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Notes de lecture: l'infâme créatrice de fortunes toujours actuelles
Amady Aly DIENG
[February 08, 2004]
Comment en savoir plus sur l'esclavage infamie légale ?

Origine : http://www.tchadforum.com/?page=chronique&aid=87

Comment en savoir plus sur l'esclavage infamie légale ? Historia a rencontré Louis Sala-Molins, exégète impitoyable du texte et pourfendeur de toutes les hypocrisies abolitionnistes.

A l'orée de la civilisation occidentale, la Grèce et Rome ont pratiqué l'esclavage. L'organisation de la société destine les uns à la maîtrise, les autres à l'esclavage. Le moyen-âge, sous les signes de la croix, du candélabre et du croissant, les itinéraires continentaux des traites d'esclaves lézardent en profondeur les territoires que les historiens décrivent généralement comme étant de théâtres d'incessants affrontements guerriers, jamais comme aires de survivances d'un esclavage endémique, qui a donné à la chose son nom ("esclave" vient de "slave" et d'"esclavon", mots pour lesquels on désigne les Slaves "traités" par les Juifs au confins sud-orientaux de l'Europe, achetés par les chrétiens et les musulmans). Apparaissent au couchant, les Indes occidentales. L'exploitation "artisanale" de la main d'œuvre esclave prend le gigantisme que l'on sait. C'est le "commerce triangulaire" de signe chrétien qui saignera le continent africain des siècles durant (sans neutraliser pour autant la mainmise esclavagiste de signe islamiste sur ce même continent). La France en est, avec le panache qui lui va bien. Des villes de la côte atlantique s'enrichissent de l'infâme commerce. Et c'est au prix de l'exploitation à mort des esclaves - mise en code par le Roi-Sobril (Louis XIV) - dans les plantations et les sucreries là-bas aux îles, qu'elle monopolise le commerce du sucre. Jusqu'au jour où Toussait Louverture mène au combat les esclaves révoltés de Saint-Domingue.

Les temps mûrissent, l'infâme commerce triangulaire cesse. Sans se presser, les nations de chrétienté abolissent l'esclavage au long du XIXe siècle. L'heure est au bilan. Aux réparations dues par les puissances ci-devant négriers, dont la France, et à la récupération par la mémoire de ce désastre colonat, de ce crime contre l'humanité, de ce génocide utilitariste qu'il est seyant, commode et gratifiant de maintenir dans l'oubli (Cf. Louis Sala-Molins). Piliers de l'activité économique dans l'antiquité, les esclaves sont parfaitement assimilés, comme les hommes libres, ils exercent toutes les fonctions du haut au bras de l'échelle sociale (pédagogues, professeurs, médecins, bibliothécaires, intendants, trésoriers ou secrétaires, peintres, sculpteurs, architectes, ingénieurs, comédiens, danseurs, chanteurs et musiciens, gladiateurs, prostitués, etc.). Cette condition disparaîtra au profit de servage féodal avant de laisser la place à la traite des Noirs sous l'Ancien régime. Privé du labeur servile, le monde romain se serait effondré. Déjà l'esclavage est d'origine africaine. La province romaine d'Afrique est, sous l'empire, une inépuisable réserve de population, fournissent des esclaves pour la métropole. Selon leur origine, ils ont des aptitudes particulières. A chaque type d'exploitation d'origines ethniques différentes.

Les esclaves mettent le duvet du cotonnier dans des grosses balles de flocon. Culture de plaine, elle est mieux adaptée aux Africains qui viennent du Bénin et de la Cote de l'Or. On extrait de la plante une belle teinture entre le violet et le bleu ; culture de montagne, le café exige un travail très dur. Les exploitants préfèrent employer des Congos, originaires de l'Afrique centrale, mais aussi d'autres ethnies dédaignées, tels les Ibos du Biafra. La production de cacao diminue au cours du XVIIIe siècle, les Arabes ayant beaucoup souffert. Pour ce type de travail, fait en montagne, les planteurs recherchent des Noirs en Sénégambie (Cf. Paul Butel et Catherine Salles). Les navires effectuent un circuit Europe-Afrique-Antilles qui dure environ dix-huit mois. Ils partent pour l'Afrique chargés de marchandises qu'ils échangent contre des captifs noirs qui sont amenés aux îles, là ils embarquent des denrées tropicales pour les rapporter en Europe. Les bâtiments remplissent donc une fonction marchande normale sur les deux tiers du parcours. Durant la traversée Afrique-Antilles, l'entrepont des bateaux est aménagé spécialement pour recevoir le maximum d'esclaves. Les nombreuses expéditions négriers du milieu du XVIIe siècle au milieu du XIXe siècle se déroulent dans les principaux ports français comme Nantes, Bordeaux, La Rochelle, Le Havre.

Aux XVIIIe et XIXe siècles, le port de l'embouchure de la Loire arme plus de 45 % des expéditions négriers françaises. A elle seule, la famille Grou finance, de 1714 à 1765, 114 expéditions, dont plus de 50 pour la traite. Et en retire de XXXX bénéfices. La Guerre de Sept Ans (1756-1763) vient perturber les affaires. Benjamin Franklin, est accueilli chez la veuve Grou en 1793, les révolutionnaires mettent la main sur les bijoux (Cf. Jacques Ducoin). Par courrier de Saint-Domingue, Stanislas Foäche, ce fils d'armateur havrais donne à son aîné, Martin quelques précieux conseils sur la manière d'affréter les navires, le choix des équipages, mais aussi sur la façon de sélectionner les esclaves et sur les prix à payer (Cf. Christiane Maubant).

Le Rochelais Aimé-Benjamin Fleuriou a connu un irrésistible ascension. Issu d'une famille de commerçants protestants, ce jeune homme de vingt ans part chercher fortune à Saint-Domingue en 1729. Vingt-sept ans plus tard, enrichi par le négoce du sucre, le voilà tout proche d'être anobli. Une aubaine pour ses héritiers. S'il n'est pas noble de naissance, il le devient. En vingt ans, la valeur de sa sucrerie de Bellevue a triplé. Trente-huit ans d'efforts ont été nécessaire pour réhabiliter sa famille. A sa mort, sa fortune avoisine les 4 millions de livres (Cf. Jacques de Cauna).

L'Afrique est l'eldorado des marchands bordelais. Certaines familles d'armateurs s'enrichissent grassement avec la traire. Les Nairac, par exemple, deviennent propriétaires d'un vignoble, aujourd'hui respecté. Pour s'assurer des gains optimaux, les négriers s'appuient sur des capitaines de XXX aux ruses. Brugevin, sur la Licorne est un modèle du genre. Les Noirs croient que les Blancs boivent leur sang. A son arrivée à Saint-Domingue, Brugevin déplore 10 % de perte (Cf. Yvan Matagon). "Le Code noir est le texte juridique le plus monstrueux", selon Louis Sala-Molins, professeur de philosophie politique à Paris I auteur de Le Code Noir ou le calvaire de Canaan. Promulgué par Louis XIV en 1685, le Code noir réglemente l'esclavage des Noirs aux Antilles, en Louisiane et Guyane. Pour en savoir plus sur cette infamie légale, Historia a rencontré Louis Sala-Molins, exégète impitoyable du texte et pourfendeur de toutes les hypocrisies abolitionnistes.

Un basque fut le premier maire de Port-au-Prince, Michel-Joseph Leremboure, surnommé "le Vieux Tigre" par ses adversaires politiques, est un personnage hors normes qui a joué un rôle historique capital dans les dernières années de la colonie française de Saint-Domingue. Sa vie est un roman. Moins d'un an après son arrivée, il fonde un hôpital. Il est resté quarante jours aux fers sans voir un ami. Aujourd'hui, les manuels d'Haïti en font un ennemi de la race noire (Cf. Jacques Cauna). Au XVIIIe siècle, le sucre devient l'or blanc du commerce colonial. Les exploitations sont déjà des machines industrielles à la hiérarchie inhumaine. Dans la "grand case" du maître, aucun luxe ostentatoire, à part la vaisselle anglaise. Les esclaves des ateliers sont mieux nourris que ceux des champs. Andrey Emmery nous fait visiter les grands centres d'esclaves des îles caraïbes.

De retour à Saint Domingue, Louis-Pantaleon de Noé, descendant d'un officier de marine, décide, en 1776, de rendre sa liberté à Toussaint, le fils d'un ancien dignitaire africain, capturé sur la côte des esclaves. Envoyé en Europe, le comité sert comme officier dans les armées de Louis XV. A la révolution, le comité qui est en Gascogne, devient député de Saint-Domingue. Toussaint devient à son tour propriétaire d'une plantation de café de 20 hectares (Cf. Jean-Louis Donnadieu). Toussaint Breda devient Toussaint Louverture en prenant la tête de l'insurrection qui agite le nord-ouest de l'île de Saint-Domingue à partir de 1791. Premier général de division noir, il s'allie un temps avec les Espagnols, négocie le départ des Anglais, signe les accords avec les Etats-Unis, traite avec le premier Consul ... qui, finalement, le fait capturer en France. En s'adressant à Bonaparte par cette formule : "Du premier des Noirs au premier des Blancs". En juillet 1801, Toussaint fait promulguer une constitution propre à Saint-Domingue, Bonaparte le centralisateur ne peut admettre l'autonomie de la colonie. Attiré dans un piège, Toussait est capturé le 7 juin 1802 et déporté dans le Joux. Il meurt le 7 avril 1803 dans sa cellule du fort de Joux (Cf. Jean-Louis Donnadieu).

Votée en 2001, la "loi Taubira", qui qualifie l'esclavage de crime contre l'humanité - donc imprescriptible - a été en partie vidée de sa substance, selon L. Sala-Molins notamment en ce qui concerne le volet sur l'indemnisation des Etats et des descendants d'esclaves. Il est possible de quantifier les heures et les jours, les mois et les années, les décennies et les siècles d'esclavage selon L. Sala-Molins. Les disparités si grandes entre le traitement matériel et psychologique de toutes les variétés d'esclaves expliquent l'ambiguïté de la condition servile dans l'Antiquité. Il n'existe pas d'activités proprement serviles, puisqu'esclaves et hommes libres peuvent exercer les mêmes fonctions, par exemple dans le commerce, l'artisanat ou les professions intellectuelles et artistiques. Le monde servile, dans toutes les sociétés antiques, n'a pas de projets communs, pas d'unité, pas de buts spécifiques. En fait, il existe en parallèle avec celui des hommes libres, il possède ses parias et ses privilégiés, ses pauvres et ses riches sa hiérarchie. Ce fossé explique les échecs des révoltes qui n'ont jamais pu réunir l'ensemble des esclaves de la société. En conclusion, l'esclavage et la traite des Nègres ont été les tributs payés par l'Afrique pour le développement du capitalisme européen. Le rétablissement de l'esclavage aboli en 179 par la convention décrété en 1802 par Napoléon Bonaparte est à l'origine de la première République noire indépendante, Haïti. Les XXX du succès des esclaves lors de leur insurrection méritent d'être étudiés et approfondies. Car c'est un cas exceptionnel.

Par : Amady Aly DIENG

NOTES DE LECTURE

L'ESCLAVAGE : UN TABOU FRANÇAIS ENFIN LEVE

Historia thématique n° 80 novembre-décembre 2002 (80 pages)
L'infâme créatrice de fortunes toujours actuelles
Walf Fadjri

Historia thématique n° 80 novembre-décembre 2002

http://www.walf.sn/culture/suite.php?rub=5&id_art=7639