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Origine : http://lmsi.net/spip.php?article648
http://archipelrouge.fr/spip.php?article286
Introduction
Poncifs, arguments d’autorité, mépris de classe,
élitisme, révérence face aux puissants et euphémisation
de la violence d’État, hyperbolisation et diabolisation
de la colère des opprimés... Mikaël Faujour analyse,
dans le texte qui suit, quelques unes des principales figures de
la novlangue médiatique. Une langue aussi pauvre du point
de vue esthétique, poétique, philosophique, qu’elle
est riche de présupposés idéologiques et lourde
de violence symbolique.
Article
« Jouer le jeu de la démocratie » : l’expression,
a priori anodine, jaillit de temps à autre de la bouche de
telle ou telle personnalité politique ou médiatique.
Une locution tout à fait symptomatique, puisqu’elle
s’inscrit dans le champ lexical, richement fourni, du jeu
et du sport. Ces derniers mois de campagne ont été
particulièrement féconds en la matière. On
« donne le coup d’envoi » (des vœux, de la
quête des parrainages, etc.), on se « renvoie la balle
», on « botte en touche », on se donne du «
carton jaune » (Ségolène Royal à Arnaud
Montebourg), parfois du « carton rouge » (Georges Frêche),
on est parfois « mis hors jeu » ; on « marque
des points » dans les sondages ; dans la « course aux
présidentielles », on « reste fair-play »
en laissant parler les autres, on « place ses pions »
pour l’élection, on est tantôt « au coude
à coude », tantôt « distancé par
son adversaire », on est enfin dans la « dernière
ligne droite avant l’élection » ; parfois, on
« donne des coups bas », on se « tacle »
; et à la fin, on « compte les points », etc
[1]. On parle même de « finaliste » et de «
compétition » [2] … Ainsi le débat politique
et ses enjeux majeurs sont-ils ravalés – de par ce
vocabulaire sans doute involontairement démagogique, consistant
à mettre par les images la politique à portée
du plus grand nombre – à une façon de jeu, à
un divertissement, un spectacle.
De fait, la symbolique spatiale des plateaux de débat est
elle-même représentative : les débatteurs, en
vis-à-vis, tournent le dos au public (comme il leur est reproché
de tourner le dos à la réalité sociale), se
livrant à un pugilat verbal avec force gesticulations, postures
de révolte et postillons ; ils sont placés au centre
du plateau tout comme des footballeurs ou des toreros, hermétiquement
séparés du public qui les regarde et n’intervient
quasiment jamais. Une de ces émissions ne s’appelle-t-elle
pas, d’ailleurs, « L’arène de France »
? Ainsi se produit l’image d’un « entre-nous »
où s’invectivent et se chahutent des personnalités
« autorisées », se chamaillant pour la forme,
trop souvent sur des questions secondaires, mais s’accordant
sur l’essentiel, ainsi que l’ont prouvé, notamment,
les débats sur l’insécurité, sur le voile
et la laïcité, et sur le traité constitutionnel
européen (TCE).
On se souvient qu’Alain Finkielkraut, conformément
à la norme en vigueur chez les intellectuels médiatiques
(i.e. : essayistes et « experts ») depuis près
de 30 ans, qui consiste à stigmatiser les dominés,
les pauvres, les ignorants, plutôt qu’à dénoncer
le système oppressif qui les produit, évoquait avec
répugnance la « langue dévastée »
des jeunes de banlieue [3]. Ce qui est autrement plus inquiétant
que l’argot des quartiers « populaires » et dont
M. Finkielkraut fait moins cas, c’est l’état
déplorable de la langue française employée
dans les médias et le monde politique. Là même
où devrait être observée la plus grande rigueur
langagière (ne serait-ce que par souci d’exemplarité)
prolifèrent les fautes de liaison, de sens et de syntaxe
et – plus grave encore – s’épanouit un
vocabulaire d’une indigence effarante, où foisonnent
les « expressions toutes faites ».
La « grogne » populaire
La politique, tant qu’elle reste politicienne, c’est-à-dire
débattue entre personnalités médiatiques et
politiques, est un « jeu ». Mais dès lors que
« le peuple » ou « la rue » [4] intervient
pour faire entendre des revendications, fini le subtil « jeu
politique » des « élites » autoproclamées
: voilà le « conflit social ». Parfois, le champ
lexical médical est employé : il faut tenter de guérir
le « corps social », pris de « fièvre populaire
», excité par « les passions populaires »,
pour mettre fin à la « crise » et revenir à
la « raison ».
Ainsi est-il relativement exceptionnel qu’une manifestation
ou une grève soit présentée comme un légitime
recours ; souvent, l’image évoque une foule rétive
comme un âne têtu, qui se refuse aux « réformes
» (forcément justes) en protestant, ou porte atteinte
à la paix sociale et à l’économie, en
bloquant les transports – et donc la machinerie économique
[5].
La notion de « conflit » rejaillit donc dans la confrontation
entre les « élites » et « le peuple »,
manichéenne vision d’opposition entre les détenteurs
du vrai et zélés propagateurs de l’erreur ou
du passéisme. On parle alors de « levée de bouclier
», de « montée au créneau », de
« bras de fer », de « dialogue musclé »,
de « prise en otage » (des usagers), etc. Rapporté
à la finesse du « jeu démocratique »,
ces expressions donnent l’image d’une barbarie populaire,
d’une incapacité à exprimer l’opposition
et le désaccord autrement que par la violence et une certaine
animalité – dont atteste l’usage obligé
du terme de « grogne » (des fonctionnaires, des étudiants,
des lycéens, des manifestants de toute appartenance), qui
évoque le grognement de la bête sauvage. Notons au
passage que le terme de « grogne » n’est jamais
appliqué quand les grévistes sont des journalistes
(songeons aux cas de France Soir et de Libération) : manifestement,
un journaliste ne tape pas sur ses semblables.
Ainsi, la symbolique des plateaux de débat trouve une nouvelle
confirmation : la « démocratie » est une chasse
gardée, qu’on ne peut décidément pas
laisser au « peuple ». C’est le constat que tire
d’ailleurs Jacques Rancière dans La Haine de la démocratie
: « Aucun d’eux [il évoque les contempteurs de
la démocratie] ne réclame une démocratie plus
réelle. Tous nous disent au contraire qu’elle ne l’est
déjà que trop. (…) C’est du peuple et
de ses mœurs qu’ils se plaignent, non des institutions
de son pouvoir. La démocratie pour eux n’est pas une
forme de gouvernement corrompue, c’est une crise de la civilisation
qui affecte la société et l’Etat à travers
elle. (…) Le bon gouvernement démocratique est celui
qui est capable de maîtriser un mal qui s’appelle tout
simplement vie démocratique [6] ».
La patrie des imbéciles
« Le premier qui compara la femme à une rose fut un
génie ; le second un imbécile ». En transposant
cette formule de Gérard de Nerval, on peut dire que le journalisme
(et, d’une façon plus idéologique que formelle,
l’« éditorialisme ») est la patrie des
imbéciles, où se répètent à longueur
d’année les mêmes idées reçues,
interchangeables, les mêmes clichés, la même
langue mutilée. Leur martèlement quotidien, par des
journalistes plus enclins au psittacisme qu’à la curiosité
étymologique et à la rigueur d’expression, contribue
à un effet de légitimité qui leur vaut de n’être
quasiment jamais interrogés. Le philologue Victor Klemperer,
analyste intransigeant de la langue du Troisième Reich, estimait
que la victoire de l’idéologie nazie venait de ce que
la répétition de certains mots avait fini par pénétrer
tous les esprits, y compris ceux des ennemis du nazisme. Ce faisant,
elle imposait à tous une langue restreinte et un commun rapport
à la réalité, dont la perception était
dès lors faussée, établissant des « problèmes
» comme évidents. On constate aujourd’hui l’emploi
d’une langue commune aux grands consommateurs de journaux
et d’information que sont les journalistes, les personnalités
politiques et médiatiques, une langue qui se répète,
demeurant inquestionée. Une langue appauvrie, bornée,
tissée des sempiternelles mêmes locutions : «
battre son plein » [7], « opération coup de poing
», « être sur la sellette », « coup
de filet », « tirer à boulets rouges »,
« dictature » de ceci et de cela, « avoir le vent
en poupe », etc [8].
On peut parler, plus particulièrement concernant la télévision
et surtout le JT, d’une langue-écran, d’une langue
qui tend à occulter plutôt qu’à donner
à voir ; en somme : qui tend à imposer un regard.
Eric Hazan, dans un livre paru début 2006 [9] analysait de
façon détaillée toute la richesse du verbe
médiatique œuvrant à rendre acceptable l’ordre
capitaliste dominant comme seul horizon, triomphant par l’effacement
des aspérités, de ce qui dérange : celui-ci
« vise au consensus et non au scandale, à l’anesthésie
et non au choc du cynisme provocateur. C’est pourquoi l’un
de ses principaux tours est (…) l’euphémisme
».
Et de constater que l’on entend plus souvent parler de «
bavure » que d’homicide policier, de « plan social
» que de licenciement collectif, de « chercheur d’emploi
» que de chômeur, de « délocalisation »
que de fermeture d’entreprise, etc. Ainsi, la réalité
de la violence économique ou policière est-elle rendue
plus abstraite, distante, floue – indifférente, voire
irréelle (un comble pour les médias, qui se veulent
outil de monstration de la réalité). Mais si le révoltant
est dissimulé sous le vernis de l’euphémisme,
on élève d’un autre côté à
l’inouï ce qui est au mieux surprenant, sinon fade ou
commun. Ce que constatait Victor Klemperer avec le verbe nazi est
transposable aujourd’hui :
« (…) l’exagération permanente appelle
un renforcement croissant de l’exagération et l’émoussement
de la sensibilité ; le scepticisme et, pour finir, l’incrédulité
ne peuvent manquer d’en découler ».
Ainsi, lorsqu’une accroche télévisée
annonce une émission « exceptionnelle », il ne
faut s’attendre en fait qu’à l’habituel
tape-à-l’œil, à la commune vacuité
spectaculaire. La perception des événements est donc
faussée par « l’émoussement de la sensibilité
» et l’exagération peut devenir la norme : on
parle de « film déjà culte » avant même
sa sortie en salle, d’artiste ou de « tubes de légende
», ou encore de toutes sortes de « miracles »,
qui à force de quotidienneté en perdent toute exceptionnalité.
Ces façons langagières – largement issues de
la corruption publicitaire – finissent même par investir
la langue de la « rue », à l’image de ces
candidats d’émissions de télé-réalité
qui, en sortant pérorent avec sincérité de
leur « aventure formidable » – laquelle n’a
été qu’un quelconque spectacle dont ils ont
été les risibles clowns.
Un totalitarisme en creux ?
En école de journalisme, singulièrement dans les
cours de médias audiovisuels, les élèves sont
invités à éviter d’employer des mots
de plus de trois syllabes [10]. On y apprend également que
le nombre moyen de mots employés dans un JT oscille entre
1500 et 3000, ce qui est évidemment peu pour une langue riche
d’environ 35 000 mots… Cela explique largement le recours
à ces expressions toutes faites qui, faisant l’économie
de mots plus précis, font fi de la nuance et rendent «
à peu près » compte des faits, quand ils ne
les déforment pas. Aussi, les médias peuvent bien
claironner à la « liberté d’expression
» à hue et à dia : si ladite expression est
corsetée ou vermoulue de lieux communs, il ne peut s’agir
que d’une liberté stérile.
Dans son roman dystopique 1984, George Orwell illustrait l’idée
que le totalitarisme naît de l’amoindrissement du dicible,
donc de la capacité à saisir la réalité,
mais aussi à agir sur elle. Autrement dit : l’appauvrissement
du langage conduit au totalitarisme en ce qu’il appauvrit
le politique, étouffe la révolte et fabrique la soumission,
par intériorisation [11], à une réalité
commune, que le « bon sens » ne saurait remettre en
cause.
Cette « réalité » commune, indépassable
et inquestionnable, s’est imposée depuis les années
1980 autour d’un consensus sur le modèle économique,
duquel découle « l’idéologie de la mort
des idéologies », qu’analyse François
Cusset [12]. Plus précisément : « C’est
bien l’économisme généralisé des
années 1980, la contagion des esprits par ses lois inflexibles,
qui vide bientôt le politique de sa substance gouvernementale
ici, sociale là ». Ce consensus a donc favorisé
l’avènement d’une politique amoindrie puisque
évidée de substrats idéologiques marqués
[13], que les intellectuels médiatiques et personnalités
politiques, à grand renfort de chantage à la «
réalité » et conjointement à la «
langue dévastée » des médias, ont œuvré
à légitimer comme étant la seule « réalité
» acceptable.
Et le revers de cette « pensée unique » et aseptisante,
c’est que « l’Etat qui démissionne au plan
socio-économique va en revanche élever la voix pour
défendre sa politique sécuritaire, ses interventions
militaires ou ses cours d’instruction civique. C’est
la vieille stratégie de l’impuissance virile »
[14] De fait, ayant choisi le consensus sur l’essentiel (le
socio-économique), le débat public s’est étréci
à ce que Frédéric Lordon nomme la « politique
résiduelle », où priment les discours moralisateurs.
L’impuissance à dénoncer ou à agir sur
les structures économiques étant admise ou intériorisée,
les donneurs de leçon peuvent occuper tout le champ et remplacer
le social et la collectivité (au cœur du projet politique),
par le « sociétal » et le moral [15]. A ce titre,
tout le vocabulaire médiatique contribuant à dénigrer
les « mouvements sociaux », comme nous venons de le
voir, est révélateur.
Portée par ces essaims de pères-la-morale (communément
nommés « réacs ») comme par les médias
généralistes, cette façon d’idéologie
désenchantée ne véhicule qu’un extrême
conformisme de pensée, qui tient pour légitime uniquement
ce qui ne perturbe pas l’ordre dominant, et pour illégitime
tout ce qui le remet en cause. La continuelle stigmatisation des
chômeurs (et l’on ne parle même pas des «
chômeurs heureux »), celle des filles voilées
lors des débats sur le voile et la laïcité, des
« jeunes-de-banlieue », de l’extrême gauche,
ainsi que l’obsession du « communautarisme » (au
demeurant jamais clairement défini), le rejet du mariage
homosexuel, l’indifférence pour l’extrême
pauvreté et le mal-logement, sont autant d’indices
d’un refus non seulement de tenir compte des problèmes
et évolutions de la société, mais seulement
de débattre. Et en ce sens, ce mouvement médiatique
et politique n’œuvre qu’à légitimer
les idées reçues les plus conservatrices, à
imposer un réel commun, une pensée unique.
Il ne s’agit bien sûr pas de prétendre que nous
vivons sous un régime totalitaire. Nous en sommes, heureusement,
encore loin. Il convient néanmoins de ne rien tenir pour
acquis, d’être vigilant et d’en prévenir
l’avènement. Car le risque d’un totalitarisme
« en creux », plus insidieux que ses formes connues
(fictionnalisées par Bradbury, Huxley ou Orwell, ou analysées
par Klemperer ou Arendt), existe. Et c’est là ce dont
semblent porteurs ces intellectuels et cette langue dépolitisants,
qui oeuvrent dans le même sens : celui du fatalisme, de la
résignation, de l’étouffement de la révolte.
Un autre dicible pour une autre politique
Cependant, en dépit des chantages, du mitraillage médiatique
des mêmes mots et des mêmes idées, les signes
de rejet (au sens quasiment organique, si l’on file la métaphore
du « corps social ») ne cessent de s’accumuler.
Les scrutins présidentiel (2002), régional (2004),
référendaire (2005) ont été marqués
par un rejet des pouvoirs en place. Un rejet des pouvoirs et de
l’idéologie dominants que traduisent également
divers mouvements citoyens (grèves de 1995, anti-OGM, anti-pub,
anti-CPE, défense des sans-papiers, Indigènes de la
République, collectifs pour le « non » au TCE,
etc.) d’envergure très variable, de même que,
sous une autre forme, les émeutes de fin 2005. Soient autant
de signes dans lesquels on peut lire un appel à une autre
façon de faire de la politique, ou à un retour du
politique « vrai ». Il peut paraître symptomatique
que les candidats qui, lors de la campagne pour l’élection
présidentielle 2007, ont agité les termes de «
rupture » et de « changement », ont connu un temporaire
succès « sondagier ». Difficile pourtant de voir
dans ces mots, employés par les candidats médiatiquement
dominants, plus que des slogans publicitaires de camelots politiciens.
Car faire autrement de la politique commence peut-être par
le fait de la dire autrement, donc de lutter contre la langue corrompue
des JT, des brèves et des titrailles, et d’imposer
par les mots qui le soutiennent d’autres imaginaires politiques
que celui qui domine (et borne le politiquement concevable et la
parole politique). C’est par un changement dans le discours
que peut s’affirmer un autre rapport aux réalités,
un imaginaire politique – autrement dit : une idéologie
[16]. La « rupture » politique ne peut donc passer,
en premier lieu, que par celle du débat public avec la «
langue dévastée » du monde de l’information
et du monde politique, corrompue par la conception marchande [17]
et les manières publicitaires, à l’image de
ces innombrables « phrases-choc », semblables à
des slogans, calibrées pour les « une » de journaux
et les JT.
Notes
[1] On parle aussi de « l’échiquier politique
», de « marquer son adversaire à la culotte »,
de « se renvoyer la balle », de « mettre un but
contre son camp ». Et la liste est loin d’être
exhaustive…
[2] Ainsi l’UMP Dominique Paillé déclarait
: « Jean-Marie Le Pen doit être dans la compétition
», alors que ce dernier clamait manquer de parrainages (BFM
TV, « Elysée 2007 », 28/02/07).
[3] Polémique : cette femme qui dit non à l’Islam
: « Fallaci tente de regarder la réalité en
face » , A. Finkielkraut, Le Point, 24/05/02, n°1549.
[4] Notons que le singulier « le peuple », «
la rue », « la foule », etc., montre l’incapacité
des intellectuels médiatiques ou personnalités politiques
à prendre acte de la diversité des revendications
et des voix (comme dans le cas du « non » au TCE). Niant
ainsi la pluralité, et donc « les citoyens »,
« les manifestants », le singulier crée l’effet
d’une masse informe, bruyante, vulgaire, dangereuse (et qui
rappelle les foules fanatisées par le fascisme ou le nazisme)
à la pensée appauvrie, capable seulement d’émotions
(ce dont atteste aussi le terme de « colère »
: des enseignants, des syndicats, etc.) et non de raison. A ce sujet,
lire « L’opinion et ceux qui la font », in Le
racisme républicain, Pierre Tévanian, éd. Esprit
Frappeur, 2002, p. 15.
[5] Ainsi, Thierry Breton en appelait-il, le 27 mars 2007, les
grévistes du Port Autonome de Marseille à la «
responsabilité, en particulier des partenaires sociaux ».
Il ajoutait : « Il est temps maintenant que tout le monde
revienne à la raison et que le travail reprenne le plus vite
possible ». Sous-entendu : la grève est irresponsable
; elle est due à des syndicalistes déraisonnables.
[6] Jacques Rancière, La haine de la démocratie,
La Fabrique, 2005. Sur « l’animalisation » des
révoltes populaires, cf. aussi Collectif Les mots sont importants,
Écrire contre la canaille, et Sylvie Tissot, Retour sur une
émeute.
[7] Ou le pluriel erroné : « les cérémonies
battent leur plein »…
[8] Cf. la désopilante parodie réalisée par
PLPL : « Grand jeu interactif : L’éditorial dont
tu es le héros », Almanach critique des médias,
Éditions Les Arènes, 2005, pp. 68-69
[9] LQR, La propagande du quotidien, éd. Liber/Raisons d’Agir,
2006.
[10] Sur l’apprentissage du simplisme dans les écoles
de journalisme, cf. François Ruffin, Les petits solats du
journalisme, Editions les Arènes, 2003
[11] On peut probablement parler d’« intériorisation
» des expressions toutes faites et des lieux communs de représentation
de la part des journalistes eux-mêmes, qui agissent ainsi
en vecteurs de propagation de cette « novlangue » médiatique.
[12] La décennie. Le grand cauchemar des années 80,
François Cusset, éd. La Découverte, 2006.
[13] Reçu dans l’émission de Daniel Schneidermann
peu après le Non au référendum, l’un
des plus vifs zélateurs du oui, Bernard Guetta (Europe 1),
lorsqu’on lui reprochait d’avoir versé dans l’idéologie,
répondait naïvement mais convaincu : « Mais l’idéologie,
c’est Staline, c’est Hitler ».
[14] François Cusset, ibid.. Cf. aussi Pierre Tevanian et
Sylvie Tissot, « Courage », Dictionnaire de la lepénisation
des esprits, Editions l’Esprit frappeur, 2002.
[15] Un moralisme qui reste, au demeurant, à l’abstrait
et à la défense lyrique de principes divers : antiracisme
consensuel et détaché de considérations sociales,
économiques et politiques ; « universalisme »
et son corollaire de mots ronflants (tolérance, laïcité,
ouverture) ; « libertés » d’expression
et de la presse ; etc.
[16] C’est précisément ce que Jean-Marie Le
Pen a réussi à faire, par tout un réseau d’expressions
et de mots forts, imposant durablement son imaginaire à une
large partie du monde politique et de la société.
Faute d’autres imaginaires politiques forts, sans doute, celui
de Le Pen a en effet fini par être phagocyté par la
pensée dominante. Lire à ce sujet Dictionnaire de
la lepénisation des esprits, Pierre Tevanian et Sylvie Tissot,
éd. L’Esprit Frappeur, 2002.
[17] Ne parle-t-on pas d’« offre » politique
comme on parle d’offre commerciale ? N’existe-t-il pas
des conseillers politiques chargés d’étude de
l’électorat comme il en existe dans la communication
marchande ? Ne sonde-t-on pas les électeurs comme on sonde
un marché ? Ne parle-t-on d’ailleurs pas de «
marché électoral » ? Lire à ce sujet
La politique n’est pas une marchandise, de Laurent Lévy,
sur le site Les mots sont importants (LMSI.net).
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