Origine : échange mails
« Korczak et les pédagogues autogestionnaires hier
et aujourd'hui », tel était l'intitulé de la
journée d'étude organisée à l'Université
Paris VIII (Saint Denis) le 29 mai 1999 par Ahmed LAMIHI, maître
de conférences et professeur à I'Université
de Tétouan, en collaboration avec le laboratoire de Recherches
en Analyse Institutionnelle et l'Association française Janusz
Korczak Anne-Marie Bonnisseau et moi-même, nous étions
invités en tant que membres de l'équipe du lycée
autogéré de Paris, pour parler d'un dispositif mis
en place l'année précédente au lycée
autogéré : la Commission justice.(http://www.droitshumains.org/korczak/05Lettre_sept99.htm)
J'avais rédigé un texte pour préparer mon
intervention. Ce texte, je n'ai pas lu en public, parce que cela
ne se fait pas dans ce genre de lieu (heureusement !). Mais il a
été publié deux fois sous le titre «
Comment peut-on être gentil ? » (Dans L’éducation
à la citoyenneté, Dossiers pédagogiques, n°
6, nov. - déc. 1999, Tétouan, Maroc et dans Lois,
règles et consignes, Vers l’éducation nouvelle
n° 495, juin 2000, Paris.)
Je redonne ici la version intégrale, qui contient sans doute
quelques redites...
Comment être gentil ?
Parler du Lycée Autogéré de Paris devant des
gens qui s’intéressent à l’œuvre
du Docteur Janus Korczak représente pour moi une épreuve
d’un genre bien particulier. C’est qu’il n’est
pas facile d’aborder ce thème : la naissance de la
commission justice au lycée autogéré de Paris.
Cette commission, composée d’élèves et
de professeurs est très proche dans sa fonction d’un
conseil de discipline. Vous comprendrez j’espère que
l’on peut avoir envie de parler d’autre chose, à
propos du Lycée Autogéré, que de châtiment,
de vengeance, et de dissuasion. Le contexte dans lequel il m’a
été demandé de parler d’une telle commission
ajoute à mon embarras. En effet, le thème de la violence
à l’école est tellement rebattu ces dernières
années que l’on aurait franchement envie d’éviter
d’en parler. Combien de rencontres, de discussions, de colloques
ou d’émissions de télévision ont-ils
été organisés ces dernières années
sur cette question ? Les colonnes des journaux ordinaires ont été
saturées d’articles faisant état d’exactions
commises par des jeunes. Parlant d’un établissement
alternatif, autogéré, il y aurait peut-être
d’autres thèmes à traiter.
Mais n’est-ce pas au fond ce problème central de la
violence à l’école, de la violence de l’école,
comme dirait Raymond Fonvieille, qui a poussé quelques-uns
d’entre nous à explorer d’autres voies dans la
façon de se confronter à des personnes en formation
? Et qui aurait pu nous conduire à déserter purement
et simplement cette Éducation Nationale chargée de
former des citoyens si nous n’avions pas eu la chance de participer
à une telle expérience ? C’est pourquoi il ne
me semble nécessaire de faire le point sur cette question.
Et puis je n’aimerais pas laisser entendre que le LAP se
maintient par enchantement. Où alors que l’on précise
en quoi consiste cet enchantement.
Cela ne me dérange pas d’expliquer que chez nous aussi,
il y a des moyens divers, plus ou moins visibles, pour que l’ordre
soit maintenu. J’aurais bien aimé pouvoir dire qu’un
fonctionnement basé sur la confiance et le respect mutuel
a immédiatement contribué à créer un
petit coin de paradis si cela avait été le cas. Mais
tout le monde sait, sauf peut-être quelques pédagogues
avant-gardistes, que la confiance et le respect mutuel doivent souvent
se conquérir, et que cette conquête n’est jamais
totalement assurée. Il n’empêche, confiance et
respect, je sais, cela heurte certaines oreilles, c’est même
difficile à écrire, confiance et respect sont des
principes fondamentaux.
Et pour les faire exister, nous, membres du LAP, avons conscience
d’être pris entre une exigence de prophétisme
et une exigence de lucidité. Prophétisme parce que
nous devons croire que le chemin emprunté est un bon chemin
et que nous devons le faire croire. Lucidité parce qu’il
y a des limites que l’on peut observer dans ce qui se passe
réellement. Alors on peut tenter d’effectuer les ajustements
nécessaires pour vivre ensemble le mieux possible. Cela suppose
une attitude particulière chez nous les enseignants, de la
psychologie, et, surtout, une certaine forme d’organisation
politique, une organisation fondée sur la reconnaissance
de droits, les mêmes pour tous les membres de la collectivité.
Ces droits, comme chez Janusz Korczak, nous autorisent à
être des personnes humaines, y compris craquer quelquefois
: à nous emporter. Nous ne sommes pas allés jusqu’à
faire la liste des droits de chacun, comme Janusz Korczak, car nous
préférons faire comprendre les grands principes et
les inscrire dans les actes. Nous travaillons avec des adolescents,
de jeunes adultes et l’époque a changé.
Maintenant les droits, y compris ceux des enfants, sont à
la mode ! Soulignons que dans les votes, un élève
égale un prof égale une voix, ce qui laisse entendre
qu’on les considère d’emblée comme des
personnes responsables.
Accorder (?) des droits n’est pas suffisant. Que faire de
celui qui enfreint la loi, non écrite ? Que faire lorsque
la préférence de certains membres de l’équipe
va à l’obligation sans sanction ? Est-il possible dès
maintenant de construire une micro-société qui fonctionne
avec des nouvelles normes ? Autant que Janusz Korczak, ou Alexander
S. Neill, nous nous sommes affrontés à ce problème,
qui est un problème pratique.
Il est possible qu’il y ait chez nous des façons de
faire bonnes ou mauvaises que nous méconnaissons, parce qu’elles
sont cachées, ou peu conformes à l’image que
nous voulons donner de nous-mêmes. La question est pour nous
une question importante. C’est pourquoi nous ne voulons pas
renoncer à nos dispositifs qui favorisent l’analyse
collective. C’est pourquoi nous avons toujours accepté
que des sociologues, des ethnologues viennent nous observer et nous
expliquent comment nous nous y prenons, et comment ça se
passe.
Les membres de l’équipe qui font face chaque jour
aux situations les plus diverses n’ont pas toujours le loisir
de savoir quelles théories ils appliquent ni même toujours
de savoir ce qui se passe effectivement. Ne croyez pas que mon amour
du terrain me pousse à nier l’importance des confrontations
intellectuelles, des débats théoriques. Pas question
de jouer à l’humble praticien, ennemi des universitaires.
Toutefois, je tiens à préciser que je considère
que la théorie n’est malheureusement pas toujours ce
qu’elle devrait être, à savoir un moment de la
pratique. Comment pourrait-il en être autrement puisqu’elle
est trop souvent identifiée à la production de textes
permettant de s’élever dans l’échelle
sociale ?
Je ne vais pas ici me lancer dans une longue recension des travaux
publiés sur l’École, de manière vaine
bien souvent, à cause de la séparation instituée
dans cette société entre théoriciens et praticiens,
de l’absence de visée clairement formulée, de
l’oubli du système capitaliste, et j’en passe.
Et puis j’ai quelques comptes à régler avec
quelques amis universitaires qui ont cru il n’y a pas si longtemps
que je critiquais le Docteur Korczak et son tribunal, au nom d’un
gauchisme mal digéré. Cela se passait un 13 décembre
1997, lors d’une journée d’étude consacrée
à Janusz Korczak et à Paulo Freire. Ce qui pour moi
était un comble puisqu’alors, au mois de décembre
1997, nous étions en train de vivre au lycée autogéré
une période de transition où s’élaborait
justement ce nouveau dispositif qui allait s’appeler, faute
de mieux, commission justice. À la fin d’une journée
d’étude, je souhaitais vérifier si j’assistais
à une espèce de cérémonie du souvenir,
à une petite visite guidée dans le musée des
grands pédagogues, ou bien si dans l’assistance il
y avait des gens qui se posaient la question de la mise en pratique
d’idées généreuses comme celles de Paulo
Freire et de Janusz Korczak, justement. J’ai demandé
aux gens présents ce qu’ils pensaient de l’institution
d’un tribunal à l’École aujourd’hui,
ce qui a été perçu comme une critique défavorable…
Il est évident que les interrogations que je tentais alors
de susciter étaient celles d’un praticien, comme les
éléments de réponses que je vais rapporter.
Ce dont je vais parler fait partie de ce que j’ai eu à
connaître parce que je l’ai vécu : je vais vous
proposer de la connaissance ordinaire.
J’ai eu envie d’intituler ma contribution : "
Comment peut-on être gentil ? ", en imaginant que cela
n’aurait pas été du goût de tout le monde.
Le Docteur Korczak lui-même aurait-il apprécié
? Je l’espère parce que, à ce que j’ai
compris, il avait un certain humour, vache quelquefois. Lorsqu’on
y repense, les circonstances dans lesquelles sa vie a pris fin donnent
beaucoup de sel à cette question : comment peut-on être
gentil ?
Sel qui vient se mettre sur quelques autres plaies, si je peux
me permettre. C’est particulièrement difficile pour
moi de parler dans un lieu hanté par la présence de
Korczak. C’est qu’il y a des personnes de ma famille
et en particulier une sœur bien-aimée de ma mère
que je n’ai pas pu connaître pour des raisons que je
vous laisse imaginer. Cette situation personnelle ne me donne pas
d’avantages particulier sur les autres. Plutôt l’impression
d’avoir une dette envers les véritables gentils, tels
ceux qui ont permis à mes parents de survivre dans le Limousin
et à moi de naître un 10 août 1944.
Voilà. Je viens de saisir une occasion de faire comprendre
à quelques personnes qui s’en étonnent pourquoi
je ne coopère pas davantage avec eux pour faire connaître
l’œuvre de Janusz Korczak, pourquoi j’ai eu parfois
envie de me mettre en congé de persécution. Persécution
qui me donne trop de devoirs et pas assez de droits. Ce qui est
le sort de bien des victimes, mais pas de toutes, il faut bien l’avouer.
Les circonstances de la fin de Janusz Korczak et des orphelins
nous rappellent que toute expérimentation a lieu dans un
contexte historique particulier, qui peut aussi bien en changer
la signification qu’en constituer les ressorts essentiels,
puisqu’il n’y a pas d’expérimentation coupée
du monde environnant. Pas plus qu’il n’y a d’École
coupée de la Vie, d’École coupée de la
Mort. Ces circonstances nous font obligation de continuer dans cette
voie, en étant attentif à ce qui se passe autour de
nous, de manière plus globale. Si l’on veut qu’il
y ait de plus en plus d’hommes et de femmes capables de défendre
les droits de tous les êtres humains, comment faire autrement
que de s’intéresser à l’Éducation
?
Me voilà prêt à raconter cette histoire, la
naissance de la commission justice, prêt à témoigner
de cette part d’ombre : il ne me semble pas possible en effet
qu’une communauté survive sans qu’il y ait d’une
manière ou d’une autre du maintien de l’ordre
et de la police.
Si l’un des idéaux de cette communauté, c’est
que ses membres soient des gentils, il faut bien qu’ils arrivent
à se défendre contre les méchants ou prétendus
tels. Tenter d’éclairer cette part d’ombre fait
partie de notre action éducative, c’est d’une
certaine façon faire du droit, et faire du droit, c’est
vraisemblablement l’une des conditions indispensable à
la vie en société. Que la division du travail fasse
que le Droit soit confisqué par quelques-uns de ses membres,
cela me semble pour le moins étrange. De là à
expliquer un certain nombre de désastres qui ont assombri
et qui assombrissent encore l’histoire de ce XXème
siècle, il y a un pas que je serais bien tenté de
franchir, en y ajoutant un petit pas de plus : comment ne pas mettre
en cause un système économique devenu fou ? Et qui
a dit : " bis repetita placent " ? Qui a dit que si l’histoire
se répétait, elle plaisait forcément ?
J’ai beaucoup hésité à dévoiler
ce genre d’implications dans un tel lieu, mais il faut bien
reconnaître qu’elles ne sont pas pour rien dans l’envie
de lutter pour la défense des droits, pour la démocratie
contre la barbarie. Elle ne sont pas pour rien non plus dans mon
besoin d’interpeller l’École, lorsque je sens
qu’elle peut devenir la matrice d’aventures totalitaires.
Quant à faire passer ces intentions généreuses
dans la pratique, ce n’est pas une mince affaire.
Pour moi, participer à l’aventure appelée LAP
correspond à une de ces tentatives.
Naissance de la commission justice au Lycée Autogéré
de Paris
Le Lycée Autogéré de Paris, a ouvert ses portes
à la rentrée 1982 dans les sous-sols du lycée
François Villon à Paris (14ème). Une quinzaine
d’années plus tard, il se dotait d’une commission
appelée, faute de mieux, commission justice. Ce n’est
pas de gaieté de cœur que j’aborde ici la naissance
de cette commission.
Je ne suis pas sûr que l’apparition de ce nouveau dispositif
soit le signe d’un échec, un aveu d’impuissance
: une analyse détaillée de ce qui s’est passé
au fil de notre histoire permettrait de mieux en juger. Quoi qu’il
en soit, vous comprendrez je l’espère que l’on
peut avoir envie de parler d’autre chose. Vous comprendrez
aussi que nul membre de l’équipe de ce lycée
ne veuille éluder ce qui pose problème. Faire croire
que le lycée se maintient comme par enchantement, à
l’écart de tous les problèmes vécus ailleurs,
ce n’est pas dans nos manières. Nous savons trop que
ce que l’harmonie obtenue spontanément peut dissimuler
de violence.
Et c’est bien entendu la violence de certains actes, de certain
délits, qui a favorisé l’émergence de
cette commission. Son inscription dans notre micro-société
a été le terme d’une longue et pénible
élaboration. Et aussi, au cours de l’année scolaire
1997-1998, d’un patient travail de la collectivité,
travail effectué pour partie dans nos instances démocratiques.
La façon dont nous étions interpellés ne pouvait
nous laisser sans réaction, et notre façon de réagir
a été l’occasion de construire ensemble du Droit,
" notre droit ". Il est tentant de rappeler dans ce cas
que le chemin suivi a eu autant d’importance que le but atteint,
si ce n’est plus. Mais ne sous-estimons pas le but lui-même,
la commission justice, qui comme bien d’autres dispositifs,
risque de faire oublier son histoire et de se présenter comme
étant là de toute éternité.
Cette commission, donc, présente de fortes analogies avec
ce qui s’appelle conseil de discipline, dans l’enseignement
" ordinaire ".
Cette commission " est chargée d’écouter,
de recueillir des témoignages, d’émettre un
jugement, enfin de décider de la sanction éventuelle
".
Elle peut être saisie par tous membres du LAP, individus
ou instances :
- ayant eu connaissance ou ayant été victime d’un
acte malintentionné ou d’un manquement aux principes
de la vie collective au LAP,
- à condition, dans la plus grande mesure du possible,
qu’il s’agisse d’un acte ou d’un fait avéré
et que l’on puisse en déterminer l’auteur.
Sont exclus de ces attributions :
1) Les problèmes pédagogiques entre un ou des élèves
et un prof, qui doivent se régler au sein des groupes pédagogiques
avec les enseignants concernés, avec les tuteurs, etc.
2) Les désinscriptions d’élèves pour
cause d’absentéisme (en GB) par exemple ou d’autres
motifs qui n’ont pas donné lieu à plainte.
Ces désinscriptions sont décidées dans d’autres
instances.
La commission justice est composée de :
- Trois enseignants élus par l’équipe pédagogique,
- Cinq élèves élus par l’ensemble des
élèves,
- Le professeur " tuteur " de l’élève
" convoqué " si celui-ci le désire,
- Deux élèves choisis par l’élève
convoqué.
La commission dès sa naissance a affirmé quelques
principes :
- Sa préférence pour que les conflits se règlent
par la discussion,
- Sa volonté de ne pas se substituer aux organes de discussion
et de décision déjà en place : les GB, la RGG,
la réunion d’équipe,
- La publication de ses activités grâce à
des comptes-rendus régulièrement affichés.
Elle se réunit à huis-clos, sans passager ni spectateur,
afin de limiter les pressions et les diversions. Tous les membres
de la commission doivent être présents. Une absence
doit être compensée par la présence du (de la)
suppléant(e).
Pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté
sur sa fonction, et pour que chacun puisse apprécier son
rôle à sa juste valeur, je préfère préciser
tout de suite que cette commission a statué sur trois affaires
depuis sa création. Pour son inauguration, elle a prononcé
deux exclusions d’une semaine assorties de présentation
d’excuses. L’année suivante, 1998-1999, elle
a entendu un premier élève, incorrigible fumeur de
joints. La sanction infligée a été de veiller
au rangement du jardin pendant quinze jours. La troisième
et dernière affaire dont elle a été saisie
a abouti à l’exclusion immédiate et définitive
d’un élève. Le motif : avoir frappé un
professeur. C’était en décembre 1998. Depuis,
elle n’a pas été appelée à se
réunir. Une bagarre entre élèves s’est
résolue en rencontre moins formelle en présence de
trois professeurs. Libre au lecteur de voir dans cette création
un indice supplémentaire de notre inévitable normalisation,
surtout si, bien informé, il sait qu’au départ
tout le système répressif classique a été
aboli : les punitions, les notes, le carnet de correspondance, y
compris l’obligation de présence au cours.
L’abolition du système répressif " normal
" a été accompagnée dès le départ
d’autres formes d’organisation qui encourageaient largement
la participation des élèves. Précisons donc
ce qui a été institué comme cadre, comme dispositifs
divers, et qui pouvait aussi bien nous épargner l’existence
d’une commission disciplinaire que de favoriser sa naissance.
Tout d’abord, je me dois de mentionner ce qu’on appelle
l’engagement que tout élève doit lire à
son entrée au lycée, engagement qui a fait son apparition
au cours de l’année scolaire 1991-1992.
Être élève au LAP, un engagement
Nous souhaitons que l’incription au lycée autogéré
puisse apporter à chaque élève d’autres
satisfactions que celle du simple statut de lycéen. C’est
pourquoi il nous paraît important que cette inscription soit
accompagnée d’un certain nombre de précisions,
de souhaits, de mises en garde... Il ne s’agit pas d’imposer
un parcours tout tracé dans notre établissement, mais
d’essayer de délimiter le champ des choses possibles
et le champ des comportements permis.
Lycée Autogéré de Paris
Notre établissement accueille des élèves avant
eu des parcours scolaires très différents et nous
souhaitons que ceux qui se croyaient sans avenir ou se sentaient
mal à l’aise ailleurs se remettent en route.
Notre établissement porte le nom de Lycée Autogéré
de Paris.
Dans celui-ci, les membres sont de deux sortes :
- les enseignants salariés, responsables de l’expérience
vis-à-vis de l’extérieur.
- les élèves, venant pour acquérir une formation
de niveau secondaire.
Et ce qui est recherché, c’est :
la participation de tous aux actions et aux décisions qui
se rapportent à la vie de l’établissement.
C’est en cela que nous disons que notre établissement
est un lycée autogéré :
cela signifie que la différence de statut n’est pas
considérée comme un obstacle, mais plutôt comme
une richesse, à l’image de ce qui se passe dans une
société démocratique.
(...)
Obligations
Chaque élève accepte les règles suivantes
"" L’obligation de venir en groupe de base
"" L’obligation de prendre régulièrement
contact avec son (sa) tuteur (tutrice) (...)
"" Un élève qui n’assiste à
aucune réunion de son groupe de base pendant 4 semaines sans
prévenir son (sa) tuteur (tutrice), ne peut être considéré
comme faisant partie du lycée. En ce cas, la commission administration
entérine la désinscription de l’élève.
(...)
"" L’obligation de participer au ménage.
Comportements et règles de vie
C’est la confrontation entre les personnalités, les
expériences et les savoirs qui est le moteur de la formation.
Or agir parmi, avec, d’autres, implique le respect des biens
et des personnes. Il n’est pas toujours facile de bien se
comporter, que ce soit par ignorance, maladresse ou pour d’autres
motifs. Il est impossible de constituer un recueil complet de ce
qui est permis ou interdit, mais il existe un minimum de limites
que nous portons à votre connaissance.
Limites.
"" Interdiction de détenir, vendre, consommer
de la drogue au lycée.
"" Interdiction de dégrader les locaux.
Sanctions.
Nous tenons a éviter toute forme de sanction collective.
Les sanctions sont envisagées au cas par cas. A part la
réprimande, en font partie la réparation et la privation
d’activité.
Les sanctions peuvent aller de l’exclusion temporaire à
l’exclusion définitive.(...)
L’organisation du LAP est en quelque sorte scindée
en deux parties.
L’une d’elle correspond à la transmission "
classique des savoirs " et à diverses activités,
on l’appelle structure pédagogique. Elle a connu et
connaît encore des variantes, elle correspond aux ateliers,
projets y compris les voyages, UV et autres cours.
L’autre partie correspond à l’organisation politique,
au sens large. Elle couvre les domaines relevant de ce qui est désigné
sous le nom de " vie scolaire " dans les autres établissements.
On l’appelle structure de gestion, et on l’espère
tout aussi pédagogique que la première. Cette structure,
qui manifeste l’originalité du LAP s’est stabilisée
à partir de janvier 1985, lorsqu’est apparue la commission
de liaison, rebaptisée et/ou transformée en 1987-1988
: depuis c’est une RGG, réunion générale
de gestion.
- L’équipe enseignante se réunit une fois
par semaine, deux heures au minimum.
- Le collectif se réunit soit en Assemblée Générale
(AG), soit en groupes de base (GB). Les GB forment une partition
de l’ensemble en une dizaine de groupes qui se réunissent
une fois par semaine 1h30 environ.
- Les commissions sont mixtes, composées de professeurs
et d’élèves. Elles se réunissent une
fois par semaine 2h environ. Elles sont au nombre de huit, leur
nombre et leurs attributions respectives ayant pu changer au fil
du temps :
- Administration
- Budget
- Evaluation et coordination pédagogique
- Entretien
- Accueil et relations extérieures
- Bibliothèque
- Spectacle
- Info-journal
Il faut ajouter la commission planning, réunie en début
d’année, et la commission justice.
Quant aux relations avec les autorités de tutelle, elles
sont assurées par un coordonnateur élu pour un an.
On peut noter qu’avec les années, l’assemblée
générale s’est réunie de moins en moins
souvent. L’une des explications les plus courantes à
ce phénomène, est l’accroissement important
du nombre d’élèves : d’une centaine d’élèves,
on est passé progressivement à deux cent soixante
dix élèves, pour redescendre cette année (1998-1999)
à deux-cent quarante. Une salle petite, un effectif trop
important, rendent effectivement la tenue d’une telle assemblée
assez difficile, et peut-être encore plus difficile si sa
fonction est celle d’un tribunal comme cela a été
le cas par le passé.
Quant à la Réunion Générale de Gestion,
elle a vu son rôle augmenter. Comme l’on peut affirmer
que son rôle a été déterminant dans la
création de la commission justice, il convient de s’attarder
sur son cas.
Tout au long de l’année scolaire 1997-1998, la RGG,
réunion générale de gestion, se réunit
pendant deux heures chaque jeudi de 11h à 13h dans la salle
de sciences. Elle est composée de 2 délégués
par Groupe de Base, et de 2 représentants de l’équipe
prof, ce qui avec quelques spectateurs présents fait un vingtaine
de personnes.
La RGG propose, régule, donne des avis. Elle organise et
anime les AG, et la réunion de parents. Elle est chargée
de la liaison avec les commissions, et elle a un droit de regard
sur leur fonctionnement. Elle intervient dans la gestion des locaux
avec possibilité de décider la fermeture d’un
lieu. La RGG est chargée de la liaison entre les Groupes
de Bases (GB), on peut même affirmer que c’est l’essentiel
de son rôle. Enfin, quelques règles de fonctionnement
sont tout à fait claires : élaboration de l’ordre
du jour, décisions prises à la majorité, quorum
" interne ", propositions de vote pour les GB, et rédaction
d’un compte-rendu.
Il faut avoir présent à l’esprit le type d’élèves
qui participent alors à la RGG.
Une étude sur le lycée effectuée au cours
de l’année 1997-1998 fait état de groupes d’élèves
bien identifiés : les " alternatifs ", qui s’identifient
au projet du LAP, les " scolaires " qui viennent essentiellement
pour les cours, et les " rappers ", totalement étrangers
aux buts de l’établissement. J’ajouterai la "
caillera " (racaille) groupe ainsi désigné par
d’autres élèves, et les " militants "
de l’autogestion. Tous ces groupes ont été représentés
directement ou par des amis à la RGG.
Voici une liste très incomplète des thèmes
abordés au cours de cette année-là.
La drogue - l’absentéisme en Groupe de Base - la passivité
- les dégradations des locaux - la participation des élèves
au maintien de l’ordre - le recrutement des nouveaux élèves
- la répartition des pouvoirs - la prise de décision
et le quorum.
L’on peut imaginer qu’aborder ces sujets a un effet
normatif, contribue à exercer une pression de conformité,
et participe au maintien de l’ordre.
Revenons aux discussions en GB et en RGG.
Des élèves estiment qu’il est trop difficile
de prendre des décisions. Ils critiquent ceux qui votent
sans vouloir réfléchir et argumenter, et d’une
certaine façon que l’on fasse trop pour que tout le
monde soit citoyen.
L’année précédente le quorum, nombre
de votants requis pour qu’un vote soit valable a été
augmenté. Ils le déplorent. Le lycée risque
paralysie si certains décident de ne pas voter, ou ce qui
est pire, s’ils ne participent pas au vote. Ils souhaitent
donc l’abolition de tout quorum, et de l’obligation
de venir en groupe de base.
En supprimant toute menace à l’encontre de ceux qui
ne se sentent pas concernés par une expérience de
type autogestionnaire, ils espèrent favoriser leur désertion,
qui laisserait les coudées franches à l’élite
" autogérée "
De plus, ces partisans de l’élite, les avant-gardistes
refusent qu’il y ait un centre de décision. On pourrait
résumer cette position en un seul mot d’ordre : tout
le pouvoir aux groupes de base ! Il s’agit en quelque sorte
d’une avant-garde basiste.
Ils sont enclin à supprimer tout ce qui dans l’arsenal
de règles et de sanctions pouvaient autoriser les ennemis
de l’autogestion à rester au lycée.
Parmi eux, certains vont jusqu’à se revendiquer comme
" éradicateurs ", affirmant que la " caillera
" (racaille) doit être exclue du lycée, sans préciser
comment la décision serait prise.
Au fil des discussions, un élève a réclamé
" un tribunal populaire " pour juger les indésirables.
Cette expression lourde de sens s’est répandue dans
le lycée à très grande vitesse, comme étant
le but recherché par la RGG, réunion générale
de gestion.
Lors d’une séance houleuse de RGG j’ai été
amené à prendre la défense du Droit et mes
références aux Droits de l’Homme a suscité
un tollé quasi général. Je me souviens d’un
élève " humaniste " qui en avait les larmes
aux yeux.
Il faut noter que l’obligation de participer au GB, obligation
assortie de sanction avait été revendiquée
haut et fort par " les rappers " l’année
précédente et que d’une manière générale
les " déviants " ou supposés tels avaient
revendiqué l’établissement de règles
de droits les plus claires et les plus détaillées
possible, ainsi que l’adoption d’un code pénal.
Difficile dans tous les cas de départager ce qui relève
d’une conception politique et morale de la vie en société,
de ce qui relève de la recherche d’une solution pratique,
et de ce qui relève de la recherche de moyens supplémentaires
pour " définir la situation ", comme on le dit
à l’École de Chicago. Et je ne choisis entre
aucune tendance en disant ceci : la possibilité de s’approprier
un territoire, le désir d’en défendre un, peut
mener à toutes sortes de comportements.
Quelquefois, presque tout le monde tombe d’accord pour dire
que certains élèves n’ont rien à faire
au lycée.
La solution qui paraît la plus simple est celle qui consiste
à tout miser sur le recrutement : recruter des élèves
mûrs pour l’autogestion, des vrais volontaires. Cette
solution a toujours le mérite pour ceux qui la prônent
d’éviter de se poser la question de l’ici et
maintenant : comment faire face aujourd’hui ?
Puis, petit à petit, une revendication forte s’affiche
en faveur de la participation au maintien de l’ordre, jusqu’au
bout, c’est-à-dire jusqu’à la sanction.
Revendication de co-responsabilité avec les profs, sans doute.
Bonne nouvelle : il y a des élèves pour réclamer
le partage du pouvoir avec les profs, inconvénients compris.
Des élèves sont conscients du fait que là où
nous sommes, nous ne pouvons pas tout savoir, et que de toutes les
façons, ils sont aussi des co-éducateurs. Ils acceptent
de s’organiser pour empêcher des comportements dont
ils sont les victimes.
Le 12 février 1998, la RGG achève de rédiger
un questionnaire " Mise en place de la commission justice,
ou des conflits " qui permettra d’adopter " démocratiquement
" la commission justice, le mardi 3 mars, au retour des vacances.
Dans sa propre réunion le 10 février, l’équipe
prof a voté pour que les sanctions soient prises par les
profs uniquement. Les représentants de la RGG sont au courant,
et ils insistent pour que la question des " pleins pouvoirs
" soit posée à tous les membres de la collectivité.
Lors du vote une forte majorité se prononce pour que ce soit
la commission qui prenne la décision de sanctionner.
Le fonctionnement de cette commission a été changé
dès l’année suivante sur un point important
: les compte-rendus de la commission ne sont plus affichés,
ils sont simplement lus dans les groupe de base.
Je pense que pour être plus complet, il me faut maintenant
tenter d’expliciter ce qui s’est inscrit dans les mémoires
et qui a influencé les gens présents.
La genèse, inscription dans les mémoires
Donc, il a fallu attendre quinze ans pour assister à la
création d’une commission justice.
Est-ce à dire qu’il n’y avait pas eu de problèmes
suffisamment graves auparavant, au Lycée Autogéré
de Paris, pour qu’une telle instance fasse son apparition
? Bien sûr que non. Le LAP a connu des périodes plus
ou moins mouvementées, avec l’arrivée d’élèves
qui n’étaient pas spécialement prêts à
jouer le jeu de la vie communautaire. Mais nous avions à
notre disposition l’Assemblée Générale
pour tenter de réguler, voire régler les conflits.
Et pourquoi se le cacher, notre image de professeur, et notre statut
pouvait nous conférer quelque autorité, et quelques
pouvoirs de police.
Dès le début, des élèves qui étaient
adeptes de la guérilla urbaine et de la reprise individuelle,
et cherchaient disaient-ils à nous démasquer pour
ce que nous étions, nous les profs : des flics ! D’un
genre nouveau peut-être, mais des flics quand même.
Tout au long de cette histoire, il a fallu se coltiner quelques
dealers, qui instituaient des rapports détestables entre
eux et leurs " clients ". L’abus de substances illicites
ne pouvait être toléré, ce qui donnait lieu
à des AG " drogue ". Ces assemblées générales
donnaient lieu à des empoignades, et à des séances
de confessions publiques, avec promesse de ne plus recommencer.
Il a fallu faire face à des vols, dont la gravité
a diminué avec l’installation de portes blindées.
Et l’on peut penser que quelques fauteurs de troubles étaient
poussé à partir d’eux-mêmes, car ni leurs
camarades ni les profs ne leur rendaient pas la vie trop facile.
Il est tentant de penser que l’établissement a connu
une période de relative tranquillité de 1985 à
1991. Relative à notre univers, car les membres de l’équipe
sont tolérants. Beaucoup de comportements que nous trouvons
acceptables,- il nous en coûte quelquefois -, ne seraient
pas admis ailleurs. Une des explications à ce climat est
à chercher dans le nombre et l’influence d’élèves
en accord avec le projet du lycée. Cela ne veut pas dire
pour autant qu’il n’y avait pas de délits, ni
de conflits, mais les moyens ordinaires semblaient suffisants pour
faire face.
C’est au cours de l’année scolaire 1991-1992
que nous avons été amené à rédiger
avec un groupe d’élèves une sorte d’engagement
à signer à l’entrée au LAP. Cela a été
source de discussions avec quelques collègues qui souhaitaient
faire signer un contrat, alors que le groupe dont je faisais partie
souhaitait que les élèves affirment avoir pris connaissance
des principes de base et de quelques sanctions.
C’est à la même époque que des adeptes
de la guérilla ont refait leur apparition au lycée.
Ils avaient décrété qu’il était
interdit de fermer les portes à clé, et qu’il
était interdit de se plaindre s’il y avait des disparitions
de matériels. Les victimes de vols devaient se taire. Les
AG devenaient difficiles.
Un mémoire de DESS fait état d’un voyage au
ski qui s’est passé de manière déplorable
: honte à nous, certains de nos élèves avaient
pris à partie des villageois et avaient fait tout ce qu’il
fallait pour passer pour des neo-nazis. Et ils avaient brisé
la vitre du car qui les ramenait.
Malgré tout on s’en tenait à la parole, à
la discussion " prise de tête ", à l’assemblée
générale. Il y avait aussi les lettres envoyées
aux élèves par l’équipe de profs pour
protester contre la dégradation du climat.
Mais au cours de l’année scolaire 1992-1993, dans
le jardin, un élève a sorti une arme, à feu
celle-là, pour se faire rembourser une dette. Il s’agissait
de trafic de drogue.
La violence devenait bien visible, et se posait avec acuité
la question des bandes organisées qui tentaient de prendre
possession des lieux. Elles pouvaient avoir décidé
de faire leur loi au lycée, profitant de cet espace de liberté.
Pas question de tolérer ce genre de pratique, pas question
de se laisser nouer quelques alliances maffieuses avec des élèves
qui pouvaient en surface respecter l’Autorité. Ce qui
est plus facile à dire qu’à faire. Surtout que
la loi du silence est une institution : la peur seule n’explique
pas le refus de moucharder. S’agirait-il encore d’un
héritage de la seconde guerre mondiale ?
C’est parce que l’un des profs a été
témoin de la scène du revolver que la réunion
d’équipe a prononcé une exclusion immédiate.
Depuis ce temps-là, en cas de difficultés avec certains
élèves, un groupe de trois professeurs environ était
chargé de rencontrer le, la ou les perturbateurs. La discipline
et la sanction finale revenaient aux professeurs.
L’année suivante, le lycée a été
le siège de luttes entre musulmans, juifs, et quelques autres.
À partir de 1994-1995, un conseiller d’éducation
est entré dans l’équipe. Même si le profil
de poste n’était pas à proprement parler celui
d’un CPE classique, c’est dire que le projet de départ
était largement amendé. Il fallait veiller à
ce que les tâches de police ne soient pas déléguées
à quelques personnes. Cette année-là, il a
fallu préciser qu’aucune salle du lycée ne pouvait
être transformée en lieu de prières.
En 1995-1996, quelques élèves doivent comparaître
devant trois professeurs pour rendre compte de leurs agissements,
entre autre suite à un voyage au ski.
Bien entendu, ces dispositions n’étaient pas considérées
comme les seules façons de maintenir un climat agréable.
L’organisation générale, les activités
proposées pouvaient donner envie aux élèves
de respecter un espace collectif qu’ils avaient le droit de
s’approprier. Mais elles pouvaient être l’occasion
de débordements intolérables.
C’est d’une certaine façon le refus par des
élèves de jouer ce jeu-là, le refus de reconnaître
tout ce qui leur avait été permis de faire, qui allait
précipiter la création d’une commission justice.
Au cours de l’année 1996-1997, l’équipe
avait pu constater que le voyage au ski par exemple, n’avait
pas toujours eu les effets éducatifs escomptés. Par
ailleurs, la cafétéria devenait le siège de
tensions de plus en plus insupportables, alors qu’un petit
groupe d’élèves se l’appropriait, utilisant
le poste et la musique comme armes dans ce combat. Pendant ce temps-là,
les saccages se multipliaient dans la salle de sport, et les discours
se multipliaient pour que l’on apporte une réponse
éducative, discours tenus par les contrevenants eux-mêmes.
Un élève s’est fait dépouiller de son
haschich par trois de ses camarades, qui prétendaient rendre
la justice. L’un d’eux a été rattrapé
et a reçu un coup violent au visage. Résultat, quatre
exclusions de quinze jours.
C’est le refus par les profs de refaire un voyage dans les
Cévennes qui a légitimé en parole, si ce n’est
en esprit, des comportements particulièrement asociaux pour
un groupe d’élèves : dégradations diverses,
agression d’autres élèves et de profs, sans
compter l’abus de joints, en partie par provocation envers
les profs. Confier des responsabilités, en particulier des
clés pour s’occuper du ping-pong ne changeait rien
à l’affaire... Ils ne se gênaient pas pour s’affirmer
comme défenseur de la véritable autogestion, alors
que le lycée devenait trop répressif, disaient-ils,
dépouillant les élèves de leurs droits. Je
rappelle qu’il n’y a que vingt-cinq profs pour "
encadrer ", même discrètement, deux-cent quarante
élèves et qu’il est difficile de savoir quand
il faut dire oui, quand il faut dire non. Et j’ajouterai que
les conditions matérielles dans lesquelles nous sommes amenés
à vivre ensemble ne sont pas des plus favorables. En effet,
nous manquons cruellement d’espace.
J’ai fini par craquer, et j’ai demandé l’exclusion
définitive de trois de ces élèves, élèves
qui étaient déjà réinscrits avec contrats,
donc plus ou moins en sursis depuis l’année précédente.
Le mardi 28 janvier 1997, la réunion de profs s’est
réunie pour traiter du cas de ces trois élèves,
et plus généralement de la répression. Pour
l’un d’eux, nous avons décidé une exclusion
définitive à 17 voix contre quatre. Pour les autres,
on s’est contenté de quinze jours. Mais nous avons
décidé de convoquer une assemblée générale
l’après-midi
Après une réunion brève des groupes de base,
nous nous sommes réunis en AG, au cours de laquelle nous
avons exposé notre décision. L’assemblée
a été très tendue, les uns n’attendant
que la répression la plus sévère, d’autres
s’indignaient que les profs puissent prendre une décision
sans consultation, d’autres plus rares se faisaient les avocats
des élèves.
Nous nous sommes réunis à nouveau entre profs, et
nous avons considéré, non sans mal, que l’assemblée
générale avait fait appel de notre décision.
Les peines se sont toutes transformées en exclusion de quinze
jours. Mais à la fin de l’année, on a signifié
à ces élèves qu’ils ne seraient pas réinscrits
l’année suivante.
Je crois que cet épisode est resté gravé dans
la mémoire des profs, et des élèves qui allaient
poursuivre au lycée l’année suivante, et qu’il
a fortement contribué à la naissance de la commission
justice.
Après avoir donné l’intégralité
du bulletin de vote, je vais citer quelques extraits de compte-rendu
de RGG de l’année scolaire 1997-1998 pour se faire
une idée du climat dans lequel est née cette commission
Mise en place de la commission justice, ou des conflits.
Mardi 3 mars 1998
Cocher une et une seule case par alinéa. La décision
sera prise à la majorité relative à condition
que la proposition recueille un tiers des voix au moins.
I COMPOSITION
1 Les membres
1-1 Les membres " fixes "
a) Deux élèves de la RGG + deux profs •
b) Deux élèves par GB + deux profs •
c) Trois profs + 1 élève par GB •
d) Trois profs élus par les profs + cinq élèves
élus par l’ensemble des élèves •
e) Quatre élèves choisis par l’ensemble des
élèves + quatre profs
choisis par l’ensemble des profs •
1-2 Les autres membres élèves
a) Un élève choisi par l’élève
convoqué •
b) Deux élèves choisis par l’élève
convoqué •
1-3 Les autres membres profs
a) Présence obligatoire du tuteur de l’élève
convoqué •
b) Présence pas obligatoire du tuteur de l’élève
convoqué •
2 Désignation des membres et modalités
Les élections ont lieu dans des collèges séparés,
élèves d’une part, profs de l’autre et
à bulletin secret.
Conditions d’éligibilité
a) Sont éligibles les membres du LAP qui ont présenté
leur candidature •
b) Il n’est pas nécessaire d’être candidat
pour être éligible (jury),
chaque électeur fournit une liste de quatre noms par ordre
de préférence,
un membre élu peut refuser sa désignation •
II ATTRIBUTIONS
1 Propositions et avis
La commission écoute, recueille des témoignages,
émet un jugement et fait des propositions pour régler
les conflits.
2 Décisions
2-1 La décision est prise par la commission •
2-2 La décision relève de la réunion de profs
•
III FONCTIONNEMENT
Fréquence des réunions, convocations, quorum, ordre
du jour, règlement interne, présidence, délibérations,
procès-verbaux et comptes rendus, sont laissés à
l’appréciation de la commission.
Rgg du Jeudi 04 décembre 1997
Intervention d’une prof. " La vitre de la porte du fond
de la salle de gym a été cassée volontairement.
Son remplacement coûte 3000 F (en fait : 2510F HT et 3027,06F
TTC, nldr). Où prend-on l’argent ? "
Question : qu’est-ce que les élèves qui détériorent
le lycée font au L.A.P. ?
Interruption par deux profs. " Il n’y a pratiquement
pas d’élèves à la commission entretien,
par conséquent, cette commission va être fermée
! "
On arrive à repousser la discussion sur le repas de Noël,
et on envisage de reporter la date des petits groupes sur la drogue,
pour entrer dans le vif du sujet : une délégation
d’élèves a été entendue par l’équipe
profs le mardi 2.) Les points abordés avaient été
les suivants : le libre accès aux salles du bas, le libre
accès au poste de radio, la libre fréquentation des
cours, la normalisation du lycée (le lycée deviendrait
trop scolaire), le pouvoir des profs. Après une longue discussion
sur la confiance qui se gagne, et la responsabilité qu’il
faut assumer, la R.G.G., à l’unanimité des présents,
a décidé de répondre favorablement à
la demande d’Assemblée Générale formulée
par le groupe d’élèves susmentionné,
donc :
Assemblée générale mardi 9 décembre
1997 :
La responsabilité des élèves - Un élève
peut-il faire quelque chose d’autre au moment où il
a cours ? - Les salles du bas (clés, portes, ouverture, fermeture)
- Le contrat ???
Rgg du Jeudi 11 décembre 1997
(Après l’AG (Dégradations, Autogestion) :
Un GB propose une sanction : soit le rachat du matériel,
soit sa réparation ou alors la mise en place d’un système
pour financer cette réparation.
Une question se pose : " Comment pourrait-on s’organiser
collectivement par rapport au maintien de l’ordre ? "
-Une commission d’élus composée de profs et
d’élèves ?
-Une AG sous forme de tribunal
A débattre...
Rgg du Jeudi 8 janvier 1998
6 - Spawn - Commission justice
Ce qu’en pensent les GB...
GB1 - Le débat est parti sur la police, car qui dit justice
dit police...
GB2 - Critique la position du GB6 : peur des représailles
qui amène à laisser toute la responsabilité
aux profs. Propose : soit la RGG s’en occupe, soit on met
en place une commission avec le tuteur, des élèves
qui connaissent celui qui est appelé à comparaître,
et d’autres élèves. Cette commission prend la
sanction. Mais d’accord avec le GB4 sur la responsabilité
collective et la remarque " amicale ".
GB3 - On veut que les GB se remettent en question. On trouve la
proposition du GB2 intéressante, on est pour une commission
profs-élèves. Une sanction, ce n’est pas obligatoirement
l’exclusion. On est pour qu’une réflexion soit
produite par écrit.
GB4 - On s’est interrogé sur la possibilité
du " filtrage " à l’entrée. On a dit
que le fait de rendre le problème public, en AG par exemple,
pouvait être plus " sain " que de laisser propager
des ragots, la prudence étant recommandée dans l’usage
des dispositifs. On demande une plus grande responsabilisation des
élèves qui pourraient faire des remarques (pas forcément
amicales) : on espère que cela puisse suffire dans la plupart
des cas
GB5 - Favorable à une commission adaptée avec le
tuteur, à la responsabilité collective avec remarques
" amicales " et plus de sélection à l’entrée.
GB6 - Mêmes propositions que le GB 5. Propose également
un cahier de doléances.
GB7 -Partagés entre laisser la responsabilité aux
profs et créer une commission composée de profs et
d’élèves, élue par l’ensemble des
élèves.
GB8 - Pour créer un groupe d’élèves
de premières et de terminales qui s’occuperaient du
pré-recrutement. Egalement favorable aux remarques amicales
(par exemple sur les tags), au débat général,
à la commission constituée d’élèves
et de profs. Mais les élèves ne prendraient pas part
au jugement.
Rgg du Jeudi 29 janvier 1998
6 - Etat de la salle de sport.
Ce n’est un secret pour personne que la salle de sport est
dans un sale état. Murs couverts de Tags, graffitis de plus
en plus nombreux, même chose sur le matériel et sur
le sol. Ne parlons pas des tapis. En fait, la salle est ouverte,
mais son accès est rendu plus difficile aux non-habitués.
Les membres de la RGG qui s’expriment ne semble pas s’alarmer
de la situation : le remède pourrait venir du projet graph,
qui aurait pour charge de rendre à nouveau à cette
salle un aspect agréable, agrémenté d’un
graph : les bombes (à peinture) devraient être achetées.
7 - Sanction pour drogue
Un élève a été surpris en train de
couper un morceau de shit : il s’était installé
sur les escaliers des toilettes du bas, et il a surpris en pleine
action par un prof. Des sanctions ont été envisagées
contre lui, et la décision devait être prise en réunion
de profs mardi dernier. Aucune question n’a été
posée en GB avant cette réunion. La réunion
de prof a décidé une exclusion de 3 semaines, car
ce n’était pas la première fois.
Mais la commission composée d’élèves
et de profs aurait pu être créée à cette
occasion ? Non, justement. Que faire à ce propos ?
On suggère que la RGG remplisse ce rôle. On dit aussi
que les pouvoirs doivent être séparés. La RGG
quand même pourrait jouer un rôle de régulation
: on écouterait le contrevenant et les éventuels plaignants,
sans aller plus loin. La discussion devient à nouveau très
houleuse.
Quelques délégués sont très attachés
au fait que rien ne doit être décidé, ni même
proposé par la RGG : seuls les GB auraient le pouvoir de
statuer, légiférer, décider dans tous les domaines...
Il va falloir trouver un accord sur le fonctionnement, que l’on
pourrait souhaiter le plus démocratique possible, mais le
fait de côtoyer les représentants, et tous ceux qui
participent à la vie du lycée ne semble pas suffire
aux tenants de la démocratie directe pure et dure...
8 - Vols
Un vol a été commis mardi soir : quelqu’un
qui nettoyait la cafétéria s’est fait voler
son sac !
On apprend que d’autres personnes se sont fait voler avant.
Que peut-on dire pour le moment ? Ne laissez pas traîner vos
affaires ?
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