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Mail sur la liste [zpajol] Dossier : Machine à expulser
En ce moment le Mali est "à l'honneur", cela expliquerait
entre autre les rafles ciblées sur Congolais , Camerounais,
et Chinois.
Solange.
"... En ce moment, à Paris, l'Algérie, la Chine,
l'Egypte coopèrent bien.
Mais certains pays comme l'Inde, la Tunisie, le Mali refusent quasi
systématiquement de reconnaître leurs ressortissants.
Rien ne sert d'ordonner un placement en rétention pour les
migrants de ces pays- là. La police se demande même
pourquoi continuer à les interpeller. Théoriquement,
Dramane le Malien devrait passer entre les mailles du filet. Mais
cette fois, le chef du 8e bureau décide sa mise en rétention.
«Le Mali, c'est 100% de refus depuis février, dit-il..."
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De la part de jean-pierre alaux
Objet : [Immigration.jetable] Dossier : Machine à expulser
"Nouvel Observateur", 18 octobre 2007 Lutte contre l'immigration
clandestine : Au coeur de la machine à expulser
Policiers, juges, fonctionnaires. Ils traquent les sans- papiers,
tentent de tenir les quotas d'Hortefeux, se démènent
avec les procédures. Comment l'administration française
vit au jour le jour la politique de Sarkozy ? Enquête sur
un système qui chauffe à plein régime mais
ne résout rien
par Sophie des Déserts, Florence Aubenas et Christophe Boltanski
Derrière la vitre valsent les cloches de Notre-Dame. Paris
s'éveille, la Seine se réchauffe au soleil d'automne.
De son bureau, au dernier étage de la Préfecture de
police, le spectacle est grandiose mais le commissaire Gilles Beretti
ne voit rien. Il a l'oeil fixé sur son ordinateur. Au téléphone,
le cabinet du préfet réclame les derniers résultats.
14 179 interpellations depuis début janvier, 1 776 expulsions,
loin du seuil de 3 680 fixé - pour Paris - d'ici à
la fin de l'année. Il y a quelques semaines, le nouveau ministre
de l'Immigration a tapé du poing sur la table, rappelant
l'objectif de 2007 : 25 000 reconduites à la frontière.
C'était 15 000 en 2004; 20 000 en 2005...«Personne
ne sait au juste d'où sortent ces chiffres», note,
philosophe, Gilles Beretti, mais c'est comme ça. Au-dessus
de sa tête, le portrait du nouveau président semble
lui rappeler tous les jours : 25 000 ! C'est compris ? La France
de Sarkozy a promis la fermeté.
Multiplication des contrôles d'identité, délivrance
à la chaîne d'arrêtés de reconduite à
la frontière, placements en rétention, partout, la
police et l'administration se démènent. A Paris, au
coeur de la fourmilière, c'est lui, Gilles Berett qui mène
la bataille. Tout se joue ici, dans son service, à la 12e
section des RG, pudiquement rebaptisée «pôle
d'éloignement». Le top en matière de lutte contre
les sans-papiers. Dans ce grand couloir gris, au 5e étage
de la Préfecture de police de Paris, 250 officiers - dont
35 chargés exclusivement du travail clandestin, combattent
- 7 jours sur 7 l'immigration irrégulière. Descentes
dans les ateliers, contrôles quotidiens dans les quartiers
chauds de la capitale, les fonctionnaires de la 12e, qui travaillent
main dans la main avec les services de la préfecture, arrêtent,
chaque jour, des dizaines d'étrangers en infraction. Le parquet
est sous pression, les tribunaux asphyxiés. Le système,
complexe, arbitraire, chauffe à plein régime, mais,
souvent, ne résout rien. Voyage au centre de la plus grosse
machine à expulser de l'administration française.
Ce mardi matin, une équipe de la 12e est en route vers la
gare du Nord. La routine : contrôle d'identité sur
la voie publique. Une vingtaine de policiers en civil se retrouvent
au terminal des bus. Des hommes, quelques femmes, jeans, sac au
dos, ils ont l'air d'étudiants, de simples badauds. Le chef
de l'opération remet à chacun la photocopie signée
du procureur les autorisant à effectuer, en vertu de l'article
78-2 du Code pénale des contrôles d'identité
dans le quartier pour une durée de trois heures.
«Contrairement à ce que les gens croient, indique
le lieutenant. Nous n'avons pas le droit d'interpeller sans autorisation
du parquet, sauf dans les gares internationales.» Ambiance
tendue, le ciel s'assombrit. Les équipes partent à
la pêche rue Saint-Denis. Quelques minutes plus tard.
Dramane, escorté par trois officiers, hisse sa grande carcasse
dans le camion des RG. Il a les dents du bonheur, une cicatrice
sur le front. Il bafouille qu'il est né en 1977, au Mali.
Il allait à un cours de français dans un foyer du
10e. Carole, la jeune femme des RG chargée de l'interrogatoire,
appelle aussitôt le «pôle de compétence»,
le bras droit de la 12e à la préfecture. Là-bas,
ils sont une quinzaine, devant leur ordinateur, chargés de
livrer en quelques minutes le maximum d'informations sur les étrangers
interpellés. Pour Dramane, «c'est bon», informe
une voix du pôle de compétence. Le Malien est dans
les fichiers, il a déjà fait l'objet de deux APRF
(arrêt préfectoral de reconduite à la frontière),
en 2003 et en 2005. Le jeune homme se laisse fouiller, emmener dans
le box à l'arrière du camion. D'autres bientôt
le rejoignent, un Algérien de 20 ans, Ali, cueilli en combinaison
de peintre à la sortie du bus, un Bangladais avec une valise
immense remplie de cassettes porno, un Sri Lankais, un Brésilien,
un Congolais, une Chinoise, mu- tique, et deux copains de Shanghai,
un petit et un grand maigre qui répète en boucle «papiers
maison».
A l'entrée du camion, il y a embouteillage. Un Zaïrois,
les lèvres gonflées de rage, hurle : «Je suis
souffrant», un Sénégalais tente de glisser qu'on
l'attend à la plonge dans un restaurant de Montparnasse.
Carole, pendue au téléphone avec le pôle de
compétence, ne sait plus où donner de la tête.
«Pour l'Haïtien, c'est pas bon, titre de séjour»,
l'Erythréen non plus : «Demande de réfugié
en cours. Au revoir monsieur.» Le Chinois, «compliqué»,
il a trois enfants, et à Paris, contrairement à d'autres
départements, on n'expulse pas les familles : politiquement
trop risqué. Par contre, le Sri Lankais, «tout bon.
Mister, you're going with us to the police station». Les PV
d'interpellation, préremplis, sont signés à
la chaîne. «Allez les gars, commande le chef. On y retourne.»
Ils cueillent aussitôt Eddy, un grand brun moulé dans
un costume en daim. Il dit qu'il est palestinien. «Ils racontent
tous ça», prévient un agent. On lui fait le
petit test, un «questions pour un champion», comme on
dit à la 12e : «Alors, elle est comment la carte d'identité
palestinienne ?»L'homme ne sait pas répondre, le pôle
de compétence ne l'a pas identifié mais, une fois
en garde à vue, ses empreintes digitales parleront peut-
être... Un policier lui demande s'il a sur lui une arme, un
couteau ?«Je ne suis pas un criminel», marmonne Eddy.
Au loin, depuis une demi-heure, une jeune fille à chignon
observe la valse des étrangers autour du camion des RG. «J'en
peux plus de voir, chaque jour, sous mes fenêtres, des gens
contrôlés au faciès, balance-t-elle.C'est honteux
toutes ces rafles...» Les policiers, eux, en ont assez d'entendre
ce mot ignoble. Non, ils ne sont pas des «fachos», simplement
des fonctionnaires qui font leur boulot. Ils pensent aux petites
Chinoises, qu'ils ont vues, enchaînées à des
machines à coudre, à Belleville, ils pensent aux milliers
d'étrangers qui rêvent aux lumières de la France
et se retrouvent à dormir à 10 dans 10 mètres
carrés pour 500 euros par mois.
«Aucun pays ne peut se permettre d'ouvrir grand ses frontières,
souffle l'un d'entre eux. L'Europe est une passoire. Sans un minimum
de répression, on est morts.»
Le camion blanc des RG démarre. Sous la pluie, la fille
au chignon crie : «J'espère qu'avec ça, au moins,
vous allez les faire vos chiffres.» Retour à la 12e
section. Bilan de l'opération : une quinzaine de sans-papiers
interpellés en deux heures. Dramane, le Malien arrêté
gare du Nord, Ali, l'Algérien en tenue de peintre, les deux
Chinois et les autres attendent, bras croisés, dans un petit
box en verre. Leur garde à vue vient d'être notifiée
au procureur de la République. Au bout de vingt-quatre heures,
quarante-huit heures maximum, ils seront fixés sur leur sort
: libè res ou places en centre de rétention en attendant,
peut-être, d'être expulsés vers leur pays de
naissance. On les informe qu'ils ont le droit de voir un médecin,
un avocat et un interprète. Les policiers disposent d'une
centaine de contacts, joignables jour et nuit, traducteurs, étudiants
parlant kurde, chinois, soneke, tamoul... L'interrogatoire se fait
derrière une vitre, au guichet, comme à la Sécu.
Un petit Bangladais poireaute, les yeux dans le vide. L'avocat commis
d'office, appelé trois heures plus tôt, n'est toujours
pas arrivé. Il y en a bien un, une femme, qui débarque
à l'accueil en furie : «J'ai plus de dix dossiers de
sans-papiers. A croire qu'il n'y a plus de délinquants dans
Paris !» Mais elle n'est pas là pour lui. Heureusement,
le traducteur de bengali arrive. L'interrogatoire commence. Le fonctionnaire
ouvre son fichier Word : «Allons-y :il habite où ce
monsieur ? - Chez des amis, répond l'interprète. -
De quoi vit-il ? - Parfois, il vend des fleurs.» Le petit
homme explique qu'il est arrivé en France en 2004 avec un
faux passeport, il a fait, sans succès, une demande de réfugié
à l'Ofpra (Office français de Protection des Réfugiés
et Apatrides). Le fonctionnaire demande d'épeler le nom de
l'organisme et poursuit : «Voulez-vous retourner au Bangladesh
?» Derrière la vitre, la petite tête dit non
: en cas de retour, prétend-il, il risque la mort. Fin de
l'interrogatoire. L'interprète, payé 18 euros de l'heure,
réclame ses sous. Le lieutenant jette un coup d'oeil au PV.
C'est ce qu'on appelle ici «le contrôle qualité»
: comme dans toute entreprise moderne, on s'assure que les «process»
ont bien été respectés. Car, pour «un
rien», une erreur de date, de signature, quelques minutes
de trop entre une interpellation et une garde à vue, tout
le travail des policiers peut partir en fumée. «L'ILE
[Infraction à la législation sur les étrangers]
est devenue une procédure quasi criminelle, s'indigne un
officier. Les JLD [juges des libertés et de la détention,
chargés, au bout de quarante-huit heures, de contrôler
la régularité de la mise en rétention] nous
cherchent des noises en permanence.» Plus d'un quart des sans-papiers
placés en rétention sont libérés pour
vice de procédure. La moitié d'entre eux seulement
seront expulsés. «La France est championne de l'embrouillamini
administratif et juridique», soupire Eric Jacquemin. Le chef
du 8e bureau de la Préfecture sait de quoi il parle. C'est
lui qui, avec ses agents, sélectionne les candidats au départ.
Lui qui, à l'instant même, décide du sort de
Dramane, d'Ali et de tous les malchanceux arrêtés aujourd'hui.
Partiront-ils avec un simple APRF, seront-ils placés au centre
de rétention administrative (CRA) de Vincennes ? Subtile
partie de roulette russe. Tout dépend du nombre de places
disponibles au CRA, de la situation de l'étranger et, surtout,
de sa nationalité. La machine à expulser tourne selon
l'humeur des magistrats, mais plus encore selon celle, changeante,
des consulats. Sans laissez-passer, aucune reconduite n'est possible.
En ce moment, à Paris, l'Algérie, la Chine, l'Egypte
coopèrent bien. Mais certains pays comme l'Inde, la Tunisie,
le Mali refusent quasi systématiquement de reconnaître
leurs ressortissants. Rien ne sert d'ordonner un placement en rétention
pour les migrants de ces pays- là. La police se demande même
pourquoi continuer à les interpeller. Théoriquement,
Dramane le Malien devrait passer entre les mailles du filet. Mais
cette fois, le chef du 8e bureau décide sa mise en rétention.
«Le Mali, c'est 100% de refus depuis février, dit-il.Mais
là, on a une photocopie de passeport, on va tenter le coup.»
Même tarif pour Ali, l'Algérien, le Bangladais vendeur
de fleurs, les deux copains de Shanghai...
Pas le choix, il y a 3 680 expulsions à réaliser d'ici
à fin décembre, même en incluant dans ce chiffre
les aides au retour, les interdictions de territoire pour les criminels,
les départs volontaires - tout de même trois à
cinq dossiers par semaine - l'objectif paraît compliqué,
d'autant que les Bulgares et les Roumains, qui, l'an dernier, assuraient
30% des reconduites, font désormais partie de l'Europe. Eric
Jacquemin, de sa belle plume, signe les mises en détention.
Sans états d'âme et sans illusion : «On laboure
la mer», dit-il.
Le drapeau français flotte, majestueux, au-dessus du CRA
de Vincennes.
Dramane, Ali et les nouveaux arrivants sont placés dans
le tout nouveau bâtiment. L'autre, incendié l'an dernier
par des «retenus», n'a pas encore été
rénové. Derrière le grillage, les élèves
de l'Ecole nationale de Police, hébergée sur le même
site, s'entraînent. «Bienvenue au CRA», lance
le commandant Bruno Marey. Le directeur a de grandes moustaches
grises et un bon sourire. On l'a chargé d'accueillir la journaliste.
La préfecture est soucieuse de montrer combien les sans-papiers
sont désormais bien traités.
Fini le temps pourtant pas si lointain - deux ans à peine
- où Paris les enfermait au dépôt dans des conditions
moyenâgeuses. Là-bas, sur l'île de la Cité,
il ne reste plus qu'une quarantaine de places pour les femmes. Le
CRA de Vincennes, rénové à grands frais, accueille,
lui, jusqu'à 280 hommes et 400 po liciers. «Le CRA
n'est pas une prison», assure le commandant Marey.
Bien sûr, il y a les barbelés de 3 mètres de
haut, partout des caméras de surveillance, mais à
l'intérieur les «retenus» circulent librement.
Ils ont, dès leur arrivée, un règlement intérieur
traduit dans toutes les langues, du savon, une brosse à dents,
des serviettes propres. Au bureau de l'Anaem (Agence nationale de
l'Accueil des Etrangers et des Migrations), ils peuvent trouver
une assistance psychologique, des conseils pour préparer
leur départ, à celui de la Cimade, la seule association
présente dans les CRA, ils peuvent bénéficier
d'une aide juridique. Une infirmière les accueille 20 heures
sur 24 : «Je distribue beaucoup de calmants, confie-t-elle.
Certains sont des habitués, qui ont déjà fait
deux, trois centres de rétention mais beaucoup sont perdus.»
Elle a scotché sur le mur la radio d'un estomac traversé
d'un couteau. Un Algérien n'a rien trouvé d'autre
pour éviter l'expulsion. D'autres avalent des fourchettes
ou des clous... La visite continue au pas de charge : ici, le réfectoire,
avec au menu, ce soir, salade farandole, crêpes au fromage
et coupe liégeoise, là, la salle de télé,
le coin téléphone. Les haut-parleurs crachent en continu
le nom de ceux qui ont de la visite ou doivent partir au tribunal.
Au bout du couloir, un homme agenouillé sur un drap prie.
Dehors, des dizaines de «retenus» tuent le temps sur
l'étroite promenade. Ils discutent, fument, étendent
leur linge. Un homme s'approche. La trentaine, un regard vif, des
boucles brunes : «Regardez-nous. Nous ne somme plus rien,
madame : des animaux, la machine nous casse.»Le Tunisien raconte
qu'il est étudiant à la Sorbonne, marié à
une Française, qu'il a lu Pascal et Montaigne. «Elle
est belle la France...»Autour de lui, soudain, un groupe se
forme, une masse d'habits sales et de regards suppliants. Ils disent
que «la bouffe est dégueulasse», qu'il n'y a«même
pas de poisson pour le ramadan», qu'au petit matin les Chinois
ont été libérés, comme ça, sans
raison.«Eux, ils peuvent payer de bons avocats», souffle
l'un. Un autre : «Il suffit de lâcher de la thune aux
consuls.»Allongé près de la table de ping-pong,
Dramane, le jeune Malien rencontré gare du Nord, fait un
petit signe de la main. En confiance, loin du camion des RG, il
explique qu'il est en France depuis 2000, qu'il fait des ménages
le soir dans des entreprises et qu'il paie même des impôts.«En
sept ans, personne ne m'avait jamais embêté»,
murmure-t-il.«Tout ça, c'est depuis Sarkozy.»
Son ami Ali, le peintre algérien, acquiesce. Lui est entré
en France au printemps. Pour 5 000 euros, un passeur l'a conduit
jusqu'à Almeria. Vingt-quatre heures de traversée
en mer puis trois jours dans les camps espagnols jusqu'à
ce qu'on lui dise : «Allez Jile !» Ce matin, les deux
copains ont, comme dix autres «retenus», tenté
de plaider leur cause devant la juge du tribunal administratif.
Ils demandaient l'annulation de leur arrêt de reconduite à
la frontière. Tous ont été déboutés.
Pour eux, la roulette russe continue. Fatalistes, ils disent : «
C'est Dieu qui décide. » Ils attendent que le juge
les libère ou prolonge encore la rétention, trente-deux
jours maximum, le temps que leur pays, peut-être, se décide
à les reconnaître. Le consul du Mali, comme à
son habitude, ne devrait pas signer de laissez-passer pour Dramane.
Celui d'Algérie, toujours coopérant, devrait, lui,
permettre l'expulsion d'Ali. Carlson Wagonlit, l'agence de voyage
du ministère, est déjà en train de chercher
un billet d'avion pour Alger. Le jeune homme sera prévenu
la veille du départ. Les anciens lui ont expliqué
qu'il pouvait refuser d'embarquer. Au pis, il risque trois mois
de prison, au mieux, il sera libéré. Ce soir, au téléphone,
Ali prévient sa mère qu'il risque de rentrer au bled,
plus tôt que prévu, et sans cadeaux.
Il est désolé, mais il retentera sa chance. Malgré
l'humiliation et les contrôles, il n'a pas renoncé
à la France.
http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2241/dossier/a356889-au_coeur_de_
la_machine_%C3%A0_expulser.html
Quand les flics doutent par Olivier Toscer
La grogne est encore sourde. Mais il suffit de surfer sur les forums
internet des syndicats policiers pour s'apercevoir que les quotas
d'expulsions mettent les commissariats au bord de la crise de nerfs.
Les flics engagés dans la chasse aux sans-papiers s'inquiètent
d'abord pour leur image auprès de la population. Le spectre
des rafles plane au-dessus des képis. «Je me demande
si c'est bien le rôle de la police nationale d'aller au domicile
des gens pour conduire une procédure d'éloignement,
note Hervé, gardien de la paix en Bretagne. Limage de la
police gagnerait si cette action était faite par un service
de l'immigration extérieure, comme cela se passe en Grande-Bretagne.»
Un de ses collègues renchérit : «Quand je vois
des CRS contrôler un Africain et expliquer que, comme il est
noir, il y a des chances qu'il soit étranger, je trouve que
cela est anormal et donne une mauvaise image de nous.» Le
spleen policier ne s'explique pas toujours pour des raisons morales
ou éthiques. Il prospère aussi sur l'angoisse d'un
quota impossible à atteindre. «Dans mon département
de l'ouest de la France, je les trouve où et comment, mes
étrangers en situation irrégulière ? s'interroge
un officier sur le web. Surtout dans une région comptant
à peine 1% d'étrangers en situation régulière
!» D'autres mettent en cause la complexité des procédures
d'expulsion et leur inefficacité. Un adhérent du syndicat
Alliance, réputé proche de la droite, s'indigne :
« Je trouve aberrant qu'un ministre vienne me dire qu'il faut
25 000 expulsions, puisque nous n'avons pas les moyens juridiques
d'interpeller les étrangers en situation irrégulière
! » Et de se lamenter sur les scrupules d'une législation
qui interdit théoriquement les contrôles massifs au
faciès.
http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2241/dossier/a356891-quand_les_fl
ics_doutent.html
"Nouvel Observateur", 18 octobre 2007 Chasse
à l'homme dans la rade : Les passeurs de Cherbourg
Ils ont fui leur pays, la guerre, la misère. Ils se retrouvent
dans le port du Cotentin, en attendant un passeur pour l'Angleterre.
Cherbourg, nouveau Sangatte ?
par Christophe Boltanski
L'homme vient de surgir de l'obscurité. Il pénètre
lentement dans le port presque désert. A la vue d'une voiture
de police, il ne déguerpit pas. Bien au contraire. Il va
à sa rencontre et apostrophe ses occupants. Il a aperçu
des Asiatiques marcher vers la zone fret. «Pourquoi vous les
laissez passer et pas nous ?», demande-t-il à la patrouille.
Il a confondu des marins philippins avec ses compagnons d'infortune.
Renseignements pris, il retourne sur ses pas. «V'là
qu'ils se dénoncent entre eux !», rigole un agent.
A Cherbourg, les clandestins qui par dizaines tentent de gagner
l'Angleterre ne se cachent pas. Ils n'évitent même
pas le contact avec ceux qui ont pour mission de les traquer. Pour
quoi faire ? Sitôt arrêtés dans l'enceinte portuaire,
ils sont pour la plupart reconduits en ville et relâchés.
Chaque nuit, ils essaient à nouveau d'embarquer sur un des
ferries à destination de Poole ou de Portsmouth. Ils escaladent
ou percent les grillages, aplatissent les fils barbelés avec
des couvertures, ils se glissent dans des semi-remorques, se blottissent
dans des caisses, ils courent parmi les rochers et les algues, parfois
au péril de leur vie.
Un peu plus tôt dans la soirée, deux réfugiés
irakiens se sont dissimulés sous les essieux d'un camion
arrêté à la station-service, juste à
l'entrée du port. Le véhicule, au lieu de prendre
la direction du terminal, est reparti vers le centre. Pris de panique,
ses passagers clandestins ont sauté en marche. «A l'heure
qu'il est, ils sont à l'hosto», annonce un officier
de la PAF, la police de l'air et des frontières. Ils sortiront
au petit matin avec des contusions, mais pas de fracture. «Ca
a refroidi les autres. Quand il y a eu l'accident, ils étaient
une quinzaine à vouloir entrer, déclare le gradé.
On leur a dit défaire attention, de se calmer pour ce soir.
Autrement, s'il n'y avait pas eu ça...»
Qu'importe. Ils recommenceront. Ils sont déterminés.
«On est prêts à rester ici un an, trois ans.
Le temps qu'il faudra jusqu'à ce qu'on passe», prévient
Nayef. Autour de lui, ses cinq amis opinent. Assis dans l'herbe
devant le siège d'une association humanitaire, la Chaudrée,
ils attendent de recevoir leur unique repas de la journée.
Tous connaissaient les deux victimes. Des Kurdes d'Irak, comme eux.
Ils viennent d'un même village, près de Kirkouk, théâtre
de massacres quasi quotidiens. Electricien, coiffeur, chauffeur
de bus, ouvrier en bâtiment, âgés de 16 à
20 ans, ils ont fui une guerre qui n'était pas la leur. «Si
on n'avait pas peur de mourir en Irak, on ne serait pas ici !»,
s'écrie l'un d'eux qui a perdu son père et sa mère
dans une explosion de voiture.
Ils ont erré des mois à travers l'Europe avant d'échouer
dans cette sous-préfecture du Cotentin. Pour leur voyage,
certains ont payé jusqu'à 16 000 dollars à
différents passeurs. Le plus jeune a rejoint la Turquie après
une semaine de marche par les montagnes. Ils n'ont qu'un but : le
Royaume-Uni, une contrée dont ils ne parlent pas la langue
et où ils ne connaissent personne. Un eldorado qui ne cesse
de durcir sa politique d'immigration, mais que leurs «guides»
continuent d'exalter. «Là-bas, ils accordent le droit
de vivre», dit Nayef. Ils savent aussi que «la France
ne donne pas de papiers», ou si peu.
Alors, la journée, ils tentent de dormir dans leur camp
de fortune, planté sur la montagne du Roule qui domine la
rade de Cherbourg, et la nuit venue ils partent à l'abordage.
Tout au long de 6 kilomètres de barbelés, ils doivent
jouer à cache-cache avec les 65 policiers de la PAF, équipés
d'un système de vidéosurveillance flambant neuf, et
depuis peu avec une trentaine de CRS, des agents de sécurité
privés et des maîtres-chiens qui procèdent à
la fouille des camions aux embarcadères. A l'intérieur
de la gare maritime, ils sont pourchassés inlassablement.
Une fois dehors, ils n'existent pas.
Des fantômes. Conformément à la convention
de Genève, ils ne peuvent pas être reconduits dans
un pays en guerre. Ils ne demandent pas non plus l'asile en France.
Ce sont des «ni-ni», ni régularisés ni
expulsés. «Ces gens- là ne sont pas autorisés
à rester sur notre territoire et n'ont le droit d'aller nulle
part. Alors quoi ? On va attendre qu'il leur pousse des ailes ?
s'exclame Paul Gaillard, un prêtre-ouvrier qui, avec son association
Itinérance, vient en aide aux réfugiés. En
fermant le camp de Sangatte [Pas-de-Calais], en 2002, le ministre
de l'Intérieur Nicolas Sarkozy a multiplié ailleurs
sur la côte les petits Sangatte. Il n'a rien réglé.»
Le tribunal de Cherbourg croule sous les dossiers de garde à
vue. Près de 700 depuis le début de l'année,
uniquement pour les étrangers en situation irrégulière.
La police interpelle systématiquement «les primo-arrivants»
pour les identifier. Parfois, à l'issue de leurs quarante-huit
heures de détention, et lorsqu'il plane un doute sur leurs
origines, elle les expédie en centre de rétention.
Le plus près, celui de Rennes, inauguré début
août, est déjà plein a craquer. Il y a un an,
des clandestins ont été envoyés au centre de
Toulouse, par bus entiers, même par avion. Beaucoup sont revenus
un mois plus tard à Cherbourg, la seule porte de secours
qu'ils connaissent.
Une fois fichés, ils savent qu'ils ne seront plus arrêtés.
«Si on les pince, on les évince juste du port. On sait
qu'une heure après on les retrouvera», reconnaît-on
à la PAF.
Cet été, la tension était au plus haut. Le
12 juillet, un touriste portugais a ouvert le feu et blessé
un Afghan. Des batailles rangées ont opposé routiers
et clandestins à coups de crics et boulons. «J'ai là
quatre courriers de transporteurs qui menacent de quitter Cherbourg,
déclare Marie-Thérèse Chauvin, directrice de
Brittany Ferries. Car leurs marchandises ont été abîmées
et refusées à la livraison. Le mois dernier, des clandestins
sont montés dans un camion de poussins. Je ne vous dis pas
le carnage !» Outre les déprédations, les retards,
les autorités britanniques mettent le camionneur et la compagnie
maritime à l'amende. 2 000 livres chacun. Il faut aussi payer
l'escorte policière pour le retour du sans-papiers en France.
700 livres.
Le député-maire socialiste, Bernard Cazeneuve, avoue
son impuissance. Il vient d'expulser les clandestins d'un terrain
municipal qu'ils occupaient, leur quatrième squat en cinq
ans. «Je veux montrer que cela ne réglera rien.
Demain, ils iront ailleurs.» Une démonstration par
l'absurde adressée à un Etat qui «déploie
une énergie considérable pour ignorer le problème»,
mais aussi aux passeurs, toujours prêts à s'engouffrer
dans la brèche. «Ne rien faire, dit l'élu, c'est
leur envoyer le signal que Cherbourg est une bonne destination.»
Dans ce port transformé en cul-de-sac, l'activité
de passeur est en plein essor. Des réfugiés de longue
date se muent en petits trafiquants, souvent faute de mieux. Ils
monnaient auprès des nouveaux leur expérience. Ils
vont les chercher au train, gèrent les flux dans le squat,
prélèvent leur dîme en échange d'une
place sous une tente. Ils organisent des petits groupes armés
de cutters pour découper les bâches et les lancent
à l'assaut en différents points du port. Ils connaissent
les horaires des escales et des patrouilles.
« Ils savent tout, confirme Marie-Thérèse Chauvin.
Après l'arrivée des CRS, on a été tranquille
deux, trois jours. Puis ils ont compris quand ils tournaient. »
Parfois, leurs clients se rebiffent. En octobre 2005, deux Erythréens
et une Somalienne n'hésitent pas à se plaindre à
la PAF. Ils avaient versé entre 200 et 500 euros contre la
promesse d'un passage en Angleterre. L'opération ayant échoué,
ils veulent être remboursés. L'enquête conduit
un an plus tard à l'arrestation de trois passeurs, des Kurdes
irakiens. Ils vivent en appartement, possèdent une batterie
de téléphones portables. Leurs compagnes françaises,
devenues depuis leurs épouses, touchent l'argent des mandats
envoyés de l'étranger. 15 000 euros, au total. Les
trois hommes viennent d'être condamnés à deux
ans de prison ferme. Leurs conjointes à six mois avec sursis.
Tous font appel. «Ils n'étaient qu'un maillon de la
chaîne, insiste l'avocate d'un des prévenus, Me Ingrid
Desrues. La tête pensante du groupe est en fuite.»
La frontière avec le monde des passeurs est vite franchie.
Parmi les réfugiés, tout le monde connaît Bakhtiar.
Il leur distribue des cigarettes, donne les dernières infos.
Son téléphone portable ne cesse de sonner.
Originaire de Baqouba, au nord de Bagdad, il erre depuis cinq ans
en France.
Sa famille, bien que kurde, collaborait avec le régime de
Saddam. Treize des siens ont été tués. Le crâne
rasé, un filet de barbe, il porte un bras artificiel et traîne
sa jambe. «J'ai essayé plusieurs fois de passer en
Angleterre. Les autres ont réussi, moi, je ne peux pas courir.»
Contrairement à ses compatriotes, Bakhtiar redoute la police
: «Il suffit que vous aidiez les gens pour être soupçonné.»
Il a demandé l'asile politique. En vain.
http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2241/dossier/a356890-les_passeurs
_de_cherbourg.html
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ZPAJOL liste sur les mouvements de sans papiers
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