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Petit précis de vocabulaire à l'usage de ceux
qui voudraient nous faire prendre des vessies pour des lanternes.

Conversation entre un" branché "
et un citoyen pas du tout décidé à donner de son temps de cerveau à TF1
pour la plus grande gloire de CaCo CaLo
Pierre NICOLAS


Origine : échanges mails

"Connaissez vous, Monsieur, la LQR, la lingua Quintae Respublicae, la nouvelle langue chérie  des médias ? Vous avez bien entendu parlé du métier de " techniciens de surface

-Non je ne connais aujourd'hui que des " balayeurs "

Vous n'êtes pas "client" de la Poste ?

-Non, je suis toujours "Usager".

C'est bien un superviseur qui vous contrôle dans le train ?

-S'il me contrôle, ça reste  un contrôleur

Si je dis "coach», vous préférez ?

-entraîneur

-la différence ?

L’entraîneur m'aide à progresser. Votre " coach" veut surtout gagner (…..au détriment de quelqu’un, mais faut pas trop le dire !)

TVA sociale ?

-Adjectif magique qui ne cache qu'un impôt supplémentaire destiné à dispenser le patronat des cotisations sociales (qui bien sûr en LQR sont appelées "Charges sociales»)

Vous datez mon cher : Vous n'êtes donc pas un "partenaire social"

-Surtout pas ! Le Medef ou mon patron voudraient plutôt se débarrasser du syndicaliste que je suis  et je ne dis jamais comme vous 

Résultat net, mais bénéfice -

Jamais  retour sur investissement  mais profit.

Et au risque de me répéter je parle encore des Patrons  (CNPF), pas des employeurs ni  des entrepreneurs ….Alors je ne risque pas d'être un  partenaire.

Vous êtes donc contre les réformes ?

Quand les vôtres ne sont en réalité que "démantèlement des services publics ou accélération de la dite modernisation libérale" : ce ne sont pas pour moi des réformes. C'est de la casse sociale !

Et la démocratie participative, c'est quoi selon vous ?

D'abord un pléonasme ; ensuite une belle formule qui dans la bouche de certains politicards est le bon truc pour faire croire à  des gogos qu'ils décideront quelque chose qui en réalité aura été déjà décidé par le politicien.

Et le traitement social du Chômage ?

Un autre truc pour traiter les licenciés, comme des malades qu'il faut traiter …et si quelqu'un est malade on pense souvent que c'est de sa faute.

Le plan de cohésion sociale ?

C'est tout simplement un plan de maintien de l'ordre  pour calmer les révoltés : les  "sans" (sans papier sans logement- sans travail - tous les sans droit) ; tous  ceux que vous appelez dans votre jargon LQR  les "exclus " qui  par votre langage ne sont naturellement victimes de personne .… mais pour donner à ces plus pauvres quelques moyens d'espérer, rien mieux selon vous qu'un peu de compassion

L'expression "arabo musulman" vous déplaît-elle pour désigner surtout aujourd'hui de nombreux terroristes ?

-Elle est aussi ridicule que d'appeler des Français " celto chrétiens."

Comment vous traduisez "20000 éloignements d'étrangers en situation irrégulière ?

20000 expulsions /reconduites à la frontière et par la force au besoin.

Le devoir de mémoire ?

-C'est :" N'oublions pas les malheurs que nous avons subis mais maintenons autant que possible le silence sur nos propres méfaits "

Je parle d’informations commerciales ! Et vous ? 

C'est de la PUB, non ?

Qu'est-ce qu'un directeur de ressources humaines selon vous ?

Le chef du personnel ! …qui à notre époque n'a pas un beau rôle : c'est souvent le premier sur la liste des éjectables …Et si ce n'est pas le cas ; c'est lui qui se charge de proposer de licencier untel. Il ne faut plus avoir peur de l'antique  chef et ça passe mieux d'être viré de l'entreprise avec "l'humanité" du mec des ressources Humaines.

A votre avis j'emploie l'expression mouvement social à la place de quoi selon vous ?

-Cela vous écorcherait-il la langue de dire la grève ?

Travailler le jour férié du lundi de Pentecôte, c'est bien un travail permettant de financer la solidarité

-Encore une entourloupette pour écoeurer de toute solidarité ceux et celles à qui elle est imposée.

Finalement cette LQR, cette nouvelle langue très cinquième République ne trouve aucunement grâce à vos yeux .Pourquoi ?

- Elle est néfaste et hypocrite pour plusieurs raisons !

D'abord elle fait en sorte que le résultat d'une situation est de votre responsabilité :

Si vous vous considérez " chômeur, licencié ", on estime que vous avez été licencié par quelqu'un (suivez mon regard) …Avec la LQR, vous devenez demandeurs d'emploi et là c'est de votre responsabilité d'en trouver un.Ce qui permet de vite passer sur les responsabilités de celui qui vous réduit au rang de "demandeur d'emploi ».

Elle cherche à atténuer (sans les supprimer)   toutes les distorsions qui risquent de remettre en cause le pouvoir ou les profits de certains : Caissière toute la journée, y a de quoi aller vite dormir le soir venu ou se mettre en grève si c'est mal payé  … Mais hôtesse à la caisse, c'est quand même plus chic, plus revalorisant ! Frappe chirurgicale  fait moins mal que bombardement.  Intervention est mieux accepté que Guerre

Ne dites plus handicapé, mais "personne à mobilité réduite "

Ne pensez plus "lutte des classes", vous êtes maintenant dans une couche sociale (la ménagère de 50ans),  vous êtes dans une tranche d'imposition  ou dans telles catégories professionnelles ou dans un milieu ("boursier" ou pourquoi pas intégriste)…Autant de lieux où l'on ne pense plus être exploité par un patron ou le système capitaliste.

Ensuite, avec condescendance,  votre langue de branché  tente de recoller les morceaux : Si ça va mal, il lui faut éviter le pire

Donc ceux qui expriment un désaccord ne sont pas des ennemis : ils sont simplement dans l'erreur...et un bon bourrage répétitif des mêmes slogans LQR devrait les calmer ou les éclairer sur le bien qu'on veut pour eux

Exemple ?  Tous les médias ont souligné le 29mai 05 que la "France du NON"  était surtout rurale et peu diplômée, jeune et peu fortunée. Façon polie de dire

Que le pays a penché vers le NON à cause de jeunes ploucs sans fric ni éducation … On ne saurait leur en vouloir d'avoir mal voté ; simplement On leur a mal expliqué.

J'ai dit bourrage répétitif …Car c'est bien la seule tactique employée : la répétition : C’est fou comme après les dernières grèves et grandes manifs,  on a vu fleurir le mot "ensemble ". Non pas évidemment pour souligner la lutte unitaire des grévistes et manifestants, mais donner à ce mot "récupéré et détourné"  une autre valeur …

On est donc invité à être vigilants ensemble dans le métro,  deux gardiens de but pour un poste de titulaire sont invités fermement à mettre de côté leur concurrence pour être "ensemble sur l'affiche" .On vit ensemble à RTL, on respecte ensemble l'environnement avec les sacs recyclables de telle grande surface.

Avouez que pour la tranquillité de la société, ces images d'ensemble sont plus anesthésiantes qu'une horde de manifestants !

Enfin considérant la "morale" comme ringarde, les nouveaux communicants  n'ont que le mot "éthique" à la bouche …Exemple : Avant par moralité, un commerçant rendait correctement la monnaie …Aujourd'hui certains la rendent par "éthique" car ils savent que s'ils la rendent mal ils vont perdre un client. Ce n'est plus le "bien commun" qui les guide, mais l'éthique de l'entreprise qui " par calcul"  n'a pas intérêt à perdre un client !

Si vous voulez vous assurer une bonne retraite, laisser  tomber le ringard système "répartition/ Solidarité entre les générations", choisissez des fonds de pension éthiques ; grâce à cet adjectif, vous aurez moins mauvaise conscience !

Et si cette LQR s'installe bien insidieusement  dans la tête des gens c'est tout simplement parce que ce langage est performatif :

Ce qui est dit se réalise


(comme les mariés quand ils échangent leur consentement devant témoins)

Les faits de langage sont plus têtus que les autres ; par leur apparition, ils révèlent des tendances qu'ils contribuent à renforcer ; Faire comprendre aux demandeurs d'emplois qu'ils sont responsables de la situation où ils sont, c'est surtout ne plus leur répéter qu'ils sont des chômeurs (des fois qu'ils se poseraient la question " à cause de qui ?)

Sur cette question qui manifestement le dérangeait, le branché s'en alla persuadé qu'il était impossible de continuer à échanger avec un type dont le vocabulaire n'était pas tendance.

Pierre NICOLAS