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Kit juridique d’urgence

Message Internet paru sur la liste Zpajol
Le guide juridique anciennement du CAMI, puis retouchée dans le cadre de
l'illegalteam pour le campement noborder est enfin relu et corrigé
(réactualisé et réécrit pour certains bouts), disponible en ligne à
l'adresse suivante :
http://pajol.eu.org/article150.html

Il existe en version papier (2 couleurs, très joli) et peut être commandé prix libre à kitjuridique @ no-log.org
On sait que bien des aspects vont changer dès l'application de la loi perben actuellement en discussion, mais on a décidé de le sortir quand même d'abord parce qu'il est immédiatement utile et que décembre sera chaud, sans parler de fin novembre..., ensuite parce que, vu le point de vue qu'on adopte (celui des dispositifs tels qu'ils s'appliquent), on ne pourra rien écrire de sérieux avant d'avoir vu un peu ces nouvelles dispositions fonctionner (sauf des constats informatifs bruts). Nous y joindront donc un encart informatif quand ce sera nécessaire.
Bonne lecture et bonnes actions


Kit juridique d’urgence

publié le 13 novembre 2003

les termes en italiques sont définis dans le glossaire.

Ce guide succint reprend largement celui publié par le CAMI (Collectif d’Aide aux Manifestant-e-s Interpellé-e-s) constitué en décembre 95 pour faire face à la répression qui touchait les manifestants. Ce collectif a su soutenir les inculpés isolés lors des comparutions immédiates, trouver des avocats, de l’argent, organiser des débats, des fêtes de soutien, des concerts pour venir en aide aux inculpés. Le CAMI s’est, par la suite, mis en veille, pour se manifester à nouveau lors de la répression à l’encontre des sympathisants aux sans-papiers en septembre 96. Lors du mouvement des chômeurs et précaires de 97/98, le CAMI est intervenu suite aux arrestations et incarcérations de manifestants qui ont suivi l’action contre un magasin Cash-Converters à Paris. Le CAMI a alors été pris en charge par des participants au mouvement. En juillet 2002, le texte a été modifié et diffusé en plusieurs langues lors du campement « Noborder » contre le contrôle social à Strasbourg, dans le cadre d’une équipe juridique auto-organisée des participants au camp. Le voici à nouveau modifié et complété cette version.La perspective choisie est l’auto-organisation des usagers que nous sommes, réels ou potentiels, de la justice. En savoir assez pour se défendre le plus efficacement possible, c’est perdre aussi peu de temps et d’énergie que possible face à la répression. Caricaturons une tendance importante actuellement à l’oeuvre (tout étant, évidemment, beaucoup moins simple) : on peut dire que face à chaque pratique subversive s’instaure un dispositif répressif spécifique, Il s’agit de contrôler au plus près des vies dans leur diversité, réprimer au plus près des pratiques contestataires ou déviantes. C’est à partir de l’expérience de ces dispositifs qu’on est sans doute le mieux à même d’en dire quelque chose d’utile et de précis. Aussi ne pouvons-nous que conseiller à chacun (participants de mouvements sociaux, collectifs ayant leurs modes d’action particuliers, fraudeurs des transports, habitants d’un quartier particulièrement quadrillé par les flics, etc...) d’élaborer des outils adaptés aux particularités du dispositif auquel il est confronté. Puisse ce guide y contribuer.

On a tenu à conserver à ce guide son caractère général et son format restreint (facilement transportable et diffusable). Pour plus de précisions (en général, et en particulier en ce qui concerne les perquisitions et fouilles de véhicules que nous ne traitons pas ici), on consultera le Guide de self-défense juridique. Pour la question plus spécifique des sans-papiers, il existe un Guide sans-papiers également élaboré pour le campement de Strasbourg et consultable en plusieurs langues. vous pouvez nous contacter en écrivant à kitjuridique@no-log.org

Toute reproduction réécriture, diffusion libre et non commerciale de ce guide sont recommandées.

En guise d’avertissement : Ce guide entend permettre à qui participe à des manifs, à des occupations ou à d’autres actions collectives, de comprendre les étapes du processus qui, d’une arrestation éventuelle, peut aller jusqu’à un procès. Il s’agit de se donner les moyens de s’y préparer afin d’être mieux à même de réagir au mieux dans l’urgence en évitant, autant que possible, les pièges usuels de ce genre de situation. On a donc choisi d’adopter non le point de vue du droit abstrait mais celui des usagers que nous sommes, à notre corps défendant, de ces lieux hostiles que sont commissariats et tribunaux.

Il est arrivé que des magistrats remettent en cause la pertinence de ce guide et de la perspective d’auto-organisation qui le sous-tend. On ne peut qu’être flatté par ces attaques ; bien idiot, dans une bataille, celui qui irait chercher l’approbation de son ennemi.

Ce guide ne donne pas plus de recettes miracles qu’il n’entend entrer dans un débat stérile sur la culpabilité et l’innocence, qui est l’affaire des juges et Procureurs. Nous voulons contribuer à diffuser conseils et informations, non imposer des règles intangibles. Si le lecteur rencontre ici ou là, des propos à caractère injonctif, qu’il y voit un effet de notre lassitude face aux conséquences parfois catastrophiques qu’ont pu avoir des comportements contraires (c’est le cas pour ce qui est des déclarations au commissariat par exemple).

Nous avons essayé, dans la mesure du possible, de prendre en compte l’application des textes, sachant que l’écart entre les textes de loi et leur mise en oeuvre effective est souvent important (par exemple pour un délit donné, les peines usuelles sont la plupart du temps beaucoup plus légères que les peines encourues).

Les pratiques des tribunaux suivent des tendances que l’on peut essayer de comprendre et en fonction desquelles on peut agir. Ces tendances étant en constante évolution, la réflexion qui leur fait face doit sans cesse se construire ; ce guide n’en est qu’une étape. Par ailleurs la loi qui régit certains aspects des procédures pénales va changer (projet Perben). Certaines dispositions de ce guide ne seront alors plus valables (ce qui ne rend pas pour autant caduques les modes de réflexion et d’analyse qu’il propose) : il est indispensable de se tenir au courant.

En matière d’actions collectives, beaucoup dépend des circonstances et des rapports de force. La pratique nécessite toutefois de dégager des principes généraux. La maîtrise de ses actes et la connaissance de son environnement peut permettre d’exprimer une force collective surprenante, d’éviter des paniques suivies de débandades et d’arrestations, de rendre difficile les décisions d’inculpations : le résultat dépend énormément du comportement collectif et individuel des participants. Connaître ses droits ne doit pas empêcher d’agir de façon tactique : les erreurs des flics et le non-respect de vos droits peuvent donner des arguments pour faire annuler les procédures, il vaut donc parfois mieux ne pas les dénoncer sur le moment et les laisser faire, pour les utiliser ensuite.

Blocage des frontières : la décision de bloquer les frontières avant un événement international peut être prise, mais seulement dans des conditions précises. Par ailleurs les déplacements massifs sont évidemment plus sujets à blocage que les passages individuels. Les passages collectifs peuvent constituer un choix tactique intéressant pour protéger par la mobilisation des personnes qui ne peuvent pas en principe passer les frontières (sans-papiers ou autres). La question est alors d’établir un rapport de force suffisant pour éviter les contrôles.

L’accès au territoire français peut-être refusé à tout étranger dont la présence serait considérée comme une menace pour l’ordre public, ou qui fait l’objet soit d’une interdiction du territoire, soit d’un arrêté d’expulsion. Attention : le refus peut être pris sur la base d’une mesure administrative (mesure qui n’est pas prise par un tribunal, voir procédure administrative), dont vous pouvez ne pas avoir connaissance et qui n’a pas besoin d’être motivée...

Tout refus d’entrée doit faire l’objet d’une décision écrite motivée (la raison du refus doit être indiquée), dont le double doit vous être remis. En cas de refus d’entrée, il faut donc impérativement demander ce papier pour pouvoir contester les motifs du refus. Vous devrez pouvoir avertir une personne de votre choix. La décision prononçant le refus d’entrée peut être exécutée d’office par l’administration, c’est-à-dire sans décision d’un juge. En aucun cas le refus d’entrée ne peut donner lieu à une mesure de rapatriement contre votre gré avant l’expiration du délai d’un jour franc (24 heures). Si aucune décision de refus n’est prononcée, vous ne pouvez pas être retenu plus de 4 heures (temps d’un contrôle d’identité) et vous devez ensuite pouvoir entrer sur le territoire français. N’oubliez pas que, si vous êtes ressortissants de l’espace Schengen, vous avez droit, sauf motif d’ordre public, à la libre circulation, mais vous devez selon les textes, avoir une pièce d’identité sur vous.

Dans les manifs : dans la mesure du possible,arrivez groupés, partez groupés, restez groupés et actifs. Même si vous êtes partis seuls pour manifester, essayez de trouver quelques personnes au cours de la manif avec qui vous resterez ensuite. Dans le cadre de manifestations autorisées, les organisateurs ou la police décident de la fin de la manif et annoncent en principe sa dispersion. Les manifestants décident parfois de continuer à manifester. La manif cesse alors d’être encadrée et légale, il appartient plus que jamais aux participants de s’organiser. Déplacez-vous de façon compacte et mobile, en prenant garde de ne pas tomber dans un cul-de-sac où les flics ont prévu de pousser les manifestants pour les arrêter facilement. Ne restez ou ne partez pas seuls, c’est le moment privilégié des arrestations. Méfiez-vous des appareils photos et des caméras dont les images pourraient ensuite être utilisées contre vous. Sachez qu’il est possible aux policiers, en particulier pour des cas de détériorations et sabotages divers et variés, de relever sur les lieux d’actions des empreintes et traces d’ADN (exemple lors de la destruction de champs d’OGM dans le Maine-et-Loire en septembre 2000 où une recherche ADN avait été lancée à partir de gouttes de sang retrouvées sur le champ). Attention donc aux empreintes (portez des gants !), et, dans les cas extrêmes, aux mégots de cigarettes et diverses autres traces qui pourraient aider à vous inculper.

Vous pouvez prévoir d’être en mesure de cacher votre visage (ce n’est pas illégal en France, sans que les policiers apprécient pour autant) tout au long de la manif ou lors de situation qui pourraient donner lieu à des inculpations (bombages, collages ou autres...) et emmener de quoi changer de vêtements ou d’apparence rapidement, surtout si vos vêtements portent des traces d’actions criminalisables (traces de peinture par exemple). Les dispersions de manifs peuvent ensuite donner lieu à des chasses au faciès ou sur simple description vestimentaire et à des arrestations, même quelques heures plus tard, dans les rues adjacentes. Il peut être utile d’analyser la situation et d’évaluer la raison probable des manoeuvres policières afin, non de propager l’inquiétude, mais, au contraire, de ne pas perdre de forces en hypothèses paranoïaques infondées. En effet, le nombre et la qualité des forces déployées peuvent donner des indications sur les intentions préfectorales (gardes mobiles ou CRS nombreux sont plutôt là pour disperser un rassemblement, charger un cortège ou expulser un lieu occupé ; s’ils sont peu nombreux ils protègent en général des bâtiments et ne se déplacent pas ; les BACs, eux, sont là pour faire les cow-boys et opérer des interventions brutales, voire des arrestations ; quelques bleus et/ou RG sont là pour faire du renseignement et évaluer la situation, etc…). Il faut garder en mémoire que les forces nécessaires à une intervention se préparent, que la décision finale soit d’intervenir ou non. Les divers flics en civils peuvent vous arrêter, mais doivent en principe porter un brassard et annoncer d’une façon quelconque leur qualité de policier. Il arrive souvent qu’ils ne respectent pas ces obligations pour profiter de l’effet de surprise et c’est alors une cause possible de nullité de procédure, à condition de produire des témoins qui étayent vos affirmations.

Les charges policières, qui peuvent, comme des arrestations individuelles, arriver à tout moment, même dans le cadre d’une manifestation autorisée, ont pour but d’éparpiller les manifestants, de les effrayer afin que la manif se disloque. Ne cédez pas à la panique, quand c’est possible, vous pouvez vous mettre en chaînes, soyez solidaires entre manifestants. Ces charges peuvent avoir aussi pour but d’arrêter des manifestants : personnes repérées ou ne courant pas assez vite, l’arbitraire est total. Il est souvent possible, à condition d’être assez nombreux, solidaires et organisés, de récupérer un camarade quand il est en train de se faire arrêter. Il faut toutefois bien maîtriser la situation pour ne pas risquer d’autres interpellations individuelles.

Quand vous décidez de partir de la manifestation, quelques règles élémentaires de sécurité s’imposent. Tout d’abord, vérifiez que vos camarades sont tous avec vous et prévenus du départ. Il y a des risques de contrôles aux alentours, mais aussi dans les transports : ne racontez pas vos « exploits » ou ceux auxquels vous avez assisté, à la cantonade, et essayez de ne prononcer aucun nom, sachez que vous pouvez être arrêté en flagrant délit à n’importe quel moment. Si vous êtes blessé et devez absolument aller à l’hôpital, restez vigilant. Les flics peuvent y rendre des visites inamicales, en particulier dans les hôpitaux du secteur où ils savent qu’une personne a été blessée. En cas de brutalités policières au cours d’une interpellation, il est possible de porter plainte contre la police. Plutôt que d’essayer de faire enregistrer la plainte par les policiers eux-mêmes (en vain, ou en risquant une interpellation), il vaut mieux le faire par une lettre avec accusé de réception au Procureur de la République. Cette démarche peut être utile à l’occasion d’une défense pour rébellion ou outrage (attention : établir, si tant est qu’on y arrive, que les flics ont frappé les premiers n’empêche pas d’être condamné pour les avoir frappés en retour…), elle peut être utilisée à l’initiative des personnes violentées par la police, mais elle a alors assez peu de chances d’aboutir et nécessite une grande ténacité pour relancer régulièrement l’affaire. L’arme de la plainte contre les policiers est à double tranchant. Tout d’abord, la procédure est chère et peut durer des années avant que la plainte ne soit, éventuellement, audiencée. De plus, il est arrivé qu’un inculpé ayant porté plainte contre des violences policières, se voit ajouter l’inculpation de rébellion, voire interpeller alors qu’il était libre, afin de justifier les violences qu’il a subies. Un témoin, en revanche, pour étayer son témoignage sur les violences policières, peut toujours porter plainte et en verser copie au dossier de l’inculpé pour lequel il témoigne.

Les occupations : avant de vous rendre à une action collective, tâchez de vous renseigner à l’avance sur les modalités prévues de l’action ; certaines actions conduisent presque nécessairement à un contrôle d’identité, d’autres non. N’emmenez pas de carnet d’adresses. Soyez conscients que la possession d’une arme (y compris un opinel ou toute arme par destination) ou de drogues peut servir de motif pour vous inculper.Occuper un lieu comporte inévitablement quelques moments qui peuvent plus facilement donner des motifs d’inculpations individuelles (l’entrée dans les lieux par exemple). Il est conseillé que ceux qui se seraient fait remarquer, à ce moment-là ou à un autre, sortent discrètement ou à défaut changent de vêtements pour réduire les signes distinctifs. Les autres doivent faire particulièrement attention à ce qui leur arrive tout au long de l’action. Si l’évacuation est accompagnée d’interpellations, là encore il faut tenter de maîtriser la situation et de limiter la violence policière en adoptant une attitude collective et concertée. Si des participants se sont fait arrêter, les autres doivent agir en fonction de ces arrestations (en évitant tout ce qui pourrait alors aggraver leur situation) : rester sur place nombreux pour réclamer immédiatement la libération des interpellés peut être efficace. En effet, c’est dans les premiers moments, avant même le déclenchement d’une procédure judiciaire, qu’il est le plus facile d’obtenir la libération des interpellés, dont le sort ne dépend encore que de la police. Là encore, même à l’extérieur, il faut essayer de prendre le temps de discuter collectivement sans céder à la panique.

L’arrestation : le plus souvent, lorsqu’il s’agit d’occupations, tout le monde se fait arrêter en même temps. C’est la situation qu’il faut rechercher (si les arrestations sont inévitables bien sûr !) en évitant toute possibilité de mise à l’écart d’occupants qu’il serait alors plus facile d’inculper. Il faut garder une attitude collective, décider de la conduite à suivre (ne rien déclarer et ne rien signer entre autres, voir au commissariat) et, en principe, on a des chances de s’en tirer avec un simple contrôle d’identité (au maximum 4 heures). Ceux ou celles qui ont déjà été dans cette situation peuvent expliquer aux autres ce qui se passe, les rassurer. Si vous êtes interpellé et seul au milieu des policiers, que ce soit dans le cadre d’une occupation ou d’une manifestation, mieux vaut se taire tout de suite, refuser de reconnaître tout ce qu’ils vous diront, et attendre stoïquement la suite des événements. Si vous êtes brutalisés, lors de l’arrestation ou du transport en fourgon, n’hésitez pas à demander immédiatement à voir un médecin, ce qui ne peut pas vous être refusé, et cherchez à obtenir un certificat médical indiquant des jours d’arrêt de travail (même si vous ne travaillez pas...), si vous en avez l’occasion (c’est rare !), relevez les numéros de matricule des policiers présents. Si vous êtes plusieurs, tâchez d’échanger vos identités et téléphones afin de ne pas vous isoler. N’hésitez pas à faire part aux autres interpellés d’un contact extérieur à qui transmettre les infos, ainsi que des conditions de votre interpellation. Essayez de discuter de l’attitude à adopter pour les suites éventuelles : garde-à-vue, inculpation, procès.

Au commissariat : vous pouvez être emmené au commissariat, soit pour un contrôle d’identité (4h), soit pour une garde-à-vue(24h ou 48h si renouvelée). Ce temps peut-être doublé sur des inculpations de terrorisme ou de trafic de drogue. Vous allez alors être interrogé par un officier de police judiciaire (OPJ), qui va rédiger un procès-verbal (PV). Il s’agit d’une simple main courante si vous êtes en contrôle d’identité. Si vous êtes inculpé, par contre, ce PV sera utilisé lors du procès éventuel, comme votre première déclaration. Vous pouvez demander un interprète, n’hésitez pas à le faire si vous estimez ne pas maîtriser parfaitement la langue française. Si vous êtes français, vous n’êtes pas tenu d’avoir vos papiers sur vous et pouvez justifier de votre identité par tous moyens (toutes sortes de papiers administratifs ou courriers, témoignage de quelqu’un, y compris au téléphone...). La prise de photos et d’empreintes n’est autorisée à ce stade que si la personne refuse de décliner son identité et qu’il est impossible de la trouver par d’autres moyens. Vous serez palpés (pas de fouille à corps à ce stade), par une personne du même sexe que vous. Le non-respect d’une de ces dispositions peut être un motif pour faire annuler l’ensemble de la procédure.

En matière d’action collective, l’expérience a montré que la conduite à tenir lors d’un interrogatoire policier est de ne rien déclarer, c’est-à-dire de décliner identité, adresse et profession, ce qui est obligatoire ; puis de répondre « je n’ai rien à déclarer » à toutes autres questions (vous n’êtes pas obligé de répondre au « grand état civil » au cours duquel il vous sera demandé si vous avez le permis de conduire, la nature de votre logement, le nom de votre propriétaire...). En effet, dans un cadre collectif, le risque de réponses contradictoires voire dangereuses pour les autres fait préférer un silence prudent. Attention : toute discussion avec les policiers, même informelle, dans un couloir, est un début d’interrogatoire.

Si, malgré cela, vous choisissez de déclarer quelque chose (nous conseillons de ne se livrer à ce genre de sport que si on se sent assez maître de la situation pour le faire sans risques et dans un but précis), faites bien attention à ce que vous dites et à la façon dont le flic le rédige dans le PV : tout ce que vous reconnaîtrez servira à vous condamner, ou à condamner d’autres personnes (recoupement des diverses déclarations). Gardez à l’esprit que choisir de faire une déclaration n’a rien à voir avec répondre aux questions des flics, ce qui vous fait rentrer dans un dispositif questions-réponses dont vous aurez beaucoup de mal à sortir. Ainsi il vaut mieux ne rien reconnaître de ce qu’ils vous reprochent et ne pas signer le procès-verbal comme vous en avez le droit. Refusez de répondre sur tout ce qui concerne la préparation de l’action ou de la manifestation au cours de laquelle vous avez été arrêté, la façon dont vous avez été prévenu, quel était le rendez-vous, etc., NE CITEZ AUCUN NOM. Quand vous êtes face à une question qui vous embarrasse, ne répondez rien. Normalement vous pouvez modifier ce PV autant qu’il vous plaira, tant que vous ne l’avez pas signé. Si vous signez malgré cela, veillez à ne laisser aucun espace blanc entre la déclaration et la signature. Si vous avez été amené à répondre à des questions auxquelles vous n’auriez pas voulu répondre, il vaut mieux ne pas signer, quitte à le justifier devant le juge après (« j’ai subi des pressions des policiers, donc j’ai refusé de signer, ce qui est mon droit »).

Vous pouvez être mis en garde-à-vue au cours de ces 4 heures, ce qui doit vous être notifié, et se fait sur décision du Procureur(ce ne sont pas les policiers qui en prennent l’initiative, contrairement au récurrent chantage toujours faux, du type : si vous parlez, on ne vous mettra pas en garde-à-vue). Une garde-à-vue, c’est un peu long, prenez votre mal en patience et contrôlez-vous. Si vous êtes blessé, demandez à voir un médecin qui vous établira un certificat médical. Si vous êtes plusieurs, essayez d’échanger vos identités et téléphones avec les autres gardés à vue. Comptez-vous : ainsi, si vous sortez, vous pourrez savoir le nombre et le nom des gens qui restent éventuellement, les motifs d’inculpation et toutes infos utiles.

Vous pouvez voir un avocat après la 1ère heure de garde-à-vueainsi qu’à la 20ème heure (puis à la 36ème, si votre garde-à-vue est prolongée). Vous pouvez demander à voir un avocat commis d’office : c’est gratuit, et vous êtes sûr de le voir ; vous pourrez toujours changer d’avocat au moment du procès éventuel. Si vous tenez à faire prévenir votre avocat, sachez que vous ne pouvez être sûr de le voir (il peut être indisponible ou très mal prévenu). À ce stade, l’avocat n’a pas eu accès à votre dossier. Vous pouvez lui raconter les conditions précises de votre interpellation. C’est le moment de discuter avec lui des garanties de représentation qui peuvent être nécessaires si vous décidez de refuser la comparution immédiate (voir plus bas), indiquez lui si possible à qui il peut s’adresser pour se les procurer.

Vous pouvez demander tout de suite à prévenir quelqu’un par téléphone, mais c’est un policier qui s’en chargera. Des perquisitions peuvent être décidées par le Procureur au cours de votre garde-à-vue, vous serez alors conduit sur place pour y assister. Vous serez sommairement nourri au cours de votre séjour en cellule. Vous pouvez demander de la nourriture supplémentaire (payante), mais n’êtes pas sûr de l’obtenir. On vous fera subir toutes sortes de petites frustrations qui peuvent être assez éprouvantes (pas de lunettes, pas de lacets, pas de gilets, pas de montre donc pas de notion du temps, délai toujours longs pour boire ou aller aux toilettes, pas de cigarettes…). Dès votre sortie du commissariat, vous pouvez utilement noter tout ce que vous avez éventuellement déclaré au cours de votre contrôle d’identité ou de votre garde-à-vue : plus les infos seront précises, plus la défense sera efficace.

Pour les mineurs : vous pouvez être mis en garde-à-vue à partir de 13 ans, mais vous serez jugé au tribunal pour enfant (pas de comparution immédiate). Vous serez systématiquement assisté d’un avocat (demandez un commis d’office si vous n’en connaissez pas), les flics peuvent décider d’appeler chez vos parents ou chez un éventuel responsable légal pour votre sortie, c’est pourquoi il peut être utile d’avoir demandé à vos parents, si les conditions s’y prêtent et s’ils sont compréhensifs, une ‘décharge légale’ du type « je confie la garde de mon enfant de façon temporaire à... », avec une photocopie de leur carte d’identité.

Pour ceux qui sont à l’extérieur : dès que quelqu’un reste plus de 4 heures au commissariat, c’est qu’il est en garde-à-vue. Il est conseillé de se rendre devant le commissariat, pour manifester en demandant sa libération si le nombre est suffisant (on peut être libéré en cours de garde-à-vue, sans convocation et sans suites), pour demander des nouvelles de l’inculpé et montrer qu’il n’est pas isolé de toutes façons. Il est souvent possible de faire passer à celui qui est gardé à vue de la nourriture et des cigarettes. Savoir que, dehors, une solidarité réelle existe est d’un grand secours pour supporter l’isolement de la garde-à-vue. Une fois les informations obtenues, c’est le moment de réfléchir à la défense (voir plus bas) en sachant que, si c’est bien sûr l’inculpé qui doit choisir sa ligne de défense, le rôle de ceux qui ont participé avec lui à l’action est très important l’élaborer avec lui, la relayer à l’extérieur et lui donner des conseils selon la situation politique du moment.

Devant le Procureur : le Procureur (ou son substitut) est chargé de décider du motif d’inculpation sous lequel vous comparaîtrez devant le juge et du type de procédure engagée (comparution immédiate ou non par exemple). Vous serez confronté à lui en fin de garde-à-vue, généralement le lendemain de l’arrestation. Il représente le Parquet, et c’est lui qui décide s’il y a lieu de vous inculper ou non. Il est très vivement conseillé de ne jamais reconnaître aucun des actes qui peuvent constituer des délits. Lors de votre passage chez le Procureur, vous subirez un nouvel interrogatoire qui aboutira à un second procès-verbal. Il est très important que ce procès-verbal soit cohérent avec celui que vous avez fait au commissariat, c’est-à-dire qu’il le confirme ou le démente tout à fait formellement, sinon le juge vous mettra en contradiction au tribunal en vous accusant de mentir. Si vous voulez démentir le procès-verbal policier, précisez-le bien et argumentez en expliquant la tension de la garde-à-vue, le fait que vous avez subi des pressions, mais que maintenant vous revenez sur ces premières déclarations. Il arrive que le Procureur vous invite à rencontrer une assistante sociale. Vous n’y êtes pas obligé, d’autant plus que tout ce que vous direz pourra être utilisé contre vous au procès (par exemple la pratique d’un sport de combat contre un inculpé pour coups et blessures lors d’un procès du mouvement de décembre 1995 à Paris).

Les étrangers, même ne résidant pas irrégulièrement en France et venus pour une courte période, peuvent être jugés comme les français et/ou être reconduits à la frontière et interdits du territoire français, voire de l’Espace Schengen, pour une courte période ou définitivement. S’ils sont recherchés dans un autre pays, ils entrent alors dans une procédure d’extradition que nous ne détaillerons pas ici. Les étrangers mineurs ne peuvent, pas en principe, être reconduits à la frontière.

La sortie de garde-à-vue : vous pouvez sortir de garde-à-vue libre, sans convocation, dans ce cas soit vous n’entendrez plus parler de rien, soit vous recevrez une convocation plus tard. Vous pouvez sortir de garde-à-vue avec une convocation pour un procès quelques semaines ou quelques mois plus tard (où vous comparaîtrez libre) ; dans ce cas, il ne faut pas tarder à organiser la défense (voir plus bas). Vous pouvez aussi être présenté le lendemain ou jusqu’à deux jours plus tard en comparution immédiate. C’est le Procureur qui décide de l’une ou l’autre de ces options. Il peut aussi, ainsi que le juge de comparution immédiate ou votre avocat, demander une instruction. Nous présenterons sommairement cette procédure complexe. Il s’agit d’une procédure longue (vous sortez du cadre de la comparution immédiate). Pendant la période entre arrestation et procès aura lieu une enquête sous la direction d’un juge d’instruction, qui aboutira à la constitution progressive d’un dossier. C’est sur la base de ce dossier que les mis en examen (on ne parle alors plus d’inculpés) seront jugés. Vous serez interrogé par le juge d’instruction en présence de votre avocat en fin de garde-à-vue ou à l’issue de la comparution immédiate si l’instruction a été demandée à ce stade. L’enjeu sera alors de savoir si vous serez maintenu en détention pendant la durée de l’instruction ou libéré (avec ou sans caution et/ou contrôle judiciaire). Votre maintien en détention peut être décidé pour des périodes de 4 mois renouvelables, au cours desquels vous pouvez faire des demandes de mises en liberté. Sachez que le juge d’instruction peut ordonner, pendant toute la période d’enquête, des perquisitions, écoutes téléphoniques, convoquer des témoins, et opérer de nouvelles interpellations

La comparution immédiate (saisine directe) : la procédure de comparution immédiate vous mène devant le juge environ 24h ou 48h après les faits, sans vous permettre de préparer une défense, de trouver des témoins, etc. En cas de dépassement obligé de ces 48h, pour cause de week-end par exemple, vous ne pouvez pas être gardé plus longtemps au commissariat. Vous verrez un juge dit « de la détention et des libertés » qui, théoriquement en fonction de vos garanties de représentation, décidera de vous libérer jusqu’au lendemain ou surlendemain, ou de vous maintenir en détention, vous passerez alors une nuit ou deux en prison. Ceux qui sont à l’extérieur doivent être attentifs à cette hypothèse afin d’essayer de fournir les garanties de représentations permettant à l’avocat désigné ou commis d’office de plaider à ce stade. Vous pouvez demander le report du procès pour préparer votre défense (le juge vous le proposera au début de l’audience). Vous êtes alors placé devant un choix important et délicat. Si vous demandez ce report, vous risquez d’attendre le procès en préventive (en prison). Vous devez alors faire plaider votre libération : l’avocat plaide la demande de mise en liberté en fournissant des garanties de représentation au juge (voir avec l’avocat). Si c’est le cas, et que vous n’avez pas la patience d’attendre environ un mois de votre vie entre 4 murs, il faudra soit faire appel de votre maintien en détention, soit faire des demandes de mises en liberté, voire combiner les deux (le choix peut se faire avec les conseils de l’avocat). En plus de votre degré de patience avec l’univers carcéral, il faut savoir que comparaître libre, même en ayantété libéré la veille du procès, réduit notablement les peines infligées pour les mêmes délits et vous évite d’être mis automatiquement sous mandat de dépôt (voir plus bas).

Avec l’avocat : après le passage chez le Procureur, si vous passez en comparution immédiate, vous allez être présenté à l’avocat commis d’office, qui devra préparer votre défense dans l’urgence. Si vous voulez faire reporter l’audience, il faut trouver des garanties de représentation (certificats d’étudiant, attestation d’emploi ou fiches de paie, promesse d’embauche, attestation de domicile : il vaut mieux être au moins officiellement hébergé chez des amis sûrs que donner une adresse de foyer ou de centre d’hébergement, voire de squatt s’il est difficile de le prouver, d’autant plus pour les étrangers ne résidant pas habituellement en France qui ont tout intérêt à produire un certificat d’hébergement français) afin qu’il puisse demander votre mise en liberté et que vous ne soyez pas placé en détention préventive. À ce stade juges et Procureurs n’ont aucun moyen de vérifier la véracité des informations que vous fournissez, mais qu’il faut essayer d’être cohérent avec les adresses et professions que vous avez déclarées au commissariat. Vous pouvez prévoir d’avoir à disposition (sur vous ou disponible facilement pour vos proches) des papiers prouvant une situation professionnelle et un domicile. Pour faire établir par un proche un certificat d’hébergement, il suffit de lui faire écrire et signer sur papier libre « je certifie sur l’honneur héberger untel à telle adresse depuis telle date », fournir une facture edf, téléphone ou autre ainsi qu’une photocopie d’un papier d’identité (passeport, carte d’identité ou permis de conduire).

Devant le juge : vous entrez dans un théâtre où chacun joue un rôle, mais vous n’êtes pas sûrs de rentrer chez vous après la représentation... Sachez que votre attitude générale, votre allure vestimentaire, votre ton doivent, autant que faire se peut, être pensés en fonction de la tactique de défense choisie. Dans tous les cas, il est nécessaire d’avoir réfléchi à une version des faits construite et plausible, en ne vous laissant pas impressionner par le juge, même s’il se donne l’air retors ou franchement hostile. Ne vous laissez pas non plus aller aux confidences non plus s’il prend l’air sympathique ou compréhensif… Vous pouvez décider de faire citer de respectables témoins qui diront que vous êtes gentil (témoins de moralité) ou que vous n’avez pas commis ce qu’on vous reproche (témoins des faits). L’avocat et ceux qui organisent avec vous votre défense auront étudié le dossier en cherchant à déconstruire les dépositions des flics qui en général regorgent d’incohérences et de contradictions. Est-il besoin de préciser, par ailleurs, que le juge ne juge pas seulement les faits reprochés, mais la participation à une manifestation qu’il faut réprimer ou en fonction d’un « sentiment général d’insécurité » qu’il faut faire reculer, et, fondamentalement, contre un sentiment de puissance qu’il faut endiguer…

Généralement, les procès de manifestants reposent sur la base des témoignages des policiers qui ont procédé aux interpellations et doivent donc les justifier. La question devient alors : le juge doit-il faire confiance à l’accusé ou aux représentants de la loi ? La réponse est vite tranchée, sauf lorsque les avocats arrivent à montrer les incohérences parfois énormes ou les contradictions recueillies dans les témoignages policiers. Le juge peut vous demander si vous acceptez les TIG (voir plus bas), les refuser n’implique pas automatiquement une condamnation plus importante.

Rédiger un témoignage écrit : un témoignage écrit pour un procès en correctionnelle doit impérativement respecter certaines formes. Il faut fournir une photocopie recto verso des papiers d’identité et un témoignage rédigé sur feuille blanche datée et signée, comprenant nom, prénom, date et lieu de naissance, adresse, nationalité et profession. Pour être recevable légalement ce récit doit comporter les formules suivantes : « Je soussigné, certifie avoir été témoin des faits suivants... », « Je déclare n’avoir aucun lien de parenté et n’être ni employeur, ni employé de la personne en cause. », « Je sais que ce témoignage va être produit devant un tribunal, et que tout faux témoignage entraînerait des poursuites pénales. »

En plus de ces formules, vous devez exposer votre version des faits, votre perception de la situation : notamment d’éventuelles violences policières, ou bien d’autres faits du type absence de brassard des policiers, non déclination de la qualité de policier. Vous devez aussi parler des faits reprochés à l’inculpé, pour affirmer sa non-culpabilité. Un témoignage doit être précis et utile, mieux vaut donc ne pas noyer les points clefs du témoignage dans une multitude de détails insignifiants. Vous pouvez aussi produire un témoignage dit « de moralité », qui ne parlera pas de faits mais de la personnalité de l’inculpé.

L’aide juridictionnelle : si vos revenus ne dépassent pas un certain plafond, vous pouvez bénéficier de l’aide juridictionnelle. Votre avocat, s’il l’accepte (il demandera éventuellement un complément), sera rémunéré par l’Etat, et vous ne paierez ni les copies de votre dossier ni les citations de témoins. Si votre avocat ne l’accepte pas, vous pouvez désigner un avocat commis d’office, que vous ne paierez pas mais ne choisirez pas non plus. Pour demander l’aide juridictionnelle, il faut retirer un dossier au bureau d’aide juridictionnelle du tribunal et le renvoyer en fournissant les pièces justificatives demandées. Ceux qui n’ont aucun de revenu du tout peuvent faire une déclaration sur l’honneur l’indiquant. L’examen du dossier prend un certain temps, et le déposer tardivement peut permettre de faire repousser l’audience si on le souhaite. Ces démarches sont possibles même lorsque vous êtes en situation irrégulière.

Après la condamnation : vous pouvez être condamné à différentes peines. Celles-ci s’exécutent ensuite sous le contrôle d’un juge d’application des peines (JAP).

Peine de prison ferme. Si vous comparaissez libre, le juge doit prononcer un mandat de dépôt s’il veut que vous soyez incarcéré tout de suite. Sinon c’est avec le JAP que se décidera le moment où vous serez incarcéré (en tenant compte des grâces, vous pouvez ne jamais purger des peines allant jusqu’à 2 mois fermes). Si vous n’êtes pas dans le cadre d’une procédure de comparution immédiate le juge ne peut décider d’un mandat de dépôt que si votre peine est supérieure à 1 an. En revanche, dans le cadre de la comparution immédiate, il a le droit de le faire quelle que soit la peine, mais respecte habituellement le même usage. Lorsque vous comparaissez incarcéré le mandat de dépôt est automatique (d’où l’importance de comparaître libre). Lors de votre arrivée en prison, rien ne vous est expliqué par l’administration pénitentiaire (AP). Le mieux est alors de demander des explications aux autres détenus, pour toutes les démarches et notamment pour la cantine (achat de produits divers, cigarettes, papier, timbres, nourriture supplémentaire, etc.) et les autorisations de faire entrer des fringues ou autres. Normalement, d’autres prisonniers vous prêteront ce qui vous manque jusqu’à l’arrivée d’un mandat. Écrivez tout de suite pour prendre contact avec l’extérieur, en expliquant tout ce que vous savez du fonctionnement, notamment sur les permis de visite, les jours de cantine, les possibilités d’envois, etc., afin que les problèmes pratiques soient résolus au plus vite. Vous allez rencontrer un éducateur à votre arrivée qui peut téléphoner à un proche. Gardez toujours en mémoire qu’il est salarié par l’AP.

Peine de prison avec sursis. Vous n’êtes pas emprisonné. Toutefois, pendant un certain délai et sous certaines conditions, vous êtes emprisonnable. Sursis simple : pendant un délai choisi par le juge (jusqu’à 5 ans), vous risquez d’accomplir cette peine de prison si vous êtes de nouveau condamné. C’est le juge qui décide lors du deuxième jugement si la condamnation justifie de transformer en plus le sursis précédent en peine ferme, il le décide en principe si vous êtes condamné pour des faits similaires. À la fin de ce délai, vous serez délivré de cette condamnation. Sursis avec mise à l’épreuve : cette peine est plus restrictive ; pendant une durée de 18 mois à 3 ans, vous êtes placé sous le contrôle judiciaire du JAP, vous êtes astreint à avoir travail et logement fixe et vous risquez d’être incarcéré directement en cas d’arrestation, sans même comparaître de nouveau devant un tribunal.

Peine de travail d’intérêt général (TIG) : c’est une peine complémentaire au sursis et non pas alternative. Il s’agit de travailler gratuitement entre 30h et 240h pour une collectivité publique, un établissement public ou une association (par exemple, nettoyer les chiottes d’un commissariat, s’occuper d’espaces verts pour une ville...). Quand vous aurez accompli la peine de TIG, le sursis qui lui est éventuellement associé sera levé. Il tombera en revanche si vous ne l’accomplissez pas.

Amendes : l’amende est une somme que vous devez payer à l’État en réparation du tort causé à l’ordre public. Elle peut être assortie de sursis.

Dommages et intérêts : c’est une condamnation civile, généralement suite à une plainte d’un policier ou d’un particulier. Le montant varie de l’euro symbolique à des milliers d’euros, selon, par exemple, le nombre de jours d’incapacité temporaire de travail (lTT) dont a bénéficié la victime. Il existe un fond d’aide aux victimes qui les prendra en charge si vous êtes insolvables.

Inscription au casier judiciaire : la peine à laquelle vous avez été condamné va apparaître dans votre casier judiciaire. Celui-ci est découpé en 3 bulletins. Il est possible, au procès, de demander la non-inscription des peines aux bulletins numéro 2 et 3

Bulletin n°1 : réservé aux autorités judiciaires il contient le relevé intégral des fiches du casier judiciaire.

Bulletin n°2 : réservé aux autorités administratives (préfectures, autorités militaires, autres administrations, fonction publique en cas d’embauche par exemple). Plus restreint, il ne comprend pas les peines de sursis lorsque le délai est dépassé. Le juge peut décider de ne pas faire inscrire la condamnation au bulletin n°2 du casier.

Bulletin n°3 : il est réservé à la personne qu’il concerne, ne peut être délivré à un tiers. Il comprend les condamnations à des peines de plus de 2 ans de prison (ou moins si le juge a ordonné l’inscription au bulletin n°3), et les condamnations à des interdictions, incapacités ou déchéances.

Les délits couramment reprochés :

Le délit d’outrage est le plus léger. Il correspond aux insultes reçues par les flics dans l’exercice de leurs fonctions. Il s’ajoute souvent à d’autres délits reprochés, afin d’accentuer la présentation négative de l’inculpé. Une peine de prison (avec sursis) de 15 jours à 3 mois, ainsi qu’une amende (100 à 3000 euros) et/ou des dommages et intérêts pour les flics outragés peuvent être prononcés.

Le délit de rébellion : on vous accuse de vous être débattu pendant l’arrestation ou d’avoir fait des gestes « inquiétants » pour les policiers. Vous risquez d’être condamné à de la prison (avec sursis) de 6 jours à 6 mois ou à quelques dizaines d’heures de travaux d’intérêt général (TIG).

Le délit de port d’arme prohibée (couteau, mousqueton, canette, lacrymo, etc.) vous fait risquer du sursis si vous êtes assez imprudent pour vous faire attraper avec ce type d’objets.

Le délit de jets de projectiles (canette, caillou, objet contondant non identifié, barrière, etc.) peut vous être reproché, que vous ayez ou non atteint une cible quelconque. II entraîne généralement du sursis ou des TIG.

Le délit de violence à agent est plus pernicieux, selon que le policier blessé aura porté plainte ou non, et peut coûter très cher s’il est reconnu par l’accusé ou si le policier est très abîmé. En règle générale, les coups et blessures sont sanctionnés s’ils ont occasionné des arrêts de travail (ITT) de plus de huit jours. Parmi les exceptions à cette règle, les coups et blessures sur un policier en fonction sont punissables pour moins de huit jours d’ITT (et même 0 jour !). La peine peut aller de 2 mois à 2 ans de prison avec sursis ou ferme. Les flics réclament en outre des dommages et intérêts.

Le délit de dégradation de biens (casse de vitrines, voitures, magasins et marchandises diverses…) est mal perçu par les juges. L’extension de la notion de dégradation est vaste, et va du simple graffiti au sabotage. Vous encourrez la prison ferme ou le sursis (1 mois à 2 ans) selon l’objet dégradé, le nombre de personnes arrêtées et l’environnement éventuel de luttes sociales, plus une amende payable à l’État et/ou des dommages et intérêts pour le privé. Si le privé porte plainte, la peine s’alourdit en général.

Le délit de vol est lui aussi coûteux, surtout lorsque vous vous faites attraper avec le fruit du larcin.

Organiser la défense juridique : lorsque vous allez comparaître au procès, le juge va vous interroger sur les faits pour lesquels vous êtes inculpé, à partir de vos déclarations, de celles des policiers et de celles des témoins ou victimes éventuels. Pour lui répondre correctement, il faut préparer une défense, c’est-à-dire une version des faits construite et plausible, qui vous convient. Attention : la vérité qui ressortira du tribunal est de toutes façons reconstruite, et la question sera de savoir dans quelle mesure c’est votre reconstruction ou celle de l’accusation qui l’emportera. Même si la version que vous proposez est la plus proche possible de ce qui s’est passé, il faut de toutes façons opérer cette reconstruction qui est nécessaire pour faire comprendre un événement et faire ressortir les détails pertinents pour votre défense. De multiples défenses possibles sont possibles, en fonction des logiques et des circonstances. Le problème n’est pas que vous soyez innocent ou coupable, mais que vous êtes accusé par des représentants des forces de l’ordre et qu’il faut vous défendre, bien qu’a priori votre parole vaille moins que la leur devant un juge. Le fait de nier de façon construite et cohérente peut faire planer un doute qui allège la peine, alors que reconnaître les faits en espérant la clémence, participe d’une logique suicidaire aux niveaux politique et pratique.

Vous pouvez aussi également la qualification des faits. Ainsi, lors du procès de Cash-Converter pendant le mouvement des chômeurs et précaires en 98, plusieurs manifestants interpellés reconnurent avoir fait une chaîne passant des marchandises vers le trottoir, action symbolique qui ne s’apparentait pas à du vol. Ainsi, ils ont nié non pas leurs actes, mais la qualification juridique de vol. C’était d’ailleurs d’autant plus justifié que la chaîne de magasins Cash-Converter n’avait pas porté plainte pour vol, craignant sans doute que sa réputation en prenne un coup.

Pour la défense, il est courant de prendre un avocat qui plaidera pour vous au procès. Vous pouvez choisir de vous défendre seul, mais tout sera alors beaucoup plus compliqué (l’étude du dossier par exemple). L’avocat est un technicien : généralement, c’est avec lui que vous préparerez votre défense. Il n’est pas plus apte que vous à juger les enjeux et rapports de force : il ne doit pas vous imposer une ligne de défense, mais vous aider à exprimer et défendre vos actes et points de vue. Il est important que la décision vous appartienne, après avoir écouté et pesé les différents arguments, avec les conseils de ceux qui ont participé à votre action si vous décidez d’une défense collective. Attention, cette façon de procéder peut nécessiter quelques mises au point avec les avocats, il ne faut pas hésiter à en prendre le temps.

Pour organiser la défense, il faut d’abord récupérer le dossier de l’affaire au tribunal (par le biais de l’avocat ou soi-même mais cette démarche n’est pas du tout facilitée par l’institution judiciaire qui préfère que vous passiez par ses relais que sont aussi les avocats), le lire scrupuleusement de la première jusqu’à la dernière ligne, et accorder une attention particulière aux procès-verbaux des policiers et témoins à charge contre vous. En effet, c’est sur ces déclarations que le Procureur vous a inculpé et que le juge va vous juger. Vous devez les critiquer en contestant leur version des faits, d’abord mot à mot. Lire attentivement chacun des faits que le policier avance permet d’y opposer votre version lorsque vous n’êtes pas d’accord.

Puis vous devez reconstituer l’action au travers des différentes phases contenues dans le PV, et déterminer les circonstances, la situation avant l’interpellation, les faits qui vous sont reprochés, les circonstances de votre arrestation contenues dans cette déclaration. Puis, s’il y a plusieurs PV policiers (c’est souvent le cas), il est utile de les confronter entre eux afin de détecter des incohérences, voire des contradictions entre les déclarations des différents policiers. Après avoir fait cela, il faut dégager une défense cohérente, qui puisse s’opposer à la version policière.

La première question à se poser est de savoir si on nie ou si on reconnaît les faits. En règle générale il vaut toujours mieux nier, sauf s’il existe une preuve flagrante contre vous. En effet, ainsi, vous pouvez éventuellement bénéficier du doute, ce qui signifie exceptionnellement relaxe, et souvent sursis. S’il existe dans le dossier une preuve flagrante contre vous (empreintes sur arme par exemple), vous pouvez vous défendre, soit en assumant pleinement vos actes, soit en plaidant la légitime défense ou la folie passagère, soit en contestant la qualification juridique (comme pour le « vol » dans l’affaire Cash-Converter).

Après avoir choisi votre logique de défense, il faut y intégrer des faits de manière cohérente. Vous pouvez par exemple reprendre les différentes phases contenues dans les PV et y substituer votre version des faits, en fonction de la défense choisie. Vous pouvez aussi faire un schéma des lieux de l’arrestation puis un dessin décrivant l’évolution de la situation, autant pour permettre à l’avocat (qui était absent) de comprendre les faits, que pour vous permettre de reconstituer l’ensemble des données et de trouver une éventuelle issue. Tout cela doit être fait avec attention et méthode.

Pour étayer vos affirmations, il est préférable de trouver des témoins à décharge. Ceux-ci doivent avoir été présents au moment des faits, et pouvoir expliquer la situation de manière différente de la version policière. Il faut qu’ils soient utiles, c’est-à-dire qu’ils amènent des éléments qui démontrent votre absence de culpabilité. Les témoignages peuvent être écrits, ou oraux au moment du procès. Vous devez faire citer les témoins oraux par un avocat, normalement quelques jours avant le procès. Citer des témoins à la barre est payant (sauf aide juridictionnelle), l’argent étant versé au greffe du tribunal (citation à comparaître). C’est gratuit si vous présentez vos témoins oraux au début de l’audience, mais le juge peut refuser de les entendre.

Le soutien aux inculpés : l’organisation de comités de soutien peut être nécessaires pour sortir les inculpés de l’isolement et faire connaître la répression dont ils sont l’objet. De tels comités contribuent également à résoudre nombre de problèmes pratiques. Dans le meilleur des cas, le comité de soutien regroupe, entre autres, des participants à l’action qui en assument les suites. Le soutien pratique s’effectue en plusieurs temps. Lors de l’arrestation de manifestants, il faut commencer par demander à ce qu’ils soient relâchés, avec un rapport de forces conséquent. S’ils sont emmenés, il faut trouver des témoins de l’arrestation (manifestants, salariés locaux, passants et commerçants, etc.), prendre leurs noms et coordonnées et noter rapidement ce dont ils sont prêts à témoigner. Puis noter l’heure et l’endroit exact, les effectifs policiers et le nombre de manifestants, les circonstances de l’arrestation, l’éventuelle brutalité policière. Si les médias sont sur place, vous pouvez décider de les informer immédiatement. Ensuite, il faut prévenir un avocat des arrestations et de leurs circonstances, afin que celui-ci puisse localiser l’endroit où ont été emmenés les arrêtés. Il est nettement préférable de connaître le nom d’un des arrêtés afin de savoir exactement où il se trouve. Essayez de vous rendre au commissariat ou à la gendarmerie où ils sont en contrôle d’identité ou en garde-à-vue pour demander leur libération si vous êtes nombreux et leur faire passer de la nourriture et montrer aux flics qu’ils ne sont pas seuls. Vous pouvez essayer de glaner des informations, mais il est peu probable qu’elles viennent du commissariat.

Le lendemain, si les arrêtés ont effectué une garde-à-vue (24h), ils risquent d’être inculpés et de passer en procès. Deux possibilités : soit le Procureur les relâche en leur notifiant une convocation ultérieure pour le procès, soit il décide de les faire passer en comparution immédiate. Dans ce cas, l’inculpé passe devant une chambre correctionnelle le jour même (le lendemain de l’arrestation), sans avoir pu préparer de défense (voir plus haut). C’est au comité de soutien et aux proches de réunir et d’apporter les pièces nécessaires le jour du procès, de les transmettre à l’avocat en discutant avec lui de la défense choisie (et de ses tarifs s’il n’est pas commis d’office). Attention : si les inculpés ne sont ni libérés après la garde-à-vue ni présentés le jour même en comparution immédiate, il est probable qu’ils passent devant le juge de la détention et des libertés. Il faut alors trouver le lieu de l’audience et fournir à l’avocat les garanties de représentation nécessaires faute de quoi il comparaîtra incarcéré le lendemain ou le surlendemain après avoir passé un ou deux jours en prison.

Les jours suivants, plusieurs prises de contact sont nécessaires : avec les inculpés, par lettre, de visu ou par téléphone (s’ils sont sortis), afin de savoir s’ils veulent un avocat et s’ils ont un revenu suffisant pour le payer ; avec les avocats, savoir s’ils peuvent prendre en charge certains des inculpés pour un prix réduit, en relation avec le comité de soutien ; avec les témoins de l’action, pour évaluer l’utilité de leur témoignage, leur expliquer comment rédiger un témoignage et les mettre en relation avec l’avocat, avec les incarcérés éventuels pour leur proposer soutien financier, visites, etc. Pour que vous puissiez écrire aux détenus, les services sociaux de la prison ou l’avocat peuvent vous donner leur numéro d’écrou. Le nom de la maison d’arrêt s’obtient au greffe de la chambre correctionnelle ou par l’avocat. Le courrier est important pour le moral et pour régler nombre de problèmes techniques. Attention : sachez que tout courrier est lu par l’administration pénitentiaire.

Envoi de mandats, de vêtements et de livres : les prisonniers cantinent (achètent très cher un certain nombre de produits de première nécessité ou non) pour pouvoir vivre. Ils peuvent recevoir de l’argent de l’extérieur par voie de mandats postaux (aller à la poste avec de l’argent liquide, le nom et le numéro d’écrou du prisonnier, le numéro du bâtiment et l’adresse de la prison). Il vaut mieux centraliser l’envoi de mandats à un prisonnier : en effet, au-delà d’une certaine somme, l’AP garde le surplus pour ses ‘bonnes oeuvres’...

La demande de permis de visite s’effectue au Palais de Justice, au Greffe de la Chambre concernée ou auprès du Procureur ou du juge d’instruction si le détenu est en préventive, de l’AP si le détenu purge sa peine (se présenter avec sa carte d’identité et 3 photos d’identités). Il est possible de demander un parloir famille, ou un parloir en qualité de concubin ou d’ami. Il est conseillé de demander ce second type de parloir avant le parloir famille qui, lui, ne peut, en principe, être refusé (en revanche, une fois qu’un détenu a un parloir famille, l’AP ou le Procureur peuvent décider que c’est suffisant et refuser les autres demandes). La personne qui obtient un parloir s’engage à aller régulièrement voir le détenu (il peut être très difficile d’en obtenir d’autres) Il faut s’assurer que l’avocat a demandé un parloir avocat.

Avant d’avoir obtenu un parloir (ce qui peut prendre un peu de temps), il est possible de se déplacer à la prison pour y déposer linge et livres. À cette occasion, la rencontre avec d’autres visiteurs peut vous permettre de vous renseigner sur le fonctionnement de la prison. Les livres doivent être non cartonnés (couverture souple). Pour le linge : il y a une liste précise de ce qui peut entrer dans la prison (généralement linge de corps et de toilette ainsi que certains types de vêtements, avec des contraintes de formes et de couleurs, le bleu marine est souvent interdit…). Pour le reste, il faudra demander une autorisation selon le règlement spécifique de la prison.

Post-scriptum
Quoiqu’il en soit à l’heure actuelle de la machine judiciaire et des latitudes dont elle peut disposer, la bataille juridique n’est jamais perdue d’avance et nombre de procédures trouvent une issue favorable, ou beaucoup moins catastrophique que l’accusation ne l’avait prévu, si on se donne la peine de construire avec soin la défense et de travailler au rapport de force politique qui la sous-tend. Il est instructif d’assister à quelques audiences de comparutions immédiates, ne serait-ce que pour voir combien de condamnations s’obtiennent sur la seule base d’aveux extorqués au commissariat avec des techniques de bluff, de chantage et d’intimidation. C’est en partageant et en diffusant nos expériences que nous serons le mieux à même de faire face à ces dispositifs.


Message paru sur la liste Zpajol : http://pajol.eu.org/article150.html