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Origine : http://www.ac-versailles.fr/PEDAGOGI/ses/traveleves/fichlect/lebaron1e.htm
L'objectif de l'auteur est d'analyser de façon critique
une catégorie disposant d'un fort prestige aujourd'hui :
les économistes. La thèse défendue est que
malgré une grande hétérogénéité
de positions et de parcours l'ensemble des économistes partage
et fait partager une même croyance.
L'économie se donne à voir comme scientifiquement
fondée et largement autonomisée. Or ces deux points
font l'objet de la critique de F. Lebaron.
D'une part, en référence implicite aux sciences dites
dures, il insiste sur le fait qu'il n'existe pas d'accord sur les
savoirs et propositions de "base" de cette science; ce
qui rend les contours de la catégorie des économistes
extrêmement flous. L'auteur parle alors de "mythe de
l'économiste" par le simple constat que cette catégorie
regroupe des individus présentant des caractéristiques,
notamment professionnelles, hétérogènes.
D'autre part, l'auteur souligne la forte corrélation qui
existe entre les positions institutionnelles et les choix scientifiques
des économistes.
On pourrait penser que ces remarques peuvent avoir quelque validité
pour d'autres disciplines universitaires. Mais il apparaît
que le propos est plus radical et insiste sur une spécificité
du champ de l'économie. C'est, en effet, la combinaison des
deux critiques qui semble permettre à l'auteur de dénier
tout sens véritablement scientifique aux controverses entre
les économistes : "La diversité des croyances
économiques qui ont cours dans le champ des économistes
semble ne pas renvoyer en premier lieu à des controverses
théoriques ou empiriques, mais la dépendance de ce
champ par rapport au champ du pouvoir." (p.82)
C'est à partir de ces remarques que F. Lebaron tente d'expliquer
l'hégémonie du modèle néo-classique
et, dans la même perspective, l'utilisation sans cesse croissante
des mathématiques; ces deux éléments étant
présentés comme la simple résultante des liens
de subordination avec le champ politique : " Une des forces
du modèle néoclassique réside, plus précisément,
dans la correspondance étroite qu'il entretient avec une
croyance politique et bureaucratique où la définition
d'objectifs quantifiables commande la recherche de moyens cohérents
et "économiques" pour les réaliser, la programmation
informatique réalisant ce projet de "contrôle
optimal", particulièrement dans le domaine stratégique
(économique, y compris avec la planification, ou militaire)."
(p.132)
Or c'est par ce recours forcé aux mathématiques que,
pour l'auteur, les économistes sont amenés à
partager et faire partager une même croyance économique
: "La souplesse mathématique de ce point de départ
[il s'agit du choix des hypothèses de travail] ne rencontre
donc pour seule contrainte absolue qu'un axiome anthropologique
: le comportement d'un agent économique peut être formalisé
comme étant régi par la recherche de la satisfaction
d'un objectif quantifiable, quel qu'il soit, sous des contraintes
également quantifiables. […] Ce socle ne fait guère
l'objet de discussions et ramène régulièrement
la défense des modèles sur le terrain des principes.
Le principe de maximisation fonctionne comme l'expression formalisée
de la croyance des hommes d'action et des décideurs (financiers,
ingénieurs, etc.) selon laquelle le calcul est l'horizon
de l'action sur le monde." (p.134) C'est là l'essentiel
du propos.
A partir de cette proposition F. Lebaron nie toute possibilité
et efficacité d'une quelconque critique interne, c'est à
dire venant des économistes eux-mêmes ; ce faisant
il réduit l'économie à l'économie néoclassique
aujourd'hui dominante : "En réalité, les croyances
[notons qu'il s'agit toujours de croyances!] hérétiques
ne cessent d'exercer un effet sur la croyance dominante, ne serait-ce
qu'en la forçant toujours plus à l'explicitation,
voire à l'autodépassement, et en participant ainsi
de la dynamique interne de la sophistication des controverses, même
les plus apparemment "orthodoxes"." (p.144)
L'auteur présente donc un monde "clos", condamné
à la redite sans cesse plus sophistiquée d'une même
croyance originelle, et dont on ne peut rien attendre si ce n'est
des actions de prosélytisme de la "raison économique"
: "…même si les producteurs de croyance économique
sont séparés par ce que l'on réduit parfois
à des "idéologies" opposées (néolibéralisme,
keynésianisme, socialisme, marxisme, etc.), ils participent
tous à un même univers et tentent d'y imposer leurs
propres croyances économiques : pris dans une lutte pour
l'imposition de croyances économiques particulières,
ils contribuent tous inconsciemment à faire reconnaître
la légitimité de la croyance économique."
(p.154) Cette dernière affirmation, qui fait peu de cas de
nombreux débats (voir, dans ce même numéro,
notre débat sur l'actualité de Keynes), nous semble
problématique.
Guy Dreux
contact ses at ac-versailles.fr
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