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Punir les pauvres
Le nouveau gouvernement de l’insécurité sociale
xxxxxxx
Éditions agone, 2004,
Note de lectureCMEA


Avertissement
Mail de Loïc Wacquant septembre 2010
Merci de retirer toute mention de l'ouvrage PUNIR LES PAUVRES de votre site: il s'agit d'une version contrefaisante, version truquee et tronquee de mon travail publiee sans contrat ni bon a tirer par Agone, contre ma volonte explicite et expresse. Cet ouvrage est une tromperie; ce n'est pas le mien; il ne figure pas a ma bibliographie, merci de ne pas me l'attribuer. Vous pouvez lire la version complete et conforme de mon travail en anglais, PUNISHING THE POOR, Duke University Press, 2008.
Cordialement,
Loïc Wacquant
Professor, University of California, Berkeley Chercheur, Centre de sociologie européenne, Paris http://sociology.berkeley.edu/faculty/wacquant/
Department of Sociology University of California-Berkeley Berkeley CA 94720 USA fax 510/642-0659



Origine : http://www.cemea.asso.fr/notes191.html

Les lecteurs attentifs à la question sociale connaissent déjà Loïc Wacquant pour Les prisons de la misère, analyse de la politique carcérale qui tient place de politique sociale aux États-Unis. Voici aujourd’hui Punir les pauvres, qui trace plus au fond et plus loin le sillon alors engagé.

Soyons clairs tout de suite : la pratique étasunienne majoritaire de gestion du social et de la misère par la charité et la répression ne nous intéresserait pas tant si elle n’était pas le modèle qui inspire peu ou prou nos décideurs hexagonaux, qu’ils se revendiquent de la gauche ou qu’ils se réfèrent explicitement à une pensée de droite. Souvenons-nous : la réduction de la durée et du niveau des indemnités de chômage, la pénalisation des regroupements de jeunes dans les halls d’immeubles, la stigmatisation comme « sauvageons » de certains jeunes, la pénalisation des fêtes techno… autant d’actes d’avant le printemps 2002 et son apothéose sécuritaire.

Revenons aux États-Unis afin de mieux connaître la cuisine qui se prépare dans ce laboratoire. Wacquant en décortique les politiques et les pratiques en matière de social, et montre de quelle façon le libéralisme y prend en compte l’exclusion sociale qu’il produit tant par ses choix économiques globaux que par ses politiques de gestion du social. La solution trouvée à la précarisation est simple : assistanat minimal, et surpénalisation des conduites déviantes des exclus. Les prisons débordent de Noirs et de Latinos, l’immobilier carcéral crée des emplois et des richesses, la police multiplie ses effectifs. La sécurité est un segment porteur pour l’économie. La mise en place d’un « État pénal » est la réponse à la création d’une nouvelle question sociale.

Wacquant nous rappelle également quelques évidences cachées. Ainsi, la pratique new-yorkaise de ce que nous appelons en France une « police d’intervention » ne présente pas plus de résultats de fond que celle d’une « police de proximité » pratiquée dans d’autres villes, appuyée sur les compétences des communautés humaines et sur l’association de celles-ci aux problèmes qui les concernent. Il propose une explication à cela : au fond, une action de police n’agit que sur des épiphénomènes, et la baisse de la criminalité dans les grandes villes nord-américaines tient nettement plus de la reprise économique et de la fin de la « guerre du crack » que du nombre de policiers présents au mètre carré.

Il apparaît alors que les choix des modes d’intervention ont beaucoup plus à voir avec des choix politiques globaux qu’avec de simples critères objectifs d’efficacité.

Au fur et à mesure du livre, les analogies avec la France apparaissent de plus en plus fortement. Et c’est normal : le modèle new-yorkais est le guide d’action des autoproclamés experts en sécurité qui conseillent les politiques de tous bords, et la Grande Pomme est le lieu incontournable des visites professionnelles et politiques. Une lecture à ce filtre des lois Perben 1 et 2 et du projet de loi dit Sarkozy est sans équivoque. Pas plus que ne sont équivoques les interventions de députés de gauche sur les questions de la sécurité, appuyées sur la pensée développée au colloque de Villepinte qui a découplé la sécurité de l’emploi, du social, en fait la sécurité de la vie de la sécurité lue uniquement sous son aspect « sécuritaire », policier.

Ceux qui résistent à ces conceptions stigmatisantes et répressives du contrat social liront donc avec beaucoup d’intérêt cet ouvrage, source d’éléments critiques et d’arguments solides qui leur seront fort utiles dans les débats et les combats à conduire.

Reste à s’interroger sur la contamination sécuritaire dont la gauche française a été et est toujours victime. Méconnaissance étonnante des données réelles ? Dépendance de cabinets d’études proches, qui font leurs affaires de la vente du contrôle et de la répression ? Flatterie démagogique des électeurs… qui n’ont pas fait preuve de reconnaissance ?

À chacun de trancher. La lecture de ce livre y aidera.

François Chobeaux

Vie sociale et traitements, 4e trimestre 2004