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Origine => Message mail
Derrière le refus du CPE on entend d’abord la peur,
la peur de ceux qui se savent seuls face aux pouvoirs, d’être
encore plus dépourvus face à la suprématie
de l’économie ; et cette peur ne trouve d’autre
voie que de se traduire en demande de sécurité. Mais
justement, alors qu’on implore sa protection, la domination
se renforce, et fait disparaître toute niche à l’abris
de la crise économique générale : on transforme
le RMI en RMA, on sucre les aides, on accule à l’insertion
à tout prix. Et on fait encore mine de s’étonner
qu’une société qui en appelle au plein emploi
aspire dans le même temps au plein contrôle. Il apparaît
pourtant clairement qu’il y a une implication réciproque
entre travail et société sécuritaire. Le flicage
des chômeurs, des parasites, étant naturellement de
premier ordre, il importe également pour le maintien de cet
ordre des choses que pèse sur tout un chacun le risque de
la déchéance, de l’exclusion, direction case
misère.
La précarité est cet espace inconfortable entre danger
et sécurité. Toute situation à l’intérieur
du monde du travail, c’est-à-dire dans ce monde, est
donc une situation précaire. Ceux qui luttent contre la précarisation
et le CPE au nom de la défense des « acquis sociaux
», comme le droit du travail ou la sécurité
de l’emploi, semblent ne pas réaliser la misère
dans laquelle le salariat nous maintient. Mais à nous, on
ne nous le refera plus, le coup de la mobilisation pour défendre
notre confort misérable. Nous ne nous battrons pas pour le
maintien du CDI ni pour aucun autre contrat, qui rimerait toujours
avec exploitation. La promesse hypocrite d’un boulot épanouissant
est loin de nous faire sourire : à voir quel projet de société
sert aujourd’hui le travail, elle nous donnerait plutôt
envie de donner des coups. Un monde qui veut nous mettre au travail,
même avec le sourire, ne nous inspire que de la haine.
On pourrait s’inquiéter, au-delà de la précarité
certaine de leur statut, de celle, non moins préoccupante,
de la santé mentale des parcmètres humains, metteurs-de-courses-en-sac,
et autres téléopérateurs abrutis par l’emploi
qu’ils doivent faire d’eux-mêmes. Et l’on
ne saurait ignorer l’explosion simultanée des effectifs
dans de tels secteurs d’activité insensés, et
dans des spécialités plus concrètement nuisibles
(policiers, managers, contrôleurs, vigiles et compagnie; en
un mot, flics de tout poil). Double mouvement qui produit à
la fois la promesse de la sécurité, pour qui se soumet
tant bien que mal, et la menace de la répression, pour qui
vomit à la simple idée de participer à ce monde,
ou n’arrive tout simplement pas à s’y conformer.
Société du libre choix : Prozac ou matraque.
On nous a si bien appris à nous écraser, à
jouer le jeu de la négociation, de la manifestation, de la
grève sans lendemain, que les ennuyeuses perspectives des
syndicalistes apparaîtraient presque comme un horizon indépassable.
On voudrait contenir l’élaboration politique dans un
carcan où toutes les alternatives ne font finalement que
renforcer le contrôle que la domination exerce sur nos vies.
On aimerait ne jamais voir remis en cause les dogmes sur lesquels
repose ce vieux monde. On ne saurait imaginer une société
basée sur autre chose que le travail, la sécurité,
la gestion, où la vie est aussi palpitante qu’un trajet
de métro.
Il nous semble évident que le véritable enjeu ici
n’est pas de déterminer quel type de contrat nous pourrions
négocier, mais de tisser dans la lutte des liens, des complicités
qui rompent avec tous les rapports contractuels, afin de répondre
pied à pied et coup pour coup aux attaques dont nous sommes
cible au sein de la crise généralisée. Ce qui
est en jeu, ce que nous mettons en jeu, c’est un sabotage
possible des rouages du quotidien, une réponse collective
à la situation qui nous est faite, cet état d’exception
permanent où tout va mal, et qu’on veut nous faire
croire normal. Il nous faut suspendre le cours des choses, donner
libre cours aux possibles. Désertons et formulons ensemble
les énoncés qui rendent intenables les mensonges des
alternatives et des réformes. Traçons une ligne de
partage. Prenons parti.
La liberté est une expérimentation
collective
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