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Libertés publiques : un état des lieux
Nathalie Guibert
Dix-huit lois sur la sécurité depuis 2001
LE MONDE 04.02.09
En 2008, 1 % de la population a subi une garde à vue


Origine : http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/02/04/libertes-publiques-un-etat-des-lieux_1150559_3224.html#ens_id=1150640

S'exprimer, aller et venir, protéger sa vie privée : ces libertés fondamentales ne sont pas menacées dans leur existence en France comme elles le sont dans d'autres pays. Mais, en 2008, 1 % de la population a subi une garde à vue. En huit ans, le nombre de personnes placées sous ce régime de contrainte a progressé de plus de 50 %. Parce qu'ils ont simplement participé à une manifestation, qu'ils ont eu des mots envers des policiers ou le chef de l'Etat, des citoyens ordinaires sont poursuivis.

Cette situation est le fruit d'un consensus politique nouveau. Il s'est noué en 1997, quand le Parti socialiste a qualifié la sécurité de "première des libertés". Les attentats terroristes du 11 septembre 2001 ont renforcé ce consensus, au nom de la prévention des risques. La contestation de l'exercice du pouvoir tel que le pratique Nicolas Sarkozy ne l'a pas atteint. Le PS annonce certes un "Livre noir des libertés" pour février. Mais il n'a pas refondé son corpus idéologique sur le sujet et préfère attaquer le président de la République sur le terrain de l'économie.

En quelques années, les lieux d'enfermement se sont ainsi remplis de façon inédite : commissariats, prisons, centres de rétention, services psychiatriques. Les fichiers se sont multipliés. Les organismes de contrôle n'ont pas vu leurs moyens croître dans la même mesure.

En quelques années, aussi, une avalanche de lois visant à renforcer la sécurité ont été adoptées. Depuis celle sur la sécurité quotidienne votée en novembre 2001, cinq lois générales ont renforcé les moyens de la police et de la justice pénale, six ont réprimé des faits particuliers (violence routière, chiens dangereux, etc.), dont deux ont été réservées à la récidive. Trois ont tenté de contenir l'immigration. Nouveau terrain de liberté, Internet est devenu un espace surveillé. La "confiance dans l'économie numérique", inscrite dans la loi de 2004, porte son revers. Les données personnelles laissées par les individus sur la Toile ont une valeur qui leur échappe. Les services de renseignement veillent sur les réseaux sociaux.

Nathalie Guibert


Dix-huit lois sur la sécurité depuis 2001
LE MONDE 04.02.09


http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/02/04/dix-huit-lois-sur-la-securite-depuis-2001_1150563_3224.html#ens_id=1150640

15 novembre 2001. La loi sur la sécurité quotidienne, adoptée après les attentats du 11-Septembre à New York, étend les possibilités de contrôles d'identité, de visites des véhicules, de perquisitions, de contrôles des bagages et des personnes dans les aéroports. Elle augmente la durée de conservation des données des opérateurs de télécommunication, elle étend le contenu du fichier national des empreintes génétiques et crée des services internes de sécurité des transports.

30 août 2002. La loi d'orientation pour la sécurité intérieure fixe pour cinq ans les efforts budgétaires pour la nouvelle politique de sécurité. Elle prévoit que pour la première fois, en 2007, les effectifs de la police nationale dépassent les 150 000.

9 septembre 2002. La loi d'orientation pour la justice augmente les moyens des tribunaux, étend la comparution immédiate à tous les délits jusqu'à dix ans d'emprisonnement, crée un "référé détention" à l'usage du procureur, instaure des procédures de témoignage anonyme, autorise la détention provisoire à 13 ans et aggrave les sanctions pour outrage.

3 février 2003. Loi réprimant la conduite sous l'influence de stupéfiants. Loi visant à aggraver les peines des infractions à caractère raciste.

18 mars 2003. La loi pour la sécurité intérieure permet aux policiers de faire des contrôles d'identité sur la base d'une "raison plausible de soupçonner" une personne. Nouvelle aggravation des peines pour outrage. Sanctions contre les regroupements dans les halls d'immeuble, le racolage passif, la mendicité. Extension des perquisitions informatiques et des fouilles de véhicule.

12 juin 2003. La loi sur la violence routière durcit la répression contre les mauvais conducteurs et instaure les sanctions automatiques avec les radars.

27 novembre 2003. La loi sur la maîtrise de l'immigration augmente la durée de rétention de 12 à 32 jours et renforce le pouvoir de contrôle des maires sur les certificats d'hébergement.

9 mars 2004. La loi adaptant la justice aux évolutions de la criminalité étend la notion de criminalité organisée, renforce les pouvoirs d'enquête de la police et du parquet, allonge la garde à vue à 96 heures même pour les 16-18 ans, autorise les perquisitions de nuit et la pose de micros dans des lieux privés, ajoute de nouvelles infractions au code pénal, crée le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles et étend le champ du fichier des empreintes génétiques.

21 juin 2004. La loi sur la confiance dans l'économie numérique prévoit que les hébergeurs, éditeurs, fournisseurs d'accès à Internet conservent les traces des internautes à la disposition éventuelle des autorités judiciaires et des services de l'Etat.

12 décembre 2005. La loi sur la récidive facilite l'emprisonnement et instaure le bracelet électronique mobile.

24 janvier 2006. La loi sur le terrorisme est adoptée après les attentats de Londres du 7 juillet 2005. Aggravation des peines encourues en cas de préparation d'attentat, allongement de la garde à vue à 144 heures, obligation pour les transporteurs aériens de communiquer les données des passagers, conservation des données de connexion Internet des cybercafés, facilitation de la vidéosurveillance aux abords des lieux privés.

25 juillet 2006. La loi sur l'immigration durcit les conditions du regroupement familial, abroge le dispositif de régularisation de plein droit après dix ans de séjour, fixe des objectifs chiffrés de reconduites de migrants illégaux à la frontière.

7 mars 2007. La loi sur la prévention de la délinquance renforce les pouvoirs des maires (possibilité de recevoir des informations confidentielles des travailleurs sociaux, information en cas d'exclusion scolaire, pouvoir de première sanction des infractions), durcit les sanctions contre les mineurs dès 10 ans, crée les nouvelles infractions d'embuscade et de guet-apens contre les policiers.

10 août 2007. La loi sur la récidive instaure les peines plancher, prévoit pour les multirécidivistes de plus de 16 ans la suppression de l'excuse de minorité qui atténue habituellement les peines des adolescents, crée une présentation immédiate devant le tribunal pour enfants.

20 novembre 2007. La loi sur la maîtrise de l'immigration institue des tests ADN pour les candidats au regroupement familial à l'état civil douteux, et crée une autorisation spécifique pour les étrangers résidents de longue durée souhaitant exercer une profession commerciale.

25 février 2008. La loi sur la rétention de sûreté rend possible l'enfermement, renouvelable chaque année, des criminels condamnés à plus de quinze ans de réclusion s'ils sont reconnus encore dangereux à l'issue de leur peine. Elle étend les mesures de sûreté applicables aux délinquants sexuels. Elle supprime le non-lieu pour troubles psychiatriques et prévoit des audiences publiques pour déclarer irresponsables les fous criminels.

20 juin 2008. Loi renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux.

2009. Plusieurs nouvelles lois sont annoncées par le gouvernement : loi contre la récidive (un projet a été présenté le 5 novembre 2008 au conseil des ministres après la censure du Conseil constitutionnel sur l'application immédiate de la rétention de sûreté) ; loi sur l'hospitalisation d'office pour créer un fichier des malades et durcir leurs conditions de sortie ; réforme de la justice des mineurs ; loi-programme sur l'immigration.