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Avertissement
Mail de Loïc Wacquant septembre 2010
Merci de retirer toute mention de l'ouvrage PUNIR LES PAUVRES de
votre site: il s'agit d'une version contrefaisante, version truquee
et tronquee de mon travail publiee sans contrat ni bon a tirer par
Agone, contre ma volonte explicite et expresse. Cet ouvrage est
une tromperie; ce n'est pas le mien; il ne figure pas a ma bibliographie,
merci de ne pas me l'attribuer. Vous pouvez lire la version complete
et conforme de mon travail en anglais, PUNISHING THE POOR, Duke
University Press, 2008.
Cordialement,
Loïc Wacquant
Professor, University of California, Berkeley Chercheur, Centre de sociologie européenne, Paris
http://sociology.berkeley.edu/faculty/wacquant/
Department of Sociology University of California-Berkeley Berkeley CA 94720 USA fax 510/642-0659
Origine : http://www.cemea.asso.fr/notes191.html
Les lecteurs attentifs à la question sociale connaissent déjà
Loïc Wacquant pour Les prisons de la misère, analyse de
la politique carcérale qui tient place de politique sociale
aux États-Unis. Voici aujourd’hui Punir les pauvres,
qui trace plus au fond et plus loin le sillon alors engagé.
Soyons clairs tout de suite : la pratique étasunienne majoritaire
de gestion du social et de la misère par la charité
et la répression ne nous intéresserait pas tant si elle
n’était pas le modèle qui inspire peu ou prou
nos décideurs hexagonaux, qu’ils se revendiquent de la
gauche ou qu’ils se réfèrent explicitement à
une pensée de droite. Souvenons-nous : la réduction
de la durée et du niveau des indemnités de chômage,
la pénalisation des regroupements de jeunes dans les halls
d’immeubles, la stigmatisation comme « sauvageons »
de certains jeunes, la pénalisation des fêtes techno…
autant d’actes d’avant le printemps 2002 et son apothéose
sécuritaire.
Revenons aux États-Unis afin de mieux connaître la cuisine
qui se prépare dans ce laboratoire. Wacquant en décortique
les politiques et les pratiques en matière de social, et montre
de quelle façon le libéralisme y prend en compte l’exclusion
sociale qu’il produit tant par ses choix économiques
globaux que par ses politiques de gestion du social. La solution trouvée
à la précarisation est simple : assistanat minimal,
et surpénalisation des conduites déviantes des exclus.
Les prisons débordent de Noirs et de Latinos, l’immobilier
carcéral crée des emplois et des richesses, la police
multiplie ses effectifs. La sécurité est un segment
porteur pour l’économie. La mise en place d’un
« État pénal » est la réponse à
la création d’une nouvelle question sociale.
Wacquant nous rappelle également quelques évidences
cachées. Ainsi, la pratique new-yorkaise de ce que nous appelons
en France une « police d’intervention » ne présente
pas plus de résultats de fond que celle d’une «
police de proximité » pratiquée dans d’autres
villes, appuyée sur les compétences des communautés
humaines et sur l’association de celles-ci aux problèmes
qui les concernent. Il propose une explication à cela : au
fond, une action de police n’agit que sur des épiphénomènes,
et la baisse de la criminalité dans les grandes villes nord-américaines
tient nettement plus de la reprise économique et de la fin
de la « guerre du crack » que du nombre de policiers présents
au mètre carré.
Il apparaît alors que les choix des modes d’intervention
ont beaucoup plus à voir avec des choix politiques globaux
qu’avec de simples critères objectifs d’efficacité.
Au fur et à mesure du livre, les analogies avec la France apparaissent
de plus en plus fortement. Et c’est normal : le modèle
new-yorkais est le guide d’action des autoproclamés experts
en sécurité qui conseillent les politiques de tous bords,
et la Grande Pomme est le lieu incontournable des visites professionnelles
et politiques. Une lecture à ce filtre des lois Perben 1 et
2 et du projet de loi dit Sarkozy est sans équivoque. Pas plus
que ne sont équivoques les interventions de députés
de gauche sur les questions de la sécurité, appuyées
sur la pensée développée au colloque de Villepinte
qui a découplé la sécurité de l’emploi,
du social, en fait la sécurité de la vie de la sécurité
lue uniquement sous son aspect « sécuritaire »,
policier.
Ceux qui résistent à ces conceptions stigmatisantes
et répressives du contrat social liront donc avec beaucoup
d’intérêt cet ouvrage, source d’éléments
critiques et d’arguments solides qui leur seront fort utiles
dans les débats et les combats à conduire.
Reste à s’interroger sur la contamination sécuritaire
dont la gauche française a été et est toujours
victime. Méconnaissance étonnante des données
réelles ? Dépendance de cabinets d’études
proches, qui font leurs affaires de la vente du contrôle et
de la répression ? Flatterie démagogique des électeurs…
qui n’ont pas fait preuve de reconnaissance ?
À chacun de trancher. La lecture de ce livre y aidera.
François Chobeaux
Vie sociale et traitements, 4e trimestre 2004
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