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Entre l’Evéché et le
Squat de La Poudrière l’opposition semble totale. Pourtant,
les z’habitant/es de ce lieu ont essayé d’établir
le contact pour proposer une solution amiable (« z’habitant/es
» étant la nomination choisie par les personnes qui
vivent là-bas). L’Evéché a répondu
que la procédure judiciaire suivra son cours. L’expulsion
est inévitable, elle est programmée pour bientôt.
Ce conflit pousse à la réflexion, parce que le débat
sur les valeurs est central, encore une fois.
Du côté de l’Evéché, nous sommes
du côté de la défense de la propriété
avec le recours à la justice et à la police pour faire
respecter ce droit des riches. Le bâtiment était et
ouvert depuis plusieurs années. L’emplacement est idéal
pour une juteuse opération immobilière. Que ceci jette
à la rue une douzaine de personnes, que cela mette fin à
de nombreux projets collectifs, n’a aucune importance, l’Evèque
s’en lave les mains. Les valeurs spirituelles, dont serait
dépositaire ce chef religieux, n’existent plus devant
l’argent, l’efficacité de ces valeurs s’estompe
devant les valeurs matérielles de la spéculation immobilière.
La seule charité admise est celle qui procure bonne conscience
aux personnes qui donnent. L’Eglise continue de jeter l’opprobre
sur les gueux, ces mauvaises personnes qui refusent la croyance
en la transcendance divine, cette lointaine instance qui les ignore.
L’Evéché défend donc le droit de nantis
et use de la violence contre ceux et celles qui osent jouir de locaux
vides sans payer.
Du côté de La Poudrière, nous sommes parmi les
pauvres. L’état de nécessité a été
reconnu publiquement. Les z’habitant/es ont obtenu le soutien
de Mgr Gaillot, qui continue d’affirmer son engagement pour
la justice. L’association ‘l’Ecoute de la rue
», une association chrétienne du diocèse qui
s’occupe des SDF, des gens qui vivent dans la rue et sont
à la rue, s’est-elle aussi placée aux côtés
des squatteur/euses de l’ancien théâtre de la
rue du Colonel Boutin. Ces personnes, qui occupent ce lieu abandonné,
sont fidèles aux récentes prescriptions de l’Abbé
Pierre. Celui-ci légitime l’occupation des lieux vides
de nos villes. Cette figure religieuse encourage les chrétien/nes
à ouvrir les yeux et à regarder du côté
des plus pauvres. Il met en garde contre le sentiment de contentement
lié au confort parce qu’il fait vite oublier qu’à
côté de soi vivent des personnes qui n’ont pas
accès à ce dont on dispose en croyant que c’est
un dû.
Mgr Gaillot, l’association l’Ecoute de la rue et les
paroles de l’Abbé Pierre montrent que l’attention
aux pauvres existe encore chez les chrétien/nes et que les
valeurs spirituelles de cette religion doivent se traduire en une
solidarité concrète. D’ailleurs, les z’habitant/es
de La Poudrière semblent assez proches de certaines valeurs
chrétiennes. Le partage et l’accueil sont indéniables,
c’est un socle de base important. Le don et la gratuité
existent dans l’ancien théâtre. L’entraide
se vit tous les jours. Le respect des personnes est corollaire du
fonctionnement en assemblée communautaire. L’authenticité
est un horizon qui permet d’aller au-delà des apparences
tant valorisées par notre société.
On peut se demander si nous ne retrouvons pas ici l’antique
conflit entre le Tiers Etat et les Riches de notre temps, entre
des pauvres et les institutions qui organisent et font respecter
la domination d’une partie des humains sur les autres. La
Poudrière de par son existence et son fonctionnement dénonce
l’hypocrisie contemporaine. Ce projet de vie solidaire montre
qu’entre les mots, qui essaient de légitimer l’inégalité
de la répartition des richesses, et la réalité
il y a un gouffre qu’il est urgent de combler, si on croit
un peu à ce qu’on énonce. Encore une fois, l’égalité
et la justice se vivent au quotidien et se heurtent à la
défense de la propriété.
Jésus aurait pu naître à La Poudrière,
il y aurait rencontré la chaleur humaine et les hautes valeurs
morales, les grandes idées humanitaires, la charité
autogérée ici et maintenant. La Poudrière est
une nouvelle chance que des personnes se sont données pour
sortir de l’exclusion et de la stigmatisation qui l’accompagne.
Ces deux voies s’affrontent et j’ai l’impression
que les valeurs chrétiennes sont plutôt du côté
de La Poudrière que du côté de l’Evéché
nantais. Il faut rappeler que celui-ci ne condamne pas les intégristes
anti IVG ni les royalistes. La complicité avec les idées
fascisantes est toujours vivace dans notre beau pays. L’attitude
de l’Evéché local le confirme. Dès lors,
il n’est pas étonnant que la fracture entre les deux
options en présence se termine par l’intervention violente
de la police et la puanteur des gaz toxiques. Nous espérons
que l’Evèque n’oubliera pas de bénir les
matraques et les grenades.
L’alliance du sabre et du goupillon va encore frapper.
Ainsi-soit-il ! « Tipain Chaloupet» Nantes le 22 Mars 2004
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