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Origine : http://www.polytechnique.fr/eleves/binets/xpassion/article.php?id=65
http://www.polytechnique.fr/eleves/binets/xpassion/article.php?id=65&page=2
Lucien Scubla est agrégé de philosophie et docteur
en anthropologie. Il est membre du Centre de Recherche en Épistémologie
Appliquée (CREA), depuis sa fondation en 1982, où
il travaille sur les fondements rituels de la vie sociale et l’épistémologie
des sciences de l’homme et de la société.
Quel est votre sentiment général sur l’œuvre
de Girard et sa place dans l’histoire de l’anthropologie
?
Le principal mérite de René Girard est de renouer
avec la tradition de la grande anthropologie religieuse. Il a repris,
à nouveaux frais, la question du sacrifice qui avait occupé
une place centrale dans le débat anthropologique, des origines
à 1939. C’est cette année-là que meurt
A. M. Hocart, un anthropologue britannique qui avait montré
que la plupart des institutions, et bon nombre de techniques, dérivaient
de pratiques religieuses, et plus particulièrement des activités
rituelles organisées autour d’un personnage sacré
que l’on nomme généralement le roi. À
la fin de sa vie, Hocart parvenait à la conclusion —
publiée dans un ouvrage posthume intitulé Social Origins
— que les premiers rois devaient être des rois morts,
c’est-à-dire des victimes sacrificielles. Par ailleurs,
1939 est aussi l’année de la mort de Freud et de la
parution de son dernier livre, Moïse et le monothéisme,
dans lequel il approfondit son hypothèse du meurtre fondateur,
en montrant que celui-ci peut se répéter au cours
de l’histoire de l’humanité, puisque Moïse
semble avoir été mis à mort par son propre
peuple. Bref, pour Hocart comme pour Freud, la société
humaine s’organise autour du cadavre d’une victime.
Nous sommes donc, à cette époque, tout près
de la thèse que René Girard développera plus
tard dans La violence et le sacré. Mais, sous prétexte
de rigueur et de scientificité, l’anthropologie va
négliger leurs intuitions et se détourner de leurs
travaux. Il faudra attendre 1972 pour voir Girard — qui n’est
pas un anthropologue patenté mais un professeur de littérature
aux États-Unis — reprendre le dossier là où
il était resté depuis 1939, et faire un pas de plus
que ses prédécesseurs, avec la découverte de
ce qu’il nomme le mécanisme victimaire. Au lieu de
partir d’un rite originel, comme Hocart, pour en tirer tous
les autres rites et institutions, Girard part d’une matrice
pré-rituelle centrée sur un meurtre collectif spontané.
Au lieu d’un meurtre unique, le meurtre du père pour
Freud dans Totem et tabou, au lieu d’une série de meurtres
pour le Freud de Moïse et le monothéisme, qui sont autant
d’événements singuliers, Girard postule un mécanisme
universel, le mécanisme de la victime émissaire, susceptible
d’agir en tout temps et en tout lieu, pour permettre la résolution
d’une crise.
Personne avant lui n’avait proposé un processus d’autorégulation
de la vie sociale, permettant de comprendre à la fois, pourquoi
et comment les hommes ont besoin des dieux pour survivre, et pourquoi
et comment les dieux ont besoin des hommes pour naître et
se perpétuer. Au lieu de se donner des structures toutes
faites comme le structuralisme lévy-straussien, Girard propose
une anthropologie morphogénétique, montrant comment
les structures se font et se défont. Au lieu d’expliquer
le lien social par le seul principe de réciprocité
et les relations symétriques d’échange, il montre
que celles-ci sont tributaires d’une relation antisymétrique
plus fondamentale : l’unanimité-moins-un du mécanisme
victimaire. Pour tout cela, il a bien mérité de la
science.
Quand j’ai lu La violence et le sacré en 1972, ce
fut un des grands chocs intellectuels de ma vie. Je me suis aperçu
que l’anthropologie qui m’avait été enseignée
faisait l’impasse sur le religieux ou le réduisait
à une superstructure. Les travaux d’auteurs comme Durkheim,
qui avaient reconnu le caractère fondamental du religieux
au sein du social, étaient alors considérés
comme désuets. C’est la théorie girardienne
qui m’a conduit à lire pour la première fois,
de manière attentive, les grands auteurs de l’anthropologie
religieuse, et à tenter de prolonger leurs travaux. C’est
dans les années 1980, après la fondation du CREA (Centre
de Recherche en Épistémologie Appliquée, École
Poly-technique) que je me suis aperçu que cette théorie
prêtait le flanc à un certain nombre d’objections.
Vous dites en effet de la théorie girardienne qu’elle
est valide mais incomplète et généralisable.
Qu’entendez-vous par là ?
La théorie girardienne est valide en ce sens qu’il
existe un grand nombre de faits d’observation qui la corroborent
et qu’elle est seule à pouvoir expliquer. Une bonne
partie de mon travail consiste d’ailleurs à en élargir
l’inventaire. Mais, contrairement à ce que croit Girard,
l’hypothèse mimétique et le mécanisme
victimaire ne permettent pas de construire une théorie anthropologique
complète. Pour expliquer le tabou universel du sang menstruel,
par exemple, il faut des hypothèses additionnelles et indépendantes
des principes girardiens. Mais quelques hypothèses supplémentaires
suffisent, à mon avis, pour en faire une théorie à
peu près complète.
Avant de revenir sur cette objection et les alternatives
que vous proposez, restons un instant sur la question de la validité.
La théorie girardienne n’est-elle pas trop dogmatique
?
Certaines présentations de la théorie ont, en effet,
ce caractère. À mon sens, Girard est passé
trop vite d’une présentation analytique ou inductive
à une présentation synthétique ou axiomatique
de sa théorie. Dans La violence et le sacré son exposé
est analytique. Partant d’un problème précis
qu’il décompose en questions plus simples, successivement
résolues, il nous montre son cheminement intellectuel, et
nous avons la satisfaction de pouvoir, pas à pas, suivre
ses conjectures et vérifier ses preuves. Dans Des choses
cachées depuis la fondation du monde, il utilise la méthode
synthétique. Partant d’un seul axiome, l’hypothèse
du désir mimétique, il reconstruit la totalité
de sa théorie, en déduit une nouvelle psychopathologie
et, last but not least, une nouvelle apologie du christianisme.
C’est intellectuellement séduisant mais, au fond, beaucoup
moins convaincant. Ce n’est pas tout. Dans ses derniers ouvrages,
il donne une nouvelle présentation synthétique de
sa théorie, encore plus provocante, qui consiste, sur le
plan formel, à permuter axiomes et théorèmes
ou, si vous préférez, principes et conséquences.
Postulant que la découverte du mécanisme victimaire
n’aurait pas été possible sans la religion chrétienne
— qui, en apprenant aux hommes à jeter un regard différent
sur les victimes, aurait non seulement désamorcé mais
objectivé le mécanisme victimaire — il a entrepris
de reconstruire tout son système, à partir des préceptes
évangéliques qui, selon lui, seraient gros de toute
la théorie mimétique et de toute l’anthropologie
qui en découle. D’où un système esthétiquement
parfait, porteur de toute la richesse du monde humain, et dont les
diverses entrées seraient équivalentes.
À mon avis, on ne doit pas reprocher à Girard de
vouloir bâtir une théorie unitaire. Il est dans la
nature de toutes les sciences fondamentales de procéder ainsi.
Les anthropologues de formation littéraire ont du mal à
l’admettre, mais non, je suppose, les esprits frottés
aux mathématiques et à la physique théorique.
En revanche, on peut faire grief à Girard de brûler
les étapes et d’obtenir une unité et une complétude
factices au prix de coups de force. Il faut décomposer la
théorie girardienne en trois tronçons : théorie
du désir mimétique, théorie de la victime émissaire
et théorie du christianisme. Il est de bonne méthode
de le faire, car si le passage de l’une à l’autre
de ces composantes est possible, il n’est pas nécessaire.
Remarquons encore, à l’adresse de ceux qui sont irrités
par le credo girardien, que sa première théorie synthétique
est une théorie laïque. Comme l’avait dit un critique
à propos de La violence et le sacré, c’est la
première théorie athée du religieux. C’est
uniquement à partir de l’hypothèse « naturaliste
» d’un surcroît de mimétisme chez les hominidés,
et des effets de composition de ce mimétisme, qu’elle
explique la genèse du sacré et des institutions religieuses
et, de fil en aiguille, de toute la civilisation humaine.
Mais pourtant, selon Girard, la dénonciation du
mécanisme victimaire par les Évangiles est une preuve
de l’origine transcendante de ce texte. C’est ce que
l’on a souvent reproché à Girard, construire
une théorie qui force à croire. Est-ce que vous partagez
cette objection ?
Cette objection ne m’a jamais paru sérieuse. Les mailles
du filet tissé par Girard sont, je le disais à l’instant,
plus lâches qu’il ne le semble. On n’est pas dans
une logique du tout ou rien. On peut toujours considérer
séparément les trois grands pans de la théorie.
Je pense pour ma part que le morceau le plus solide de la théorie
girardienne est l’anthropologie fondamentale construite autour
du mécanisme victimaire. Elle n’oblige pas à
admettre l’interprétation girardienne du christianisme,
ni, à plus forte raison, à être chrétien.
Cela dit, il y a bien un rapport tout à fait particulier
à la victime au sein du christianisme. À l’extérieur
du monde chrétien, le héros fondateur est toujours
le meurtier-sacrificateur. C’est Romulus tuant son frère
pour fonder Rome. C’est aussi Caïn tuant Abel et dont
les descendants — la lecture chrétienne l’oublie
souvent — sont des héros civilisateurs. Tandis qu’au
sein de la culture chrétienne, le rôle fondateur est
dévolu à la victime. C’est saint Denis fondant
Paris. Il y a là une spécificité du christianisme
que Girard relève très justement. En revanche il est
beaucoup plus difficile d’accorder au christianisme la primauté
et le monopole de la dénonciation du sacrifice. Car d’une
part il subsiste au sein du christianisme des éléments
sacrificiels, d’autre part il existe des mouvements religieux
antérieurs au christianisme tel que l’orphisme qui
ont condamné de manière radicale le sacrifice. Les
Orphiques y voyaient déjà un meurtre et c’est
pour cette raison qu’ils refusaient le culte officiel et tout
ce qui en découlait, en particulier la consommation de la
viande, dans une civilisation où tout animal devait être
abattu rituellement. En outre, nous avons des représentations
picturales qui dépeignent la mort d’Orphée comme
un lynchage. Même si aucun document ne fait état de
manière explicite d’une compréhension du mécanisme
victimaire, il semble bien que les Orphiques aient été
très proches de cette idée. Il est donc faux d’affirmer
que le christianisme serait la première, la seule et la plus
radicale des religions anti-sacrificielles. Il reste que l’orphisme
est toujours resté un mouvement marginal alors que le christianisme
s’est implanté et a même accouché du monde
moderne qui reste pénétré, comme le disait
Chesterton, d’idées chrétiennes devenues folles.
Revenons maintenant, s’il vous plaît, sur les
objections anthropologiques que vous adressez à la théorie
girardienne. Pouvez-vous commencer par nous expliquer ce qu’est
le tabou du sang menstruel et en quoi Girard échoue à
en rendre compte ?
C’est un tabou attesté dans de très nombreuses
sociétés humaines et peut-être même un
invariant anthropologique. Dans une grande majorité de sociétés
primitives ou complexes, les premières règles sont
entourées de nombreux rituels et des précautions très
méticuleuses sont prises envers les femmes en période
de menstruation. Il leur est ainsi interdit de faire la cuisine,
il faut souvent les isoler du groupe et leur faire subir divers
rites de purification. Girard rend compte de ces observations en
expliquant que les règles féminines, comme tout épanchement
de sang, font peur, car elles évoquent la contagion violente
de la crise mimétique. Il me semble que le sang menstruel
est d’abord vu comme le signifiant de la procréation.
En effet les femmes ne peuvent pas procréer tant que ce sang
ne coule pas et elles ne le peuvent plus lorsqu’il cesse de
couler. Les rites qui entourent le sang menstruel sont un effort
pour contrôler ces forces obscures dont dépend, en
définitive, la survie du groupe. Remarquons, par ailleurs,
que tous les grands rituels sont effectués par les hommes.
Plus généralement presque toutes les opérations
sanglantes (chasse, guerre, sacrifice, …) sont accomplies
par les hommes. Comme l’a montré Alain Testart, si
dans une société, les pratiques cynégétiques
[NDLR : la chasse] ne peuvent être effectuées que par
un seul des deux sexes, alors il s’agit toujours des hommes.
Pour autant, on trouve des sociétés au sein desquelles
les femmes sont associées à la chasse. Mais, si au
sein de telles sociétés, la mise à mort du
gibier est réservée à l’un des deux sexes,
alors encore une fois il s’agit des hommes. Si les deux sexes
peuvent tuer mais un seul faire couler le sang, c’est l’homme
qui aura ce privilège. Enfin, dans les sociétés
où les femmes peuvent en certaines circonstances mettre à
mort un animal, elles ne doivent pas le faire si elles sont en période
de menstruation. L’hypothèse girardienne et sa vision
rigide du sang comme symbole de la violence ne peuvent rendre compte
de telles observations et des conséquences qui en découlent
pour toute l’organisation de la vie sociale.
Au sein d’un groupe humain, le sang peut couler spontanément
et il coule spontanément d’abord chez les femmes en
période menstruelle ou bien il peut être délibérément
versé. Les individus ne peuvent cumuler les deux attributs
: dans la mesure où les femmes sont déjà marquées
par le sang qui coule spontanément, il appartiendra aux hommes
de verser le sang de la chasse ou du sacrifice.
Comment peut-on selon vous rendre compte de ces observations
?
Si l’on regarde les rites d’initiation, on observe
qu’ils mettent systématiquement en scène la
mort des initiés et leur renaissance. Pour Girard, il s’agit
de pratiques qui visent à mettre les initiés dans
la position de la victime émissaire. Puisque les jeunes gens
sont sur le point d’accéder à la culture, ils
doivent, pour ainsi dire, refaire individuellement le chemin vers
la culture que le groupe a parcouru collectivement, et ce chemin
passe, par hypothèse, par le meurtre fondateur qui transforme
un être maléfique en être bénéfique.
Je ne dis pas que cette interprétation est fausse, mais elle
est incomplète. Les rites d’initiation sont presque
toujours réservés aux garçons et sont pratiqués
par les hommes. Ils sont presque tous bâtis sur le même
schéma : la mort symbolique des initiés suivie d’une
renaissance accomplie par les hommes, et supérieure à
la naissance naturelle dévolue aux femmes. Tout se passe
comme si les hommes mimaient le pouvoir féminin de mettre
au monde les enfants. Le camp initiatique s’appelle souvent
l’utérus, sa porte le clitoris. Les initiés
sont nourris et maternés par les hommes, etc. Certaines sociétés
sont d’ailleurs très claires sur ce point : de même
que les hommes apportent des aliments crus aux femmes qui sont chargées
de les faire cuire, les enfants dont accouchent les femmes sont
perçus comme des « hommes crus », c'est-à-dire
des animaux à vocation humaine qui ne pourront devenir des
hommes à part entière que par le truchement des rites
d’initiation accomplis par les hommes adultes. Ainsi les hommes
tentent-ils de s’approprier la capacité à donner
la vie, spécificité qu’ils envient aux femmes.
On sait que pour Girard le conflit mimétique tend à
focaliser les antagonistes l’un sur l’autre et à
leur faire oublier l’objet même de leur rivalité.
Girard en déduit que les situations de rivalité sont
presque toujours des situations de rivalité pure et qu’il
n’y a donc pas d’objet propre du désir. Je crois
pour ma part qu’il y a un objet privilégié de
désir et de rivalité, c’est l’enfant et
la procréation. C’est ce que montre par exemple un
beau mythe gabonais où l’on retrouve la rivalité
fraternelle chère à Girard, mais non la rivalité
sans objet : les deux frères se battent pour la possession
des règles de leur sœur. Cette importance de la procréation
est un point qui échappe à Girard comme il avait échappé
à la psychanalyse.
Pouvez-vous donner un exemple ethnographique de situations
ou de rites qui puisse illustrer cette hypothèse ?
On peut prendre l’exemple des Baruya de Nouvelle-Guinée.
Les grands rites y sont organisés par les hommes et les rites
d’initiation correspondent très bien à la structure
que nous venons de décrire. Les garçons sont séparés
de leurs mères, et ne peuvent les retrouver qu’une
fois transformés par l’initiation en hommes véritables,
c’est-à-dire en guerriers. Mais les femmes baruya semblent
comprendre très clairement les intentions des hommes. Elles
exécutent un rite qui consiste à fabriquer des épouvantails,
habillés, parés et traités comme les initiés
: comme si elles voulaient se moquer des hommes et leur rappeler
qu’elles seules peuvent engendrer de vrais êtres humains.
D’ailleurs les hommes ne sont pas dupes de leur propre mise
en scène. Il y a ainsi chez les Baruya, comme dans d’autres
société, des mythes racontant que jadis tous les rites
étaient exécutés par les femmes ; mais leur
maladresse entraînait tellement de catastrophes que les hommes
ont dû s’emparer de cette prérogative. On trouve
même dans certains mythes l’idée explicite que
les tâches rituelles accaparées par les hommes sont
une compensation de la procréation féminine : les
objets volés aux femmes, disent ces mythes, leur ont été
ravis dans les huttes où elles se retirent en période
menstruelle. Cette rivalité des sexes autour de la procréation
est thématisée dans d’innombrables rites et
mythes. C’est un aspect crucial des civilisations humaines
que les hypothèses de Girard ne permettent pas d’expliquer.
Dans la théorie girardienne, la mimesis semble être
la seule modalité du désir. Le complexe d’Œdipe
est ainsi interprété comme imitation par l’enfant
du désir du père. N’est-ce pas une vision trop
systématique ? N’y a-t-il pas au contraire des désirs
objectaux purs, comme le désir de l’enfant pour sa
mère ?
Non, je pense que la reconstruction du complexe d’Œdipe
que propose Girard est, pour l’essentiel, satisfaisante. Mais,
il reste que, même si le père peut devenir un rival
après avoir été un modèle, la vie commence
avec une différence fondamentale qui est la différence
des générations, et, je vous l’accorde volontiers,
avec un lien privilégié à la mère.
Ce que je reproche surtout à la théorie mimétique
de Girard, c’est de vouloir engendrer toutes les différences
à partir d’un état indifférencié,
de faire comme si la relation symétrique des frères
ennemis suffisait à reconstruire les sociétés
humaines. Or, la différence des générations,
comme la différence des sexes dont nous venons de parler
sont des données premières. Vouloir les engendrer,
c’est au fond, tenter de faire, sur le plan de la science,
ce que les hommes tentent de faire dans les rites d’initiation.
Toutes ces réserves ne doivent pas nous empêcher de
reconnaître le génie de Girard. À l’occasion
d’un colloque récent sur la royauté, je crois
avoir montré que l’hypothèse du mécanisme
victimaire était indispensable pour construire une bonne
théorie de la monarchie sacrée, c’est-à-dire
d’une institution qui, comme l’avait montré Hocart,
a été la matrice de presque toutes les civilisations.
Or, cette hypothèse de Girard peut être encore être
développée dans des voies que lui-même n‘a
pas explorées et qui sont extrêmement fécondes.
Mais ce serait l’objet d’un autre entretien.
Pour en savoir plus sur les points abordés dans
cet entretien
Théorie du sacrifice et théorie du désir chez
René Girard in Paul Dumouchel, éd., Violence et Vérité,
Paris, Grasset, 1985 : 359-374.
Vers une anthropologie morpho-génétique : violence
fondatrice et théorie des singularités, Le Débat
n° 77 (1993) : 102-120.
Vengeance et Sacrifice : de l'opposition à la réconciliation,
Droit et Cultures n° 26 (1993) : 77-101.
Ceci n'est pas un meurtre, ou comment le sacrifice contient la
violence in De la violence II, Séminaire de Françoise
Héritier, Paris, Éditions Odile Jacob, 1999 : 135-170.
L'anthropologie a-t-elle fait des progrès depuis Hocart
?, La Revue du MAUSS semestrielle, n° 18 : 338-360 et n°
19 (2002) : 201-220.
Hiérarchie des sexes et hiérarchie des savoirs ou
Platon chez les Baruya, Cités, 8 (2002) : 13-24.
Roi sacré, victime sacrificielle et victime émissaire
(Travaux et Documents du CREA, Février 2003).
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