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Immigration : Laissez circuler !
par Maam Daour WADE

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Date: 9 Novembre 2003
Objet: [zpajol] Immigration : Laissez circuler !
<http://www.lequotidien.sn/articles/article.CFM?article_id=8138>

Immigration : Laissez circuler !
par Maam Daour WADE
- Ecrivain-Cinéaste-Conteur - BP 5270 Dakar-Fann

Article publié dans l'édition du Quotidien (Sénégal) du mercredi 5 novembre 2003

Il s'agit de jeter un éclairage sur un phénomène qui a commencé depuis la nuit des temps de l'humanité et qui continuera à s'accentuer d'année en année : l'immigration.

L'immigration est un phénomène propre à tous les êtres vivants. De temps à autres, les oiseaux migrent d'un continent à un autre pour de meilleures conditions de vie et pour une période déterminée. Les animaux en font de même. A des époques précises de l'année, ils quittent un endroit donné pour aller à un autre, y passer une saison de leur vie. Les oiseaux et les animaux, mus par l'instinct de conservation de leurs espèces inscrit dans leur code génétique, n'ont cure des frontières artificielles dressées par les humains et émigrent, le moment venu sans passeports ni visas ! Le même instinct de conservation, qui pousse les oiseaux et les animaux à partir sous d'autres cieux plus cléments, pousse aussi des êtres humains à vouloir changer de pays ou de continent. Et voila que des procédures mises en place par des humains, supposés être des intelligences supérieures, barrent la route à ceux qui, à l'image de ces oiseaux migrateurs, voudraient juste partir, le temps d'échapper aux rigueurs du climat, aux difficultés économiques. Que non lui rétorque-t-on de l'autre côté en leur montrant une liste de préalables auxquels ils ne peuvent satisfaire.

D'un côté les gouvernants acceptent que des oiseaux ou des animaux viennent séjourner dans leurs pays pour une saison en leur aménageant même des parcs d'accueil où ils sont protégés des chasseurs au moment où la même faveur est refusée à des êtres humains. Les hommes sont-ils tombés sur la tête ? Il est grand temps de trouver une solution à ce problème pour le plus grand bien de l'humanité entière par une relecture des rapports entre les humains, à la lumière des drames liés à l'émigration.

Décidément, une humanisation de l'émigration s'impose à l'échelle planétaire. Nous voyons combien est frappant le parallèle entre les oiseaux, les animaux et les hommes dans le cadre du phénomène de la migration. Il existe des voies pour des solutions possibles pour que la Terre ne soit qu'un seul et même pays.

C'est bien avant les indépendances africaines que l'immigration, un phénomène, du reste universel, a commencé. Ces dernières années, il s'est intensifié à tel point qu'il n'est pas exagéré de parler de déferlante migratoire. Que s'est-il passé ? Tout simplement les pays du Nord sont devenus beaucoup plus riches et les pays du Sud sont devenus beaucoup plus pauvres. Des raisons multiples expliquent au plan historique, économique et sociologique une telle fracture. Quoi qu'il en soit le fait est là, palpable et douloureux.

Presque toutes les campagnes africaines se vident de leurs bras valides qu'exige la mise en valeur de projets viables de développement pour les communautés où ne vivent que de vieilles personnes, des femmes et des enfants.

Ce triste constat est symptomatique des comportements de populations en désarroi où les jeunes sont en butte au sous-emploi et à la précarité de leurs conditions de vie.

Dans le village global où nous vivons, les médias déversent des images d'un monde occidental opulent qui font miroiter un autre ailleurs meilleur. Chimères ou non, les jeunes n'en ont cure. Partir devient un objectif parfois secret ou affiché pour lequel toutes les énergies sont mobilisées.

L'essentiel est de monter «Yéeg» (Partir en Europe ou aux Usa). Désormais ils ne rêvent que d'Europe ou d'Amérique et cultivent l'illusion par l'habillement et le langage.

Les départs donnent souvent lieu à des déchirements, des ruptures, des cassures et des renoncements difficiles.

Atteindre l'eldorado est au prix de la vie et aucun d'entre eux ne rechigne à l'offrir sur les plateaux de la balance de l'aventure que sont le visa et le voyage.

Ils se font arnaquer par des démarcheurs en visas véreux qui les accrochent à leurs hameçons de l'océan agité de leur rêve.

Ils meurent de soif dans leur traversée du Sahara ou au détroit de Gibraltar où dans quelque autre cimetière marin avec le chavirement de leurs frêles embarcations.

Ils peuvent aussi finir souvent leur parcours dans des camps d'internement tristement célèbre au Sud de l'Espagne, en France ou ailleurs. Certains en sont repartis pieds et poings liés dans les charters de la honte vers le continent africain. Il est vrai que l'on a commencé à civiliser les retours, mais… Pour «les bienheureux» qui seront passés à travers les mille mailles des filets des services de l'immigration des pays européens, c'est presque «UN PARADIS» qui s'ouvre à eux. Ceux-là se disent qu'ils n'ont pas le droit d'échouer.

Ils n'ont qu'un seul devoir : Réussir. Et ils appliqueront l'adage Wolof : «Tey ma am, mbaa ma dee, mbaa dootuma ñibbi ! «(Maintenant, je réussirai ou je mourai ou je ne retournerai plus jamais au pays !) Un immigré africain interrogé sur Rfi disait : «Je préfère mon cadavre ici en Europe que moi vivant en Afrique» et il terminait par «je mourirai en France !» Ainsi, la plupart d'entre eux, ne reculeront devant rien pour atteindre cet unique but qu'ils poursuivent : S'extirper définitivement de la misère en devenant riche.

On verra alors plus d'un «innocent» au pays, se muter en véritable caïd pour ne pas être le dernier de sa génération, enfreignant le dicton Wolof : «Ku tukki ñaaw, fa nga dëkk, rafetoo fa !» (Qui voyage et devient vilain, n'était décidément pas joli dans son pays).

Certains trouvent des boulots honnêtes qui auront vite fait de les placer, côté finances, largement au-dessus des gens du pays. Il s'agira pour certains de retourner dignement afin de montrer à ceux de leur communauté, les signes flagrants de leur réussite.

Le retour au bercail de ces nouveaux riches, qui somme toute ont beaucoup de mérite, pour s'être hissés dans l'échelle sociale, fait de grands malheurs dans les rangs des jeunes de leurs générations et même bien au-delà.

Désormais les rêves de l'ailleurs de ces jeunes restés au pays sont scellés à jamais dans le béton par ces immigrants en vacances bardés d'or, de liras ou de dollars.

Ils seront d'ailleurs leurs empêcheurs de tourner en rond puisque les filles n'ont d'yeux que pour les immigrés quand il s'agit de mariage. Dans certaines localités de notre pays, les filles et leurs parents renvoient proprement tout garçon n'ayant pas de passeport avec plusieurs tampons de visas Shengen ou Usa et qui osent franchir le seuil de leur demeures.

Mais ceux-là qui «n'ont pas eu de chance», revenus au pays par charter, après un moment de répit, tentent toujours l'expérience du retour.

Qui ne souvient au Sénégal de l'histoire tragique du jeune Bouna Wade qui avait voyagé dans le train d'atterrissage d'un avion de ligne sur le trajet Dakar -Paris.

Miraculeusement rescapé de ce voyage, le jeune Bouna Wade devait être proprement renvoyé au Sénégal malgré les protestations des association de défenses des droits des immigrés.

Il moura broyé par le train d'atterrissage d'un avion dans lequel il tentait de réitérer sa tentative. Triste fin pour un habitant du Sud dont le seul tort est d'être né sous les tropiques et de vouloir goûter aux délices des mets du banquet de l'Universel que l'on nous avait pourtant promis pour l'An 2000.

Par les nuits d'hivernages, une bougie allumée, de par sa clarté qui tranche les ténèbres nocturnes, attire les insectes qui viennent se griller les ailes et s'engluent dans la chaude cire fondue.

Cela n'empêche que les insectes continuent de voler vers la bougie pour subir le même sort. N'est-ce pas étrange qu'il soit difficile pour un insecte d'apprendre sur les erreurs d'un autre insecte. Heureusement que nous ne sommes pas des insectes mais à nous voir agir, les insectes dans certains cas nous dépassent de loin de par leur organisation.

Cela m'amène à nous poser la brûlante question : N'y a t-il vraiment rien à faire sur la question de l'immigration ? Bien sûr que si ! Mais ce problème ne peut se résoudre qu'à l'échelle planétaire. Il serait illusoire de vouloir cantonner des jeunes qui ont soif de vivre dans une pauvreté et une misère qui perdurent. Tant que durera la fracture des richesses et des technologies entre le Nord et le Sud, les vagues migratoires continueront et s'accentueront, quelles que soient du reste les mesures prises dans le cadre de l'Union Européenne ou d'une quelconque autre organisation régulatrice de flux migratoire.

Répartissons mieux les richesses pour prévenir une catastrophe d'une ampleur insoupçonnée dans l'immigration. Certes il y a eu des morts d'Asiatiques dans des containers à Douvres, des centaines de naufragés et de milliers d'autres personnes en quête de mieux être, fuyant la misère ou la dictature.

Cependant, la grande crise de l'immigration à venir, dépassera toutes les prévisions. Agissons ensemble avant qu'il ne soit trop tard. Le phénomène de l'immigration est une bombe à retardement qu'il faut s'atteler à désamorcer dès à présent. Sa déflagration risque d'être terrible pour l'humanité. (...) Les opportunités qui s'offrent de par le monde appartiennent à l'humanité. Elles ne doivent être interdites à aucun être humain qui a envie de tenter sa chance ailleurs que dans son propre pays à cause des opportunités qu'il ou qu'elle y entrevoit. Gouvernants des pays riches, ouvrez vos frontières, enlevez les couvercles, les marmites sont en pleine ébullition.


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