Origine : http://fr.wikipedia.org/wiki/Code_noir
Le Code noir (texte intégral) est un recueil d'une soixantaine
d'articles promulgués en 1685 sous le règne de Louis
XIV, et qui a été publié plusieurs fois, notamment
au XVIIIe siècle. Il rassemble toutes les dispositions réglant
la vie des esclaves noirs dans les colonies françaises des
Antilles (en 1685), de Guyane (à partir de 1704) et de l'île
Bourbon (en 1723). Il a servi de modèle à d'autres
règlements utilisés dans d'autres colonies européennes.
Il a également pour objet l'expulsion des juifs[1].
Le 4 février 1794, la Convention républicaine décrète
l'abolition de l'esclavage, appliquée à l'archipel
Guadeloupe mais ni en Martinique occupée par les Britanniques
ni à la Réunion et île Maurice par refus des
autorités locales. Le 30 floréal an X (1802), les
décrets d'annulation sont annulés par Napoléon
Bonaparte, retour au Code Noir. Ce n'est que le 4 mars 1848 que
l'esclavage est aboli définitivement, et le Code Noir ipso
facto caduc.
Le contexte
Louis XIV, monarque absolu, souhaitait étendre son pouvoir
sur l'ensemble des colonies françaises. Le Code noir s'inscrit
dans l'ensemble des ordonnances de son ministre Colbert, bien qu'il
ait été mis en vigueur après la mort de celui-ci
par son fils, Jean-Baptiste Colbert, Marquis de Seignelay.
L'esprit du Code
Le préambule du Code fait apparaître la notion d'«
esclave » comme un fait, sans en donner ni l'origine ni la
légitimation. De façon générale, le
Code entérine l'esclave comme une personne de non-droit,
voire très souvent comme un objet. Par exemple, l'article
44 déclare « les esclaves être meubles »
(au sens notarial du terme)
Article 44
"Déclarons les esclaves être meubles et comme
tels entrer dans la communauté, n'avoir point de suite par
hypothèque, se partager également entre les cohéritiers,
sans préciput et droit d'aînesse, n'être sujets
au douaire coutumier, au retrait féodal et lignager, aux
droits féodaux et seigneuriaux, aux formalités des
décrets, ni au retranchement des quatre quints, en cas de
disposition à cause de mort et testamentaire.."
Il ne jouit d'aucune capacité juridique, à la différence
des serfs du Moyen Âge. C'est la mère qui transmet
la condition juridique d'où l'article 13 précisant
que « Si le mari esclave a épousé une femme
libre, les enfants tant mâles que filles suivent la condition
de leur mère, et que si le père est libre et la mère
esclave, les enfants soient esclaves pareillement. » et donc
par évidence l'article 12 « les enfants qui naîtront
de mariage entre esclaves seront esclaves ». De plus, il interdit
le mariage des esclaves sans le consentement des maîtres et,
à partir de 1724, les mariages entre blancs et noirs.
L'écrasante majorité des articles concernent les
devoirs des esclaves, et les punitions qui leur sont réservées
s'ils les enfreignent. Parmi elles, la peine de mort pour avoir
frappé son maître (article 33), pour vol de cheval
ou vache (article 35), pour la troisième tentative d'évasion
(article 38), ou enfin pour réunion (article 16).
Les articles semblant protéger l'esclave de l'arbitraire
du maître sont à interpréter avec prudence.
Par exemple, s'il est interdit de torturer les esclaves, le fouet,
l'amputation d'une oreille ou d'un « jarret » (article
38), le marquage au fer chaud de la fleur de lys et évidemment
la mort sont autorisés dans les conditions indiquées.
Celles-ci sont souvent très librement laissées à
l'interprétation du maître. Article 42 : « Pourront
seulement les maîtres, lorsqu'ils croiront que leurs esclaves
l'auront mérité, les faire enchaîner et les
faire battre de verges ou de cordes ». Si le texte oblige
le maître à nourrir et à vêtir ses esclaves
(article 22), il interdit parallèlement (article 24) de cultiver
pour leur propre compte un lopin de terre.
Par ailleurs, si l'esclave peut se plaindre officiellement (article
26), son témoignage n'a aucune valeur juridique (article
30). Concrètement, les condamnations de maître pour
le meurtre ou la torture d'esclave seront très rares. L'article
43 est de toutes façons manifestement écrit pour encourager
la clémence des magistrats : « et de punir le meurtre
selon l'atrocité des circonstances ; et en cas qu'il y ait
lieu de l'absolution, permettons à nos officiers [...] ».
L'article 27 tente de fournir un minimum de protection à
l'esclave, notamment en cas de vieillesse ou de maladie.
Le Code s'attache à baptiser les esclaves, à leur
fournir une éducation et une sépulture chrétienne.
On pensait que les Noirs avaient une âme et qu'il fallait
la sauver.
Les esclaves noirs n'avaient pas le droit de porter des armes,
sauf pour la chasse. À la première tentative de fuite,
le marron capturé avait les oreilles coupées et était
marqué au fer rouge. La deuxième tentative aboutissait
à l'amputation de la jambe. La troisième tentative
était synonyme de mort.
L'affranchissement nécessite une autorisation publique et
le paiement de taxes. On notera l'opposition flagrante de ces dispositions
à la bulle Veritas ipsa datant pourtant de plus d'un siècle.
Son article 9 dispose que toute esclave rendue enceinte par son
maître acquiert immédiatement le statut de femme libre,
et que par ailleurs son maître est tenu légalement
de l'épouser. On peut penser à la situation qui sera
bien plus tard celle de Thomas Jefferson.
Analyse
Louis Sala-Molins, professeur émérite de philosophie
politique à Paris I, a publié en 1987 un livre d'analyse
sur le Code noir et ses applications dans lequel il écrit
que le Code noir est « le texte juridique le plus monstrueux
qu'aient produits les Temps modernes »[2]. Le Code noir sert
selon lui un double objectif : à la fois réaffirmer
« la souveraineté de l'État dans les terres
lointaines » et créer des conditions favorables au
commerce de la canne à sucre. « En ce sens, le Code
noir table sur une possible hégémonie sucrière
de la France en Europe. Pour atteindre ce but, il faut prioritairement
conditionner l'outil esclave. »[3]
Les peines et sévices de l'esclave étaient semblables
à celle du paysan moyen français de la même
époque : la France n'étant pas alors dotée
d'un droit écrit universel (elle ne le sera qu'avec le Code
Napoléon), celui-ci était également soumis
à l'arbitraire local. Les peines corporelles sont celles
qui étaient également pratiquées en France
à la même époque sur des sujets du roi, dès
lors que des tribunaux en décidaient. Bien entendu, il convient
de rappeler que cette comparaison formelle des peines ne signifie
en aucun cas que les situations étaient comparables, puisque
les délits n'étaient absolument pas les mêmes
: le paysan était libre et était une personne juridique,
alors que pour un esclave des colonies, recouvrer sa liberté
était un délit punissable de mort.
Le texte de 1685 Code noir est disponible sur Wikisource. => https://fr.wikisource.org/wiki/Code_noir/1685/orthographe_modernis%C3%A9e
Notes et références
1. Cf article 1 : « enjoignons à tous nos officiers
de chasser de nosdites îles tous les juifs qui y ont établi
leur résidence, auxquels, comme aux ennemis déclarés
du nom chrétien »
2. Le Code noir ou le calvaire de Canaan, 1987 [1]
3. entretien avec le magazine Historia [2]
Bibliographie
* Louis Sala-Molins , Le Code noir, PUF, Paris, 1988
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