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Origine : http://mauvaiseherbe.wordpress.com/2007/11/16/les-hommes-en-changements/
http://www.antipatriarcat.org/hcp/section.php?section=biblio&id=1002
http://www.antipatriarcat.org/hcp/section.php?section=dossier&id=101
Les hommes en changements
Intervention et proposition de lecture de Jessie sur le monolecte
http://mauvaiseherbe.wordpress.com/2007/11/16/les-hommes-en-changements/
“Vu qu’il y a de nombreuse interventions sur ce lien,
et que ça pourrait paraître très long de tout
lire, je copie en intégralité la dernière et
concluante intervention, qui me semble la plus concise et pertinente
dans le contexte . Jessie :”
“Luis Bonino Psychologue, Directeur du Centre d´Etudes
de la Condition Masculine, Madrid
Pendant de nombreuses années, je me suis disputé
avec ma compagne parce que je faisais des choses et elle me reprochait
quand même de ne pas faire ce que je devais faire. Moi, je
disais que je changeais, et elle disait que je ne changeais pas.
Après de nombreuses années, j'ai fini par comprendre
que ce qu'il fallait poser comme problème, c'était
: changement par rapport à quoi ? Prenons l'exemple des responsabilités
domestiques : sur 50% je faisais 10% et elle me réclamait
les 40% restants. Si nous travaillons sur le thème «
homme et égalité », nous les hommes, ce qu'il
faut que nous nous demandions, c'est pourquoi nous ne faisons pas
les 40% pour arriver aux 50%. Parce qu'en général,
avec les 10% nous sommes assez complaisants, nous le sentons encore
comme une concession.
Cela fait très longtemps que je travaille avec les hommes
comme thérapeute. Je voudrais proposer ici certains éléments
pour introduire les questions qui ne se sont pas trop posées,
c'est-à-dire le point de vue de la subjectivité. Je
ne parle pas tellement des identités sociales, mais plutôt
des identités intériorisées, pour faire avancer
un peu plus la question du pourquoi les hommes ont tellement de
mal à changer. Ce dont je vais parler est en relation avec
la psychanalyse et les études masculines, critiques, de genre.
Ces études ont montré que les hommes ont un type de
subjectivité dominante, en relation avec les mythes patriarcaux
de la supériorité masculine et de la soumission féminine.
Qu'ils préservent cela, qu'ils le veuillent ou non, ils ont
une place privilégiée et de l'autorité vis-à-vis
des femmes, et notamment plus de droits qu'elles, particulièrement
par rapport à l'utilisation du temps et la gestion des tâches
domestiques. Ces mythes sont extérieurs à eux, mais
ils les intériorisent à travers la socialisation masculine.
Indépendamment des différences entre tous les hommes,
il y a des ressemblances, une posture identique existentielle et
c'est à partir de cette posture existentielle qu'ils vivent
leur autoestime. Ils ont en esprit des idéaux de masculinité
qui organisent leur forme de penser, de regarder, de faire et d'organiser
les choses. C'est tellement fort et tellement rigide que cela les
empêche de transgresser le modèle. La plus petite transgression
est vécue comme un crime de haute trahison vis-à-vis
du collectif masculin. A partir de ce modèle, certains facteurs
contribuent à empêcher les modèles égalitaires.
Je dis cela parce qu'il est beaucoup plus facile pour les hommes
de changer leurs émotions et même leurs possibilités
de pénétration, que de se penser en relation d'égalité
vis-à-vis des femmes. Dans cette modalité de construction
de leur identité masculine, je vais commenter à présent
ces quelques facteurs qui empêchent d'arriver à l'égalité.
Le premier facteur est l'appartenance à un groupe dominant.
Dès la naissance, par le fait même de naître,
les hommes ont un carnet de droits que n'ont pas les femmes et qui
les place sur un mode commun à tous les autres groupes dominants.
Ces groupes ont pour caractéristique commune de se centrer
sur eux-mêmes, d'être le centre de référence,
de sentir leurs droits, leurs prérogatives, comme quelque
chose de naturel, ce qui de fait les rend invisibles à leurs
propres yeux. Ils ont aussi en commun le fait de profiter des capacités
de subordination des êtres « inférieurs »,
dans ce cas-là les femmes, en particulier dans l'espace domestique.
Cela leur fait survaloriser leur propre souffrance, minimiser les
souffrances qu'ils produisent, et en plus, ignorer les conséquences
et les faits de leur propre comportement. Mais bien-sûr, ils
se sentent écrasés par leur responsabilité
masculine, qui n'est que la conséquence du fait qu'ils exercent
leurs privilèges. Ce qui est important c'est donc qu'ils
ne perçoivent pas qu'ils sont dans une situation de dominant
et par conséquent ne pensent pas le changement comme une
nécessité… car l'inégalité, c'est
le problème des femmes ! J'insiste sur le fait que cela ne
reflète pas la situation de tous les hommes, même si
ces modèles prédominants demeurent dans leur esprit.
Le deuxième facteur est l'estime de soi basée sur
le privilège. Se sentir supérieur et important est
l'un des principaux éléments de la masculinité,
et l'une des manières de l'exercer est d'être important,
de contrôler. Si nous réalisons cela, nous nous sentons
bien avec nous-mêmes en tant qu'hommes. Nous nous sentons
mal lorsque nous ne pouvons être en accord avec cela. L'égalité
qui nous empêche d'être supérieur devient alors
une grave blessure pour notre estime de nous-mêmes.
L'égalité comme menace est un autre facteur. L'égalité
est une nouvelle proposition qui rompt en effet avec la dichotomie
millénaire qui existe entre hommes et femmes et crée
une confusion chez les hommes avec la sensation d'une féminisation
et d'une dévalorisation. Un problème important dans
la façon dont nous vivons cette supériorité
est que ça ne dépend pas simplement de ce que nous
faisons, mais aussi de l'acceptation de la part de la femme de cette
position de subordonnée. Par conséquent si la femme
évolue par rapport à cette position de subordonnée,
elle nous fait changer nous aussi dans notre estime de nous-mêmes.
L'égalité est difficile à assimiler parce qu'elle
n'a pas la force sociale suffisante pour pouvoir être intériorisée.
Un autre facteur complique encore les choses : le modèle
masculin d'égalité. En effet nous pouvons nous sentir
égaux entre hommes, mais il s'agit d'une égalité
de confrontation où il n'existe que les relations homme-esclave,
gagnant-perdant ou pénétrant-pénétré.
Par contre, l'égalité proposée par les femmes
et qui est une égalité égalitaire, réciproque
et attentive, n'existe pas dans la mentalité masculine. J'insiste
donc sur le fait que tous les hommes ne fonctionnent pas de la même
façon par rapport à cela, mais que cela est quand
même présent dans l'esprit de tous les hommes.
D'autres caractéristiques sont en relation avec l'estime
de soi, et ont quelque chose à voir avec le problème
de l'égalité, par exemple l'autosuffisance. D'un côté
nous sommes aveugles et sourds par rapport à nos propres
sentiments ; ce qui fait que très souvent, par rapport aux
sentiments contradictoires sur le sujet de l'égalité,
au lieu de métaboliser, nous agissons de façon rigide.
D'un autre côté, le fait d'insister pour le dialogue
entraîne des réponses d'opposition ou sinon la fuite,
si les femmes cherchent la confrontation.
Un dernier point enfin, le déficit d'empathie, favorise
le fait que nous voyons la femme comme inférieure et non
en égalité de droits. Le conflit entre les anciennes
et les nouvelles expectatives est encore un autre facteur. Il entraîne
pour nombre d'hommes des différents, des tensions. Mais cette
dissension est compensée en rendant les femmes responsables
du problème. Le résultat est que l'inégalité
est ancrée très profondément dans notre façon
de fonctionner, donc la motivation pour le changement est très
difficile. Ceci est démontré par toutes les statistiques
sur le peu de pas des hommes par rapport à cette égalité.
Mis à part les obstacles, j'insiste sur le fait qu'il y
a aussi une action active pour ne pas parvenir à l'égalité,
qui s'appelle de la résistance, une motivation pour le non-changement.
Nous sommes experts dans le fait de nous mobiliser, de nous bouger
pour que les femmes restent inférieures, et il y a différents
types de résistances, de la plus forte à la moindre.
Les plus importantes sont les violences, mais il y a aussi des contrôles
invisibles et normalisés comme la résistance passive
et le fait de tranquilliser les situations. C'est ce que j'appelle
des éléments micro-fascistes parmi lesquels l'un des
plus importants est notre définition de nous-mêmes
comme innocents et des femmes comme coupables.
Le fait de se déqualifier mutuellement entre hommes est
un autre mécanisme de résistance. C'est la raison
pour laquelle de nombreux hommes traditionnels déqualifient
les hommes qui sont en processus de changement et les excluent du
peuple des hommes. Heureusement, les hommes ne sont pas que d'un
seul tenant, nous avons des possibilités de changement. Nous
pourrons en parler après. Je proposerais aux sociologues
de travailler réellement sur leurs pratiques, sur ce qu'ils
font et non simplement sur ce qu'ils disent. Qu'on leur demande
clairement et directement de répondre à la question
: pourquoi n'agissez-vous pas ? Les hommes sont experts en effet
dans le fait de chercher des justifications, dans le patriarcat
notamment, le travail, la violence vécue dans l'enfance et
beaucoup plus encore.”
Libéralisme libertaire et anarchaféminisme:
quelques éléments de réflexion.
[par léo thiers-vidal]
sur http://www.antipatriarcat.org/hcp/section.php?section=biblio&id=1002
Cet article a été écrit dans un contexte précis.
En tant que membre de la librairie libertaire lyonnaise La Gryffe,
j’ai co-organisé trois jours de discussion en mai 1998
“Trois jours pour le grand soir “. Durant ces journées
de nombreux débats ont eu lieu dont quelques-uns sur la question
des rapports sociaux de sexe. Lors du débat de clôture
une trentaine de féministes ont protesté contre le
déroulement de ces journées dénonçant
le sexisme du mouvement libertaire et l’impossibilité
de discuter réellement de la domination masculine - en général
et dans le milieu libertaire. Suite à la publication par
ces féministes d’un texte exposant les motivations
de cette action anarchaféministe, quatre hommes de La Gryffe
ont écrit un texte-réponse ” Anarchie et mouvement
des femmes “. L’article ci-dessous s’appuie sur
cet article pour analyser un phénomène d’ordre
général : les hommes, se croyant le centre du monde,
agissent, pensent et écrivent sans tenir compte de leur statut
de dominant, donc sans tenir compte du fait qu’ils font partie
d’un groupe social construit qu’est la classe sexuelle
des hommes. Ainsi, ils se croient universels tandis qu’ils
sont dominants et ils nient de fait la critique féministe
des rapports sociaux de sexe. Ceci me semble incompatible avec toute
revendication d’ordre égalitaire et libertaire c.à.d.
opposée à toute forme de domination et d’exploitation
qu’il s’agisse de racisme, de lesbophobie et homophobie,
de sexisme, de capitalisme, …
Face aux revendications féministes le mouvement libertaire
met en oeuvre différentes stratégies de défense
du statu quo mâle. Si la réaction prédominante
envers les féministes est de l’ordre du déni,
de la ridiculisation et de la violence, une autre stratégie
passe par un discours libéral célébrant la
diversité des points de vue. La reconnaissance du bien fondé
du féminisme se limite alors à un droit d’existence
bien spécifique. Il me semble important d’analyser
quelle place les hommes libertaires laissent, octroient, donnent
au féminisme et de démontrer les fonctions réactionnaires
du discours libéral - discours qui ne se limite pas au mouvement
libertaire mais qui y est encore plus insupportable vu la volonté
anarchiste de lutter contre toute forme de domination.
Un premier élément formel exprime très bien
la négation de la position masculine de dominant. En effet,
les quatre hommes signataires développent tout au long du
texte une position de neutralité, d’extériorité
voire d’objectivité via des ‘on’, ‘C’était
à nous’, ‘la difficulté de nous réunir’,
‘il ne nous’. Le texte n’exprime quasi nulle part
la position située des auteurs : aucune référence
n’est faite à leur statut dominant d’hommes.
Cette position bien particulière de dominant est donc invisibilisée
tandis qu’elle est la condition préalable pour que
des hommes puissent développer un discours célébrant
la diversité. En effet ce que des dominants peuvent percevoir
comme diversité de perspectives est vécue par des
dominées comme absence de liberté et de réelle
diversité. Ce n’est donc pas pour rien que le ‘on’
neutre, ou le ‘nous’ pluriel traversent ce texte : ils
expriment l’aveuglement de ces hommes face à leur particularité,
spécificité de dominant et, du coup, face aux dominations
que subissent les femmes.
Si ces hommes ne se posent pas comme dominants, ils le sont pourtant
bien - de la même façon que moi-même. Nous bénéficions
de la domination masculine qui structure toute notre société
et la perpétuons souvent activement à travers nos
prises de parole, regards, comportements,… . Notre vie est
plus agréable grâce à l’exploitation des
femmes (p.ex. leurs services domestiques, relationnels, communicatifs)
et nos choix sont plus grands grâce à la restriction
des choix des femmes (p.ex. la prise en charge par les femmes du
travail domestique et d’élevage des enfants étant
la condition de notre épanouissement scolaire, professionnel
et militant).
Pourtant ces hommes empruntent un chemin différent des anti-masculinistes
en choisissant d’invisibiliser leur statut de dominant et
de nier la nature profondément sociopolitique de la domination
masculine en développant ce discours :
” Les journées libertaires étaient ouvertes,
sans exclusive (comme le veut le projet de la Gryffe), à
toutes les composantes et points de vue du mouvement libertaire.
Or certains d’entre eux considèrent les luttes des
femmes comme secondaires ou ne perçoivent pas l’importance
de leurs enjeux. D’autres, plus affirmés encore, dénoncent
le féminisme, considèrent, de leur point de vue, que
le féminisme s’enferme dans une impasse sectaire et
particulariste qui s’oppose à une remise en cause de
l’ordre social et, finalement, à la libération
des femmes. C’est comme ça. Tous ces points de vue
contribuent également à composer le mouvement libertaire
(…) “
Ce discours est un discours libéral et non libertaire à
mes yeux car il reconnaît une même valeur à des
pensées qui s’opposent à la domination et l’exploitation
des femmes qu’à des pensées qui nient ou invisibilisent
cette domination. Il ne me semble pas nécessaire de démontrer
que le mouvement libertaire à connu et connaît des
tendances antisémites, misogynes, révisionnistes et
qu’il est nécessaire de lutter contre ces tendances
de la même façon qu’il faut lutter contre l’antisémitisme,
la misogynie ou le révisionnisme de notre société
occidentale. Pourtant c’est bien l’opposé que
défendent ces hommes en ce qui concerne le féminisme.
Le féminisme est selon eux l’expression d’un
point de vue, d’un courant de pensée comme le sont
par exemple l’anarchisme anti-organisationnel, l’individualisme
libertaire, l’anarchosyndicalisme et il mériterait
la même considération que l’antiféminisme
de certains anarchistes.
J’ai quelques difficultés à comprendre ce qui
fonde cette catégorisation : qu’est-ce qui permet de
ranger le féminisme parmi les différentes tendances
libertaires et non parmi ces exigences minimales politiques que
sont l’antiracisme, le lutte contre l’antisémitisme
ou la lutte contre le capitalisme ? A mon avis aucun raisonnement
ne peut justifier ceci et seule la non-reconnaissance de sa position
de dominant permet de dépolitiser à ce point les analyses
féministes libertaires, de délégitimer les
actions féministes libertaires et de rationaliser ainsi la
défense de ses intérêts de mâle. Car c’est
bien de cela qu’il s’agit selon moi. Célébrer
une certaine diversité tant qu’elle ne remet pas en
cause les auteurs en tant qu’hommes bénéficiaires
d’un système d’exploitation.
De plus cette célébration de la diversité
est toute relative car elle se limite aux discours et ne concerne
aucunement la mise en œuvre de ces discours. Car l’application
concrète toucherait aux intérêts concrets des
dominants - comme en témoigne l’intervention féministe
lors des journées libertaires. De la même façon,
les pouvoirs en place dans notre société occidentale
permettent une relative diversité des discours - voire l’expression
de critiques profondes de ce système - tant que ces discours
restent des discours et ne sont pas appliqués afin de transformer
l’organisation concrète de la société,
tant que les règles du jeu ne sont pas changées. ”
Pensez ce que vous voulez, exprimez-le, respectez les règles
que nous fixons et tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes
“. Comment doit-on articuler d’une part l’élaboration
par les dominants d’une réglementation précise
et stricte des fonctionnements sociaux et d’autre part le
fait qu’ils développent un discours libéral
célébrant la diversité ? Ce discours serait-il
un décor derrière lequel une machinerie précise
fonctionne broyant les unes au bénéfice des autres
?
Il me semble donc que l’enjeu fondamental derrière
tous ces mots c’est la défense d’un statu quo
mâle. Le refus d’une remise en cause personnelle et
collective. Le refus d’une critique de soi en tant que dominant.
Le refus d’un changement concret des fonctionnements au sein
du milieu libertaire - au bénéfice des femmes et non
des hommes. C’est bien pour cela que les auteurs écrivent
:
” Parce qu’ils tiennent à la totalité
des rapports sociaux, à la totalité de l’ordre
social où nous vivons et aux racines mêmes de cet ordre,
les rapports de domination inclus dans les rapports homme/femme,
comme tous les autres rapports de domination, ne peuvent pas être
résolus localement, à l’intérieur d’un
collectif quel qu’il soit (même non mixte paradoxalement).
Se fixer pour objectif prioritaire de les résoudre à
l’intérieur de ce collectif est une tâche absurde
et impossible qui, au lieu de libérer, et en raison même
de son impossibilité, multiplie au contraire, à la
façon des groupements religieux, les instruments et les rapports
d’oppression. “
Cela me rappelle le discours libéral face aux critiques
de l’hétérosexisme et de la lesbo/homophobie
: ” Moi, je ne suis pas homophobe. Les homos ont le droit
de vivre leur vie…mais ils n’ont pas intérêt
à me toucher moi ou mes enfants ! Parce que moi, je ne suis
pas un pédé ! ” On reconnaît une domination
sociale et en même temps on ne veut pas se savoir impliqué,
touché, directement concerné voire co-responsable.
Une réponse plus libertaire - à mon avis - serait
de se reconnaître sexiste, hétérosexiste et
de tenter de comprendre en quoi nous le sommes et comment nous pouvons
agir dessus - en écoutant les principales concernées,
les féministes, les lesbiennes. Comme l’écrit
Fabienne dans son texte dans le numéro 12 de La Griffe, il
y a un travail à faire, et cela commence par la reconnaissance
publique du problème. Il nous faut travailler à une
zone temporaire autonome de moindre domination, au lieu de défendre
de façon égoïste une zone permanente de non-lutte
contre la domination.
N’est-ce pas paradoxal pour des anarchistes de nier à
ce point toute possibilité d’expérience libératrice
au sein d’un collectif ou mouvement ? Ces expériences
ont bien lieu concernant le pouvoir informel via la rotation des
tâches, les tours de parole, le refus de mandats permanents.
Pourquoi ne pourrait-on pas tenter dès aujourd’hui
de transformer les rapports sociaux de sexe au sein de notre mouvement
? Il ne s’agit pas, comme l’affirment de façon
bien réductrice les auteurs, d’en faire ‘l’objectif
prioritaire’ mais d’en faire un objectif important parmi
d’autres. Et c’est bien cela que craignent ces hommes
à mon avis : de devoir se poser des questions concrètes
sur leur comportement et attitude pour les changer en fonction de
la liberté des autres ; de devoir dépasser un égoïsme
masculin pour aller vers les femmes et leurs revendications multiples
de justice.
Plutôt que de dénoncer avec arrogance les soi-disant
” fétichisme, communautarisme, séparatisme ”
des anarchaféministes, il s’agirait de percevoir le
fétichisme masculin axé autour du pénis et
des couilles - fétichisme qui ressort p.ex. à travers
les multiples fantasmes de castration qui ne tardent pas à
être exprimés lorsqu’on aborde les rapports femmes-hommes.
De déconstruire le communautarisme masculin et sa solidarité
mâle au-delà des différences idéologiques.
Cette solidarité mâle qui fait que les hommes font
quasi toujours Front face aux femmes et au féminisme. Et
un exemple concret confirme à mon avis que cette solidarité
est un enjeu important. J’ai souvent entendu des hommes libertaires
exprimer leur rejet du ‘politiquement correct’ et revendiquer
le droit à la blague sexiste, à l’insulte misogyne
ou lesbophobe - au nom de la liberté d’expression.
Pourtant, l’enjeu n’est pas tant la liberté d’expression
que la solidarité masculine : ” L’humour (sexiste,
raciste, homo-lesbo-phobe…), dans l’adhésion
qu’il sollicite, traduit les rapports de pouvoir entre groupes
sociaux, et par la même entre individu-e-s. “
La réponse libérale au féminisme réussit
cet inversement qui consiste à particulariser une revendication
de justice et à invisibiliser un rapport de domination en
posant comme neutre un état de fait injuste. Le but de cet
article est donc double. D’une part, démontrer à
quel point le discours libéral sert les hommes libertaires
dans leur refus du féminisme dans sa globalité et
transversalité. Il sert à enfermer l’analyse
féministe dans le champ des goûts et des couleurs.
Il revient, concrètement, à mettre sur un pied d’égalité
d’une part des analyses qui attribuent la responsabilité
des violences masculines conjugales contre les femmes à ces
mêmes femmes (provocation, masochisme, …) et d’autre
part des analyses qui perçoivent ces violences comme un élément
de répression politique contre les femmes de la part de la
classe des hommes. De façon ultime, il est une apologie de
la loi du plus fort pour laquelle la raison n’a pas lieu d’être.
D’autre part, il s’agit pour moi de participer activement
à ce que le féminisme ne soit plus considéré
comme une perspective mais comme une exigence minimale politique.
Notre éducation de dominant est omniprésente et nous
structure mais elle n’oblige aucunement les hommes à
perpétuer notre dominance individuelle au niveau relationnel
ou collectif. Nous avons la possibilité d’agir autrement,
de s’ouvrir aux analyses et ressentis des féministes
et de participer à leur lutte contre le sexisme - lorsqu’elles
le désirent. Nous pouvons lutter en mixité - voire
en non-mixité - contre le sexisme intériorisé
ou institutionnel. Il suffit d’être prêt à
rompre avec la défense égoïste de nos intérêts
de dominants et à rompre avec ces hommes autour de nous qui
refusent de se remettre en cause.
cliquez ici Lire les autres textes du dossier Dossier “La
Gryffe”: de l’antiféminisme en milieu libertaire…
:
http://www.antipatriarcat.org/hcp/section.php?section=dossier&id=101
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