Origine : http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3224,36-724656,0.html
De nombreux responsables d'associations s'occupant d'immigrés,
ainsi que des magistrats, s'inquiètent du durcissement de
la politique du gouvernement en matière d'immigration, de
justice et de police. Certains n'hésitent pas à parler
de "lepénisation".
Nous avons repris point par point le programme du Front national
dans ces domaines. Force est de constater que bon nombre des propositions
qu'il contient sont aujourd'hui appliquées, ou en passe de
l'être.
Mais on observe aussi que le Front national reste le seul à
réclamer des mesures dont aucun autre parti ne veut. Parmi
celles-ci on trouve, par exemple, la préférence aux
Français en matière de logement et de prestations
sociales, ou le rétablissement de la peine de mort. Enfin,
sur certains sujets, tels que la double peine ou l'immigration zéro,
la droite au pouvoir a adopté des positions contraires ou
substantiellement différentes de celles de l'extrême
droite.
IMMIGRATION
Abroger le regroupement familial. Depuis sa création,
en 1976, le droit au regroupement familial n'a cessé d'être
rogné par l'application stricte de conditions liées
aux ressources et au logement. Aujourd'hui, Dominique de Villepin
souhaite porter d'un à deux ans la durée du séjour
au terme duquel un étranger vivant en France peut faire une
demande de regroupement familial. Le premier ministre veut aussi
soumettre cette demande à la condition d'une "maîtrise
de la langue française".
Ramener le droit d'asile à sa vocation originelle.
Les décrets d'application de la loi Villepin de
2003 sur l'asile restreignent l'octroi du statut à tous les
stades de la procédure. Les critères de recevabilité
des demandes empêchent, faute de temps, des demandeurs de
pouvoir être entendus, y compris en appel. M. de Villepin
a annoncé qu'il souhaitait diminuer à nouveau les
délais imposés.
Lutter contre le faux tourisme. La loi Sarkozy
de novembre 2003 rend plus difficile l'obtention des visas. Il est
de plus en plus difficile pour les ressortissants des pays en développement
d'obtenir un visa de tourisme, les autorités se montrant
tatillonnes sur les garanties et les documents exigés.
Procéder à l'expulsion effective des immigrés
clandestins. Le gouvernement a pour objectif d'expulser
20 000 personnes en situation irrégulière en 2005
et 25 000 en 2006. La loi Sarkozy de 2003 alourdit les peines encourues
par les employeurs, les passeurs et les transporteurs de clandestins.
Réaffirmer le droit de la filiation. Le
ministre de l'outre-mer, François Baroin, a évoqué
la possibilité de remettre en question le droit du sol, dans
les départements et territoires français de l'océan
Indien et d'Amérique, pour lutter contre l'immigration clandestine.
Fonder la naturalisation sur l'assimilation. L'article
21-24 du code civil stipule, depuis 1945, que "nul ne peut
être naturalisé s'il ne justifie de son assimilation
à la communauté française, notamment par une
connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française".
La loi Sarkozy de 2003 impose une connaissance "des droits
et devoirs" et organise le contrôle de celles-ci.
Instaurer une période probatoire. Un étranger
ne peut demander la nationalité française que deux
ans après son mariage avec une personne de nationalité
française. Ce délai va passer à quatre ans
et, lorsque le mariage sera célébré à
l'étranger, le consul devra s'assurer qu'il n'est pas forcé
ou de complaisance.
Appliquer la déchéance de nationalité.
Celle-ci est appliquée à l'encontre d'islamistes radicaux.
La loi contre le terrorisme, qui vient d'être adoptée
par le Parlement, porte de dix à quinze ans le délai
durant lequel la déchéance de nationalité est
possible après la naturalisation.
Interdire toute subversion sous couvert d'islamisme ; contrôler
les associations étrangères. Le ministère
de l'intérieur a mis en place, fin 2004, un réseau
de pôles régionaux de lutte contre l'islam radical,
placé sous l'autorité des préfets. Ceux-ci
utilisent les ressorts de la police administrative (recherche d'infractions
sanitaires, fiscales ou au droit du travail) pour traquer les foyers
de prosélytisme radical. Depuis octobre 2003, 34 islamistes
ont été expulsés de France.
Rester maîtres de nos frontières. L'ouverture
des frontières, dans le cadre des accords de Schengen, n'est
pas mise en cause, mais, après les attentats de Londres,
en juillet, M. Sarkozy a utilisé la clause de sauvegarde
pour rétablir les contrôles.
Expulser les condamnés étrangers à
l'expiration de leur peine. La "double peine",
condamnation plus expulsion, n'a pas été complètement
supprimée. Il existe encore des possibilités d'application.
M. Sarkozy a demandé l'expulsion de jeunes ayant pris part
aux violences dans les banlieues en novembre.
JUSTICE ET POLICE
Conforter la famille comme lieu d'éducation.
M. de Villepin a annoncé la création d'un "contrat
de responsabilité" que les parents d'enfants en grande
difficulté scolaire devront signer. Le non-respect de ce
contrat pourra entraîner une amende, une mise sous tutelle
des allocations familiales ou une suspension du versement de celles-ci.
Bannir la politisation de la magistrature ; supprimer l'Ecole
nationale de la magistrature. Des magistrats dénoncent
des pressions de la direction de cette école sur des maîtres
de conférences appartenant au Syndicat de la magistrature
(SM, gauche) et leur éviction à travers les nouveaux
recrutements.
Organiser une coopération étroite entre la
police et la justice. Une circulaire du ministère
de l'intérieur en date du 4 février 2004 invite les
policiers à "signaler systématiquement au magistrat
les affaires dans lesquelles les suites judiciaires (leur) apparaissent
insuffisantes ou mal appropriées".
Rétablir la justice de paix. La première
loi Perben de 2002 a créé des juges de proximité.
Ceux-ci n'ont pas toujours de formation juridique et leur impartialité
est remise en question.
Réhabiliter la notion de peine prompte, certaine
et incompressible. La loi Perben 1 étend le recours
à la comparution immédiate. En ce qui concerne les
peines incompressibles, M. Sarkozy a réaffirmé son
intention d'instaurer des peines planchers pour les multirécidivistes.
Réduire les délais des procédures
de justice. A la comparution immédiate, la loi Perben
1 a ajouté, pour les mineurs, la "comparution à
délai rapproché". La loi Perben 2 de 2004 a créé
le "plaider-coupable", qui permet au procureur de proposer
directement une peine à une personne qui a reconnu les faits,
sans procès. Cette procédure touche presque toutes
les infractions pénales punies jusqu'à cinq ans de
prison.
Sanctionner les manifestations publiques d'incitation à
la débauche et à la violence. La loi de 2003
sur la sécurité intérieure a créé
le délit de racolage passif pour les prostituées et
punit plus fortement les auteurs d'infraction dans les stades. M.
Sarkozy a manifesté la volonté de rétablir
la loi anticasseurs, abolie en 1981, qui rend responsables des violences
les organisateurs des manifestations.
Faciliter les contrôles d'identité.
La loi sur la sécurité intérieure de mars 2003
a étendu les possibilités d'intervention de la police
en matière de fouille et de contrôle d'identité.
Séparer les différentes catégories
de détenus. Des magistrats se plaignent de ce qu'ils
considèrent comme une gestion communautariste de la détention.
Christiane Chombeau
Article paru dans l'édition du 27.12.05 Le Monde
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