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Origine http://www.revuedroledepoque.com/articles/n16/bombe.pdf
Drôle d'Epoque
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"On ne peut pas se contenter aujourd’hui d’interpréter
l’Ethique à Nicomaque alors qu’on accumule les
ogives nucléaires."
Günther Anders
Penser Hiroshima et Nagasaki, 60 ans après. Comment accueillir
un tel intitulé et le désir de comprendre qui s’y
cache ? Soixante années passées ont déjà
l’âge du souvenir, des générations oublieuses.
Le survivant ne survit plus et nous voilà livré à
penser en différé, sur la base des témoignages,
des récits, des images, des fictions intermédiaires.
Hiroshima, Nagasaki sont dorénavant reliées, deux
jumelles horrifiantes sur lesquelles le temps a passé comme
le sel sur Carthage ou le feu sur Troie. Elles, elles se sont reconstruites,
mensongèrement. Noms propres, noms de villes dont la permanence
abrite un néant. La disparition elle-même disparaît.
Alors que reste-t-il à penser ? Précisément
tout, si peu l’a été, surtout ici dans ce coin
européen.
Penser après, c’est commencer à penser, se
défaire des réflexes acquis, dé-penser ce qu’ont
cru faire des journalistes, des scientifiques, des historiens, des
journalistes scientifiques et des historiens journalistes, des écrivains,
des cinéastes, des écrivains cinéastes, des
hommes politiques. Penser les lancements des premières bombes
atomiques sur les villes japonaises vise à empêcher
que l’événement soit recouvert par des formulations
et des explications fallacieuses, trépidantes, sensationnelles,
esthétiques. Ces discours accompagnent toujours les commémorations,
lumières trop crues pour approcher les ombres de l’événement.
Le 8 août 1945, le journal Le Monde titrait : “Une révolution
scientifique" ! Dans un numéro de la revue L’Histoire
de mai 1995, André Kaspi croyant répondre à
une vraie question (fallait-il bombarder Hiroshima ?) termine ainsi
son article : “L’Empire du soleil levant n’est
pas la malheureuse victime du bourreau. Il faudrait aussi que le
Japon d’aujourd’hui en prenne conscience et le reconnaisse
sans détours (…) Des soldats américains mouraient
par milliers chaque jour. L’apitoiement n’est pas de
saison. Truman n’avait pas le choix. Sa décision lui
a coûté. Elle a certainement accéléré
la fin des combats". Marguerite Duras dans son synopsis du
film Hiroshima mon amour, notait : “Impossible de parler de
Hiroshima. Tout ce qu’on peut faire c’est de parler
de l’impossibilité de parler de Hiroshima”, et
sans vergogne elle énonçait l’équivalence
du désastre de Hiroshima avec celui d’une femme tondue
à Nevers. En 1995, Claude Simon, prix Nobel de littérature,
reproche dans une lettre ouverte au Monde à Kensaburô
Ôé, autre primé, de s’attaquer aux essais
nucléaires français et en profite pour affirmer l’éternelle
culpabilité du Japon et l’inconséquence à
se prévaloir du désastre atomique pour s’ériger
en victime.
Ces clichés sont d’un poids assourdissant, plein d’européocentrisme,
de narcissisme, d’ignorance. Ils font signe également
vers une vacuité et une absence d’intérêt
pour l’autre, l’Orient, que l’on ne cesse d’occidentaliser.
Il n’est pas difficile de parier sur le pauvre effort que
feront les éditeurs et les institutions en tous genres pour
commémorer ce pénible anniversaire. Qui a lu et lira
les expériences de Tamiki Hara, Keiji Nakasawa, Hiroko Takenishi,
Takashi Nagai, les témoignages du Groupe 6 août ? Qui
traduira tous les témoignages présents au Japon ?
Qui diffusera les films de Kijo Yoshida, de Shohei Imamura, de Kuroki
? Qui exposera les photos prises à Nagasaki par Yosuke Yamahata?
Là encore tout est plongé dans l’ombre, s’abrite
sous des ailes bienveillantes tellement clandestines.
La reprise de l’expérience vécue
Penser Hiroshima et Nagasaki nécessite de reconstruire le
dialogue entre l’expérience vécue et son sens
pour toute l’humanité, entre le temps et l’éternité,
l’événement exige une réplique, il s’impatiente
d’une reprise (au sens de reprendre un travail), d’un
écho afin d’être maintenu en une libre ouverture.
Foin de l’exotisme de l’art du thé, des geishas
et des derniers samouraïs, le réel de ce qui s’est
passé à Hiroshima et Nagasaki ne se représente
pas seulement, il se rencontre dans l’exposition d’une
brèche.
Cette brèche, ce sont les victimes, les témoins de
l’événement qui ont tenté de la laisser
ouverte, œil sanglant qu’il fallait opérer, avec
les mots qu’ils avaient à leur bord. Hiroshima d’abord
où ses habitants vaquent à leurs occupations quotidiennes
lorsque l’explosion se produit. Aucune alerte, aucun avertissement,
on se plaît même à contempler le sillage que
laissent derrière eux les B-29 dans le ciel bien dégagé.
Tamiki Hara dira: “J’eus la vie sauve parce que j’étais
aux cabinets (…) quelques secondes plus tard, je ne sais plus
exactement, il y eut un grand coup au-dessus de moi et un voile
noir tomba devant mes yeux"[1]. Ensuite tous les récits
se ressemblent pour décrire l’horreur qui envahit la
ville. Les bâtiments sont soufflés, éventrés,
les maisons effondrées. Les routes fondent et sont brûlantes
comme les ruines gagnées par les incendies. Puis viennent
les cris de souffrances, d’appel au secours et de soif. Des
milliers de corps humains sont carbonisés, raidis, réduits
à l’état d’ossements, de visages défigurés
par des grimaces. Les survivants ne retrouvent pas leurs enfants,
leurs parents, ils ne reconnaissent pas leurs amis, ni les membres
de leurs familles dont le corps se met à gonfler sous l’effet
des tumeurs. Tous ces détails il faut les lire, l’horreur
éprouvée des brûlures, le déchirement
des gémissements d’enfants, l’hébétude
des vieillards, les femmes éventrées. John Hersey
dans son roman Hiroshima paru en 1946 [2], aujourd’hui introuvable
en France (non réédité depuis 1947) décrit
le sentiment de colère mélangé à celui
d’abattement, l’incapacité des survivants à
embrasser l’étendue de la dévastation et des
aides à apporter. Ceux qui ont le plus mal se taisent, n’arrivent
plus à pleurer, la mort se fait silencieusement. Trois jours
plus tard, Nagasaki à son tour est rayée de la carte
par une bombe non plus à l’uranium mais au plutonium.
Un jeune médecin arpente les rues, Takashi Nagai, il voit
des êtres sans peau, d’autres enflés comme des
citrouilles devant cela à une chaleur autrement plus forte,
ses étudiants sont collés aux murs comme des papillons.
Il sait qu’il a vu l’enfer et essaiera de décrire
cette impression de sidération, d’anéantissement
et l’incapacité de l’imagination à comprendre.
Quelques heures plus tard, un photographe de l’armée
japonaise, Yosuke Yamahata arrive sur les lieux du crime. Il y rencontre
une désolation à laquelle ses années de guerre
ne l’avaient pas accoutumé : une terre de cendres et
de débris, les fleuves charriant des cadavres, les ombres
plaquées sur les murs par le flash de l’explosion,
le Pika-Don (l’éclair, le bang !). Comme le dit Philippe
Forest qui consacre un très beau chapitre à Yamahata,
rien de plus inexact que de croire douce et instantanée la
mort atomique, “la mort est partout semblable à elle-même
(…), elle souille, torture, humilie, déchire le cœur,
dévaste la chair, et c’est seulement une fois cette
longue besogne accomplie, qu’elle laisse en paix ceux qui
furent des vivants" [3]. Les blessés furent plus nombreux
que les morts, leurs souffrances eurent leurs durées inimaginables.
Kensaburô Ôé, Masuji Ibuse ont rendu hommage,
chacun à leur manière, à la douleur lancinante
des survivants, à ceux que l’on a nommé les
hibakusha. Leur système sanguin n’est plus celui d’un
humain, leur corps leur échappe, les tissus organiques sont
infestés de cellules cancéreuses. La Peste, celle
avec laquelle on ne finit jamais de combattre sa vie durant, ou
plutôt une lèpre inguérissable vont marquer
des existences entières. On pense à Victor Hugo disant
du suffrage universel qu’il était comme un nouvel organe
inné, supplémentaire du corps humain ; avec Ôé,
on comprend la nécessité de porter attention aux souffrances
endurées par les hibakusha, “aussi longtemps que l’existence
de ces gens-là et leurs appels seront marqués d’une
telle urgence, qui d’entre nous pourra donc en finir avec
cette part de Hiroshima que nous portons en nous-mêmes ?”
[4].
Cette part d’Hiroshima, seuls les hibakusha ont eu à
l’endurer. Il a fallu leur donner voix (ce fut le travail
de nombreuses associations) ou hélas parler à leur
place. Ôé entreprend en 1965 une enquête auprès
de leurs conditions de vie dans un livre sur les suites des bombardements.
Il constate la non-reconnaissance de l’événement
catastrophique dans sa structure intime, vécue. D’une
part, au regard du contrôle opéré par les autorités
américaines qui occupent le pays et qui mettent en place
un système de censure inouï dans l’histoire pour
cacher et empêcher la divulgation de toute information concernant
les effets de l’irradiation. Ils s’empareront de tous
les films faits et les revendront (!) bien plus tard aux associations
de survivants. Hiroshima et Nagasaki représentent des laboratoires
in vivo idéaux pour leurs scientifiques, leurs médecins,
leurs médicaments etc. Les irradiés incarnent ces
villes, la bombe est restée dans leur corps et elle agit
à retardement, programmée pour administrer la mort.
Les naissances anormales, monstrueuses font l’objet de la
raison statistique, rationnelle mais rien n’est expliqué,
rien n’est analysé, rien n’est guéri que
dans la confidentialité.
Nous assistons à la même tolérance gênée
envers le déchet qu’à Auschwitz. Ces femmes
et ces hommes atomisés deviennent des rebuts qu’il
s’agit d’enfouir, des drames que l’on anesthésie.
Leurs humiliations sont redoublées de par leur statut au
sein de la société japonaise. C’est le paradoxe
des victimes d’être envisagées comme des coupables.
C’est Yasuko, “l’héroïne" du
roman d’Ibuse, que personne ne veut épouser car elle
aurait reçu la pluie noire qui a suivi les bombardements,
ce sont les rumeurs multiples qui courent sur le mal caché
de ces êtres et que l’on accuse d’être fiers
de ce même mal, de s’en servir pour se distinguer. De
plus, l’anéantissement de ces vies n’a pas déclenché
de colère mais de la honte, d’avoir été
les cobayes d’un chantage international, de la défaite,
des victimes sans résistance possible ou simplement d’avoir
été là, impuissants, survivants. Kensaburô
Ôé nous le dit: “La population ne s’est
pas escrimée à faire comprendre à ceux qui
avaient anéanti leur ville, qui l’avaient entièrement
réduite à l’état d’énorme
et hideuse chambre à gaz, quel effroyable forfait ils avaient
commis là (…) ils ont commencé à lutter
pour se remettre de cette catastrophe (…) ils ont engagé
cette bataille mais leurs efforts ont contribué aussi à
alléger le poids qui pesait sur la conscience de leurs agresseurs
[5]. Le crime est trop énorme mais sans nom, sans responsable
judiciable et ne laisse plus de place à la vengeance, tous
redeviennent invisibles.
Ôé aura une autre formulation de ce dispositif des
forces américaines : “Confiance du loup dans les facultés
qu’aura l’agneau, sur lequel il va se jeter, de se remettre
par lui-même de cette agression". Et tout fut réparable,
en effet, sur le modèle patrimonial, touristique, consumériste
et industrieux occidental, conformément au modèle
biblique “après le déluge, Noé".
Mais les reconstructeurs ne sont jamais intéressants, ils
ne sont que des faussaires, des aménageurs de vitrines, des
sélectionneurs d’espèces.
D’où vient cette impassibilité des bourreaux
face à la disparition ? A l’absence d’un lien
entretenu entre le sentir et le ressentir, à l’absence
de représentation, de diction de l’épreuve subie.
Non les hibakusha n’ont pas fait l’expérience
de l’impossible (l’impossible oubli et l’impossible
souvenir de Blanchot ou l’expérience du “réel"
comme impossible de Bataille), ni celle de l’expérience-limite,
ils se sont plutôt confrontés à une impossible
écoute de leurs interlocuteurs. Tout comme Robert Antelme
qui, à son retour des camps nazis constate que tous enjoignent
les rescapés d’oublier, Antelme dont Duras dit avec
condescendance: “Il a écrit un livre sur ce qu’il
croit avoir vécu en Allemagne : l’espèce humaine"
[6], il a bien plutôt tenté d’être bavard,
de représenter le tort subi contre l’éloquence
muette de la simple image, contre la soi-disant beauté de
l’indicible. L’adversaire de la parole des rescapés
est toujours celle des littéraires, leur surdité politique
face à un espace-temps du monde qui a été donné
à certains de vivre le plus horriblement possible. Or pour
maintenir vivant cette expérience du monde, il faut le dramatiser,
lui rendant une histoire. Agir c’est rendre possible, commencer
une histoire et son effet propre est dans la reconnaissance que
cela a bien eu lieu. George Perec avait vu cela chez Antelme, il
le louait pour son dépassement des faits, dans les camps
il y avait “un temps qui se traîne, une chronologie
hésitante, un présent qui s’entête, des
heures qui n’en finissent jamais…”. Des médiations
et des décentrements existent, la littérature et le
langage qui redonnent par ailleurs une immortalité à
ceux dont on avait voulu interdire toute transmission. Avec le récit
nous pouvons comprendre et endurer notre histoire, à condition
que celui-ci décide d’une scène publique, sans
cesse en acte et s’enroule à d’autres récits.
Penser Hiroshima et Nagasaki ce n’est pas d’abord donner
des explications, ou se contenter des faits. C’est partir
d’eux pour les dépasser, les accompagner d’une
prise de conscience, les intégrer à une perspective
plus vaste. L’entrée de l’humanité dans
l’ère nucléaire attend encore les récits
qui le dévoilent. La modernité qui s’y déploie
n’est pas irreprésentable ou in-signifiable, on peut
en établir sa scène, y habiter ses corps, ses durées,
y retracer ses ombres errantes.
L’infernale mission des Etats-Unis
Hiroshima et Nagasaki ne sont pas des catastrophes au sens providentiel
(au sens d’une volonté divine qui sauverait ou punirait
un peuple), ni un simple accident de la technique (au sens de Paul
Virilio pour qui chaque invention invente aussi son accident), elles
sont des horreurs programmées par l’homme contre l’humanité
que l’on doit inscrire dans une philosophie de l’histoire.
Cette dernière n’est pas à entendre comme ayant
un sens mais comme possédant du sens. Un fragment détaché
de l’ouvrage de Pascal Quignard, Les Ombres errantes, permet
de replacer l’événement dans une cohérence
inaudible : “Je date la mondialisation de la guerre sur la
croûte terrestre à l’année 1853".
A l’été 1853, le commodore Perry de la flotte
des Etats-Unis investit la rade d’Edo. Le duc japonais lui
adressa en retour ce message : “Nous ne souhaitons pas que
pénètre sur notre territoire une humanité diabolique.
Nous vous demandons de bien vouloir vous en retourner dans votre
pays et y demeurer sous la protection de vos morts". Rien n’y
fera, l’Occident, du moins ce qui en tient lieu à partir
de la logique puritaine, matérialiste, rationaliste, individualiste
(repérée par Tocqueville dès 1835) pénétra
le dernier bastion fermé à ses avancées conquérantes.
Les missionnaires du Japon ne maniaient plus l’encensoir jésuite
mais les canons, les banques et les comptoirs ivres du libre-échange.
Il faut lire l’Invention des Etats-Unis, du XVIIe siècle
à nos jours, comme la conquête sans frein d’une
homogénéisation culturelle et économique du
monde. Elle passe par l’éradication des Indiens, la
continuité de l’esclavagisme européen des Noirs,
la mise en coupe réglée des proches territoires (de
l’Amérique centrale, du Sud ainsi que des îles
du Pacifique jusqu’à Hawaï, sans parler du Vietnam
et de l’actuel Proche-Orient). Faire le bonheur d’autrui
sans son consentement, autre définition de l’autoritarisme,
de la Mission.
Le Japon a commencé alors à copier ce que l’Occident
avait de plus énergétique : sa soif de pouvoir et
d’expansion, son impérialisme et son agressivité
à l’égard des autres “races", une
autre idée de l’Histoire en perpétuel dépassement
de ses propres forces. La guerre ne pouvait que se mondialiser (les
mondes devenant progressivement mondialisés) sur un nouveau
front : en Russie (1904), en Chine, en Mandchourie (1931), en Corée
etc. Les marqueurs que sont les dates des historiens sont désorientés,
les commencements comme les fins deviennent invérifiables.
L’histoire est tissée de torts se répondant
entre eux, continus qu’ils sont et obéissant à
un principe d’accumulation dont l’issue est toujours
de plus en plus terrible. Pearl Harbour (1941) fut un défi
prévisible ; Hiroshima est pour les Américains la
blessure fatale qui permet la suprématie de l’économie-monde
et de la maîtrise territoriale.
La question n’est plus lors “qu’est-ce qui s’est
passé ?” mais “qu’est-ce qui s’est
pensé" à Hiroshima et Nagasaki ? Qu’est-ce
qu’ont pensé faire les Etats-Unis et qu’est-ce
qui a excédé leurs propres pensées? Quelle
pensée est à l’œuvre qu’ils n’ont
pas pensée? Qu’est-ce qu’ils ont fait pour cela
?
A Hiroshima et Nagasaki, le gouvernement américain a pensé
mettre fin à l’enfer par l’enfer. Si la guerre
est un enfer (selon leurs vues), tout est permis pour y mettre fin.
Et si l’enfer dure trop, seule la terreur peut y mettre fin.
L’argument est moral mais pas imparable. Si le Japon avait
mis fin à la guerre en bombardant les Etats-Unis, auraient-ils
mis fin à l’enfer ? Faire de la guerre la seule criminelle,
faire des Japonais en bloc (et surtout des habitants civils d’Hiroshima
et de Nagasaki) les seuls initiateurs de la guerre (Pearl Harbour
restait une cible militaire) est une mauvaise raison et témoigne
d’une irresponsabilité inédite dans l’ordre
de l’histoire (il faut compter dans cette idée les
bombardements de Dresde, de Tokyo).
Et jusqu’où faut-il remonter pour situer le tort originel,
l’insulte première ? D’où vient la réelle
terreur ? Ici elle vient de ce que les Etats-Unis avaient déjà
gagné cette guerre du Pacifique et qu’ils ont utilisé
le bombardement de terreur, non pas pour démoraliser les
troupes, non pas pour sauver des vies (que n’équilibrent
pas des morts en masse) mais pour affirmer une suprématie
hors du commun. D’une part vis-à-vis de l’URSS
et du reste du monde (donnant naissance à la course aux armements)
mais surtout en vue d’une reddition inconditionnelle du Japon.
Cette inconditionnalité, l’absence d’une paix
négociée constitue l’objectif insupportable
de la diplomatie américaine, et empêche de voir dans
les bombardements une quelconque justice mais plutôt une volonté
politique de domination et un crime contre l’humanité.
Les bombardements sur les villes japonaises sont la preuve de la
guerre totale, mettant fin à l’ancienne guerre déclarée
opposant entre elles des forces armées, obéissant
à des règles fixées par le droit des gens.
Dorénavant on se trouve en présence de guerres miliciennes
inavouées visant la destruction de la civilité à
travers l’humiliation des civils. Il s’agit bien d’une
guerre d’extermination, d’anéantissement qui
ne vise pas seulement la reddition des forces ennemies mais un peuple,
un Etat et l’intégralité de son territoire.
Hannah Arendt a montré comment cette guerre totalitaire,
née dans les régimes du même nom, avait contaminé
le monde non totalitaire : l’impérialisme prenant la
suite du totalitarisme. La guerre totale est corrélée
à la domination totale et la destruction totale des villes
de Hiroshima et de Nagasaki est le signe de cet acosmisme dans lequel
l’humanité est entrée. Le gouvernement américain
n’a pas négocié la paix avec le Japon, il a
visé une fin totale, dès lors les moyens purent être
disproportionnés. Plus de ratio, même ultima, ce qui
faisait dire à Arendt que nous vivions désormais “dans
une paix au sein de laquelle rien ne doit être épargné
pour qu’une guerre soit encore possible" [7]. Dans une
courte pièce de théâtre pleine d’ironie,
Nagasaki Commémoration, Jean-Claude Grumberg confronte celui
qu’on devine comme le pilote d’un des bombardiers, échappé
d’un hospice de vétérans, à Monsieur
Nagasaki dont il est en train de braquer l’épicerie.
L’ancien soldat, après avoir demandé l’argent,
dit qu’il veut tout casser et tire sur quelques étalages,
il sera finalement récupéré par des infirmiers.
L’épicier finira à son tour par cette phrase:
“J’ai bien envie de tout casser" [8]. Et on peut
le comprendre…
La situation atomique et l’ère du globocide
L’humanité n’était pas, ou du moins plus
en danger en août 1945, elle l’est devenue ensuite par
l’entrée de celle-ci dans l’ère nucléaire.
Comme le remarquent différemment Günther Anders et Hannah
Arendt, Hiroshima et Nagasaki ne sont pas des “orages d’acier"
qui purifient le ciel politique, elles présentent des “catastrophes
monstrueuses capables de transformer le monde en désert et
la terre en matière inanimée" [9]. Ce ne sont
pas des événements qui s’achèvent une
fois pour toutes, rétablissant les choses comme jadis. Impossible
de penser, de vivre comme avant, de retrouver la vie de l’arrière.
L’exergue de cet article l’indique ironiquement.
Il y va dans un premier temps de la question du sens de la politique.
Le développement monstrueux des possibilités d’anéantissement
donne aux Etats un monopole qui ne met pas seulement en jeu la liberté
mais aussi la vie humaine et toute vie organique sur la terre. La
vie devient un miracle permanent, non pas de celui des recommencements
dus aux naissances des enfants, mais un miracle attendu que tout
peut disparaître d’un moment à l’autre,
avant que le monde ressemble à la Zone, filmée par
Tarkovski dans Stalker. Miracle devant l’inquiétant
décisionnisme attribué au chef de gouvernement disposant
du feu nucléaire et tous ceux qui opposeront les vertus de
la délibération démocratique, de la souveraineté
populaire et de la raison communicationnelle n’empêcheront
pas qu’un doute subsiste sur les volontés de certains
hommes au pouvoir. Le monopole de la décision ultime dans
les mains de Truman a bien conduit à l’horreur ultime
et l’on sait que ses successeurs, notamment Nixon, ont été
placés plusieurs fois devant la décision de déclencher
le feu nucléaire et de s’être ravisés
au dernier moment. La notion d’Etat de droit perd de sa consistance
au moment où une irrationalité irrésorbable
marque toute décision politique et peut conduire à
un désastre.
Le définitif peut advenir. Une certaine forme de définitif
est déjà advenue pour tous les morts de la guerre
mais les morts sont toujours oubliés la génération
suivante. Le véritable définitif a concerné
le Japon pour qui il n’existe pas de retour au monde passé,
moins encore à celui de jadis (avant l’ère Meiji).
Pour combler l’impuissance, il y a le jeu électoral
mais aussi la formidable inventivité des machines de jeu,
des karaoké, des mangas, des consoles (quel mot parlant)
de jeu électronique mais aussi la mode, le luxe européen
et anglo-saxon, le boom de la consommation, la photographie et la
vidéo, les néons, le tourisme organisé, les
médicaments, etc. La littérature contemporaine japonaise
comporte les indicateurs les plus pertinents pour deviner la démocratie
à venir. Aucune passion du réel ne peut émerger,
aucun héroïsme nouveau. Les Etats-Unis, eux, continuent
de promouvoir le seul héroïsme que l’Occident
ait su promouvoir: la mort sous les balles pour la patrie ou pour
le parti, cela constitue le grand fonds de sa production cinématographique,
le seul moyen d’unifier un ensemble national ; le reste n’est
que l’apologie d’une existence conforme aux prévisions
des grandes compagnies d’assurances ou la volonté aporétique
d’y échapper. Soit la peur de mourir, soit son retournement
dans le service de la patrie, dans les deux cas il y a va d’un
renoncement à la liberté. On est face à un
paradoxe : les individus s’agrippent à la vie, au moment
même où les Etats disposent des moyens pour l’éradiquer
de la planète. L’ère nucléaire expérimente
les conditions d’une vie maintenue dans la peur, inconsciente,
invisible et sourde.
Le définitif nucléaire fait bien que nous vivons
selon les mots d’Alain Brossat “dans Hiroshima et non
pas après" [10]. Cela rejoint les impressions du cinéaste
Kiju Yoshida, auteur du remarquable film Femmes en miroir (2003)
qui affirme : “J’ai éprouvé le curieux
sentiment de porter Hiroshima en moi". L’événement
échappe à toute reprise humaniste. Yoshida a filmé
une scène avec trois femmes issues de générations
qui se suivent : chacune avait une approche différent : la
grand-mère l’avait vécu et refoulé, la
mère avait voulu l’oublier, la fille ne pensait même
pas devoir s’en souvenir. Pourtant toutes trois semblent liées
par une vérité : Hiroshima qui leur donne quelque
chose que l’on ne peut pas anéantir, une mémoire,
une confirmation pour accepter le passé, pour continuer à
vivre ou une révélation pour commencer une vie. Mais
cette existence ne sera pas légère, frivole, elle
ne peut qu’avoir le poids d’un sursis amer. Lorsque
Kensaburô Ôé fait son enquête sur Hiroshima
en 1963, il vient d’avoir un enfant gravement handicapé.
Les deux événements sont liés chez lui : il
éduquera son fils et plus tard s’engagera dans la lutte
antinucléaire. Dans les deux cas, on trouve le même
désir de survivre à la vérité, tout
en gardant en soi une part de l’atrocité. Si nous ne
sommes pas en accord avec Ôé sur la force thérapeutique
dont serait porteuse la souffrance [11], reste qu’accepter
d’être dans Hiroshima, c’est accepter d’être
dans l’histoire comme des élus en ballottage.
Ciel dégagé sur Pacifique Nord, bonne visibilité
Les Etats-Unis n’ont pas laissé la science penser
pour eux. “Ils ont accepté la mission et ils ont fabriqué
La Bombe" écrit Dwight Mac Donald en août 1945
à propos de savants atomistes [12]. Avec Heidegger, nous
avons longtemps pensé que la science ne pensait pas, qu’elle
n’avait pas à penser, c’est-à-dire à
s’orienter en fonction du sens de l’existence, qu’elle
ne visait qu’à produire des connaissances, des objets
pratiques, qu’elle était aux ordres de ceux qui pensaient
en tirer un profit (financier, statutaire, etc.). En ce qui concerne
la bombe atomique, c’est tout le contraire : on est saisi
d’une profonde angoisse à lire toutes ces vies de physiciens,
toutes ces intelligences, toute cette exaltation déployée
pour la mise au point d’une machine de mort aussi sophistiquée
dont ils prennent l’initiative, dont ils réclament
la mission. Leurs résistances morales n’ont qu’un
temps (sauf celle notable d’Isidor Rabi, professeur à
l’Université de Columbia). Ces Européens pour
la plupart exilés ou enfants d’immigrés avaient
peur que l’Allemagne invente cette bombe. Ils agissaient dans
une urgence qui fut ensuite, une fois le programme réalisé,
dévoyée par les autorités. C’est le propre
de la libido scientifique de pousser à son ultime achèvement
toute question posée à sa sagacité : ici le
projet devait aboutir quoiqu’il en coûte. Oppenheimer
dira: “Je ne pense pas que nous ayons jamais travaillé
plus intensément et plus rapidement qu’après
la capitulation de l’Allemagne" [13].
Reste que ces savants et tous ceux qui constituent la chaîne
reliant la bombe à son point d’impact n’ont pas
pensé à sa juste mesure ce qu’ils faisaient
réellement. C’est tout le mérite de Günther
Anders, philosophe isolé, outsider, d’avoir été
à la hauteur de l’événement et fidèle
à son sens. Il a montré que l’explosion des
bombes atomiques sur le Japon fut un crime d’employés,
que ses concepteurs et ses protagonistes étaient tous des
exécutants qui faisaient leurs métiers avec professionnalisme
et zèle, objectivement à distance de toutes leurs
potentielles victimes. Il y a une cruelle ignorance dans cet investissement
qui n’est plus substantiellement humaine mais qui est à
la mesure de la machine industrielle et de l’appareil de laboratoire.
C’est un appareil d’Etat qui construit, utilise la bombe
et qui permet à chacun d’avoir bonne conscience. Dans
sa correspondance avec un des pilotes de Hiroshima, Claude Eatherly,
Günther Anders a forgé le concept de “coupable
sans faute" (schuldlos Schuldigen) [14]. Claude Eatherly, commandant
de 26 ans, pilotait l’avion de reconnaissance Straight Flush
chargé d’apprécier la météorologie
et la défense antiaérienne japonaise. A son retour
aux Etats-Unis, il fut salué comme un “victory boy".
Rapidement il fut torturé par le remords, fit des fugues,
divorça, remplit des enveloppes de billets de banques qu’il
envoya au Japon avec des lettres d’auto-accusation et d’excuses.
Il tenta de se suicider et fut interné à l’hôpital
militaire de Waco. Il en sortit pour commettre des petits larcins
(braquage sans emporter les gains), fut jugé et interné
de nouveau. Anders, qui lui écrira, va l’aider à
exprimer ses obsessions : une pensée de l’ordinaire
émerge, avec ses mots naïfs mais justes, son vocabulaire
de soldat texan, pour nous dire combien la société
américaine est malade. Eatherly n’est pas fou, il montre
seulement combien les conquêtes scientifiques et techniques
rendent au fond le monde plus difficile à supporter, faisant
de chacun un minuscule rouage d’une mécanique dévastatrice.
Beaucoup, selon lui, deviennent des coupables innocents, mêlés
au déroulement d’actions imprévisibles et inacceptables
dans leurs effets, où les intentions et les actes sont dissociés.
Eatherly ne souhaite pas être une sorte de pénitent
complice, il veut reprendre place dans un monde commun plus réfléchi
et responsable. Anders accompagne sa réflexion et l’étend
à sa juste mesure : les individus ne savent pas ce qu’ils
font car ils sont plus petits qu’eux-mêmes, en mal de
réflexion, de lucidité avec eux et ils ignorent ce
qu’on leur fait. Les hommes ne sont pas méchants mais
les répercussions de leurs actions sont gigantesques. Dans
son œuvre magistrale [15], Anders analyse le décalage
(Diskrepanz) entre ce que nous sommes capables de produire et ce
que nous sommes capables d’imaginer. La technique (seconde
révolution industrielle après celle des machines)
a remplacé l’homme, elle est devenue le sujet de l’Histoire
(au sens heideggérien de Destin), les hommes n’en sont
plus les auteurs mais les fonctionnaires et la bombe atomique montre
bien cette déshumanisation tant des victimes que des bourreaux.
Toutes les victoires sont ternies, les prestiges s’évaporent.
L’homme a pu faire ce que ses outils permettaient de faire
sans pouvoir en imaginer les usages et les conséquences (d’autant
plus lorsque les soldats ne voient plus leurs ennemis). Anders se
situe aux antipodes d’Ernst Bloch, de son principe espérance
et de son essai de penser une utopie concrète. On ne saurait
être trop angoissé, un principe désespoir doit
au contraire nous aider à penser, à combattre. Si
pour Arendt, le totalitarisme entraîne une destruction du
politique ; pour Anders, le totalitarisme est technocratique (l’homo
faber détruit toute vie de l’esprit, surtout celle
imaginative).
Le commandant Eatherly, tout au long de cette correspondance, essaie
de prouver son crime à lui-même contre toutes les tentatives
d’innocence que lui prodigue la société américaine.
Son cas est exemplaire, une exception au regard des autosatisfactions
communes (on demanda à Truman lors de son 75e anniversaire
s’il y avait eu dans sa vie un événement qu’il
regrettait amèrement: “Oui, répondit-il, de
ne pas m’être marié plus tôt"). Anders
aurait pu commenter cette réponse par les mots de Lessing
qu’il affectionnait: “Celui qui ne perd pas la raison
devant certains faits n’a pas de raison à perdre".
Le pilote a fait cet exercice désespéré d’assimiler
les effets psychiques démesurés de son acte, endossant
le poids de ce qu’il a lui-même considéré
comme un crime, non pas seulement de guerre [16] mais contre l’humanité.
Tous des salauds
L’incrimination spécifique du crime contre l’humanité
provient du constat d’une violence inédite, disproportionnée,
opposant d’un côté un combattant surarmé
et de l’autre une population civile inoffensive, c’est-à-dire
non combattante. Les habitants de Hiroshima et de Nagasaki ne présentaient
aucun danger, ni aucun enjeu stratégique majeur. Les deux
bombardements, et plus encore le second comme surcroît inutile
d’anéantissement, ont remplacé la guerre par
le massacre. La torture a duré, redoublé et le tortionnaire
s’est complu à observer sa victime. Nagasaki a le caractère
d’une persécution, motivée (le racisme “anti-Japs"
en est cependant un des ressorts essentiels) qui porte atteinte
à l’humanité entière, du fait de la disparition
d’une de ses composantes. Il était impossible de ne
pas connaître l’effet déshumanisant de cette
bombe, le principe de négation de l’essence humaine
qui y est à l’œuvre. Il faut se rappeler cette
phrase d’Oppenheimer l’instant suivant l’explosion
expérimentale du Nouveau Mexique (16 juillet 1945) : “Nous
sortîmes de notre abri et tout fut soudain d’une solennité
extrême. Nous savions que le monde ne serait jamais plus le
même. Quelques personnes riaient, d’autres pleuraient,
la plupart restaient silencieuses", son collègue Bainbridge
vint vers lui et lui jeta : “Maintenant nous sommes tous des
salauds". “C’est la remarque la plus pertinente
qui ait été faite après le test" reconnut
plus tard Oppenheimer [17]. La bombe dans les mains de l’homme
qui l’utilise fait de lui un salaud, par-là il déshumanise,
bestialise, chosifie, ceux qui en deviennent les victimes. Il fallait
considérer comme partie négligeable les 180000 et
140000 morts de Hiroshima et de Nagasaki, ne pas même les
comprendre dans l’ordre de l’humanité, pour entraîner
ce que Adorno appelle “l’anéantissement du non-identique",
du différent.
Seul le Japon a été jugé à la fin de
la guerre pour ses crimes à Nankin (décembre 1937),
en Mandchourie, son agressivité en Asie. Les Historiens ont
permis de faire la lumière sur le cas des esclaves sexuelles
de l’armée japonaise, sur le travail de l’Unité
731 (nom de la principale base d’expérimentation d’armes
chimiques et biologiques sur des êtres humains, implantée
en territoire chinois) [18]. Rien ne saurait excuser l’impérialisme
violent des Japonais. Mais au moment du procès de Tokyo,
parmi les onze membres du Tribunal, le juge indien Radhabinod Pal
déclara sa dissidence face au jugement : pour lui l’accusation
devait commencer, non en 1928 avec l’agression japonaise,
mais au XIXe siècle avec le colonialisme européen.
Il offrait une autre version de l’Histoire qui aurait mérité
que l’on y réfléchisse [19].
La Bombe ne serait plus synonyme d’une “fin de l’histoire"
comme le pensait Anders, ni comme l’espérait “johanniquement"
Karl Jaspers, l’occasion axiale d’une transformation
éthique de l’individu [20] (avec accroissement de la
responsabilité individuelle), elle marquerait seulement le
triomphe d’une certaine définition de la démocratie
basée, comme chaque régime politique dans l’histoire,
sur une arme qui est en même temps sa source d’énergie.
La puissance nucléaire a un effet d’inhibition indéniable,
d’acceptation résignée, force est de reconnaître
l’équilibre géopolitique créé
par la dissuasion mais les armes atomiques se sont multipliées,
la bombe ouvre bien une ère où l’humanité
est en combat avec sa propre survie. Le seul espoir réside
dans la conscience historique de chacun, dans l’entretien
des divisions quant aux définitions indésirables de
la démocratie et de l’énergie qui est sa compagne,
puisque l’on peut chaque jour se dire, à la manière
de Guillevic,
“Le ciel était d’une incroyable transparence
Et je me répétais comme c’est beau, la France,
Quand un nuage énorme et très lourd est monté.
Sans doute n’était-il qu’un nuage ordinaire,
Mais comment oublier tous ceux qui vont porter
La mort radio-active au hasard de la terre?” [21]
1 - Tamiki Hara, Hiroshima. Fleurs d’été, Paris,
Editions Dagorno, 1993, p. 62. 2 - Hersey (John), Hiroshima, London, Penguin books, 1985, 196
p. 3 - Philippe Forest, Sarinagara, Paris, Gallimard, 2004, p. 212.
4 - Kensaburô Ôé, Notes de Hiroshima, Paris,
Gallimard, coll. Arcades, 1996, p. 31. 5 - id, p. 144 6 - Marguerite Duras, La douleur, Paris, POL éditeurs, rééd.Folio
Gallimard, p. 82. 7 - Hannah Arendt, Qu’est-ce que la politique ?, Paris, Editions
du Seuil, 1995, p. 135. L’auteur montre qu’il faut renverser
la formule kantienne “on ne doit pas se permettre dans une
guerre, des hostilités qui seraient de nature à rendre
impossible la confiance réciproque, quand il sera question
de la paix". Voir aussi les commentaires de Etienne Tassin,
Un monde commun, Paris, Editions du Seuil, 2003, 301 p. 8 - Jean-Claude Grumberg, Nagasaki commémoration, Paris,
Actes Sud Papiers, 1994, pp. 45-47. 9 - Arendt, op. cit, p. 127. 10 - Alain Brossat, “Si loin, si près, Hiroshima et
Auschwitz", in La paix barbare, Paris, L’Harmattan, Forum-IRTS
de Lorraine, 2001, pp. 81-94. 11- Ôé affirme “dans sa famille, l’enfant
handicapé possède le pouvoir de guérir. Cela
m’a amené à concevoir une fonction analogue
qu’exerceraient les victimes de la bombe sur la société
malade de l’ère nucléaire" in Kensaburô
Oé, Moi, d’un Japon ambigu, Paris, Gallimard, 2001,
p. 49. 12 - cité par Michael Walzer, Guerres justes et injustes,
Paris, Belin, 1999, p. 355. 13 - Robert Oppenheimer, Uncommon Sense, Boston, Birkhaüser,
1984, p. 57. Voir aussi Atom and Void, Essays on Science and Community,
Princeton, Princeton University Press, 1989, 349 p. 14 - Günther Anders, Hiroshima ist überall, München,
C. H Beck, 1982, 367 p. Pour une présentation intelligente
d’Anders, voir Enzo Traverso, L’histoire déchirée,
Paris, Cerf, 1997, 236 p. et l’émission Répliques
(A. Finkielkraut) avec Philippe Ivernel, du 28/09/2002. 15 - Günther Anders, L’obsolescence de l’homme,
Paris, Ivréa, 2002, 361 p. 16 - Ce que continuent d’avancer certains auteurs, voir Tzvetan
Todorov, Mémoire du mal, tentation du bien, Paris, le livre
de poche, Coll. Biblio essais, 2000, p. 338. 17 - Cité par Robert Rhodes, The making of the atomic bomb,
New York, Simon and Schuster, 1986, pp. 675-676. 18 - Pour un aperçu synthétique sur la question :
Claire Roullière, La mémoire de la Seconde Guerre
mondiale au Japon, Paris, L’Harmattan, Coll. Points sur l’Asie,
2004, 170 p. 19 - Thimothy Brook, Documents on the Rope of Nanking, University
of Michigan Press, 1999, 257 p. 20 - Karl Jaspers, Die Atombombe und die Zukunft des Menschheit,
Münich, Piper, 1958, 634 p. 21 - Guillevic, Trente et un sonnets, Paris, Gallimard, 1954, p.
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