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Origine http://sisyphe.org/article.php3?id_article=750
Les mères ont mauvaise presse. Il n’y a pas si longtemps,
on leur reprochait de ne pas protéger leurs enfants contre
des pères incestueux ou abusifs et on les soupçonnait
de complicité. Maintenant, si elles écoutent les plaintes
de leurs enfants et agissent pour les protéger, on les accuse
de mentir ou de manipuler dans un but de vengeance contre un conjoint
ou un ex-conjoint. Quelle que soit l’attitude de la mère,
on trouve toujours moyen de la discréditer en ayant recours
à des théories psychanalytiques dont le fondement
scientifique est plus que douteux. Il arrive même que la situation
soit renversée et que des mères - et non les abuseurs
- se retrouvent devant le tribunal pour avoir voulu protéger
son enfant et que ce dernier soit confié au père agresseur.
La parole de la mère et celle de l’enfant sont systématiquement
mises en doute sous prétexte que certains parents utilisent
l’accusation d’inceste comme une arme pour régler
leurs problèmes de couple.
Voici un document préparé par l’Association
Mères en lutte, dont on trouvera plus bas la raison d’être
et les objectifs. Léo Thiers-Vidal en a assuré la
coordination. L’Association Mères en lutte a toujours
une existence légale mais elle n’est plus active.
Les faits rapportés dans ce document concernent la France
et son appareil judiciaire, mais on retrouve des cas semblables
partout au monde. Ils ont en commun un système patriarcal
universel qui écrase trop souvent les enfants et les mères.
Au nom du Père, des crimes restent impunis et des vies sont
à jamais brisées.
Sisyphe présente ce document à des fins de sensibilisation
et d’information. Ce document ne prétend pas exposer
tous les drames de différentes natures qui peuvent survenir
au sein des couples et des familles. Il ne présume nullement
que ces cas se retrouvent dans la majorité des familles ni
que tous les pères maltraitent les mères et abusent
de leurs enfants. Enfin, il ne traite pas non plus des problèmes
particuliers que certains pères peuvent rencontrer. (Sisyphe)
DOCUMENT
Edité par l’association "Mères en lutte",
tous droits réservés, mars 2000.
Coordination : Léo Thiers-Vidal
Sommaire
I. Mères en lutte
1. L’association
2. Premières initiatives
2.1. Manifestation à Villefranche
2.2. Conférence-débat avec Dr. Catherine Bonnet
3. Le témoignage d’une mère
II. Eléments de réflexion
1. Violences sexuelles incestueuses...
1.1. ... durant un mariage, concubinage
1.1.1. Villefranche : cinq ans pour le père incestueux
1.1.2. Trois ans ferme pour un comportement un peu trop intime
1.1.3. Quatorze ans de prison pour le père incestueux
1.2. ... après le divorce, la séparation
1.2.1. Trois ans ferme pour un père indigne
1.2.2. Tonton Bobo
1.2.3. Poursuivi pour agression sexuelle sur sa fille. Le père
de famille a été relaxé
2. Ces femmes qui résistent pour protéger leurs enfants
2.1. Prête à tout pour son fils
2.2. Pour protéger ma fille, je suis rentrée dans
la clandestinité
2.3. Protéger son enfant contre un père agresseur
devient de plus en plus souvent pour la mère un long et vain
combat
3. La loi du silence...appliquée
3.1. aux mères et aux enfants
3.1.1. Six mois de prison ferme pour la mère gréviste
de la faim
3.1.2. Ces violences qu’on ne veut pas voir
3.1.3. La parole de l’enfant ne pèse pas lourd pour
la justice
3.2. aux médecins et aux travailleurs sociaux
3.2.1. Les professionnels de la maltraitance s’organisent
3.2.2. Trois psychiatres face à la colère d’un
père divorcé
3.2.3. Maltraitance : l’inconcevable refus de vérité
4. Pères incestueux : la nécessaire prise de conscience
4.1. Les pères incestueux se rebiffent
4.2. Fausses allégations ou vrais drames ?
4.3. Certains médecins libéraux ont peur de faire
des signalements
5. Une problématique internationale
5.1. Paternité, enfants et violence : le Royaume-Uni et le
contexte international.
5.2. Les femmes et les enfants mentent-elles à propos des
sévices infligés au sein de la famille ? La situation
aux USA.
*****
I. Mères en lutte
1. L’association
Origines
Mai 1999, une jeune mère lyonnaise est incarcérée
à la maison d’arrêt Mont Luc pour non-représentation
d’enfant. Par "chance", V. ne séjournera
que quinze jours en prison au lieu des douze mois prévus.
Accueilli comme exemplaire par la presse et certaines associations,
le verdict est aussi lourd que les raisons qui ont conduit V. à
se mettre hors la loi : depuis des années elle se bat pour
obtenir des mesures de protection pour sa fille aujourd’hui
âgée de quatre ans et demi. En dépit du témoignage
sans équivoque de sa fille, de nombreux certificats médicaux
et des signalements auprès de la justice, elle ne peut actuellement
plus protéger son enfant, contrainte de rendre visite à
son agresseur.
Scandalisées par la situation de V., plusieurs personnes
sont entrées en contact avec elle dont des mères également
désarmées dans leur démarche de protection.
Nous avons en commun un parcours jonché de difficultés
pour faire reconnaître les violences incestueuses infligées
à nos enfants - presque toujours par des pères. Les
rencontres nous ont permis de faire émerger un constat pessimiste
: les problèmes ne sont pas individuels, il s’agit
d’un problème structurel rencontré par de nombreuses
mères séparées ou en cours de séparation.
En effet, une mère qui tente de porter la parole de son enfant
dans le cadre d’une séparation est d’emblée
suspectée de manipulation, comme en témoigne le dossier
rédigé par le Collectif Féministe Contre le
Viol présenté fin 99 au ministère de la jJustice.
Pour réagir contre ces dénis de justice, nous avons
décidé de créer une association : nous sommes
des "Mères en lutte".
Enjeux
Si tu parles, prison pour moi, foyer pour toi.
Parce que nous sommes des mères,
Parce que nous avons été des épouses,
Parce que nous sommes des mères en séparation,
Pour tout cela, tombe sur nous le discrédit.
Ainsi, nos enfants, nos tous jeunes enfants ne sont plus les victimes
des agresseurs qu’ils désignent, ils deviennent les
victimes de leurs mères. Taxées de mères abusives,
de manipulatrices, nous serions des vecteurs de névroses.
Et tandis que l’on s’acharne sur nos piètres
compétences éducatives, nos enfants sont oubliés,
voire rendus à leur agresseur. Et par un phénomène
qu’il aurait été difficile d’imaginer,
les mères deviennent coupables ; ce sont elles que l’on
condamne, pour non représentation d’enfants. Car si
les agresseurs nient, les mères continuent de se battre,
et ce combat, traduit comme un acharnement, se retourne contre les
enfants. En cours de route, on aura oublié les témoignages
(requalifiés en "allégations"), gommé
la peur de l’agresseur ("climat maternel instable"),
tant appliqué à démontrer les manoeuvres machiavéliques
d’harpies hystériques.
Des signes que nous n’avons pas vus, des dessins que nous
avons jetés, des idées que nous n’avions pas
; un jour nos enfants nous envoient au détour d’une
conversation ce qu’il est impossible d’admettre : des
violences incestueuses. Si vite, c’est la vie qui s’écroule,
un homme que nous avons aimé, un enfant que nous avons porté,
les deux ont vécu dans le coin d’une chambre, sur le
canapé d’un salon, un rapport qu’un seul a décidé.
Ce "rapport", ces sévices sexuels, ce n’est
plus la télé qui les raconte, ce sont nos très
jeunes enfants ; ils ont moins de cinq ans. Des doigts dans les
fesses, au pipi dans la bouche, des "j’aime pas ça"
à "ça fait mal", les descriptions affluent.
Mais cette parole qui les libère, qui nous anéantit,
les conduit dans un autre cauchemar. Et si "par chance"
nos enfants continuent de parler, quand ils le disent à la
police, quand des experts psychiatres, reconnus sommités,
valident leur triste vécu, c’est l’étau
qui se resserre. Nos enfants ne risquent plus seulement alors de
continuer à subir, ils risquent d’être séparés
de leurs mères, prison pour elles, foyers pour eux. Tandis
que l’agresseur est traité en victime, on valorise
à l’excès toute trace de "tendresse",
de "fibre paternelle"...
Quand un parent viole en dehors du cercle familial, même
si le combat pour ces enfants reste difficile, les "affaires"
sortent de plus en plus ; on brise alors un premier tabou, celui
de la pédophilie, son noir cousin l’inceste reste par
contre à l’écart.
Nos enfants ne sont pas plus à plaindre, mais leur souffrance
est triple, et leur guérison incertaine : victime d’un
parent, c’est leur construction qui s’effondre, victime
d’abus sexuel, c’est leur corps d’enfants que
l’on profane ; victime d’un tabou, c’est leur
guérison qu’on leur interdit.
Enferrés dans cette loi du silence, nos enfants n’ont,
semble-t-il, pas d’autre choix que celui de se taire. Pourtant
ces complots dont on nous accuse, ces manipulations dont on nous
fait reines ne sont que des prétextes : nos enfants, les
moins de cinq ans, nous abandonnent dans nos desseins lorsqu’ils
miment, qu’ils pleurent, ou qu’ils dessinent. Notre
force de persuasion a ses limites face à un enfant de cinq
ans, celle des agresseurs aussi. Car les enfants parlent ... mais
qui les écoute ? Nous, leurs mères, pour les défendre,
les protéger sommes contraintes de les exposer plus encore.
Parce que nous avons mis au monde ces enfants.
Parce que notre joie c’est leur bonheur.
Parce qu’ils grandiront et porteront plus loin leur vécu.
Pour nos enfants, pour leurs enfants, pour nos juges de demain,
nos présidents, nos travailleurs sociaux, nos ministres,
pour nos citoyens, et pour tous ceux qui subiront encore, nous,
mères en lutte, sommes décidées aujourd’hui
à nous battre, encore et encore. Jusqu’à ce
que nos enfants puissent un jour ne plus avoir peur.
Objectifs
- Permettre à d’autres femmes et enfants de sortir
de l’isolement et du doute.
- Mettre en place une ligne d’appel et un accueil régulier.
Des groupes de paroles permettront également d’apporter
un soutien moral et de proposer une écoute respectueuse.
- Accompagner ces mères et enfants : rencontre de juristes,
de psychologues et de médecins spécialisés
afin d’obtenir plus rapidement des décisions de justice
ainsi qu’un soutien thérapeutique pour les enfants.
- Sensibiliser juristes, magistrats, médecins, médias,
société à la question des violences sexuelles
incestueuses post-séparation.
Document intégral :
cliquer sur le lien ci-dessous pour le télécharger.
http://sisyphe.org/IMG/rtf/doc-437.rtf
(Document RTF, 251.9 ko)
LIRE ICI DEUX EXTRAITS DE CE DOSSIER
- Contrainte à la clandestinité pour protéger
sa fille. Témoignage.
http://sisyphe.org/article.php3?id_article=736
- Protéger son enfant contre un père agresseur est
souvent un lent et vain combat pour la mère, par le Collectif
féministe contre le viol
http://sisyphe.org/article.php3?id_article=738
Mis en ligne sur Sisyphe, le 14 novembre 2003
Sisyphe 2002-2006
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