anonymat,
pour regretter que sa petite amie l’ait quitté après
avoir entamé une analyse ; preuve que ce type de cure «
sépare les gens, disloque les liens familiaux et sociaux
»…
Autre témoin à charge : la mère d’un
enfant prématuré et autiste, qui raconte comment elle
a retiré son fils des griffes d’une thérapeute
présumée freudienne, qu’elle nomme tour à
tour « Cruella », « la Carabosse» ou «
la Gorgone » : « Il y a belle lurette que le monde moderne
a tourné le dos aux pratiques psychanalytiques d’un
passé jurassique. Seule la France leur demeure fidèle.
A quelques exceptions près », conclut-elle. Cette dernière
idée aurait mérité d’être creusée.
Car si la psychanalyse ne se trouve pas aussi marginalisée
que ce gros livre voudrait le faire accroire, elle n’en a
pas moins trouvé en France une terre d’accueil privilégiée.
Hélas, les auteurs du Livre noir ne se donnent pas la peine
d’explorer la généalogie (historique et intellectuelle)
des épousailles franco-analytiques." En matière
de critique, extraire délibérément des phrases
ou des mots de leur contexte pour les citer est déjà
sujet à caution, mais dans le cas présent, il s’agit
bien de brocarder cyniquement la douleur des personnes à
qui ils appartiennent.
Cela est d’autant plus indécent que Jean Birnbaum
semble ne pas se rendre compte que ce débat n’est pas
une joute oratoire mais une question de société
qui concerne des milliers de personnes confrontées à
la souffrance psychique (rappelons qu’une personne sur
5 est ou sera confrontée à un trouble psychologique
grave dans sa vie - chiffres 2005). Pourquoi ne pas donner la parole
à des soignants, psychologues ou psychiatres ?
Décidément, on ne se soucie pas du tout de l’intérêt
et de l’avis des patients, depuis février 2005
et la séance mémorable de l’ex-ministre de la
santé Douste-Blazy qui décida, devant un parterre
de psychanalystes ébahis, de désavouer un rapport
de l’INSERM concluant aux faibles résultats thérapeutiques
de la psychanalyse. Rappelons qu’il termina la cérémonie
par cette sentence : « la souffrance n’est ni mesurable
ni évaluable ». De la part d’un médecin
qui devrait connaître les règles de la « médecine
fondée sur les preuves », c’était plutôt
consternant.
Aussi, nous, associations de patients et de familles, d’Autisme
France et de Médiagora Paris réclamons le respect
de deux droits inaliénables :
1) Le droit qui nous est si peu accordé sur la place publique
de nous exprimer dans un livre comme dans les médias en tant
qu’acteurs à part entière dans le débat
puisque nous sommes les premiers spécialistes de nos maux
mais aussi les premiers « utilisateurs » de toutes les
thérapeutiques;
2) Le droit d’être informés sur ce qui fonctionne
ou non en terme de soin en France et d’exiger de nos autorités
de tutelles qu’elles tiennent compte, comme dans toutes les
disciplines, comme dans tous les pays occidentaux de la réalité
des avancées scientifiques.
Lettre ouverte à l’ensemble de la presse française
Fait le 9 septembre 2005
Annie GRUYER
Présidente de Médiagora Paris
Evelyne FRIEDEL
Présidente de Autisme France
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