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Origine : http://www-durs.u-strasbg.fr/Gazel35.htm
S'il y a un milieu professionnel épargné par le harcèlement
sexuel, c'est bien l'université. La preuve: aucun procès,
et jusqu'à présent aucune plainte répertoriée
par les associations de soutien aux victimes. Contrairement aux
Etats-Unis ou au Canada, dont les principales universités
sont dotées d'un «bureau d'intervention en harcèlement
sexuel», et de règlements régissant les relations
entre professeurs et étudiants, il y aurait en France «une
harmonie entre les sexes» qui protégerait et du puritanisme,
et des abus de pouvoir.
La pétition «contre le harcèlement sexuel dans
l'enseignement supérieur» que vient de lancer un groupe
de doctorants (étudiants en thèse) fait donc l'effet
d'un pavé dans une mer de silences (1). En quelques jours,
elle a recueilli plusieurs centaines de signatures. «Connaissant
l'ampleur du problème mais aussi l'ampleur du déni,
nous avons été surpris du large soutien de la communauté
des professeurs et des chercheurs, parmi les plus éminents»,
disent les instigateurs de la pétition.
Se taire. Tous et toutes s'inclinent devant la témérité
de ces jeunes gens, filles mais aussi garçons, qui prennent
le risque de se voir fermer les portes d'institutions où
l'on entre par cooptation ou recommandation. «Je les trouve
très courageux de rompre l'omerta, les soutient Janine Mossuz
Lavau, sociologue, directrice de recherche (CNRS-Sciences-Po), signataire.
J'ai eu à connaître trois cas précis, et on
ne sait pas quoi faire. Soit se taire, soit un procès au
pénal, on manque de recours internes. Et à force de
se taire, on finit par cautionner.» Une autre signataire rapporte
son impuissance face aux
déboires d'une de ses anciennes étudiantes, poursuivie
par son directeur de thèse: «Elle n'osait plus le rencontrer
et était en train d'abandonner sa thèse. Je lui ai
déconseillé de parler, elle est très mignonne,
ça lui serait retombé dessus. Je l'ai encouragée
à partir pour les Etats-Unis.»
Constitué en collectif sous le nom de «Clasches»
(Collectif de lutte antisexiste et contre le harcèlement
dans l'enseignement supérieur), ces doctorants comptent parmi
leurs proches des gens qui ont connu ce genre de problèmes.
«Souvent, ils n'avaient même pas conscience d'être
des victimes. Quand ils
parlaient, ils se retrouvaient au coeur de rumeurs assassines, et
systématiquement on leur conseillait d'aller chez le psychologue.»
Selon eux, le tabou est si fort que la plupart des victimes ignorent
jusqu'à l'existence de la loi de 1992 punissant les actes
de harcèlement sexuel. Pour Eric Fassin, sociologue (Ecole
normale supérieure), ce mouvement inattendu est à
inscrire dans une lente évolution française, qui va
du vote de cette loi jusqu'à celle sur la parité en
passant par la conscience des inégalités sur le marché
du travail. «L'université n'est pas un monde enchanté:
les rapports de pouvoir se mêlent aux relations intellectuelles
ce qui les rend d'autant plus difficiles à penser»,
dit-il. Les doctorants, en voie de professionnalisation, sont souvent
tributaires de leurs professeurs pour le financement de leurs travaux
mais surtout pour tous les coups de pouce indispensables: publication
d'un article, intégration dans une équipe de recherche,
recrutement à la fac ou au CNRS. «La pire illustration
de cette dépendance, expliquent les membres de Clasches,
c'est qu'il est presque impossible de changer de directeur de thèse.
Si ça se passe mal avec lui, ce n'est pas la peine d'aller
en chercher un autre, il ne voudra pas se fâcher avec son
collègue.»
Porte ouverte. Aux Etats-Unis, le débat a fait rage et il
a abouti, selon Eric Fassin, «à une discussion salutaire
autour des règles du jeu». Un professeur qui reçoit
une étudiante évitera souvent de fermer la porte.
«Cette prudence sur la forme, parfois excessive, reflète
une vigilance qui, sur le fond, n'a rien de
superflu.» Certaines universités ont voulu interdire
toute relation sexuelle entre étudiants et professeurs, estimant
que la relation de pouvoir ne garantissait jamais un consentement
libre. «Cette solution radicale a été très
critiquée aux Etats-Unis mêmes. Les universités
lui préfèrent une règle moins contraignante,
qui oblige l'enseignant(e) en cas de liaison, à renoncer
à la tutelle exercée sur l'étudiant(e).»
Clasches n'entend pas dénoncer les professeurs qui proposent
à leurs étudiant(e)s de discuter autour d'un verre
d'une lettre de recommandation. Le collectif demande que l'enseignement
supérieur mette en place des règlements et des commissions
disciplinaires incluant une représentation étudiante.
La
pétition, qui sera déposée au ministère
de la Recherche, a pour première ambition de «sensibiliser».
(1) http://clasches.multimania.com
Texte de la pétition
PETITION CONTRE LE HARCELEMENT SEXUEL DANS L’ENSEIGNEMENT
SUPERIEUR
L’égalité des sexes gagne du terrain dans la
société française et l’Enseignement supérieur
joue un rôle positif dans cette évolution. Malgré
des inégalités selon les filières et les niveaux,
la parité numérique entre les sexes semble globalement
acquise pour les étudiants, et les filles ont en moyenne,
aujourd’hui, rattrapé le niveau de diplôme des
garçons.
Cependant, la réelle dynamique d’égalisation
qui traverse le système ne saurait masquer les obstacles
et résistances qui perdurent, et démentent l’illusion
d’une marche inéluctable vers l’égalité.
En effet, une douloureuse réalité pèse sur
les promesses égalitaires dans l’enseignement supérieur.
Les nombreux faits de harcèlement sexuel qui existent au
sein des institutions d’enseignement et de recherche, à
l’instar des autres lieux de travail, restent aujourd’hui
largement occultés et étouffés. Les victimes
sont généralement isolées et démunies
alors que les agresseurs restent impunis, protégés
par leur statut et par la loi du silence. Cette situation aboutit
à un véritable déni de justice des victimes
et à un cautionnement tacite de ces pratiques par les institutions.
C’est pourquoi nous, doctorantes et doctorants, avons souhaité
nous constituer en collectif pour dénoncer les pratiques
de harcèlement sexuel au sein de l’Enseignement Supérieur
et la recherche.
Il existe depuis 1992 une loi définissant les actes de harcèlement
sexuel sur les lieux de travail comme passibles de sanctions pénales
(art. 222-33 du Code Pénal). Ce recours judiciaire est indispensable
mais il demeure, dans le cadre spécifique de l’Enseignement
Supérieur, largement insuffisant. Un tabou pèse encore
aujourd’hui sur les actes d’abus d’autorité
en matière sexuelle dans l’Enseignement supérieur,
comme le montre la méconnaissance de cette loi dans nos institutions
ainsi que l’absence de recours disciplinaires pour les étudiant-e-s
qui en sont victimes. Il est vrai que les relations entre étudiant-e-s
et enseignant-e-s sont difficiles à penser en tant que relations
de pouvoir, dès lors qu’elles sont aussi des relations
intellectuelles.
Aussi, il semble plus qu’urgent aujourd’hui d’en
finir avec les déclarations d’intentions : il est impératif
d’aider et de soutenir publiquement les victimes de harcèlement
sexuel. Pour que les voix qui s’élèvent ne restent
pas sans portée, il faut également réfléchir
ensemble et agir concrètement pour que les institutions de
l’Enseignement supérieur se dotent de moyens de lutte
contre le harcèlement sexuel.
Nous, doctorantes et doctorants, demandons à nos institutions
:
1. D’une part, de clarifier et diffuser sans attendre les
informations relatives au harcèlement sexuel, et notamment
la loi qui le punit
2. D’autre part, de mettre en place des règlements
et des commissions disciplinaires qualifiées incluant une
représentation étudiante
L’Enseignement Supérieur doit agir au plus vite, faute
de quoi il s’exonérerait de contribuer au progrès
de la justice et de l’égalité en son sein.
Aujourd’hui, nous invitons les étudiant-e-s, les enseignant-e-s
et chercheur-e-s de l’enseignement supérieur qui, comme
nous, considèrent que le harcèlement sexuel constitue
un grave problème, à signer ce texte dont nous prenons
l’initiative.
Cette pétition sera remise au Ministère de l'Education,
au Premier Ministre, au Service des droits des femmes et à
la Cnesser.
CLASCHES
(Collectif de Lutte Anti-Sexiste Contre le Harcèlement dans
l’Enseignement Supérieur)
Présentation du CLASCHES
Qui sommes-nous?
CLASCHES est un collectif d'étudiant-e-s créé
à l'initiative de doctorant-e-s en sciences sociales.
Notre objectif est triple:
- ouvrir le débat sur le harcèlement sexuel dans l'enseignement
supérieur en faisant connaître la loi qui le condamne
- dénoncer activement les pratiques trop répandues
d'abus d'autorité en matière sexuelle
- proposer des recours efficaces pour les victimes, notamment disciplinaires
en mobilisant les commissions existantes (internes et ministérielles)
qui méconnaissent souvent le problème spécifique
du harcèlement sexuel
Aujourd'hui notre action principale est de diffuser la pétition
contre le harcèlement sexuel dans l'enseignement supérieur,
auprès des étudiant-e-s, des enseignant-e-s, des chercheur-e-s.
Il est extrêmement important de lever le tabou sur le harcèlement
sexuel dans l'enseignement supérieur afin que les victimes
ne soient plus isolées et que les responsables n'agissent
plus dans l'impunité.
Il ne s'agit pas de porter un jugement moral, mais d'appliquer la
loi existante en révélant la complexité de
la relation entre professeur-e-s et étudiant-e-s et dans
laquelle peut s'opérer une confusion entre domination et
séduction.
Aussi, nous vous invitons à signer la pétition, à
la diffuser largement et à nous rejoindre au sein du collectif
si vous êtes étudiant-e.
Comment signer la pétition
" Pour soutenir cette pétition merci d'envoyer un mail
à petition_clasches
(at) yahoo.fr avec pour objet "OUI à la pétition
CLASCHES" et comme texte simplement votre nom, prénom,
statut et votre institution de rattachement. "
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