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Avertissement
Mail de Loïc Wacquant septembre 2010
Merci de retirer toute mention de l'ouvrage PUNIR LES PAUVRES de
votre site: il s'agit d'une version contrefaisante, version truquee
et tronquee de mon travail publiee sans contrat ni bon a tirer par
Agone, contre ma volonte explicite et expresse. Cet ouvrage est
une tromperie; ce n'est pas le mien; il ne figure pas a ma bibliographie,
merci de ne pas me l'attribuer. Vous pouvez lire la version complete
et conforme de mon travail en anglais, PUNISHING THE POOR, Duke
University Press, 2008.
Cordialement,
Loïc Wacquant
Professor, University of California, Berkeley Chercheur, Centre de sociologie européenne, Paris
http://sociology.berkeley.edu/faculty/wacquant/
Department of Sociology University of California-Berkeley Berkeley CA 94720 USA fax 510/642-0659
Origine : http://www.espacestemps.net/document1753.html
Dans son édition du 17 novembre, le Courrier International
consacrait un dossier à la violence dans les banlieues qu’il
titrait ainsi : « Banlieues, État social ou État
pénal ? » Cette alternative, devenue douloureusement
tangible à la suite du traitement répressif de ces
« émeutes », est précisément celle
qu’interroge Loïc Wacquant dans Punir les pauvres. Au
moment donc où fait rage le débat autour des réponses
à apporter à cette irruption de violence, il n’est
pas inintéressant de suivre Wacquant jusqu’aux États-Unis
pour y voir naître ce nouveau « geste sécuritaire
» (p. 12) dont Sarkozy serait dans une certaine mesure le
promoteur en France.
Dans cet ouvrage, Loïc Wacquant récidive et signe en
fait l’argument déjà offert dans Les prisons
de la misère (Wacquant, 1999), qui a pour lui le mérite
de la clarté, et se résume ainsi : « la misère
de l’État social sur fond de dérégulation
suscite et nécessite la grandeur de l’État pénal
» (p. 40). Cet argument doit être compris à la
fois comme une démonstration empirique et une proposition
analytique.
Empiriquement, Wacquant cherche à démontrer l’émergence
aux États-Unis de ce qu’il nomme un régime politique
« libéral-paternaliste » succédant au
régime de l’ « État charitable ».
Sa démonstration passe par la mise en évidence d’une
évolution opposée des politiques sociales et pénales.
D’une part, on constate une réduction importante des
budgets alloués aux aides sociales et une transformation
des logiques qui l’animent (criminalisation de la misère,
réforme de l’aide sociale). D’autre part, on
assiste au gonflement des budgets alloués aux politiques
répressives et à la mise en place d’un Big government
carcéral (explosion des taux d’incarcération,
allongement des peines, mise en place d’une industrie de l’emprisonnement).
Analytiquement, cette description conjointe de l’évolution
des politiques sociales et pénales doit être comprise
comme un déplacement théorique permettant de mettre
en évidence les liens plus fondamentaux qui réunissent
ces deux domaines de l’action publique qui sont en général
traités séparément tant par les chercheurs
en science sociale que par les acteurs publics (p. 36). Pour Wacquant,
il est nécessaire de rompre avec cette division car elle
ne permet pas de rendre compte des transformations du système
politique américain. En effet, la thèse qu’il
défend tout au long du livre est que l’originalité
historique du système « libéral-paternaliste
» tient dans la manière dont le social et le pénal
s’allient pour traiter les pauvres.
Afin donc de révéler les qualités de ce système,
Wacquant invite à renouveler le regard sociologique porté
sur les rapports entre l’État et les couches de la
population défavorisées :
« Il s’ensuit qu’il n’est plus possible,
pour qui veut percer le destin des fractions précarisées
de la classe ouvrière dans ses rapports avec l’État,
de se contenter d’étudier les programmes de l’aide
sociale. Il faut prolonger et compléter la sociologie des
politiques traditionnelles du “bien-être” collectif
[…] par celle des politiques pénales. Dès lors,
l’étude de l’emprisonnement cesse de relever
de la seule province spécialisée des criminologues
et des pénologues pour devenir un chapitre essentiel de la
sociologie de l’État et de la stratification sociale
et plus spécifiquement de la (dé)composition du prolétariat
urbain » (p. 39, l’auteur souligne).
L’ensemble de l’ouvrage apparaît comme une tentative
pour traiter de manière symétrique le social et le
pénal. Le rapprochement entre les deux se fait plus précisément
en révélant le fait que ces deux domaines d’interventions
de l’État peuvent être compris dans un même
effort visant « à modeler, classer et contrôler
les populations (jugées) déviantes, dépendantes
et dangereuses sises sur son territoire » (p. 39).
Face à cette proposition sociologique, la question à
laquelle nous aurons à répondre en fin de parcours
est celle de sa pertinence pour rendre compte de l’évolution
dénoncée dans l’ouvrage. Nous verrons en particulier
que ce geste, qui place l’ouvrage dans la lignée d’une
sociologie critique inspirée de Foucault et de Bourdieu,
se révèle à la fois d’une redoutable
efficacité politique, tout en laissant le lecteur quelque
peu sceptique sur sa portée analytique. Avant de venir sur
ces considérations plus critiques, il faut d’abord
rendre compte de la démonstration fort bien étayée
que propose Wacquant. Cette dernière se déroule en
trois temps qui composent chacun une partie du livre.
Wacquant analyse dans la première partie ce qu’il
nomme la « misère de l’État social »,
c’est-à-dire, en l’occurrence, la contraction
du modèle américain de l’État Providence
(décrit plus spécifiquement comme celui d’un
« État charitable ») (chapitre 2). Cette contraction
est double, elle consiste à la fois en une réduction
du champ d’intervention étatique et en une diminution
du budget alloué à l’assistance sociale. Cette
évolution est en particulier due à la réforme
du welfare instiguée par l’adoption en 1997 de la «
loi sur la responsabilité individuelle et le travail ».
Selon Wacquant, les principes1 qui sous-tendent cette loi mettent
littéralement « hors-la-loi » la misère
et reportent « son poids sur les familles les plus déshéritées
» (p. 102). De fait, son « objectif affiché est
de résorber non pas la pauvreté mais la prétendue
dépendance des familles assistées à l’égard
des programmes sociaux » (p. 96). Une des mesures les plus
significatives de cette évolution est la suppression du droit
à l’assistance pour les enfants démunis, remplacé
par une obligation de travailler pour les parents. Cette obligation
revient pour Wacquant à forcer les pauvres dans le réseau
du « salariat déqualifié et sous-payé
». Et, en effet, il est frappant de constater que sept ans
après l’adoption de cette loi, les taux d’assistés
ont diminué de moitié alors que le taux national de
pauvreté est resté quasiment identique (p. 112). Cette
transformation est donc à la fois quantitative et qualitative.
Qualitative, car c’est la qualité même du social
qui change dans ce nouveau « gouvernement de l’insécurité
sociale », l’aide sociale prenant désormais la
forme d’une « mise au pas » des pauvres (p. 102)2.
Wacquant considère par ailleurs que cette évolution
doit être comprise en lien étroit avec l’explosion
du « pénal » : « au fur et à mesure
que se défait le filet de secours (safety net) de l’État
charitable, se tisse le maillage de l’État disciplinaire
(dragnet) appelé à le remplacer dans les régions
inférieures de l’espace social étasunien ».
Cette évolution est résumée par la formule
frappante de « criminalisation de la misère »
(c’est le titre du chapitre 2). Il est toutefois parfois difficile
de voir à quoi correspond exactement cette idée puisqu’elle
ne peut guère être considérée de manière
littérale (ce qui serait le cas si le seul fait d’avoir
un revenu faible consisterait en un crime). Wacquant tente plus
loin de préciser cette formule en parlant de « politique
étatique de criminalisation des conséquences de la
misère d’État ». Si on le suit bien, les
conséquences en question seraient celles relatives à
la « dislocation sociale » — induite par l’atrophie
de l’État charitable — et, en particulier, l’adoption
de certains comportements, nécessaires pour survivre mais
qui sont punis de lourdes peines de prison (c’est le cas en
particulier de la « guerre à la drogue », p.
81). La démonstration de cette proposition passe alors moins
par la mise en évidence d’un lien causal (ou compréhensif)
que par un rapprochement statistique entre la baisse de l’assistance
et la hausse de l’emprisonnement. La démonstration
statistique est en fait double. Elle est d’emblée annoncée
dans le deuxième chapitre (pp. 79-93)3 mais elle est poursuivie
en détail dans la deuxième et la troisième
partie du livre.
D’une part, Wacquant montre l’augmentation massive
des effectifs des détenus — ainsi que plus largement
des mises sous surveillance — et cela « alors même
que la criminalité recule depuis une décennie »
(p. 85). D’autre part, il révèle le fait que
les cibles privilégiées de la répression sont
« les fractions les plus marginalisées de la classe
ouvrière » (p. 86). Ce double constat lui permet d’affirmer
que « recouvrant sa mission historique d’origine, l’incarcération
sert bien avant tout à la régulation de la misère,
voire à sa perpétuation, et à l’entreposage
des rebuts du marché ». Le propos est cinglant. Il
tient sa force du dévoilement d’une fonction implicite
du système. Nous reviendrons plus loin sur cette opération
de dévoilement, centrale dans l’économie générale
de l’ouvrage.
Après avoir documenté la misère de l’État
social, Wacquant s’attaque dans la deuxième partie
du livre à la démonstration de la « grandeur
de l’État pénal ». Il s’agit ici
de montrer l’importance de l’accroissement des taux
d’emprisonnement ainsi que de mise sous surveillances de larges
pans de la population américaine (chapitre 4). Les chiffres
avancés sont impressionnants : en vingt ans, la population
carcérale a quadruplé (atteignant près de 2
000 000 en 2000) et les personnes sous tutelle ont augmenté
de 4 500 000 (on probation et on parole). A la suite de différents
criminologues, Wacquant explique cette évolution —
qui s’est déroulée dans une période de
stagnation de la délinquance — par « l’extension
du recours à l’enfermement à une gamme de délit
et de crimes de rue4 qui, jusque-là, n’entraînaient
pas de condamnation à la privation de liberté, notamment
les infractions mineures à la législation sur les
stupéfiants et les comportements qualifiés de désordres
sur la voie publique, ainsi que part l’alourdissement continu
des peines encourues5 » (p. 135, l’auteur souligne).
En d’autres termes, ce sont essentiellement certains comportements
plus fréquents dans les couches précaires de la population
qui se voient plus systématiquement sanctionnés d’une
privation de liberté. De leur côté, les délits
économiques (abus de confiance, délits d’initié,
etc.) font l’objet d’une certaine mansuétude
(p. 135).
L’engorgement des prisons et des systèmes d’information
découlant de ces transformations appelle en retour un accroissement
des moyens mis à disposition. Le chapitre 5 du livre porte
ainsi sur « l’avènement d’un “big
government” carcéral ». Dans ce chapitre Wacquant
décrit les investissements nécessaires pour absorber
cette masse de détenus au détriment d’autres
investissements sociaux comme, par exemple, ceux concernant la construction
de logements sociaux6 (p. 178). Par ailleurs, cette gestion des
flux de prisonniers ne repose pas seulement sur les épaules
de l’État américain, mais elle s’avère
aussi l’occasion de profits pour les entreprises offrant la
gestion complète d’établissements de détention.
Il se met donc en place toute une industrie de l’emprisonnement
permettant d’externaliser le coût de ce quadruplement
de la population carcérale. Ce coût est en outre réduit
par une détérioration des conditions de détention
— favorisée par une compréhension de la prison
comme lieu d’expiation — ainsi que par la participation
des prisonniers à leurs frais d’incarcération
(pp. 196-197).
Afin de bien insister sur le phénomène de «
criminalisation de la misère », Wacquant rajoute encore,
dans la troisième partie de l’ouvrage, une série
de données statistiques montrant le caractère ciblé
de ce « grand enfermement ». Dans le chapitre 6 en particulier,
il inscrit la politique pénale actuelle dans la continuité
des institutions visant à « confiner et contrôler
» les Afro-américains. Selon lui, les prisons américaines,
où sont enfermés de manière disproportionnée
des Afro-américains, doivent être considérées
comme un substitut moderne du ghetto, du fait en particulier qu’elles
conservent ses quatre traits principaux : stigmatisation, contrainte,
enfermement, parallélisme institutionnel.
Dans un même souci d’identification de cibles privilégiées
de ce système carcéral, le chapitre suivant s’attarde
sur la « chasse » au pédophile. Pour Wacquant,
la mise à l’index virulente des pédophiles et
la médiatisation à outrance des crimes sexuels reflètent
clairement le « moralisme » caractéristique de
la politique pénale américaine. En particulier, le
pédophile y est traité essentiellement comme une figure
solitaire et déviante, alors même que l’on sait
qu’une majorité des crimes sexuels sont commis à
l’intérieur des familles (p. 263). Le sort réservé
aux pédophiles apparaît ainsi comme hautement représentatif
d’un système qui tend à traiter la délinquance
comme une perversion morale individuelle qu’il s’agit
avant tout de neutraliser et de rétribuer. Il n’est
pas étonnant alors que dans un tel système les condamnés
ne soient plus considérés comme des citoyens à
part entière. Par cette analyse, Wacquant offre quelques
pistes, encore insuffisantes, pour approfondir la compréhension
des rapports entre la manière dont on conçoit la délinquance
et dont on la traite. Nous reviendrons plus loin sur cette question.
Avant cela, nous pouvons encore considérer brièvement
la dernière partie de l’ouvrage qui porte sur l’éventuelle
extension de ce modèle américain à l’Europe.
Pour analyser la mesure dans laquelle ce modèle influence
les politiques européennes, Wacquant s’interroge à
la fois sur l’importation des « mythes savants de la
pensée unique sécuritaire »7 ainsi que sur l’évolution
statistique des taux d’emprisonnement et des aides sociales.
Concernant les « mythes savants », la discussion porte
essentiellement sur l’adoption du principe de tolérance
zéro ainsi que d’idées « reçues
» (à l’instar de : c’est la police qui
« fait fondre la criminalité »). Pour Wacquant,
de tels schémas sont déjà fortement contestés
aux États-Unis — n’ayant pas été
prouvés — alors qu’ils sont de plus en plus présents
dans les discours français incitant à un durcissement
des réponses pénales (chapitre 8). La discussion prend
ici l’allure d’un règlement de compte et d’une
« guerre » d’experts.
Finalement, le dernier chapitre du livre s’attarde sur l’
« aberration carcérale à la française
» (chapitre 9). La France a connu un fort taux d’accroissement
de sa population carcérale du fait d’un durcissement
des peines et d’un élargissement du recours à
l’enfermement. Cet accroissement apparaît « aberrant
» car, au rythme actuel, la population carcérale française
doublerait en cinq ans, soit deux fois plus vite qu’aux États-Unis
au « plus fort de la boulimie pénitentiaire de la décennie
1980 » (p. 297) ! Comme aux États-Unis, il semblerait
que l’évolution de la criminalité ne justifie
en rien cette évolution. Un certain nombre de délits
a diminué depuis le début des années 90 (cambriolages,
vols à la roulotte, homicides) et l’augmentation des
vols avec violence — essentiellement verbale — se fait
sur une pente constante depuis vingt ans (p. 298). De plus, la «
peur du crime », mesurée par enquête auprès
de la population, est restée relativement stable sur les
vingt dernières années. A nouveau, Wacquant appuie
sa dénonciation sur la démonstration, statistiquement
étayée, du caractère disproportionné
et sans fondement théorique des réponses politiques.
On serait donc en présence d’un piège sécuritaire
dont il faut se dépêtrer. Dans ce but, il propose en
fin d’ouvrage quelques pistes qui, si elles apparaissent intéressantes,
ne semblent pas pouvoir être menées à bien dans
le cadre même adopté par Wacquant pour dénoncer
le phénomène étudié.
Avant de considérer de manière critique le cadre
analytique proposé par Wacquant, il faut reconnaître
que l’auteur propose un tableau inquiétant et convaincant
des dangers de ce report du social sur le pénal. Néanmoins,
il faut aussi confesser que cette conviction tient probablement
pour partie à une sympathie politique nourrie à l’égard
de cet argument. Cette dimension politique et la manière
dont elle est susceptible d’influencer la réception
de l’argument n’est pas à négliger du
fait même que cet ouvrage a une visée critique dont
l’actualité, comme il a été rappelé
au début de l’article, est frappante. La recension
d’un tel ouvrage est ainsi rendue délicate. En particulier,
elle revient à s’interroger sur la mesure dans laquelle
on peut rendre compte d’un ouvrage sociologique dont l’argument
central et la démonstration convainquent politiquement tout
en laissant partiellement sceptique quant à leur intérêt
sociologique. Ce scepticisme ne porte pas sur la solidité
de l’argument présenté ou encore sur le sérieux
de l’auteur. À cet égard, Loïc Wacquant
s’efforce précisément de renforcer dans ce deuxième
ouvrage, à l’aide d’un travail d’analyse
statistique important et d’une connaissance fine de la littérature
criminologique américaine, les étapes de la démonstration
esquissée dans les Prisons de la misère. Autant reconnaître
que, n’étant pas spécialiste de ces questions,
je me sens guère autorisé, et peu armé, pour
venir défier Loïc Wacquant sur ce terrain8. Ma critique
de l’ouvrage porte alors plutôt sur le sens sociologique
de cet exercice et son lien avec la question de la production d’un
savoir analytique sur la société.
À la lecture des Prisons de la misère, j’avais
eu l’impression que l’on était plutôt face
à un excellent pamphlet politique que devant un texte visant
à offrir une meilleure compréhension de la manière
dont nos sociétés s’ordonnent et évoluent.
En particulier, la description des mécanismes de production
d’un discours répressif et de leur diffusion semblait
plus relever de la dénonciation d’un « complot
» que de l’analyse plus générale de la
manière dont de tels schèmes cognitifs se diffusent.
Ce sentiment ne tenait pas à la qualité des descriptions
offertes par Wacquant des réseaux d’acteur et de leur
activité mais plutôt à leur organisation trop
systématique en preuves visant à étayer la
thèse d’un projet cohérent de diffusion d’une
politique répressive rapportant d’amples bénéfices
à ses promoteurs (financiers et « symboliques »).
La lecture de Punir les pauvres laisse dans une certaine mesure
une impression similaire. Toutefois, il est possible d’argumenter
que l’idée de pamphlet ne rend pas bien compte de ce
qui est en jeu ici. En effet, l’opposition entre pamphlet
et sociologie laisserait entendre que, d’un côté,
il y a quelque chose comme un savoir scientifique qui peut prétendre
au nom de sociologie et, de l’autre, des discours politiques
à caractère non scientifique. Une telle opposition
serait malencontreuse et même dommageable dans la perspective
d’une réflexion sur ce que peut être l’écriture
sociologique. A cet égard, il me semble plus heuristique
de considérer le texte de Loïc Wacquant comme portant
à son point de rupture un certain projet sociologique. Ce
projet est celui d’une sociologie dite « critique »
telle qu’elle s’est développée à
partir des écrits de Bourdieu. Comme l’a fait remarquer
Luc Boltanski, une des opérations privilégiées
par cette approche est celle du « dévoilement »
(Boltanski, 1990). Derrière les actions des agents, et ce
qu’ils déclarent vouloir faire, sont révélées
— par le sociologue — des forces plus fondamentales
qui fournissent l’explication réelle de leur comportement.
L’adoption d’une telle perspective offre un cadre analytique
et critique puissant tout en réduisant l’éventail
des modalités explicatives envisageables.
En particulier, même s’il demeure possible de rendre
compte des raisons avancées par les acteurs, ce cadre ne
permet guère de leur octroyer une vertu explicative (quant
au type d’action entrepris ou, plus minimalement, comme contraintes
relatives aux choix d’actions possibles). Au-delà des
raisons avancées par les acteurs, c’est plus largement
l’ensemble des éléments rendant compte de la
forme spécifique d’une action publique qui peine à
trouver place dans ce type d’explication sociologique. Ainsi,
même si Loïc Wacquant fait place de manière intéressante
à un ensemble de facteurs autres que l’appât
du gain pour rendre compte du durcissement des politiques pénales,
il ne leur offre pas toute la place qu’ils mériteraient.
L’opération de dévoilement implique l’attribution
d’une place et d’un poids spécifique aux différents
éléments considérés dans l’analyse
(motif voilé de l’action, justification idéologique,
erreurs interprétatives). Il résulte de ce déplacement
du regard à la fois une plus grande force de dénonciation
d’un mouvement contre lequel il convient de lutter ainsi qu’un
appauvrissement de la compréhension des ressorts sociologiques
en jeu dans cette évolution. Cet appauvrissement est à
comprendre à l’aune d’un projet sociologique
alternatif. Ce dernier vise moins à révéler
les forces qui « agissent » les humains — ou encore
leurs intentions dissimulées — qu’à rendre
compte de la manière dont ces derniers composent un monde
commun traversé par ces forces (Benatouïl, 1999). Ce
changement de perspective sociologique n’implique toutefois
pas une rupture radicale avec l’analyse de Wacquant. Il amène
plutôt à mettre en évidence et approfondir certains
éléments qu’il ne fait qu’effleurer du
fait du regard adopté.
Comme on l’a vu, l’ouvrage de Wacquant se présente
comme une tentative de dévoilement des « vrais »
enjeux de l’évolution des politiques pénales.
En particulier, il s’efforce de montrer que derrière
le but affiché de lutte contre la criminalité se tient
une entreprise de criminalisation de la pauvreté dont les
principales victimes sont les noirs américains. Il s’agit
bien là d’une « entreprise », car cette
criminalisation de la pauvreté est liée à un
« complexe commercial carcéro-assistanciel »
producteur de bénéfices importants. Outre l’importance
des faits mis en évidence (diminution des aides sociales,
impact discriminatoire des politiques pénales), un des intérêts
du livre réside dans le fait que Wacquant est amené
à préciser ce qui est recomposé dans le passage
vers des politiques répressives. L’adoption d’une
politique plus répressive ne passe pas seulement par l’augmentation
des efforts policiers, l’allongement des peines et l’agrandissement
des prisons mais elle suppose aussi tout un travail de requalification
de ces différents éléments.
Ainsi, il ressort clairement de l’analyse que la mise en
place d’un « État pénal » s’accompagne
d’une requalification du sens attribué à l’emprisonnement.
Les fonctions de réhabilitation et de réinsertion,
centrales dans une politique pénale moins répressive,
sont de plus en plus délaissées au profit des fonctions
de mise à l’écart et de rétribution (p.
85). La diminution des programmes de réinsertion et la mise
en place de conditions d’emprisonnement plus dures (boulet,
travail forcé, etc.) signalent ce déplacement.
Plus fondamentalement encore, cette évolution s’appuie
sur une transformation du regard porté sur la délinquance.
Le délinquant est en effet vu avant tout comme une personne
moralement responsable de ses actes et plus du tout comme un éventuel
« produit » d’un milieu défavorisé.
Wacquant insiste avec raison au début de l’ouvrage
sur la place centrale accordée aux États-Unis à
la responsabilité individuelle et à l’abandon
concomitant qu’elle implique des « excuses sociologiques
» (p. 30). La délinquance devient dès lors un
« choix » qu’il faut punir. L’accent mis
sur la responsabilité individuelle n’influence pas
seulement la politique pénale mais aussi la transformation
de la politique sociale. Comme on l’a vu, le souci premier
des réformes de l’aide sociale est d’éviter
la « dépendance » des personnes assistées.
À l’instar du délinquant, le pauvre devient
moralement responsable de son sort. Il s’agit donc de réinsuffler
certaines valeurs (familiales et « goût du travail »)
pour aider le « mauvais » pauvre à s’en
sortir (p. 113). On retrouve ici une lecture très proche
de celle des libéraux français du 19e siècle
sur laquelle se fondait leur politique paternaliste (Ewald, 1984)
Le continuum entre social et pénal serait donc rendu possible
par cette transformation du regard anthropologique porté
sur l’être en société. On peut regretter
que Wacquant ne développe pas plus en avant cette question
et ne fait que signaler ces changements dans le cadre de sa démonstration
avant tout statistique. La cohérence justificative des tenants
d’une position plus répressive n’est guère
abordée et l’argumentation saute rapidement sur le
dévoilement des intérêts ou du sens cachés
de cette politique. À cet égard, des propos comme
celui-ci laissent toujours un peu mal à l’aise quant
à leur portée sociologique :
« Le principal moteur de l’expansion inouïe de
l’État pénal américain à l’ère
post-keynésienne et la raison de sa politique de fait de
“promotion préférentielle” des Afro-américains
à l’entrée en prison n’est pas la criminalité
; c’est la nécessité de renforcer un clivage
de caste qui s’érode tout en soutenant le régime
émergeant du salariat désocialisé auquel sont
voués la majorité des Noirs urbains » (p. 226).
Mal à l’aise, car s’il est indéniable
que ce sont les Afro-américains qui pâtissent le plus
de cette politique et qu’il est aussi indéniable qu’elle
est congruente avec le maintien d’une frange de salariat précaire,
il est néanmoins délicat de faire de ces conséquences
le « principal moteur » de la politique. Cela non pas
car il est faux de penser qu’un tel moteur puisse exister,
mais surtout car cela court-circuite la place qui serait éventuellement
occupée par d’autres moteurs, comme le souci de répression
et de moralisation qui découle d’une lecture responsabilisante
de la délinquance. Le problème est double et concerne
à la fois la question du type d’analyse proposé
et aussi, plus fondamentalement, la place occupée par le
sociologue et le discours qu’il produit.
Du point de vue de l’analyse proposée, ce que rend
difficile un tel propos est la compréhension fine des dynamiques
des transformations des politiques publiques. À la suite
des travaux de Luc Boltanski et Laurent Thévenot invitant
à prendre au sérieux les contraintes pesant sur les
énoncés sur les justifications publiques (Boltanski
et Thévenot, 1991), de nombreuses recherches insistent désormais
sur l’importance des « arènes publiques »
(Cefaï, 2002) et des registres critiques qui s’y déploient,
obligeant la modification des « épreuves » portées
par un système donné (Boltanski et Chiapello, 1999).
Dans une telle perspective, la dynamique de ces transformations
ne peut pas être réduite au dévoilement de forces
souterraines à l’œuvre.
Wacquant est lui-même conscient de l’importance des
registres argumentatifs en jeu dans l’évolution qu’il
analyse. Toutefois, ceux-ci sont rabattus trop rapidement sur l’idée
de « mythes savants ». Cette dénonciation du
caractère faux de certaines croyances — à l’aide
d’une démonstration statistique censée pouvoir
trancher entre le vrai et le faux — place le sociologue dans
une position spécifique. Il devient en effet celui qui peut
trancher dans le débat politique à l’aide de
son expertise. Cette capacité est problématique.
Pour illustrer cette question, prenons par exemple le dévoilement
du caractère infondé de la politique répressive
par la mise en évidence de la stagnation de la délinquance.
On peut éventuellement argumenter ici que cette analyse ne
tient pas compte d’un aspect qui a pourtant été
reconnu dans d’autres domaines pour favoriser la démocratisation
de la société. Cet aspect est celui de la possibilité
d’une exploration commune — entre « experts »
et « profanes » — d’un niveau de risque
acceptable (Callon, Lascoumes et Barthes, 2001). Cette exploration
commune est apparue nécessaire, par exemple, afin de ne pas
voir le débat sur la gestion de certains risques environnementaux
clôt par une évaluation scientifique dénonçant
les biais de la perception profane du risque. Dès lors, la
seule mesure d’un risque ne suffit pas à déterminer
sa qualification publique. En toute logique, il est difficile de
ne pas appliquer cet argument à la délinquance. La
simple évaluation statistique du niveau de délinquance
et de son évolution ne saurait suffire pour déterminer
ou non la pertinence d’un changement de politique. Ce qui
est en jeu n’est pas simplement un « sentiment d’insécurité
» plus ou moins manipulé mais aussi la possibilité
d’un débat public sur la mesure dans laquelle une société
tolère ou non certains comportements. Bien entendu, le propos
de Wacquant montre aussi assez clairement que l’on n’assiste
pas de facto à un tel débat mais plutôt à
sa clôture par l’expertise dont se réclament
les tenants des solutions plus répressives. Néanmoins,
il faut se poser la question si l’on peut se contenter d’une
seule « contre-expertise » — comme tend à
le faire cet ouvrage — pour rouvrir le débat ? L’analyse
gagnerait plutôt à approfondir le mécanisme
des débats autour de la délinquance afin de réfléchir
à la mesure dans laquelle cette question peut être
traitée démocratiquement.
Dans cette perspective, il faudrait approfondir la compréhension
des liens dynamiques entre une politique pénale (rôle
de la prison, mesures préventives, etc.) et une conception
spécifique de la délinquance ou encore un «
sentiment d’insécurité » donné.
Certaines enquêtes ont déjà montré l’étroite
dépendance entre ces différentes facettes de la justice
pénale (Widmer, Languin, Pattaroni, Kellerhals, Robert, 2004).
Ceci signifie en particulier que le durcissement d’une politique
pénale semble devoir forcément passer par une requalification
des éléments en jeu (conception de la peine, du délinquant,
etc.) telle que la décrit d’ailleurs Wacquant. Si l’on
prend au sérieux cette exigence et que l’on se penche
alors plus attentivement sur les conditions de constitution d’une
politique pénale plus répressive, de nouvelles questions
surgissent quant à la possible transposition d’une
telle politique.
En effet, la lecture en termes de responsabilité individuelle
de l’acte délinquant et de la pauvreté a été
facilitée aux États-Unis par une méfiance historique
face à toutes les formes de dépendance. Cette dernière
s’est encore accélérée ces dernières
décennies au point de toucher les formes de dépendance
tolérées jusque là dans la société
industrielle (femme au foyer, pauvres, etc.) (Fraser, 2002). Il
faut insister plus que Wacquant sur l’importance de cette
mise à l’index de la dépendance, qui à
la fois vise l’émancipation de chaque individu —
directement sujet de droit — mais fait aussi le lit d’une
injonction souvent trop forte à la responsabilité
individuelle. Ce double mouvement ouvre une compréhension
plus nuancée de ce qui se joue dans le durcissement pénal
auquel on assiste aux États-Unis. De plus, il invite à
se poser la question du type de résistance que pourra rencontrer
un tel modèle dans des pays ne disposant pas d’une
telle lecture de la dépendance. L’exportation d’un
tel modèle ne pose pas seulement la question de la diffusion
de mythes savants, mais plus profondément celle de la mesure
dans laquelle le lieu d’accueil se prête à la
nécessaire recomposition des différentes entités
qui composent sa politique pénale et sociale.
Ainsi, l’enjeu n’est pas seulement celui d’une
vigilance à l’égard des « mots et des
discours » comme invite à le faire Wacquant dans sa
première proposition d’action pour sortir du piège
sécuritaire (p. 308). Certes, il est nécessaire d’éviter
les « glissements sémantiques », mais les analyses
sociologiques soucieuses de décrire la manière dont
les politiques publiques se déploient dans le monde nous
ont appris que les différents modèles d’organisation
politiques s’appuient non seulement sur des mots, mais aussi
des dispositifs pratiques composés d’objets matériels
et conventionnels (Boltanski et Thévenot, 1991). Sur ce point
Wacquant demeure relativement avare en analyses. De fait, la modalité
essentielle d’analyse des objets équipant le monde
sur laquelle il s’appuie est l’économie. Il est
alors essentiellement question de coûts et de profits, ou
encore d’intérêts à dévoiler. Son
analyse ne permet pas de véritablement questionner les articulations
existant entre les différentes conceptions anthropologiques,
les discours politiques tenus et les solutions pénales adoptées.
Avant de conclure ce parcours, il est intéressant de se
pencher encore sur une dernière proposition de Wacquant dans
laquelle il invite à défendre « l’autonomie
et la dignité propre des métiers du bras social de
l’Etat » (p. 308). Nous touchons là à
l’articulation essentielle pour le propos de l’ouvrage
entre le social et le pénal. Comme on l’a vu, Wacquant
insiste sur le fait que la mise du social au service du pénal
constitue une des caractéristiques principales de la «
criminalisation de la misère » et donc d’une
politique étatique visant avant tout à « mettre
au pas » les pauvres. Ceci l’amène à conclure
que pour résister à cette évolution, les métiers
du social doivent avant tout « remplir leur mission, toute
leur mission et rien que leur mission» (p. 308). Le problème
est que cette mission est loin d’être évidente
et que l’opposition que semble suggérer Wacquant entre
un bon et un mauvais social est bien trop simple pour pouvoir explorer
les enjeux actuels des politiques sociales et en particulier du
travail social.
À nouveau, c’est le projet sociologique critique animant
l’ouvrage qui n’est pas à même d’offrir
une description réaliste du travail social. Dans une telle
perspective en effet, le travail social est avant tout considéré
de l’extérieur en tant qu’activité se
soumettant ou non au diktat du pénal (ou de tout autre projet
disciplinaire)9. Néanmoins, si l’on accepte l’idée
que la responsabilité individuelle est un des noyaux problématiques
de l’évolution décrite par Wacquant, ceci nous
oblige à un détour bien plus long pour analyser les
éventuels liens entre le social et le pénal. En effet,
le travail social est désormais étroitement associé
à une visée d’autonomisation et de responsabilisation
des personnes assistées. Celle-ci n’a pas pour seul
but la mise au pas des personnes aidées, mais aussi le souci
de les rendre capables de prendre place dans une société
où ces qualités sont celles attendues du fait d’une
organisation en réseau où la capacité à
porter un projet devient essentielle (Boltanski et Chiapello, 1999).
Le travail social voit ainsi ses missions se multiplier : prestation
d’une aide universelle, soutien de proximité, pédagogie
de l’autonomie. À la lumière de cette diversité,
source de différentes tensions, il apparaît peu pertinent
de réduire le problème à celui d’une
alternative entre assistance ou « mise au pas » des
pauvres.
Pour conclure, si la lutte contre la dérive sécuritaire
est nécessaire — et c’est une des qualités
de l’ouvrage de Wacquant de nous en montrer l’urgence
— cela implique alors une analyse approfondie de la manière
dont elle s’inscrit dans le monde. Il faut prendre au sérieux
à la fois l’intention qui l’anime et la manière
dont elle s’appuie sur certains développements qui
sont au centre du projet d’émancipation de la modernité
(à l’instar de la valorisation de l’autonomie
et de la responsabilité individuelle). Dès lors, il
convient de se défaire de certains réflexes sociologiques
qui trop souvent, malgré leur efficacité politique,
ne permettent pas d’effectuer le long détour nécessaire
pour réinventer une critique plus ajustée. L’ouvrage
de Wacquant s’avère être à la fois une
mise en garde salutaire — et de bonne facture — face
à cette dérive sécuritaire, tout en n’offrant
guère de perspectives pour penser plus en avant les enjeux
des transformations qui la rendent possible.
xxxxxx, Punir les pauvres : le nouveau gouvernement de l’insécurité
sociale, Marseille, Agone, 2004. 347 pages. 26 euros.
Bibliographie
Thomas Bénatouïl, « Critique et pragmatique en
sociologie. Quelques principes de lecture », Annales Hss,
2, 1999, pp. 281-317.
Luc Boltanski, Laurent Thévenot, De la justification, Paris,
Gallimard, 1991.
Marc Breviglieri, Luca Pattaroni, Joan Stavo-Debauge, « Quelques
effets de l’idée de proximité sur la conduite
et le devenir du travail social », Revue suisse de sociologie,
29 (1), 2003, pp. 141-157.
Daniel Cefaï, « Qu’est-ce qu’une arène
publique : quelques pistes pour une approche pragmatiste »,
in Daniel Cefaï, Isaac Joseph, L’héritage du pragmatisme
: conflits d’urbanité et épreuves de civisme,
Paris, Editions de l’Aube, 2002, pp. 51-81.
Michel Callon, Pierre Lascoume, Yannick Barthes, Agir dans un monde
incertain : essai sur la démocratie technique, Paris, Seuil,
2001.
François Ewald, L’État-Providence, Paris, Grasset,
1984.
Nancy Fraser, Linda Gordon, « A Genealogy of Dependency :
tracing a keyword of U.S. welfare state », in Eva Feder Kittay,
Ellen K. Feder, The subject of care : feminist perspective on dependency,
Boston, Rowman & Littlefield Publishers, 2002, pp. 14-39.
Cyril Lemieux, « Une critique sans raison ? L’approche
bourdieusienne des médias et ses limites », in Bernard
Lahire (ed.), Le travail sociologique de Pierre Bourdieu. Dettes
et critiques, Paris, La Découverte 1999, pp. 205-229.
Loïc Wacquant, Les Prisons de la misère, Paris, Éditions
Raisons d’Agir, 1999.
Éric Widmer, Noëlle Languin, Luca Pattaroni, Jean Kellerhals,
Christian-Nils Robert, « Du sentiment d’insécurité
aux représentations de la délinquance », Déviance
et Société, 2, 2004, pp. 141-158.
Notes
1 Wacquant dénombre quatre grands « principes »
à la base de la loi :
2 Les « services sociaux » deviennent de véritables
réseaux de surveillance. Ainsi, dans certains Etats, l’accès
aux aides sociales est conditionné au respect de certaines
normes de conduite (sexuelles, familiales, éducatives, etc.)
(p. 79)
3 Pour le lecteur pressé, il y a là un résumé
économe de l’argument du livre et de sa démonstration.
A vrai dire, le reste du livre s’attarde surtout à
consolider cette démonstration, à la fois statistiquement
et en s’appuyant sur une vase littérature criminologique.
4 Vol à l’étalage, vol de voiture ; possession
de drogue, etc. (p. 138). Au contraire de la plupart des pays européens,
il n’y a donc pas de dualisation ; c’est-à-dire,
une politique pénale qui, d’une part, punit plus sévèrement
les crimes considérés comme grave et, d’autre
part, favorise des peines alternatives à la prison pour les
délits dit mineurs (p. 140).
5 Cet alourdissement passe par des règles comme « three
strikes and you are out » qui prévoit la perpétuité
automatique à la troisième récidive et cela
quel que soit le délit (p. 138).
6 A cet égard, il a cette formule frappante : « la
construction de prison est de fait devenu le principal programme
de logement social » (p. 178).
7 La diffusion du modèle répressif américain
fait l’objet en particulier du livre précédent
de Wacquant Les prisons de la misère.
8 Pour une critique, fortement polémique (en réponse
aux attaques nominales de Wacquant), de certaines interprétations
statistiques et criminologiques contenue dans l’ouvrage, on
peut consulter la recension de Frédéric Ocqueteau.
9 Pour une critique des analyses trop « externes » du
travail social, cf. Breviglieri, Pattaroni, Stavo-Debauge, 2004.
De manière plus générale, sur l’externalité
de la critique : Lemieux, 1999.
Luca Pattaroni
Il est collaborateur scientifique au Laboratoire de sociologie
urbaine (Lasur) de l'École Polytechnique Fédérale
de Lausanne et enseignant-chercheur au Groupe de Sociologie Politique
et Morale (Ehess-Cnrs/Paris). Dans la continuation de sa thèse
sur les liens entre la responsabilité et le politique, il
s’efforce de considérer sociologiquement la question,
inspirée de la philosophie politique et morale, de la composition
d’une société plurielle. Ses enquêtes
actuelles concernent l’expérience pragmatique de la
ville, le développement urbain durable, l’habitat et
les politiques participatives. Parmi ses dernières publications
(2005) : « Le care est-il institutionnalisable ? Quand la
“politique du care” émousse son éthique
» in Paperman et Laugier Sandra (eds.) Éthique et politique
du care, Raisons Pratiques, Éd. de l’Ehess; «
Le souci de propriété. Vie privée et déclin
du militantisme dans un squat genevois» (en collaboration
avec Marc Breviglieri), in Haumont B. et C. Morel, La société
des voisins, Paris, Msh.
Luca Pattaroni, "Quand la politique se tient aux limites du
projet sociologique.", EspacesTemps.net, Mensuelles, 04.12.2005
http://espacestemps.net/document1753.html
dimanche 4 décembre 2005
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