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Origine :
http://www.observatoirecitoyen.be/article.php3?id_article=315
Syndrome d’aliénation parentale : la charge de la
preuve incombe à ses défenseur-e-s.
Robert E. Emery
FAMILY COURT REVIEW, Vol. 43 No. 1, January 2005, 8-13
http://www.blackwell-synergy.com/servlet/useragent
?func=showIssues&code=fcre
Note Biographique :
Robert Emery, Ph.D., est Professeur de psychologie et Directeur
du « Center for Children, Families, and the Law » à
l’University of Virginia. Il est également enseignant
associé à l’ « Institute of Law, Psychiatry,
and Public Policy » et y a été Directeur de
la formation clinique de 1993 à 2002.[...] Les recherches
du Dr Emery se concentrent sur les relations familiales et la santé
mentale des enfants, dont les questions de conflit parental, de
divorce, de droit de garde, de violence familiale, et les questions
légales et politiques associées. [...]
Résumé :
Richard Gardner affirmait être capable de diagnostiquer l’aliénation
parentale entre parents en conflit sur le droit de garde, et il
affirmait que son « syndrome » reposait sur une autorité
scientifique et juridique. Même si elles ont influencé
de nombreuses procédures de droits de garde, les idées
de Gardner ne satisfont pas à des normes mêmes minimales
de scientificité. La charge de la preuve concernant toute
nouvelle hypothèse incombe à ses défenseur-e-s,
et au vu de l’absence totale de réplication objective,
le syndrome d’aliénation parentale (SAP) doit être
considéré comme rien de plus qu’une hypothèse.
Le manque de règles de conduite claires dans la loi permet
à des concepts tels que le SAP de gagner une crédibilité
temporaire, puisque les juges font appel à des professionnel-le-s
de la santé mentale pour les aider à prendre des décisions
selon la norme vague du meilleur intérêt (de l’enfant).
Extraits de l’article :
[...]
D’autre part, Gardner émet certaines prétentions
de façon péremptoire et malavisée au sujet
du SAP et la science. En tant que scientifique, je suis scandalisé
par les méprises, les erreurs logiques et les affirmations
péremptoires contenues dans cet article. Gardner écrit
avec vigueur et conviction, et je m’inquiète que des
imprudent-e-s seront plus persuadé-e-s par le ton que le
fond de ses arguments. La rhétorique est un outil de recherche
de la vérité au tribunal. Mais la rhétorique
n’est pas un outil de recherche de la vérité
en science.
[...]
En science, le critère de la charge de la preuve est indépassable
: les scientifiques sont libres de proposer toute hypothèse
qui leur semble séduisant mais, en tel cas, les scientifiques
ont la charge de prouver que leur hypothèse est vraie au-delà
d’un doute raisonnable. Jusqu’à ce qu’elle
soit démontrée vraie, leur hypothèse est tenue
pour fausse par la communauté scientifique.
Selon les règles de la science, Gardner est libre de présenter
son hypothèse concernant les parents aliénants. Mais
on ne devrait pas croire celle-ci, en particulier dans des forums
publics comme les tribunaux. Comme le note Gardner dans son article,
une seule recherche (la sienne) a même pris la peine de soumettre
le SAP à une analyse statistique. La réplication objective
et publique par des chercheur-e-s indépendant-e-s est une
autre règle de base pour l’établissement de
la vérité en science. Selon les propres aveux de Gardner,
il n’y a pas eu de réplications indépendantes,
objectives ou publiques de ses assertions. Donc, même si des
scientifiques considèrent qu’il est possible que ses
idées puissent, un jour, être avérées,
les règles scientifiques dictent qu’entre-temps nous
devons considérer le SAP comme non prouvé. Toute personne
qui présente le SAP comme étant soutenu par la science
se méprend sur les règles scientifiques ou sur la
nature d’une preuve scientifique.
[...]
En plus de mes propres recherches, j’ai pratiqué durant
22 ans des médiations et des thérapies individuelles
et familiales avec des familles séparées et divorcées.
Mon expérience m’a appris que certains parents extrêmement
fâchés aliènent des enfants de l’autre
parent. Mon expérience me dit également que certains
parents égocentriques se servent d’accusations d’aliénation
pour jeter le blâme sur leur ancien-ne partenaire et excuser
leur propre indifférence égoïste envers leurs
enfants. Mon expérience clinique me révèle
surtout à quel point d’ancien-ne-s partenaires en viennent
à se polariser dans « son divorce à lui »
et « son divorce à elle », en particulier dans
des cas hautement conflictuels (Emery, 1994, 2004). Je n’ai
aucunement confiance en ma capacité, ou en celle des autres,
à discerner la vérité dans des divorces conflictuels
(et je crois qu’en général, de telles tentatives
sont contre-productives). Et je serai très impressionné
si un-e investigatrice/eur pouvait troubler mon scepticisme à
l’aide de recherches démontrant des façons valides
et fiables de départager les comptes rendus exacts et inexacts
dans « sa version à lui » et « sa version
à elle » en matière de divorce. Personne n’y
est arrivé à ce jour, y compris le Dr Richard Gardner.
Mon scepticisme demeure intact.
Malgré ma voix intérieure de scepticisme exploratoire,
je considère que l’expérience clinique peut
être enrichissante et bénéfique à bien
des égards. Comme je dis à mes étudiant-e-s
universitaires, le travail clinique peut être le meilleur
endroit où développer des hypothèses créatives.
Mais, nous devons tou-te-s reconnaître et admettre que l’expérience
clinique, y compris les études de cas, ne prouvent rien à
elles seules. (Souvenez-vous que des études de cas ont déjà
« prouvé » que la sorcellerie causait la maladie
mentale [Neugebauer, 1979]). Plus formellement, les études
de cas sont utiles pour produire des hypothèses mais elles
ne permettent pas de les confirmer. Une hypothèse est précisément
cela, et comme je dis à mes étudiant-e-s (et à
moi-même), « si votre perspicacité clinique est
réellement aussi bonne, trouvez une façon de créer
des recherches empiriques qui prouveront au monde entier que votre
hypothèse est juste - ainsi vous pourrez changer le monde
». Le même conseil s’applique aux défenseur-e-s
du SAP.
[...]
Placé-e-s dans des circonstances impossibles, sans règles
de conduite claires inscrites dans les lois, des juges ont - de
façon compréhensible - fait appel à des expert-e-s
pour des conseils et des orientations afin de prendre des décisions
qui exigent non la sagesse de Salomon mais le remaniement du système
judiciaire - et probablement celui des représentations culturelles
- concernant les séparations et les divorces où sont
impliqué-e-s des enfants. Alors que des juges cherchent des
solutions à leur dilemme, il n’est pas surprenant que
certain-e-s expert-e-s répondent à leur appel, même
si elles/ils n’ont pas de véritable réponse,
même si une telle réponse n’existe pas. Le concept
d’aliénation parentale (ou de l’enfant aliéné)
pose une question assez raisonnable, une hypothèse qui vaut
probablement le coup d’être explorée. Mais n’importe
la force avec laquelle des expert-e-s tels que le Dr Gardner l’affirment
par ailleurs, le SAP n’est pas une réponse jusqu’à
ce que soit démontré qu’il l’est et ce
au moyen d’investigations scientifiques objectives, publiques
et indépendantes - des investigations basées sur des
accumulations de données réplicables, et non des études
de cas. Jusqu’à ce jour, je suppose que des expert-e-s
sont libres de témoigner : « À mon avis, cet
enfant est victime d’une aliénation délibérée
de la part du parent qui en a la garde » - du moment où
elles/ils rajoutent, « mais je n’ai pas le moindre brin
de preuve scientifique pour soutenir mes impressions cliniques ».
Traduction : léo thiers-vidal et martin dufresne
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