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Origine : http://www.peuplesawa.com/fr/bnlogik2.php?bnid=239&bnk=640&bnrub=1
« Le Code noir est le texte juridique le plus monstrueux
de l´histoire moderne »
Promulgué par Louis XIV en 1685, le Code noir réglemente
l´esclavage des Noirs aux Antilles, en Louisiane et en Guyane.
Pour en savoir plus sur cette infamie légale, Historia a
rencontré Louis Sala-Molins, exégète impitoyable
du texte et pourfendeur de toutes les hypocrisies abolitionnistes.
Historia - Qu´est-ce que le Code noir et quels en sont les
principes ?
Louis Sala-Molins - C´est à l´initiative de
Colbert, l´homme des grandes réglementations, que l´on
va produire des mémoires sur la situation des esclaves et
des plantations. Deux rédacteurs - Charles de Courbon, comte
de Blénac, et Jean-Baptiste Patoulet - vont s´y atteler
en s´inspirant des pratiques esclavagistes des Espagnols en
terre d´Amérique. Le Code, promulgué par Louis
XIV en 1685, se compose de soixante articles qui gèrent la
vie, la mort, l´achat, la vente, l´affranchissement
et la religion des esclaves. Si, d´un point de vue religieux,
les Noirs sont considérés comme des êtres susceptibles
de salut, ils sont définis juridiquement comme des biens
meubles transmissibles et négociables. Pour faire simple
: canoniquement, les esclaves ont une âme ; juridiquement,
ils n´en ont pas.
Les soixante articles peuvent être compartimentés
en fonction de thématiques allant de la religion unique,
qui condamne le concubinage, impose le baptême et régit
le mariage et l´inhumation des esclaves, à la réglementation
de leurs allées et venues, de leur nourriture et de leur
habillement, en passant par l´incapacité de l´esclave
à la propriété ; son incapacité juridique
; sa responsabilité pénale ; les délits de
fuite et de recel ; la justice et le maître face aux esclaves
; l´esclave en tant que marchandise ; l´affranchissement
et ses conséquences ; les fautes impliquant le retour à
l´esclavage. Les principes essentiels de ce code établissent
la déshumanisation de l´esclave, tant sur le plan juridique
que civil, et la contrainte théologique qui s´exerce
sur sa volonté. Avec la mise en place du Code noir, Louis
XIV abandonne complètement l´esclave à son maître.
La chosification et la bestialisation sont totales. Le roi se limite
à adresser une recommandation à ses sujets pour qu´ils
ne malmènent pas leur « propriété »
qui est aussi leur « patrimoine ».
H. - Dans quel contexte politico-économique apparaît-t-il
?
L. S.-M . - Le Code noir s´inscrit dans une période
de raidissement du catholicisme contre-réformiste. C´est
l´époque de la révocation de l´édit
de Nantes auquel se substitue l´édit de Fontainebleau.
C´est aussi une période de mainmise des jésuites
sur des hommes et des femmes qui entourent Louis XIV. Politiquement
et économiquement parlant, Colbert désire terminer
son travail de réglementation juridique et commerciale. En
effet, dans les colonies antillaises, les colons n´en font
qu´à leur tête. Il apparaît donc urgent
de contenir cet esprit frondeur en réaffirmant la souveraineté
de l´Etat dans les terres lointaines.
Lorsque le Code est établi, le commerce colonial de la France
subit la rude concurrence du commerce britannique. Il faut faire
mieux ou au moins aussi bien que les Anglais. En ce sens, le Code
noir table sur une possible hégémonie sucrière
de la France en Europe. Pour atteindre ce but, il faut prioritairement
conditionner l´outil esclave.
H. - Quel mode opérationnel l´esclavagisme emprunte-t-il
avant qu´on le théorise et qu´on le légalise
?
L. S.-M. - Sous Louis XIII et Richelieu, la France en est encore
à lorgner sur les pratiques esclavagistes bien huilées
de la partie espagnole de l´île de Saint-Domingue. Avant
la codification, les Français improvisent au coup par coup.
La marchandisation des esclaves se fait de façon brutale.
Elle obéit à la loi du marché. Le Code noir
prétend réglementer une gestion dont le bon plaisir
du maître est la clé. Un bon plaisir qui se retrouve
dès lors subordonné à celui du roi, avec les
conséquences suivantes : le bon plaisir du roi étant
légalisé, les caprices de tel ou tel maître
deviennent réprimables. Notons qu´ils ne seront jamais
réprimés. On en arrive à une aberration : pour
la première fois dans l´histoire moderne cohabitent
les mots droit et esclavage dans un ensemble homogène de
lois. Je considère le Code noir comme le texte juridique
le plus monstrueux de la modernité.
H. - Les hommes d´Eglise du XVIIe siècle se réfèrent
à la Bible pour légitimer l´esclavage. Quels
arguments mettent-ils en avant ?
L. S.-M . - Il y a en effet un florilège de textes bibliques
légitimant l´esclavage auxquels hommes d´église
et érudits se réfèrent. Les théologiens
font grand cas, aujourd´hui, des passages de la Bible où
il est question de l´affranchissement des esclaves des Hébreux
tous les sept ans (Genèse XVII, 12-13, 23 et 27 ; Exode XXI,
1-21 ; Deutéronome XV, 12-18). En revanche, ils taisent ce
passage du Lévitique (Lévitique XXV, 44-66), qu´ils
évoquaient alors constamment parce qu´il légitime
l´esclavage au sens le plus fort : interdiction aux juifs
de mettre des juifs en esclavage, mais ordre aux juifs de se procurer
des esclaves, et dans les nations qui les entourent et chez les
enfants des hôtes résidant chez eux, qu´ils soient
nés ailleurs ou en territoire juif : « Ils seront votre
propriété et vous les laisserez en héritage
à vos fils après vous pour qu´ils les possèdent
à titre de propriété perpétuelle. Vous
les aurez pour esclaves. Mais sur vos frères, les enfants
d´Israël, nul n´exercera un pouvoir arbitraire.
» Voilà pour le principe. Mais quel rapport entre la
Bible et les Noirs africains ?
L´africanisation de Canaan apparaît comme une autre
clé de légitimation. Les origines de la « légende
noire » de Canaan remontent à l´époque
de Noé. Celui-ci décide, après le Déluge,
de planter une vigne. Il en tire du vin, le boit, se saoule, et
se met tout nu. Un de ses trois fils, Cham, l´aperçoit
ainsi dévêtu. Il rigole et part raconter ce qu´il
a vu à ses frères. Ces derniers prennent un voile,
vont à reculons vers leur père pour ne pas le voir
et couvrent sa nudité. Puis ils lui racontent les moqueries
dont il a été l´objet. Noé est furieux.
Il décide de maudire Cham. Problème : il l´a
déjà béni. Alors il décharge toute sa
colère sur Canaan, le fils de Cham. Il condamne Canaan à
être l´esclave de ses frères. C´est la
première fois que le mot « esclave » apparaît
dans la Bible. Une vieille tradition rabbinique, très tôt
reprise par les exégètes chrétiens, risque
une géographie post-diluvienne de l´éparpillement
des hommes sur terre en partant des trois enfants de Noé
: aux descendants de Sem (les Sémites), les rives orientales
et méridionales de la Méditerranée ; à
ceux de Japhet (les Japhétites), les rives septentrionales
et occidentales de cette mer ; à ceux de Cham (les Chamites),
les terres inconnues de l´Afrique, aussi loin qu´elles
s´étendent. Fils unique de Cham, Canaan devient la
souche de toute la population noire... Conclusion : les Noirs héritent
tout naturellement de l´esclavage. Aussi simple que cela,
et pour l´exégèse juive et pour l´exégèse
chrétienne. Dans cette tradition « blanco-biblique
», l´esclavage des Noirs est parfaitement légitimé
et la traite apparaît dès lors comme un moyen providentiel
de christianisation.
H. - Dans votre ouvrage Le Code noir ou le calvaire de Canaan ,
vous dîtes qu´à l´orée de la philosophie,
l´esclavage est donné comme allant de soi. Est-ce à
dire que l´asservissement est un corollaire des sociétés
issues de la culture gréco-romaine ?
L. S.-M. - La thématique de l´asservissement est banale
chez Platon. Dans les Lois , il fait apparaître l´esclave
dans un chapitre concernant... les objets perdus. Que faire quand
on trouve un esclave perdu ? On le rend tout simplement à
son maître. La question de l´esclavage est acceptée
et non raisonnée chez Platon. Elle est argumentée
chez Aristote qui défend tranquillement l´existence
d´un esclavage naturel, à ne pas confondre avec celui
dont la source est la captivité pour faits de guerre ou de
razzia. Pour Aristote, en toute logique, les fils des esclaves par
captivité naissent aussi naturellement esclaves que ceux
des esclaves naturels. Et la philosophie ne s´en porte pas
plus mal... On s´aperçoit à les lire que ce
qui préoccupe ces penseurs, ce n´est pas de savoir
si l´esclavage est juste ou injuste, mais d´éviter
que la vertu du maître ne périclite au contact de la
nature résolument vicieuse de l´esclave.
H. - Vous parlez de l´obscénité du silence
des philosophes des Lumières sur la question de l´esclavage.
Pourquoi ce mutisme ?
L. S.-M. - Les Lumières se moquent du catéchisme
qui pose le principe de « tout homme image de Dieu »
induisant une égalité fondamentale. Net et clair en
langage d´aujourd´hui : les Noirs portent le péché
de Canaan, et sont donc légitimement esclaves ; mais, «
images de Dieu », ils sont anthropologiquement aussi parfaits
que les Blancs et parfaitement évangélisables.
Ce schéma est en radicale contradiction avec le soubassement
épistémologique des philosophes des Lumières.
En leur temps, la science anthropologique, c´est Buffon. Avec
Buffon apparaît une rude hiérarchisation des races.
Les Noirs jouent des coudes avec les orangs-outans pour occuper
le palier le plus bas de la pyramide des races. Buffon voit dans
le Blanc une perfection éthique, esthétique, physique.
Quand les philosophes évoquent la perfectibilité et
la dégénérescence, ils parlent pour le Blanc
de perfectibilité morale. Pour les Noirs, anthropologiquement
dégénérés, il s´agit d´une
perfectibilité qui leur permette de se « blanchir ».
Ce qui pour les Blancs est d´ordre purement moral est pour
les Noirs d´ordre anthropologique. Les Lumières critiquent
ici et là les excès des violences inutiles perpétrées
par les négriers, mais à aucun moment elles ne remettent
clairement en question et jusqu´au bout le principe de l´esclavage
des Noirs. Il y a comme une incapacité, pour ces gens de
lettres cimentés dans les schémas de Buffon, de voir
les Noirs autrement qu´en dégénérescence
et en attente d´un improbable mouvement vers l´accomplissement
parfait du Blanc.
Prenez le cas de Diderot et de Raynal. Malgré leurs belles
paroles, ils ne sont pas les derniers à toucher des dividendes
sur l´esclavage. Ils montrent par leur pratique qu´on
peut pleurer sur le triste sort fait aux esclaves noirs tout en
engageant de l´argent dans les compagnies négrières
et en touchant des bénéfices.
Autre exemple : Condorcet. Réputé pour avoir combattu
l´esclavage, il propose pourtant un moratoire de soixante-dix
ans entre la date où on décrète que l´esclavage
est une monstruosité et le moment où l´esclave
va être traité comme un homme. Il demande aussi qu´il
y ait quinze ans pendant lesquels le travail de l´esclave
dédouanera le maître des frais d´achat et de
formation de l´esclave avant son affranchissement. Pour rassurer
les maîtres qui s´inquiètent de savoir qui va
travailler leurs terres, Condorcet arguë que les esclaves affranchis
ne savent rien faire d´autre que les travaux agricoles. Les
anciens maîtres pourront continuer à les exploiter
commodément. Notre grand penseur a l´élégance
de leur rappeler que les travaux des champs pouvant être faits
par n´importe qui, les salaires y sont beaucoup plus bas que
partout ailleurs... Je sais bien qu´il est de bon ton de s´extasier
sur l´abolitionnisme de Condorcet. Si, au pays des aveugles,
le borgne est roi, au pays des esclavagistes en jabot et dentelles,
il n´est pas interdit d´admirer la rhétorique
retorse de celui qui peste contre l´esclavage, mais demande
soixante-dix ans pour l´abolir, qui déclare plus tard,
en chorus avec les Amis des Noirs, vouloir la fin de la traite,
non celle de l´esclavage, et conclut qu´il serait sage
d´affranchir les métis, au sang « rédimé
» par le sang des Blancs, et que les Noirs pourront toujours
attendre. Je n´invente rien. Condorcet a écrit en 1788
Réflexions sur l´esclavage des nègres . Il suffit
de lire.
H. - Parlez-nous de la théorie des climats, qui là
encore justifie l´esclavage de façon extravagante...
L. S.-M. - Pour la France, cette théorie naît au XVIIIe
siècle avec Montesquieu. Mais, deux siècles avant,
l´écrivain espagnol Las Casas ironise sur les fondements
de la théorie posés par Ptolémée de
Lucques au XIVe siècle. Ce dernier se livre à des
calculs sur les rapports entre les astres et les hommes, les saisons
et les hommes, les régions et les hommes. Ptolémée
de Lucques affirme par exemple que les Indiens vivent dans des latitudes
et des longitudes qui influent sur leur psychologie, il en va de
même pour les Noirs.
Et d´ajouter que l´intensité de l´ensoleillement
a un impact direct sur l´assoupissement des esprits. Las Casas
s´amuse au XVIe siècle à faire tourner le globe
terrestre. Il en conclut qu´en France, si l´on s´en
tient à ces calculs longitudinaux, les Francs-Comtois feraient
de bons esclaves !
Pour Montesquieu, le climat fait les hommes. Les hommes font les
lois, mais ils les font en fonction de ce qu´exigent les climats.
Il conclut que s´il y a un esclavage naturel, c´est
climatiquement chez les Noirs qu´on le trouve. Le gouvernement
qui leur convient est la tyrannie, seule à même de
les mettre au travail. Pour les climats tempérés,
il préconise la République !
La théorie des climats chez Montesquieu et la hiérarchisation
des races chez Buffon relèvent de la même logique.
Sous l´influence de ces deux critères, les Lumières
se fourvoient complètement. Je regrette que les philosophes
de ce temps n´aient pas gardé un oeil critique sur
ce que pouvait l´égalité adamique qui permettait
de mettre de côté toutes ces foutaises.
H. - A partir de quel moment, d´un point de vue politique,
commence-t-on à condamner l´esclavage ?
L. S.-M . - L´un des déclics, c´est l´implantation
de l´Angleterre en Inde. A partir de ce moment, il va y avoir
une réflexion d´ordre économique de laquelle
naîtra une dérive idéologique. En acquérant
d´autres sources de travail, de main-d´oeuvre, d´exploitation
et de commerce, l´Angleterre peut s´offrir quelques
velléités humanistes du côté de ses îles.
On passe alors rapidement à la physiocratie et à l´idée
selon laquelle on peut récupérer autant de biens par
un travail salarié que par un travail d´esclave. On
en arrive même à se demander si l´esclavage ne
coûte pas plus cher que le travail salarié. Cela coïncide
en France avec la poussée pré-révolutionnaire
et révolutionnaire. Les Amis des Noirs s´engagent nettement
contre la traite, l´abbé Grégoire en tête.
Mais il s´agit d´un abolitionnisme par étapes
et purement raciste, nous l´avons vu chez Condorcet.
Quid de l´abolition décrétée par la
Convention en février 1794 ? Elle vient après la révolte
des esclaves noirs de Saint-Domingue en 1791, après que Toussaint-Louverture
a arraché, les armes à la main, l´abolition
dans son île en 1793, et alors que l´Angleterre pousse
de toutes ses forces pour s´implanter dans la région.
« Citoyens, c´est aujourd´hui que l´Anglais
est mort ! Pitt et ses complots sont déjoués ! L´Anglais
voit s´anéantir son commerce. » Ça, c´est
le commentaire de Danton. Le commerce, donc, et pas la morale...
H. - Dans quel climat idéologique intervient l´abolition
de 1848 ?
L. S.-M . - L´Angleterre contrôle la mer et impose
une politique d´abandon de la traite. La France rechigne mais
se résigne sous la pression. Cela étant, le débat
sur l´abolition ne concerne que les érudits et n´intéresse
pas l´opinion. Victor Schoelcher n´est pas, dès
le départ, partisan de l´abolition immédiate.
Il propose, lui aussi, un moratoire. Mais, en se rendant aux Antilles,
il prend conscience des conditions de vie déplorables des
esclaves et de la réalité du marronnage. Il craint
l´explosion et donne l´alerte. En rentrant en France,
il prône l´abolition sans délai.
H. - Quelle place occupe aujourd´hui le Code noir dans les
manuels scolaires ?
L. S.-M . - Une place minime, et c´est bien ce que je déplore
!
Propos recueillis par Eric Pincas
* Professeur émérite de philosophie politique à
Paris I et à Toulouse II, Louis Sala-Molins a écrit
Le Code Noir ou le calvaire de Canaan , que les PUF viennent de
rééditer dans la collection Quadrige.
Article premier.
Voulons que l'Edit du feu Roi de glorieuse mémoire, notre
très honoré Seigneur et Père, du 23 avril 1615,
soit exécuté dans nos îles ; ce faisant, enjoignons
à tous nos officiers de chasser de nos dites îles tous
les juifs qui y ont établi leur résidence, auxquels,
comme aux ennemis déclarés du nom chrétien,
nous commandons d'en sortir dans trois mois à compter du
jour de la publication des présentes, à peine de confiscation
de corps et de biens.
Art. 2.
Tous les esclaves qui seront dans nos îles seront baptisés
et instruits dans la Religion Catholique, Apostolique et Romaine.
Enjoignons aux habitants qui achètent des nègres nouvellement
arrivés d'en avertir dans huitaine au plus tard les gouverneur
et intendant desdites îles, à peine d'amende arbitraire,
lesquels donneront les ordres nécessaire pour les faire instruire
et baptiser dans le temps convenable.
Art. 3.
Interdisons tout exercice public d'autre Religion que la Catholique,
Apostolique et Romaine. Voulons que les contrevenants soient punis
comme rebelles et désobéissants à nos commandements.
Défendons toutes assemblées pour cet effet, lesquelles
nous déclarons conventicules, illicites et séditieuses,
sujettes à la même peine qui aura lieu même contre
les maîtres qui lui permettront et souffriront à l'égard
de leurs esclaves.
Art. 4.
Ne seront préposés aucuns commandeurs à la
direction des nègres, qui ne fassent profession de la Religion
Catholique, Apostolique et Romaine, à peine de confiscation
desdits nègres contre les maîtres qui les auront préposés
et de punition arbitraire contre les commandeurs qui auront acceptés
ladite direction.
Art. 5.
Défendons à nos sujets de la religion P. R. d'apporter
aucun trouble ni empêchement à nos autres sujets, même
à leurs esclaves, dans le libre exercice de la Religion Catholique,
Apostolique et Romaine, à peine de punition exemplaire.
Art. 6.
Enjoignons à tous nos sujets, de quelque qualité et
condition qu'ils soient, d'observer les jours de dimanches et de
fêtes, qui sont gardés par nos sujets de la Religion
Catholique, Apostolique et Romaine. Leur défendons de travailler
ni de faire travailler leurs esclaves auxdits jours depuis l'heure
de minuit jusqu'à l'autre minuit à la culture de la
terre, à la manufacture des sucres et à tous autres
ouvrages, à peine d'amende et de punition arbitraire contre
les maîtres et confiscation tant des sucres que des esclaves
qui seront surpris par nos officiers dans le travail.
Art. 7.
Leur défendons pareillement de tenir le marché des
nègres et de toute autre marchandise auxdits jours, sur pareille
peine de confiscation des marchandises qui se trouveront alors au
marché et d'amende arbitraire contre les marchands.
Art. 8.
Déclarons nos sujets qui ne sont pas de la Religion Catholique,
Apostolique et Romaine incapables de contacter à l'avenir
aucuns mariages valables, déclarons bâtards les enfants
qui naîtront de telles conjonctions, que nous voulons être
tenues et réputées, tenons et réputons pour
vrais concubinages.
Art. 9.
Les hommes libres qui auront eu un ou plusieurs enfants de leur
concubinage avec des esclaves, ensemble les maîtres qui les
auront soufferts, seront chacun condamnés en une amende de
2 000 livres de sucre, et, s'ils sont les maîtres de l'esclave
de laquelle ils auront eu lesdits enfants, voulons, outre l'amende,
qu'ils soient privés de l'esclave et des enfants et qu'elle
et eux soient adjugés à l'hôpital, sans jamais
pouvoir être affranchis. N'entendons toutefois le présent
article avoir lieu lorsque l'homme libre qui n'était point
marié à autre personne durant son concubinage avec
son esclave, épousera dans les formes observées par
l'Eglise ladite esclave, qui sera affranchie par ce moyen et les
enfants rendus libres et légitimes.
Art. 10.
Les solennités prescrites par l'Ordonnance de Blois et par
la Déclaration de 1639 pour les mariages seront observées
tant à l'égard des personnes libres que des esclaves,
sans néanmoins que le consentement du père et de la
mère de l'esclave y soit nécessaire, mais celui du
maître seulement.
Art. 11.
Défendons très expressément aux curés
de procéder aux mariages des esclaves, s'ils ne font apparoir
du consentement de leurs maîtres. Défendons aussi aux
maîtres d'user d'aucunes contraintes sur leurs esclaves pour
les marier contre leur gré.
Art. 12.
Les enfants qui naîtront des mariages entre esclaves seront
esclaves et appartiendront aux maîtres des femmes esclaves
et non à ceux de leurs maris, si le mari et la femme ont
des maîtres différents.
Art. 13.
Voulons que si le mari esclave a épousé une femme
libre, les enfants, tant mâles que filles, suivent la condition
de leur mère et soient libres comme elle, nonobstant la servitude
de leur père, et que, si le père est libre et la mère
esclave, les enfants soient esclaves pareillement.
Art. 14.
Les maîtres sont tenus de faire enterrer en terre sainte,
dans les cimetières destinés à cet effet, leurs
esclaves baptisés. Et, à l'égard de ceux qui
mourront sans avoir reçu le baptême, ils seront enterrés
la nuit dans quelque champ voisin du lieu où ils seront décédés.
Art. 15.
Défendons aux esclaves de porter aucune arme offensive ni
de gros bâtons, à peine du fouet et de confiscation
des armes au profit de celui qui les trouvera saisis, à l'exeption
seulement de ceux qui sont envoyés à la chasse par
leurs maîtres et qui seront porteurs de leurs billets ou marques
connus.
Art. 16.
Défendons pareillement aux esclaves appartenant à
différents maîtres de s'attrouper le jour ou la nuit
sous prétexte de noces ou autrement, soit chez l'un de leurs
maîtres ou ailleurs, et encore moins dans les grands chemins
ou lieux écartés, à peine de punition corporelle
qui ne pourra être moindre que du fouet et de la fleur de
lys ; et, en cas de fréquentes récidives et autres
circonstances aggravantes, pourront être punis de mort, ce
que nous laissons à l'arbitrage des juges. Enjoignons à
tous nos sujets de courir sus aux contrevenants, et de les arrêter
et de les conduire en prison, bien qu'ils ne soient officiers et
qu'ils n'y ait contre eux encore aucun décret.
Art. 17.
Les maîtres qui seront convaincus d'avoir permis ou toléré
telles assemblées composées d'autres esclaves que
de ceux qui leur appartiennent seront condamnés en leurs
propres et privés noms de réparer tout le dommage
qui aura été fait à leurs voisins à
l'occasion desdites assemblées et en 10 écus d'amende
pour la première fois et au double en cas de récidive.
Art. 18.
Défendons aux esclaves de vendre des cannes de sucre pour
quelque cause et occasion que ce soit, même avec la permission
de leurs maîtres, à peine du fouet contre les esclaves,
de 10 livres tournois contre le maître qui l'aura permis et
de pareille amende contre l'acheteur.
Art. 19.
Leur défendons aussi d'exposer en vente au marché
ni de porter dans des maisons particulières pour vendre aucune
sorte de denrée, même des fruits, légumes, bois
à brûler, herbes pour la nourriture des bestiaux et
leurs manufactures, sans permission expresse de leurs maîtres
par un billet ou par des marques connus ; à peine de revendication
des choses ainsi vendues, sans restitution de prix, pour les maîtres
et de 6 livres tournois d'amende à leur profit contre les
acheteurs.
Art. 20.
Voulons à cet effet que deux personnes soient préposées
par nos officiers dans chaque marché pour examiner les denrées
et marchandises qui y seront apportées par les esclaves,
ensemble les billets et marques de leurs maîtres dont ils
seront porteurs.
Art. 21.
Permettons à tous nos sujets habitants des îles de
se saisir de toutes les choses dont ils trouveront les esclaves
chargés, lorsqu'ils n'auront point les billets de leurs maîtres,
ni de marques connues, pour être rendues incessamment à
leurs maîtres, si leur habitation est voisine du lieu où
leurs esclaves auront été surpris en délit
: sinon elles seront incessamment envoyées à l'hôpital
pour y être en dépôt jusqu'à ce que les
maîtres en aient été avertis.
Art. 22.
Seront tenus les maîtres de faire fournir, par chaque semaine,
à leurs esclaves âgés de dix ans et au-dessus,
pour leur nourriture, deux pots et demi, mesure de Paris, de farine
de manioc, ou trois cassaves pesant chacune 2 livres et demie au
moins, ou choses équivalentes, avec 2 livres de boeuf salé,
ou 3 livres de poisson, ou autres choses à proportion ; et
aux enfants, depuis qu'ils sont sevrés jusqu'à l'âge
de dix ans, la moitié des vivres ci-dessus.
Art. 23.
Leur défendons de donner aux esclaves de l'eau-de-vie de
canne ou guildive, pour tenir lieu de la subsistance mentionnée
en l'article précédent.
Art. 24.
Leur défendons pareillement de se décharger de la
nourriture et subsistance de leurs esclaves en leur permettant de
travailler certain jour de la semaine pour leur compte particulier.
Art. 25.
Seront tenus les maîtres de fournir à chaque esclave,
par chacun an, deux habits de toile ou quatre aunes de toile, au
gré des maîtres.
Art. 26.
Les esclaves qui ne seront point nourris, vêtus et entretenus
par leurs maîtres, selon que nous l'avons ordonné par
ces présentes, pourront en donner avis à notre procureur
général et mettre leurs mémoires entre ses
mains, sur lesquels et même d'office, si les avis viennent
d'ailleurs, les maîtres seront poursuivis à sa requête
et sans frais ; ce que nous voulons être observé pour
les crimes et traitement barbares et inhumains des maîtres
envers leurs esclaves.
Art. 27.
Les esclaves infirmes par vieillesse, maladie ou autrement, soit
que la maladie soit incurable ou non, seront nourris et entretenus
par leurs maîtres, et, en cas qu'ils les eussent abandonnés,
lesdits esclaves seront adjugés à l'hôpital,
auquel les maîtres seront condamnés de payer 6 sols
par chacun jour, pour la nourriture et l'entretien de chacun esclave.
Art. 28.
Déclarons les esclaves ne pouvoir rien avoir qui ne soit
à leurs maîtres ; et tout ce qui leur vient par industrie,
ou par la libéralité d'autres personnes, ou autrement,
à quelque titre que ce soit, être acquis en pleine
propriété à leurs maîtres, sans que les
enfants des esclaves, leurs pères et mères, leurs
parents et tous autres y puissent rien prétendre par successions,
dispositions entre vifs ou à cause de mort ; lesquelles dispositions
nous déclarons nulles, ensemble toutes les promesses et obligations
qu'ils auraient faites, comme étant faites par des gens incapables
de disposer et contracter de leur chef.
Art. 29.
Voulons néanmoins que les maîtres soient tenus de ce
que leurs esclaves auront fait par leur commandement, ensemble de
ce qu'ils auront géré et négocié dans
les boutiques, et pour l'espèce particulière de commerce
à laquelle leurs maîtres les auront préposés,
et au cas que leurs maîtres ne leur aient donné aucun
ordre et ne les aient point préposés, ils seront tenus
seulement jusqu'à concurrence de ce qui aura tourné
à leur profit, et, si rien n'a tourné au profit des
maîtres, le pécule desdits esclaves que les maîtres
leur auront permis d'avoir en sera tenu, après que les maîtres
en auront déduit par préférence ce qui pourra
leur être dû ; sinon que le pécule consistât
en tout ou partie en marchandises, dont les esclaves auraient permission
de faire trafic à part, sur lesquelles leurs maîtres
viendront seulement par contribution au sol la livre avec les autres
créanciers.
Art. 30.
Ne pourront les esclaves être pourvus d'office ni de commission
ayant quelque fonction publique, ni être constitués
agents par autres que leurs maîtres pour gérer et administrer
aucun négoce, ni être arbitres, experts ou témoins,
tant en matière civile que criminelle : et en cas qu'ils
soient ouïs en témoignage, leur déposition ne
servira que de mémoire pour aider les juges à s'éclairer
d'ailleurs, sans qu'on en puisse tirer aucune présomption,
ni conjoncture, ni adminicule de preuve.
Art. 31.
Ne pourront aussi les esclaves être parties ni être
(sic) en jugement en matière civile, tant en demandant qu'en
défendant, ni être parties civiles en matière
criminelle, sauf à leurs maîtres d'agir et défendre
en matière civile et de poursuivre en matière criminelle
la réparation des outrages et excès qui auront été
contre leurs esclaves.
Art. 32.
Pourront les esclaves être poursuivis criminellement, sans
qu'il soit besoin de rendre leurs maîtres partie, (sinon)
en cas de complicité : et seront les esclaves accusés,
jugés en première instance par les juges ordinaires
et par appel au Conseil souverain, sur la même instruction
et avec les mêmes formalités que les personnes libres.
Art. 33.
L'esclave qui aura frappé son maître, sa maîtresse
ou le mari de sa maîtresse, ou leurs enfants avec contusion
ou effusion de sang, ou au visage, sera puni de mort.
Art. 34.
Et quant aux excès et voies de fait qui seront commis par
les esclaves contre les personnes libres, voulons qu'ils soient
sévèrement punis, même de mort, s'il y échet.
Art. 35.
Les vols qualifiés, même ceux de chevaux, cavales,
mulets, boeufs ou vaches, qui auront été faits par
les esclaves ou par les affranchis, seront punis de peines afflictives,
même de mort, si le cas le requiert.
Art. 36.
Les vols de moutons, chèvres, cochons, volailles, canne à
sucre, pois,, mil, manioc, ou autres légumes, faits par les
esclaves, seront punis selon la qualité du vol, par les juges
qui pourront, s'il y échet, les condamner d'être battus
de verges par l'exécuteur de la haute justice et marqués
d'une fleur de lys.
Art. 37.
Seront tenus les maîtres, en cas de vol ou d'autre dommage
causé par leurs esclaves, outre la peine corporelle des esclaves,
de réparer le tort en leur nom, s'ils n'aiment mieux abandonner
l'esclave à celui auquel le tort a été fait
; ce qu'ils seront tenus d'opter dans trois jours, à compter
de celui de la condamnation, autrement ils en seront déchus.
Art. 38.
L'esclave fugitif qui aura été en fuite pendant un
mois, à compter du jour que son maître l'aura dénoncé
en justice, aura les oreilles coupées et sera marqué
d'une fleur de lis une épaule ; s'il récidive un autre
mois pareillement du jour de la dénonciation, il aura le
jarret coupé, et il sera marqué d'une fleur de lys
sur l'autre épaule ; et, la troisième fois, il sera
puni de mort.
Art. 39.
Les affranchis qui auront donné retraite dans leurs maisons
aux esclaves fugitifs, seront condamnés par corps envers
les maîtres en l'amende de 300 livres de sucre par chacun
jour de rétention, et les autres personnes libres qui leur
auront donné pareille retraite, en 10 livres tournois d'amende
par chacun jour de rétention.
Art. 40.
L'esclave sera puni de mort sur la dénonciation de son maître
non complice du crime dont il aura été condamné
sera estimé avant l'exécution par deux des principaux
habitants de l'île, qui seront nommés d'office par
le juge, et le prix de l'estimation en sera payé au maître
; et, pour à quoi satisfaire, il sera imposé par l'intendant
sur chacune tête de nègre payant droits la somme portée
par l'estimation, laquelle sera régalé sur chacun
desdits nègres et levée par le fermier du domaine
royal pour éviter à frais.
Art. 41.
Défendons aux juges, à nos procureurs et aux greffiers
de prendre aucune taxe dans les procès criminels contre les
esclaves, à peine de concussion.
Art. 42.
Pourront seulement les maîtres, lorsqu'ils croiront que leurs
esclaves l'auront mérité les faire enchaîner
et les faire battre de verges ou cordes. Leur défendons de
leur donner la torture, ni de leur faire aucune mutilation de membres,
à peine de confiscation des esclaves et d'être procédé
contre les maîtres extraordinairement.
Art. 43.
Enjoignons à nos officiers de poursuivre criminellement les
maîtres ou les commandeurs qui auront tué un esclave
étant sous leur puissance ou sous leur direction et de punir
le meurtre selon l'atrocité des circonstances ; et, en cas
qu'il y ait lieu à l'absolution, permettons à nos
officiers de renvoyer tant les maîtres que les commandeurs
absous, sans qu'ils aient besoin d'obtenir de nous Lettres de grâce.
Art. 44.
Déclarons les esclaves être meubles et comme
tels entrer dans la communauté, n'avoir point de
suite par hypothèque, se partager également entre
les cohéritiers, sans préciput et droit d'aînesse,
n'être sujets au douaire coutumier, au retrait féodal
et lignager, aux droits féodaux et seigneuriaux, aux formalités
des décrets, ni au retranchement des quatre quints, en cas
de disposition à cause de mort et testamentaire.
Art. 45.
N'entendons toutefois priver nos sujets de la faculté de
les stipuler propres à leurs personnes et aux leurs de leur
côté et ligne, ainsi qu'il se pratique pour les sommes
de deniers et autres choses mobiliaires.
Art. 46.
Seront dans les saisies des esclaves observées les formes
prescrites par nos ordonnances et les coutumes pour les saisies
des choses mobiliaires. Voulons que les deniers en provenant soient
distribués par ordre de saisies ; ou, en cas de déconfiture,
au sol la livre, après que les dettes privilégié
auront été payées et généralement
que la condition des esclaves soit réglée en toutes
affaires comme celle des autres choses mobiliaires, aux exceptions
suivantes.
Art. 47.
Ne pourront être saisis et vendus séparément
le mari, la femme et leurs enfants impubères, s'ils sont
tous sous la puissance d'un même maître ; déclarons
nulles les saisies et ventes séparées qui en seront
faites ; ce que nous voulons avoir lieu dans les aliénations
volontaires, sous peine, contre ceux qui feront les aliénations,
d'être privés de celui ou de ceux qu'ils auront gardés,
qui seront adjugés aux acquéreurs, sans qu'ils soient
tenus de faire aucun supplément de prix.
Art. 48.
Ne pourront aussi les esclaves travaillant actuellement dans les
sucreries, indigoteries et habitations, âgés de quatorze
ans et au-dessus jusqu'à soixante ans, être saisis
pour dettes, sinon pour ce qui sera dû du prix de leur achat,
ou que la sucrerie, indigoterie, habitation, dans laquelle ils travaillent
soit saisie réellement ; défendons, à peine
de nullité, de procéder par saisie réelle et
adjudication par décret sur les sucreries, indigoteries et
habitations, sans y comprendre les nègres de l'âge
susdit y travaillant actuellement.
Art. 49.
Le fermier judiciaire des sucreries, indigoteries, ou habitations
saisies réellement conjointement avec les esclaves, sera
tenu de payer le prix entier de son bail, sans qu'il puisse compter
parmi les fruits qu'il perçoit les enfants qui seront nés
des esclaves pendant son bail.
Art. 50.
Voulons, nonobstant toutes conventions contraires, que nous déclarons
nulles, que les dis enfants appartiennent à la partie saisie,
si les créanciers sont satisfaits d'ailleurs, ou à
l'adjudicataire, s'il intervient un décret ; et, à
cet effet, il sera fait mention dans la dernière affiche,
avant l'interposition du décret, desdits enfants nés
esclaves depuis la saisie réelle.
Il sera fait mention, dans la même affiche, des esclaves décédés
depuis la saisie réelle dans laquelle ils étaient
compris.
Art. 51.
Voulons, pour éviter aux frais et aux longueurs des procédures,
que la distribution du prix entier de l'adjudication conjointe des
fonds et des esclaves, et de ce qui proviendra du prix des baux
judiciaires, soit faite entre les créanciers selon l'ordre
de leurs privilèges et hypothèques, sans distinguer
ce qui est pour le prix des fonds d'avec ce qui est pour le prix
des esclaves.
Art. 52.
Et néanmoins les droits féodaux et seigneuriaux ne
seront payés qu'à proportion du prix des fonds.
Art. 53.
Ne seront reçus les lignagers et seigneurs féodaux
à retirer les fonds décrétés, s'ils
ne retirent les esclaves vendus conjointement avec les fonds ni
l'adjudicataire à retenir les esclaves sans les fonds.
Art. 54.
Enjoignons aux gardiens nobles et bourgeois usufruitiers, amodiateurs
et autres jouissants des fonds auxquels sont attaché des
esclaves qui y travaillent, de gouverner lesdits esclaves comme
bons pères de famille, sans qu'ils soient tenus, après
leur administration finie, de rendre le prix de ceux qui seront
décédés ou diminués par maladie, vieillesse
ou autrement, sans leur faute, et sans qu'ils puissent aussi retenir
comme fruits à leur profit les enfants nés desdits
esclaves durant leur administration, lesquels nous voulons être
conservés et rendus à ceux qui en sont les maîtres
et les propriétaires.
Art. 55.
Les maîtres âgés de vingt ans pourront affranchir
leurs esclaves par tous actes entre vifs ou à cause de mort,
sans qu'ils soient tenus de rendre raison de l'affranchissement,
ni qu'ils aient besoin d'avis de parents, encore qu'ils soient mineurs
de vingt-cinq ans.
Art. 56.
Les esclaves qui auront été fait légataire
universels par leurs maîtres ou nommés exécuteurs
de leurs testaments ou tuteurs de leurs enfants, seront tenus et
réputés, les tenons et réputons pour affranchis.
Art. 57.
Déclarons leurs affranchissements faits dans nos îles,
leur tenir lieu de naissance dans nosdites îles et les esclaves
affranchis n'avoir besoin de nos lettres de naturalité pour
jouir des avantages de nos sujets naturels de notre royaume, terres
et pays de notre obéissance, encore qu'ils soient nés
dans les pays étrangers.
Art. 58.
Commandons aux affranchis de porter un respect singulier à
leurs anciens maîtres, à leurs veuves et à leurs
enfants, en sorte que l'injure qu'ils leur auront faite soit punie
plus grièvement que si elle était faite à une
autre personne : les déclarons toutefois francs et quittes
envers eux de toutes autres charges, services et droits utiles que
leurs anciens maîtres voudraient prétendre tant sur
leurs personnes que sur leurs biens et successions en qualité
de patrons.
Art. 59.
Octroyons aux affranchis les mêmes droits, privilèges
et immunités dont jouissent les personnes nées libres
; voulons que le mérite d'une liberté acquise produise
en eux, tant pour leurs personnes que pour leurs biens, les mêmes
effets que le bonheur de la liberté naturelle cause à
nos autres sujets.
Art. 60.
Déclarons les confiscations et les amendes qui n'ont point
de destination particulière, par ces présentes nous
appartenir, pour être payées à ceux qui sont
préposés à la recette de nos droits et de nos
revenus ; voulons néanmoins que distraction soit faite du
tiers desdites confiscations et amendes au profit de l'hôpital
établi dans l'île où elles auront été
adjugées.
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