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Syndrome d’aliénation parentale : la charge de la preuve incombe à ses défenseur-e-s.
Robert E. Emery
L’aliénation parentale, un concept à haut risque
19 mars 2005, Réaction reçue ce 14/03/05 de Léo Thiers-Vidal

Origine : http://www.observatoirecitoyen.be/article.php3?id_article=315

Syndrome d’aliénation parentale : la charge de la preuve incombe à ses défenseur-e-s.
Robert E. Emery

FAMILY COURT REVIEW, Vol. 43 No. 1, January 2005, 8-13

http://www.blackwell-synergy.com/servlet/useragent ?func=showIssues&code=fcre

Note Biographique :

Robert Emery, Ph.D., est Professeur de psychologie et Directeur du « Center for Children, Families, and the Law » à l’University of Virginia. Il est également enseignant associé à l’ « Institute of Law, Psychiatry, and Public Policy » et y a été Directeur de la formation clinique de 1993 à 2002.[...] Les recherches du Dr Emery se concentrent sur les relations familiales et la santé mentale des enfants, dont les questions de conflit parental, de divorce, de droit de garde, de violence familiale, et les questions légales et politiques associées. [...]

Résumé :

Richard Gardner affirmait être capable de diagnostiquer l’aliénation parentale entre parents en conflit sur le droit de garde, et il affirmait que son « syndrome » reposait sur une autorité scientifique et juridique. Même si elles ont influencé de nombreuses procédures de droits de garde, les idées de Gardner ne satisfont pas à des normes mêmes minimales de scientificité. La charge de la preuve concernant toute nouvelle hypothèse incombe à ses défenseur-e-s, et au vu de l’absence totale de réplication objective, le syndrome d’aliénation parentale (SAP) doit être considéré comme rien de plus qu’une hypothèse. Le manque de règles de conduite claires dans la loi permet à des concepts tels que le SAP de gagner une crédibilité temporaire, puisque les juges font appel à des professionnel-le-s de la santé mentale pour les aider à prendre des décisions selon la norme vague du meilleur intérêt (de l’enfant).


Extraits de l’article :

[...]

D’autre part, Gardner émet certaines prétentions de façon péremptoire et malavisée au sujet du SAP et la science. En tant que scientifique, je suis scandalisé par les méprises, les erreurs logiques et les affirmations péremptoires contenues dans cet article. Gardner écrit avec vigueur et conviction, et je m’inquiète que des imprudent-e-s seront plus persuadé-e-s par le ton que le fond de ses arguments. La rhétorique est un outil de recherche de la vérité au tribunal. Mais la rhétorique n’est pas un outil de recherche de la vérité en science.

[...]

En science, le critère de la charge de la preuve est indépassable : les scientifiques sont libres de proposer toute hypothèse qui leur semble séduisant mais, en tel cas, les scientifiques ont la charge de prouver que leur hypothèse est vraie au-delà d’un doute raisonnable. Jusqu’à ce qu’elle soit démontrée vraie, leur hypothèse est tenue pour fausse par la communauté scientifique.

Selon les règles de la science, Gardner est libre de présenter son hypothèse concernant les parents aliénants. Mais on ne devrait pas croire celle-ci, en particulier dans des forums publics comme les tribunaux. Comme le note Gardner dans son article, une seule recherche (la sienne) a même pris la peine de soumettre le SAP à une analyse statistique. La réplication objective et publique par des chercheur-e-s indépendant-e-s est une autre règle de base pour l’établissement de la vérité en science. Selon les propres aveux de Gardner, il n’y a pas eu de réplications indépendantes, objectives ou publiques de ses assertions. Donc, même si des scientifiques considèrent qu’il est possible que ses idées puissent, un jour, être avérées, les règles scientifiques dictent qu’entre-temps nous devons considérer le SAP comme non prouvé. Toute personne qui présente le SAP comme étant soutenu par la science se méprend sur les règles scientifiques ou sur la nature d’une preuve scientifique.

[...]

En plus de mes propres recherches, j’ai pratiqué durant 22 ans des médiations et des thérapies individuelles et familiales avec des familles séparées et divorcées. Mon expérience m’a appris que certains parents extrêmement fâchés aliènent des enfants de l’autre parent. Mon expérience me dit également que certains parents égocentriques se servent d’accusations d’aliénation pour jeter le blâme sur leur ancien-ne partenaire et excuser leur propre indifférence égoïste envers leurs enfants. Mon expérience clinique me révèle surtout à quel point d’ancien-ne-s partenaires en viennent à se polariser dans « son divorce à lui » et « son divorce à elle », en particulier dans des cas hautement conflictuels (Emery, 1994, 2004). Je n’ai aucunement confiance en ma capacité, ou en celle des autres, à discerner la vérité dans des divorces conflictuels (et je crois qu’en général, de telles tentatives sont contre-productives). Et je serai très impressionné si un-e investigatrice/eur pouvait troubler mon scepticisme à l’aide de recherches démontrant des façons valides et fiables de départager les comptes rendus exacts et inexacts dans « sa version à lui » et « sa version à elle » en matière de divorce. Personne n’y est arrivé à ce jour, y compris le Dr Richard Gardner. Mon scepticisme demeure intact.

Malgré ma voix intérieure de scepticisme exploratoire, je considère que l’expérience clinique peut être enrichissante et bénéfique à bien des égards. Comme je dis à mes étudiant-e-s universitaires, le travail clinique peut être le meilleur endroit où développer des hypothèses créatives. Mais, nous devons tou-te-s reconnaître et admettre que l’expérience clinique, y compris les études de cas, ne prouvent rien à elles seules. (Souvenez-vous que des études de cas ont déjà « prouvé » que la sorcellerie causait la maladie mentale [Neugebauer, 1979]). Plus formellement, les études de cas sont utiles pour produire des hypothèses mais elles ne permettent pas de les confirmer. Une hypothèse est précisément cela, et comme je dis à mes étudiant-e-s (et à moi-même), « si votre perspicacité clinique est réellement aussi bonne, trouvez une façon de créer des recherches empiriques qui prouveront au monde entier que votre hypothèse est juste - ainsi vous pourrez changer le monde ». Le même conseil s’applique aux défenseur-e-s du SAP.

[...]

Placé-e-s dans des circonstances impossibles, sans règles de conduite claires inscrites dans les lois, des juges ont - de façon compréhensible - fait appel à des expert-e-s pour des conseils et des orientations afin de prendre des décisions qui exigent non la sagesse de Salomon mais le remaniement du système judiciaire - et probablement celui des représentations culturelles - concernant les séparations et les divorces où sont impliqué-e-s des enfants. Alors que des juges cherchent des solutions à leur dilemme, il n’est pas surprenant que certain-e-s expert-e-s répondent à leur appel, même si elles/ils n’ont pas de véritable réponse, même si une telle réponse n’existe pas. Le concept d’aliénation parentale (ou de l’enfant aliéné) pose une question assez raisonnable, une hypothèse qui vaut probablement le coup d’être explorée. Mais n’importe la force avec laquelle des expert-e-s tels que le Dr Gardner l’affirment par ailleurs, le SAP n’est pas une réponse jusqu’à ce que soit démontré qu’il l’est et ce au moyen d’investigations scientifiques objectives, publiques et indépendantes - des investigations basées sur des accumulations de données réplicables, et non des études de cas. Jusqu’à ce jour, je suppose que des expert-e-s sont libres de témoigner : « À mon avis, cet enfant est victime d’une aliénation délibérée de la part du parent qui en a la garde » - du moment où elles/ils rajoutent, « mais je n’ai pas le moindre brin de preuve scientifique pour soutenir mes impressions cliniques ».

Traduction : léo thiers-vidal et martin dufresne


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