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Le Pen dans le texte... des autres
LE MONDE 26.12.05

Origine : http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3224,36-724656,0.html

De nombreux responsables d'associations s'occupant d'immigrés, ainsi que des magistrats, s'inquiètent du durcissement de la politique du gouvernement en matière d'immigration, de justice et de police. Certains n'hésitent pas à parler de "lepénisation".

Nous avons repris point par point le programme du Front national dans ces domaines. Force est de constater que bon nombre des propositions qu'il contient sont aujourd'hui appliquées, ou en passe de l'être.

Mais on observe aussi que le Front national reste le seul à réclamer des mesures dont aucun autre parti ne veut. Parmi celles-ci on trouve, par exemple, la préférence aux Français en matière de logement et de prestations sociales, ou le rétablissement de la peine de mort. Enfin, sur certains sujets, tels que la double peine ou l'immigration zéro, la droite au pouvoir a adopté des positions contraires ou substantiellement différentes de celles de l'extrême droite.

IMMIGRATION

Abroger le regroupement familial. Depuis sa création, en 1976, le droit au regroupement familial n'a cessé d'être rogné par l'application stricte de conditions liées aux ressources et au logement. Aujourd'hui, Dominique de Villepin souhaite porter d'un à deux ans la durée du séjour au terme duquel un étranger vivant en France peut faire une demande de regroupement familial. Le premier ministre veut aussi soumettre cette demande à la condition d'une "maîtrise de la langue française".

Ramener le droit d'asile à sa vocation originelle. Les décrets d'application de la loi Villepin de 2003 sur l'asile restreignent l'octroi du statut à tous les stades de la procédure. Les critères de recevabilité des demandes empêchent, faute de temps, des demandeurs de pouvoir être entendus, y compris en appel. M. de Villepin a annoncé qu'il souhaitait diminuer à nouveau les délais imposés.

Lutter contre le faux tourisme. La loi Sarkozy de novembre 2003 rend plus difficile l'obtention des visas. Il est de plus en plus difficile pour les ressortissants des pays en développement d'obtenir un visa de tourisme, les autorités se montrant tatillonnes sur les garanties et les documents exigés.

Procéder à l'expulsion effective des immigrés clandestins. Le gouvernement a pour objectif d'expulser 20 000 personnes en situation irrégulière en 2005 et 25 000 en 2006. La loi Sarkozy de 2003 alourdit les peines encourues par les employeurs, les passeurs et les transporteurs de clandestins.

Réaffirmer le droit de la filiation. Le ministre de l'outre-mer, François Baroin, a évoqué la possibilité de remettre en question le droit du sol, dans les départements et territoires français de l'océan Indien et d'Amérique, pour lutter contre l'immigration clandestine.

Fonder la naturalisation sur l'assimilation. L'article 21-24 du code civil stipule, depuis 1945, que "nul ne peut être naturalisé s'il ne justifie de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française". La loi Sarkozy de 2003 impose une connaissance "des droits et devoirs" et organise le contrôle de celles-ci.

Instaurer une période probatoire. Un étranger ne peut demander la nationalité française que deux ans après son mariage avec une personne de nationalité française. Ce délai va passer à quatre ans et, lorsque le mariage sera célébré à l'étranger, le consul devra s'assurer qu'il n'est pas forcé ou de complaisance.

Appliquer la déchéance de nationalité. Celle-ci est appliquée à l'encontre d'islamistes radicaux. La loi contre le terrorisme, qui vient d'être adoptée par le Parlement, porte de dix à quinze ans le délai durant lequel la déchéance de nationalité est possible après la naturalisation.

Interdire toute subversion sous couvert d'islamisme ; contrôler les associations étrangères. Le ministère de l'intérieur a mis en place, fin 2004, un réseau de pôles régionaux de lutte contre l'islam radical, placé sous l'autorité des préfets. Ceux-ci utilisent les ressorts de la police administrative (recherche d'infractions sanitaires, fiscales ou au droit du travail) pour traquer les foyers de prosélytisme radical. Depuis octobre 2003, 34 islamistes ont été expulsés de France.

Rester maîtres de nos frontières. L'ouverture des frontières, dans le cadre des accords de Schengen, n'est pas mise en cause, mais, après les attentats de Londres, en juillet, M. Sarkozy a utilisé la clause de sauvegarde pour rétablir les contrôles.

Expulser les condamnés étrangers à l'expiration de leur peine. La "double peine", condamnation plus expulsion, n'a pas été complètement supprimée. Il existe encore des possibilités d'application. M. Sarkozy a demandé l'expulsion de jeunes ayant pris part aux violences dans les banlieues en novembre.

JUSTICE ET POLICE

Conforter la famille comme lieu d'éducation. M. de Villepin a annoncé la création d'un "contrat de responsabilité" que les parents d'enfants en grande difficulté scolaire devront signer. Le non-respect de ce contrat pourra entraîner une amende, une mise sous tutelle des allocations familiales ou une suspension du versement de celles-ci.

Bannir la politisation de la magistrature ; supprimer l'Ecole nationale de la magistrature. Des magistrats dénoncent des pressions de la direction de cette école sur des maîtres de conférences appartenant au Syndicat de la magistrature (SM, gauche) et leur éviction à travers les nouveaux recrutements.

Organiser une coopération étroite entre la police et la justice. Une circulaire du ministère de l'intérieur en date du 4 février 2004 invite les policiers à "signaler systématiquement au magistrat les affaires dans lesquelles les suites judiciaires (leur) apparaissent insuffisantes ou mal appropriées".

Rétablir la justice de paix. La première loi Perben de 2002 a créé des juges de proximité. Ceux-ci n'ont pas toujours de formation juridique et leur impartialité est remise en question.

Réhabiliter la notion de peine prompte, certaine et incompressible. La loi Perben 1 étend le recours à la comparution immédiate. En ce qui concerne les peines incompressibles, M. Sarkozy a réaffirmé son intention d'instaurer des peines planchers pour les multirécidivistes.

Réduire les délais des procédures de justice. A la comparution immédiate, la loi Perben 1 a ajouté, pour les mineurs, la "comparution à délai rapproché". La loi Perben 2 de 2004 a créé le "plaider-coupable", qui permet au procureur de proposer directement une peine à une personne qui a reconnu les faits, sans procès. Cette procédure touche presque toutes les infractions pénales punies jusqu'à cinq ans de prison.

Sanctionner les manifestations publiques d'incitation à la débauche et à la violence. La loi de 2003 sur la sécurité intérieure a créé le délit de racolage passif pour les prostituées et punit plus fortement les auteurs d'infraction dans les stades. M. Sarkozy a manifesté la volonté de rétablir la loi anticasseurs, abolie en 1981, qui rend responsables des violences les organisateurs des manifestations.

Faciliter les contrôles d'identité. La loi sur la sécurité intérieure de mars 2003 a étendu les possibilités d'intervention de la police en matière de fouille et de contrôle d'identité.

Séparer les différentes catégories de détenus. Des magistrats se plaignent de ce qu'ils considèrent comme une gestion communautariste de la détention.

Christiane Chombeau
Article paru dans l'édition du 27.12.05 Le Monde