|
Origine : http://bruno.colombari.free.fr/article.php3?id_article=173
Nul besoin d’écrire de gros pavés pour être
compris. L’éditeur Eric Hazan, qui connait ses classiques,
rend hommage en 122 pages à Victor Klemperer, qui écrivit
de 1933 à 1945 un livre baptisé LTI (la langue du
troisième Reich). Avec LQR, ce n’est bien sûr
plus du troisième Reich qu’il est question, ni du nazisme,
mais de la langue de la cinquième république, Lingua
Quintae Respublica, LQR [1]. Vous n’en n’avez jamais
entendu parler ? Pourtant, son vocabulaire imprègne les discours,
les communiqués, les flashs d’information, les unes
des journaux, les rapports, les publicités. C’est une
langue qui n’invente rien, mais qui détourne les mots
de leur sens, qui en substituent certains à d’autres,
une langue soporifique qui masque la réalité des choses.
Des exemples ? On ne dit pas pauvres, ni exploités, mais
exclus, couches sociales au lieu de classes sociales, éloignement
à la place d’expulsion, plans sociaux pour licenciements
collectifs, traitement social du chômage pour développement
de l’emploi précaire, prise en otage des usagers pour
grève dans les transports publics, etc.
Selon Eric Hazan, la mission essentielle de la LQR, c’est
d’éviter que le consensus social ne vole en éclats,
ce qu’il a fait plus ou moins à deux reprises en trois
ans, lors des présidentielles de 2002 et du fameux référendum
sur la constitution européenne en 2005. On a bien vu à
cette occasion comment "ceux qui expriment un désaccord
ne sont pas des ennemis ni même vraiment des adversaires.
Ils sont dans l’erreur parce qu’ils sont mal informés
ou parce que leur niveau intellectuel ne leur permet pas d’avoir
une vue juste du problème posé [...] On ne saurait
leur en vouloir d’avoir mal voté. Simplement, on leur
a mal expliqué."
Riche en exemples bien choisis et en références historiques,
l’essai d’Eric Hazan aurait toutefois gagné à
plus de rigueur [2]. Comme il le reconnaît lui-même
("N’étant ni linguiste ni philologue, je n’ai
pas tenté de mener une étude scientifique de la LQR
dans sa forme du XXIème siècle"), il a procédé
"par une démarche qui tient pour beaucoup de l’association
d’idées". Ce qui rend le texte agréable
à lire, très clair mais relativement frustrant.
par Bruno Colombari
Notes :
[1] Daniel Mermet lui a consacré une émission de
Là-bas si j’y suis le 15 février dernier
[2] Rigueur dont font preuve les rédacteurs d’Acrimed
|
|