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Origine : http://www.la1ere.fr/2014/09/23/esclavage-au-xviie-siecle-exigeait-deja-reparation-191844.html
Dans son nouveau livre, le philosophe Louis Sala-Molins présente les écrits de deux religieux capucins du XVIIe siècle, Francisco José de Jaca et Epiphane de Moirans, qui exigeaient dès cette époque des réparations sans conditions pour les esclaves.
livre de Louis Sala-Molins, "Esclavage et Réparations" (éditions Lignes)
A la fin du XVIIe siècle, alors que la traite et l’esclavage
battent leur plein et que leur abolition n’est que rarement
envisagée, deux voix singulières s’élèvent
non seulement pour demander l’abolition immédiate de
l’esclavage, mais également des réparations
pour les victimes de ce système.
Inhumanité
Qui sont donc ces personnes qui osent défier l’ordre
établi, légitimé par l’église
? Il s’agit de deux missionnaires capucins en mission dans
les « Indes occidentales ». L’un est français,
Epiphane de Moirans, et l’autre, Francisco José de
Jaca, espagnol. Tous deux ont constaté de visu l’inhumanité
et la brutalité de l’esclavage des Noirs. Ils dénoncent
également l’asservissement et les traitements infligés
aux Indiens des Amériques.
Leur (courte) vie durant (de Moirans meurt à 45 ans et de
Jaca à 44), les deux ecclésiastiques n’auront
de cesse de se battre pour l’abolition de l’esclavage
et l’octroi de réparations pour les victimes. Ils refusent
les sacrements et l’absolution pour les maîtres à
moins que ces derniers libèrent leurs esclaves. Ils prêchent,
écrivent, dénoncent les autorités civiles et
religieuses complices du système.
Selon les deux capucins, la traite et l’esclavage sont contraires
au droit divin. Et ils exigent, entre autres : « l’abolition
totale de l’esclavage des Noirs ; l’octroi aux Noirs
des terres qu’ils ont labourées ; le dédommagement
pécuniaire à chacun pour les mauvais traitements subis
; et les paiements, restitutions et dédommagements à
transférer aux ayants droit des esclaves déjà
décédés, sans limitation ni du temps écoulé
à partir de l’abolition ni du nombre de générations
s’étant succédé depuis. »
Audace
Pour leur audace, Epiphane de Moirans et Francisco José de
Jaca subiront les pires avanies : prison, suspensions, excommunications,
renvoi forcé en Europe. Dans "Esclavage et Réparation"
(éditions Lignes), le livre qui leur est consacré
et qui fait une large part à leurs écrits, Louis Sala-Molins,
ancien professeur de philosophie politique à la Sorbonne
qui rédigea un essai sur le Code noir, retrace l’itinéraire
des deux religieux.
Et il conclut en ces termes : « En les lisant aujourd’hui,
on ne peut pas ne pas comparer la détermination radicale
des deux moines aux conclusions mesquines des théologiens
de leur temps, dont ils savaient tout et dont ils dénoncent
les effets désastreux, et aux arrangements des philosophes
qui viendront après eux, dont ils ne savent évidement
rien mais dont nous savons tout. (…) »
« Dédommager ? Payer ? Restituer ? Réparer ?
Depuis quand ces infinitifs bassement boutiquiers relèveraient-ils
du vocabulaire ontologique ? (…) La politique s’aligne
sur les pondérations de la philosophie. On abolit une fois
(ou deux…) pour toutes. Puis on criminalise traite et esclavage.
Enfin, à date précise et avec des trémolos
dans la voix, on commémore l’abolition. Et basta. »
Louis Sala-Molins, « Esclavage et Réparation, Les lumières
des capucins et les lueurs des pharisiens » - éditions
Lignes, septembre 2014, 128 pages, 16 euros.
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