Origine : http://www.cnam.fr/lipsor/dso/articles/fiche/polanyi.html
LES FICHES DE LECTURE de la Chaire D.S.O.
Simon ALCOUFFE
Doctorat HEC
SOMMAIRE
- L'auteur
- Les questions posées par l'auteur
- Les postulats
- Les hypothèses
- Les réponses apportées
- Le résumé
L'AUTEUR
Karl Polanyi (1886-1964) est né à Vienne et a été
élevé à Budapest. Encore étudiant, il
rejoignit un cercle de radicaux «éclairés»
dont faisaient partie Georg Lukacs et Karl Mannheim. Fait prisonnier
sur le front russe pendant la deuxième Guerre Mondiale, il
retourna à Vienne une fois libéré où
il exerça la profession de journaliste. En 1940, lors d’un
voyage aux USA il accepta l’offre du Bennington College où
il enseignera l’économie politique et écrira
la Grande Transformation.
LES QUESTIONS POSÉES
La Grande Transformation traite des origines politiques et économiques
de l’effondrement de la civilisation du 19e siècle,
ainsi que de la grande transformation qu’il a provoquée.
L’une des questions posées est donc également
celle de l’origine de la société occidentale
de la deuxième moitié du 20e siècle.
LES POSTULATS
Le marché autorégulateur fut la source et la matrice
du système économique et social de 1830 à 1930.
Ce fut cette innovation qui donna naissance à une civilisation
particulière et c’est dans les lois qui gouvernent
l’économie de marché que se trouve la clé
du système institutionnel du 19e siècle ainsi que
l’explication de sa chute.
LES HYPOTHÈSES
Pas d’hypothèse. Cet ouvrage est un essai.
LES RÉPONSES APPORTÉES
La civilisation du 19e siècle reposait, selon l’auteur,
sur quatre institutions. La première était le système
de l’équilibre des puissances,. la deuxième
était l’étalon-or international, la troisième
le marché autorégulateur,.et la quatrième l’Etat.
Pour Polanyi, ces quatre institutions donnèrent à
l’histoire de notre civilisation ses principales caractéristiques.
Parmi les quatre institutions, l’étalon-or est celle
dont l’importance a été reconnue décisive,
sa chute fut la cause immédiate de la catastrophe. Mais pour
l’auteur, c’est le marché autorégulateur
qui était la source et la matrice du système.
La thèse de l’auteur est que l’idée d’un
marché s’ajustant lui-même était purement
utopique. Selon lui, une telle institution «ne pouvait exister
de façon suivie sans anéantir la substance humaine
et naturelle de la société, sans détruire l’homme
et sans transformer son milieu en désert» (Polanyi,
1983, p. 22). En réaction, la société pris
des mesures pour se protéger, mais toutes ces mesures, selon
Polanyi, compromirent l’autorégulation du marché,
désorganisant ainsi la vie industrielle, et exposèrent
la société à d’autres dangers. Ce fut
ce dilemme qui força le système du marché à
emprunter dans son développement un sillon déterminé
et finit par briser l’organisation sociale qui se fondait
sur lui.
En d’autres termes, et de façon synthétique,
dans sa tentative d’explication, Polanyi réduit la
civilisation du 19e siècle à quatre institutions,
désigne celle du marché autorégulateur comme
fondamentale et démontre à partir de là que
l’autodestruction de cette civilisation était inéluctable
du fait d’une certaine qualité technique de son organisation
économique.
LE RÉSUMÉ
Introduction
La Grande Transformation traite des origines politiques et économiques
de l’effondrement de la civilisation du 19e siècle,
ainsi que de la grande transformation qu’il a provoquée.
La civilisation du 19e siècle reposait, selon l’auteur,
sur quatre institutions. La première était le système
de l’équilibre des puissances qui, pendant un siècle,
empêcha que survienne toute guerre longue et destructrice
entre les Grandes Puissances. La deuxième était l’étalon-or
international, symbole d’une organisation unique de l’économie
mondiale. La troisième institution était le marché
autorégulateur, qui produisit un bien-être matériel
jusque-là insoupçonné. l’Etat libéral
représentait la quatrième institution. Pour Polanyi,
ces quatre institutions donnèrent à l’histoire
de notre civilisation ses principales caractéristiques.
Parmi les quatre institutions, l’étalon-or est celle
dont l’importance a été reconnue décisive,
sa chute fut la cause immédiate de la catastrophe. Mais pour
l’auteur, c’est le marché autorégulateur
qui était la source et la matrice du système. Ce fut
cette innovation qui donna naissance à une civilisation particulière.
C’est donc dans les lois qui gouvernent l’économie
de marché que l’auteur trouve la clé du système
institutionnel du 19e siècle.
La thèse de l’auteur est que l’idée d’un
marché s’ajustant lui-même était purement
utopique. Selon lui, une telle institution « ne pouvait exister
de façon suivie sans anéantir la substance humaine
et naturelle de la société, sans détruire l’homme
et sans transformer son milieu en désert » (Polanyi,
1983, p. 22). En réaction, la société pris
des mesures pour se protéger, mais toutes ces mesures, selon
Polanyi, compromirent l’autorégulation du marché,
désorganisant ainsi la vie industrielle, et exposèrent
la société à d’autres dangers. Ce fut
ce dilemme qui força le système du marché à
emprunter dans son développement un sillon déterminé
et finit par briser l’organisation sociale qui se fondait
sur lui.
En d’autres termes, et de façon synthétique,
dans sa tentative d’explication, Polanyi réduit la
civilisation du 19e siècle à quatre institutions,
désigne celle du marché autorégulateur comme
fondamentale et démontre à partir de là que
l’autodestruction de cette civilisation était inéluctable
du fait d’une certaine qualité technique de son organisation
économique.
Polanyi ne cherche donc pas une séquence convaincante d’événements
saillants, mais une explication de leur tendance en fonction des
institutions humaines. L’auteur s’arrête ainsi
sur des scènes du passé dans le seul but d’éclairer
les problèmes de son présent. Il analyse en détail
des périodes critiques et néglige les moments qu’il
juge intermédiaires.
Nous reprendrons ici les points d’analyse qui nous semblent
les plus opportuns pour illustrer notre propre question de recherche.
A travers les principaux développements de Polanyi, nous
essaierons de faire ressortir la thèse de « l’hypothèse
large » au sujet des origines de la révolution industrielle
et du changement comme évolution historique.
Première partie : Le système international
Dans cette première partie, Polanyi traite de l’effondrement
du système international. Il cherche à montrer que
le système de l’équilibre des puissances ne
pouvait assurer la paix, une fois mise en défaut l’économie
mondiale sur laquelle il se fondait. Polanyi y voit, en outre, l’explication
du caractère brusque de la rupture et la rapidité
inconcevable de la désagrégation.
La paix de cent ans (Ch. 1)
Pour Polanyi, le 19e siècle se caractérise en premier
lieu par un phénomène sans précédent
dans les annales de la civilisation occidentale, à savoir
les cent années de paix de 1815 à 1914 entre les Grandes
Puissances européennes. Selon l’auteur, cet «exploit
quasi miraculeux» venait du jeu de l’équilibre
des puissances et d’un facteur entièrement nouveau
: l’apparition d’un «parti de la paix» très
actif. Le commerce pacifique devint en quelque sorte un intérêt
universel.
L’universalité du commerce pacifique fut rendue possible,
selon l’auteur, grâce à la haute finance. Cette
institution propre au dernier tiers du 19e siècle et au premier
tiers 20e siècle, fonctionna au cours de cette période
comme le lien principal entre l’organisation politique et
l’organisation économique mondiales. C’est elle
qui fournit les instruments d’un système de paix internationale.
A la fin des années 1870, cependant, l’épisode
du libre-échange (1846-1879) touchait à sa fin. Pour
l’auteur, l’utilisation effective de l’étalon-or
par l’Allemagne marqua les débuts d’une nouvelle
ère de protectionnisme et d’expansion coloniale. L’équilibre
des puissances comme système avait désormais disparu,
son mécanisme avait cessé et seuls deux groupes de
puissances restaient aux prises. La fin de la paix de cent ans,
provoquée par la désintégration de l’organisation
économique du 19e siècle, n’était plus
qu’une question de temps.
Années vingt, années trente (Ch. 2)
Pour Polanyi, la débâcle de l’étalon-or
international constitua le lien invisible entre la désintégration
de l’économie mondiale depuis le début du 20e
siècle et la transformation d’une civilisation tout
entière au cours des années 1930.
Du point de vue politique, les traités qui suivirent la
Deuxième Guerre mondiale recelaient une contradiction fatale
aux yeux de l'auteur. Par le désarmement unilatéral
des nations vaincues, ils prévenaient toute reconstruction
du système de l'équilibre des puissances.
Suivant les critères du 19e siècle, les années
1920 apparaissaient comme une ère révolutionnaire,
à la lumière de notre propre existence, nous dit Polanyi,
elle fut précisément le contraire. Le dessein de cette
décennie fut profondément conservateur. Et ce fut
de l'échec de l'effort de retour au passé caractéristique
de cette décennie que naquit la transformation des années
1930. La thèse fondamentale de Polanyi est ainsi que la cause
fondamentale de la crise fut la menace d'effondrement du système
économique international. La croyance en l'étalon-or
était la foi de l'époque, sa débâcle
fut la principale responsable de la crise.
L'échec de l'étalon-or, cependant, n'eut guère
d'autre rôle aux yeux de l'auteur que de marquer la date d'un
événement trop important pour avoir été
causé par lui. Dans une grande partie du monde , la crise
s'accompagna de la destruction totale des institutions nationales
de la société du 19e siècle et ces institutions
firent partout l'objet d'une transformation et d'un remodelage dont
elles sortirent presque méconnaissables.
La thèse que Polanyi cherche donc à prouver dans
la suite de son ouvrage est donc que les origines du cataclysme
que nous venons d'évoquer résident dans l'entreprise
utopique par laquelle le libéralisme économique a
voulu créer un système de marché autorégulateur.
Deuxième partie : Grandeur et décadence de
l’économie de marché
Si, pour Polanyi, l’écroulement de la civilisation
du 19e siècle a été déclenché
par l’échec de l’économie mondiale, il
n’en a certainement pas été le résultat.
Ses origines, selon l’auteur, remontent à plus de cent
ans, au bouleversement social et technique d’où est
née en Europe occidentale l’idée d’un
marché autorégulateur. C’est au 20e siècle
que cette aventure s’est achevée et plus précisément
au cours de la première moitié de ce siècle.
Avec elle se clôt une phase distincte dans l’histoire
de la civilisation industrielle. Cette deuxième partie traite
de l’ensemble de ce phénomène, des origines
de la société du 19e siècle à sa fin
dans la première partie du 20e siècle.
A. « Satanic Mill ou la fabrique du diable »
Dans cette première sous-partie, Polanyi revient sur les
origines de l'écroulement de la société du
19e siècle, c'est-à-dire au bouleversement social
et technique d'où est née l'idée d'un marché
autorégulateur. Ce bouleversement dont parle l'auteur c'est
bien évidemment la Révolution industrielle, pendant
laquelle on constate une amélioration "presque miraculeuse"
des instruments de production, accompagnée d'une "dislocation
catastrophique" de la vie du peuple.
"Habitation contre amélioration" (Ch 3.)
Pour Polanyi, si le libéralisme économique ne sut
par lire l'histoire de la Révolution industrielle, ce fut
parce qu'il s'obstina à juger les événements
sociaux du point de vue économique. Pour illustrer ce point,
l'auteur se tourne vers l'exemple de la clôture des champs
ouverts (enclosures) et la conversion des terres arables en pâturages
dans l'Angleterre de la première période Tudor.
Le but de Polanyi, en prenant cet exemple, est de montrer que l'on
peut faire un parallèle entre les dévastations que
provoquèrent des clôtures en définitive bénéfiques
et celles qui résultèrent de la Révolution
industrielle, et d'éclairer les choix faces auxquels se trouve
une communauté en proie aux "affres d'une amélioration
économique non dirigée" (Polanyi, 1983; p. 60).
Si l'Angleterre supporta sans grave dommage la calamité
des enclosures, ce fut, selon l'auteur, parce que les Tudors et
les premiers Stuarts utilisèrent leur pouvoir pour ralentir
le processus de développement économique jusqu'à
ce qu'il devienne socialement supportable. Ce fait fut oublier par
les capitalistes du 19e siècle, qui avaient une croyance
dans le progrès spontané qui les rendaient aveugles
au rôle de l'Etat dans la vie économique.
En définitive, la pensée de l'auteur est qu'une avalanche
de dislocations sociales, surpassant celle de la période
des enclosures, s'abattit sur l'Angleterre et que cette catastrophe
accompagnait un vaste mouvement d'amélioration économique.
La Révolution industrielle fut simplement le début
d'une révolution dont le nouveau credo était entièrement
matérialiste et impliquait que, moyennant une quantité
illimitée de biens matériels, tous les problèmes
humains pouvaient être résolus.
Sociétés et systèmes économiques (Ch.
4)
Dans ce chapitre, Polanyi revient sur les hypothèses "extraordinaires"
qui sont à la base du système de l'économie
de marché.
L'évolution du modèle du marché (Ch. 5)
Selon Polanyi, le rôle dominant que jouent les marchés
dans l'économie capitaliste, ainsi que l'importance fondamentale
qui s'attache au principe du troc ou de l'échange dans cette
économie, appellent une enquête attentive sur la nature
et l'origine des marchés. C'est ce à quoi s'attache
l'auteur dans ce chapitre.
La maîtrise du système économique par le marché,
note l'auteur, a des effets irrésistibles sur l'organisation
tout entière de la société: elle signifie que
la société est gérée en tant qu'auxiliaire
du marché. Au lieu que l'économie soit encastrée
dans les relations sociales, ce sont les relations sociales qui
sont encastrées dans le système économique.
Une économie de marché ne peut ainsi fonctionner que
dans une société de marché qui permet au système
économique de fonctionner selon ses propres lois.
Le passage des marchés isolés à une économie
de marché, et celui des marchés régulés
au marché autorégulateur, sont d'importance capitale.
Or, le 19e siècle imaginait que cette évolution était
le résultat naturel de l'extension des marchés, alors
que Polanyi y voit plutôt la conséquence de l'effet
de "stimulants extrêmement artificiels que l'on avait
administrés au corps social afin de répondre à
une situation créée par le phénomène
non moins artificiel de la machine" (Polanyi, 1983, p. 89).
L'époque de la Révolution industrielle représente
l'étape de l'histoire de l'humanité où l'on
tenta d'établir un seul grand marché autorégulateur.
Ce phénomène est l'objet du chapitre suivant.
Le marché autorégulateur et les marchandises fictives
(Ch. 6)
Jusqu'à notre époque, les marchés n’ont
jamais été que des éléments secondaires
de la vie économique. En général le système
économique était absorbé dans le système
social. Le marché autorégulateur est donc une chose
nouvelle.
Pour Polanyi, l’économie de marché repose sur
des hypothèses extraordinaires. C’est un système
économique commandé, régulé et orienté
par les seuls marchés, la tâche d’assurer l’ordre
dans la production et la distribution des biens est confiées
à ce mécanisme autorégulateur. En outre, l’autorégulation
implique que toute la production est destinée à la
vente sur le marché et que tous les revenus proviennent de
cette vente. Elle suppose des marchés sur lesquels l’offre
des biens disponibles à un prix donné sera égale
à la demande au même prix. Elle suppose également
la présence de la monnaie, qui fonctionne comme pouvoir d’achat
entre les mains de ses possesseurs. Enfin, l’Etat et sa politique
ne doit rien permettre qui empêche la formation des marchés.
Un marché autorégulateur n’exige donc rien
de moins que la division institutionnelle de la société
en une sphère économique et une sphère politique.
Et un tel modèle institutionnel, selon Polanyi, ne peut fonctionner
sans que la société soit en quelque manière
soumis à ses exigences. Une économie de marché
ne peut exister que dans une société de marché.
Elle doit donc comporter tous les éléments de l’industrie
- travail, terre et monnaie inclus. Mais le travail n’est
rien d’autre que ces êtres humains eux-mêmes dont
chaque société est faite, et la terre, que le milieu
naturel dans lequel chaque société existe. Les inclure
dans le mécanisme du marché, nous dit l’auteur,
c’est subordonner aux lois du marché la substance de
la société elle-même.
Comme le mécanisme du marché s’enclenche sur
les divers éléments de la vie industrielle à
l’aide du concept de marchandise, le travail, la terre et
l’argent doivent eux aussi être organisés en
marchés et être considérés comme des
marchandises. Or, l’auteur estime qu’il s’agit
de fiction que de considérer ces trois éléments
essentiels de l’industrie comme des marchandises. Une fiction
dangereuse.
Un tel mécanisme a eu de nombreux effets négatifs
sur la société soumise à son action. Permettre
au mécanisme du marché de diriger seul le sort des
êtres humains et de leur milieu naturel, et même, en
fait, du montant et de l’utilisation du pouvoir d’achat,
cela aurait pour résultat de détruire la société.
Et cette menace pesant sur la société fut à
l’origine de tout un réseau de mesures et de politiques
qui fit naître des institutions puissantes destinées
à enrayer l’action du marché touchant au travail,
la terre et la monnaie.
L’histoire sociale du 19e siècle fut donc le résultat
d’un double mouvement : l’extension du système
du marché en ce qui concerne les marchandises authentiques
s’accompagna de sa réduction quant aux marchandises
fictives (travail, terre et monnaie).
Speenhamland, 1795 (Ch. 7)
La société du 18e siècle, nous dit Polanyi,
résista inconsciemment à tout ce qui cherchait à
faire d’elle un simple appendice au marché. Aucune
économie de marché n’était concevable
qui ne comportât pas un marché du travail, mais la
création d’un tel marché, en particulier dans
la civilisation rurale de l’Angleterre, n’exigeait rien
de moins que la destruction massive de l’édifice traditionnel
de la société.
Durant la période la plus active de la Révolution
industrielle, de 1795 à 1834, la loi de Speenhamland permit
d’empêcher la création d’un marché
du travail en Angleterre. L’auteur revient, dans ce chapitre,
sur cet événement.
Antécédents et conséquences (Ch. 8)
Le système de Speenhamland ne fut à l’origine
qu’un expédient. Pourtant, selon Polanyi, peu d’institutions
ont exercé une influence plus décisive que ce système
sur le destin d’une civilisation tout entière.
Pour l’auteur, Speenhamland précipita la catastrophe
sociale que connut l’Angleterre au cours de sa Révolution
industrielle vers le milieu du 19e siècle. Au yeux de Polanyi,
Speenhamland fut un instrument infaillible de la démoralisation
populaire, un « automate destiné à détruire
les modèles susceptibles de fonder n’importe quel type
de société » (Polanyi, 1983, p. 140).
L’abrogation de Speenhamland fut l’œuvre d’une
nouvelle classe qui faisait son entrée sur la scène
de l’histoire : la bourgeoisie anglaise. A partir de cette
date, le mécanisme du marché continua de s’affirmer
et réclama que le travail des hommes devînt une marchandise.
Pour l’auteur, le paternalisme réactionnaire de Speenhamland
avait en vain cherché à résister à cette
nécessité. L’abrogation de Speenhamland marqua
la ruée aveugle vers le « refuge d’une utopique
économie de marché ».
Paupérisme et utopie (Ch. 9)
Pendant la Révolution industrielle, le problème de
la pauvreté gravitait selon Polanyi autour de deux sujets
en étroite relation l’un avec l’autre : le paupérisme
et l’économie politique. Ces deux sujets font partie
d’un tout indivisible : la découverte de la société.
Polanyi aborde dans ce chapitre les différentes réponses
apportées au cours du 18e siècle à la question
de la provenance des pauvres et les utopies développées
autour de cette question.
L’économie politique et la découverte de la
société (Ch. 10)
Il a fallu que le sens de la pauvreté fût bien compris,
nous dit Polanyi, pour que le 19e siècle entre en scène.
Le développement de l’économie politique marque
cette entrée en scène avec le passage des travaux
d’Adam Smith, dans lesquels l’assistance aux pauvres
ne pose pas encore de problèmes, à ceux de Townsend
dans la Dissertation on the Poor Laws.
La nature biologique de l’homme apparut alors comme la fondation
donnée d’une société qui n’est
pas d’ordre politique. Il arriva ainsi, nous dit Polanyi,
que les économistes abandonnèrent bientôt les
fondements humanistes d’Adam Smith et adoptèrent ceux
de Townsend. La loi de la population de Malthus et la loi des rendements
décroissants telle que Ricardo la présente font de
la fécondité de l’homme et de la fertilité
du sol les éléments constitutifs du nouveau domaine
dont l’existence a été découverte. Pour
l’auteur, ce phénomène marque la découverte
de la société, distincte de l’Etat politique.
Se révèle alors, selon Polanyi, la véritable
signification du problème torturant de la pauvreté
: la société économique est soumise à
des lois qui ne sont pas des lois humaines. La réintégration
de la société dans le monde des hommes devient ainsi
l’objectif visé avec persistance par l’évolution
de la pensée sociale.
B. L'autoprotection de la société
Pendant un siècle, la dynamique de la société
moderne a été gouvernée par un double mouvement
: le marché s’est continuellement étendu, mais
ce mouvement a rencontré un contre-mouvement contrôlant
cette expansion dans des directions déterminées. Quelque
vitale que fût l’importance d’un tel contre-mouvement
pour la protection de la société, nous dit Polanyi,
celui-ci était compatible, en dernière analyse, avec
l’autorégulation du marché et avec le système
de marché lui-même. L’étude de ce contre-mouvement
est l’objet de cette deuxième sous-partie.
L’homme, la nature et l’organisation de la production
(Ch. 11)
La production est l’interaction de l’homme et de la
nature. Si ce processus doit être organisé par l’intermédiaire
d’un mécanisme régulateur de troc et d’échange,
il faut alors faire rentrer l’homme et la nature dans son
orbite, ils doivent être soumis à l’offre et
à la demande, c’est-à-dire traités comme
des marchandises.
Et pour l’auteur, tel était précisément
le cas dans un système de marché. De l’homme
on faisait des disponibilités, des choses prêtes pour
le négoce, on pouvait acheter et vendre universellement,
à un prix appelé salaire, l’usage de la force
de travail, et à un prix appelé rente ou loyer, l’utilisation
de la terre. Mais pour l’auteur, alors que la production pouvait
théoriquement être organisée de cette manière,
la fiction marchandise ne tenait aucun compte du fait qu’abandonner
le destin du sol et des hommes au marché équivaudrait
à les anéantir.
Ainsi donc, le contre-mouvement consista à contrôler
l’action du marché en ce qui concerne les facteurs
de production que sont le travail et la terre. Telle fut la principale
fonction de l’interventionnisme. C’est donc sous les
deux angles du libéralisme et de l’interventionnisme
que Polanyi esquisse dans cette deuxième sous-partie les
grandes lignes du mouvement qui a façonné l’histoire
sociale du 19e siècle.
Naissance du credo libéral (Ch. 12 & 13)
Pour Polanyi, le libéralisme économique a été
le principe organisateur d’une société qui s’employait
à créer un système de marché. Dans les
chapitres 12 et 13, l’auteur revient sur la naissance de ce
qu’il appelle le credo libéral.
Naissance du credo libéral
Selon lui, ce credo libéral, qui était un «simple
penchant pour des méthodes non bureaucratiques» à
sa naissance, s’est développé en une «véritable
foi dans le salut de l’homme ici-bas grâce à
un marché autorégulateur». Ce «fanatisme»
a résulté de la soudaine aggravation de la tâche
dans laquelle il se trouvait engagé : «l’ampleur
des souffrances qui devaient être infligées à
des innocents aussi bien que la grande portée des changements
enchevêtrées qu’entraînait l’établissement
de l’ordre nouveau» (Polanyi, 1983, p. 184).
Pour l’auteur, ce n’est qu’à partir des
années 1830 que le libéralisme économique éclate
comme un esprit de «croisade passionnée» et que
le laissez-faire deviennent une foi militante. Selon lui, les sources
utopiques du dogme du laissez-faire sont contenues dans trois grands
principes : un marché du travail concurrentiel, l’étalon-or
automatique et le libre-échange international. En outre,
ces trois principes forment un tout et il est inutile d’en
appliquer un sans appliquer les deux autres.
Au cours du 20e siècle, c’est pendant les années
vingt que le prestige du libéralisme économique fut
à son zénith. Les années trente ont vu les
absolus des années vingt remis en question. Et dans les années
quarante, le libéralisme a subi une défait encore
plus dure.
Intérêt de classe et changement social
Selon Polanyi, il convient de dissiper à la fois le mythe
libéral de la conspiration collectiviste et la théorie
propre au marxisme populaire du développement social à
base de classes. Pour lui, les intérêts de classe ne
donnent en réalité qu’une explication limitée
des mouvements à long terme dans la société.
Le sort des classes est bien plus souvent déterminé
par la société que l’inverse.
Que les intérêts de classe jouent un rôle essentiel
dans le changement social, c’est – pour Polanyi –
dans la nature des choses. Car selon lui, toute forme de changement
largement répandu doit toucher différemment les diverses
parties de la communauté. Les intérêts partisans
forment aussi le véhicule normal du changement social et
politique.
Pourtant, nous dit l’auteur, la cause ultime du changement
est fixée par des forces extérieures, et c’est
seulement pour le mécanisme du changement que la société
compte sur ses forces internes. Le «défi» s’adresse
à la société dans son entier, la «réponse»
parvient par l’intermédiaire de groupes, de secteur
et de classes.
Les intérêts de classe à eux seuls ne peuvent
donc fournir d’explication satisfaisante à aucun processus
social à long terme. D’abord parce que le processus
en question peut décider de l’existence de la classe
elle-même, ensuite parce que les intérêts de
telle ou telle classe ne déterminent que les buts et les
fins que cette classe s’efforce d’atteindre, sans déterminer
en même temps le succès ou l’échec de
ces efforts.
En second lieu, il y a pour Polanyi la doctrine tout aussi erronée
de la nature essentiellement économique des intérêts
de classe. Selon lui, bien que la société humaine
soit naturellement conditionnée par des facteurs économiques,
les mobiles des individus ne sont qu’exceptionnellement déterminés
par la nécessité de satisfaire aux besoins matériels.
Il convient donc d’aborder l’analyse de la société
du 19e siècle débarrassé des préjugés
que Polanyi vient de dénoncer. C’est dans cet esprit
que l’auteur analyse dans les chapitres 14 à 16 les
zones «dangereuses» du développement institutionnel
de la société occidentale au cours de la période
allant de 1834 à 1914.
Le marché et l’homme, la nature et l’organisation
de la production (Ch. 14 à 16)
Dans les chapitres 14 à 16 Polanyi trace les grands traits
du développement institutionnel de la société
occidentale du 19e siècle en se référant dans
les mêmes termes à chacune des zones dangereuses que
sont les interfaces entre, d’une part, le marché et,
d’autre part, l’homme, la nature et la production.
Car, nous dit l’auteur, que l’homme, la nature ou l’organisation
de la production soient en cause, l’organisation du marché
est devenue un danger et des classes ou des groupes déterminés
ont réclamé d’être protégés.
Et au tournant du 20e siècle, le contre-mouvement protectionniste
avait créé une situation analogue dans tous les pays
occidentaux.
Ainsi, la protection de l’homme, de la nature et de l’organisation
de la production représente un mouvement d’autropréservation
qui a eu pour résultat l’apparition d’un type
de société plus étroitement soudée,
mais qui était exposée à un danger de rupture
complète.
Le marché et l’homme
Concernant la relation entre le marché et l’homme,
c’est-à-dire la séparation du travail des autres
activités de la vie et sa soumission aux lois du marché,
le risque était d’anéantir toutes les formes
organiques de l’existence et de les remplacer par un type
d’organisation différent, atomisé et individuel.
Pour Polanyi, ce plan de destruction fut parfaitement servi par
l’application du principe de la liberté de contrat
et abouti à la démolition des structures sociales.
Dans ce domaine, l’objet naturel de la protection sociale
fut d’imposer au marché du travail la préservation
des salaires et des conditions de travail, le respect du caractère
humain de cette marchandise supposée, le travail.
Le marché et la nature
Ce que Polanyi appelle la terre est un élément de
la nature qui est inextricablement entrelacé avec les institutions
de l’homme. Selon lui, la main-d’œuvre et la terre
ne sont traditionnellement pas séparées. La terre
est ainsi liée aux organisations fondées sur la famille,
le village, la guilde et l’église.
Pourtant, séparer la terre de l’homme et organiser
la société de manière à satisfaire les
exigences d’un marché de l’immobilier fut l’une
des parties vitales de la conception utopique d’une économie
de marché.
La défense de la société contre la dislocation
générale a été, nous dit Polanyi, aussi
large que le front de l’attaque. Bien que le droit coutumier
et la législation aient par moments hâté le
changement, à d’autres ils l’ont ralenti.
Le marché et l’organisation de la production
Dans le cas de l’entreprise de production comme dans celui
de l’homme et de la nature, le danger de dislocation était
réel. Le besoin de protection provenait de la manière
dont l’offre de la monnaie était organisée dans
un système de marché.
La Banque centrale moderne, nous dit Polanyi, a constitué
en effet un dispositif destiné à fournir la protection
sans laquelle le marché aurait détruit ses propres
«enfants», les entreprises commerciales de toute espèce.
Pourtant, selon Polanyi, c’est en fin de compte cette forme
de protection qui a contribué le plus immédiatement
à l’effondrement du système international.
Le libéralisme économique avait donc débuté
une centaine d’année plus tôt et s’était
heurté à un contre-mouvement protectionniste qui désormais
battait en brèche le dernier bastion de l’économie
de marché. Un nouvel ensemble d’idées directrices
supplantait le monde du marché autorégulateur. Les
forces insoupçonnées du leadership charismatique et
de l’isolationnisme autarcique explosèrent alors et
fondirent les sociétés dans des formes nouvelles.
L’autorégulation compromise (Ch. 17)
Pendant la période allant de 1879 à 1929, les sociétés
occidentales sont devenues, aux yeux de Polanyi, des unités
au tissus serré, à la merci de tensions cachées,
mais puissantes et capables de tout disloquer. L’origine la
plus immédiate de cette situation est, pour l’auteur,
la compromission de l’autorégulation de l’économie
de marché. Puisque la société était
faite pour se conformer au mécanisme du marché, des
imperfections dans le fonctionnement de ce dernier créaient
et accumulaient des tensions dans le corps social.
L’autorégulation était compromise du fait du
protectionnisme. Celle-ci impliquait la création de marchés
pour le travail, la terre et la monnaie, mais comme le fonctionnement
de ces marchés menaçait de détruire la société,
la communauté a cherché, par une action d’autodéfense,
à les empêcher de s’établir ou, une fois
qu’ils ont été établis, à intervenir
dans leur libre fonctionnement. C’est ce protectionnisme qui
a justement compromis l’autorégulation de l’économie
de marché.
Tensions de rupture (Ch. 18)
L’uniformité des dispositions institutionnelles sous-jacentes
au protectionnisme explique, selon Polanyi, que les événements
ont suivi, au cours du demi-siècle qui va de 1879 à
1929, un schéma étonnamment uniforme, qui a pris des
dimensions gigantesques.Polanyi regroupe les tensions de rupture
dont il est question dans ce chapitre selon les principales sphères
institutionnelles. En économie intérieure, des symptômes
très divers de déséquilibre, comme le déclin
de la production, de l’emploi et des gains, seront représentés
ici par le fléau caractéristique du chômage.
En politique intérieure, il y a eu la lutte des forces sociales
et son impasse, que Polanyi définit comme la tension des
classes.
Les difficultés dans le domaine de l’économie
internationale, qui étaient centrées autour de la
balance des paiements, et qui comprenaient un fléchissement
des exportations, des conditions défavorables pour le commerce,
une pénurie de matières premières et des pertes
sur les investissements étrangers, l’auteur les désignes
en groupe par une forme caractéristique de tension, à
savoir la pression sur les échanges. Enfin, l’auteur
subsume les tensions de la politique internationale en rivalités
impérialistes. En définitive, le passage en revue
des différentes tensions de rupture selon leur sphère
institutionnelle d’appartenance ne fait que conforter l’auteur
dans la première partie de l’énoncé de
sa thèse : selon lui, au cœur de la transformation se
trouvait l’échec de l’utopie de marché.
Troisième partie : La transformation en marche
Dans la dernière partie de son ouvrage, Polanyi parle du
mécanisme qui a, selon lui, commandé le changement
social et national à notre époque (1945). L’auteur
pense, de façon générale, qu’il est nécessaire
de définir la condition présente de l’homme
en fonction des origines institutionnelles de la crise. Si la partie
précédente lui a permis de démontrer que l’échec
de l’utopie de l’économie marché était
au cœur de la transformation en marche, il s’attache
dans celle-ci à montrer de quelle manière les événements
réels ont été déterminés par
cette cause.
Gouvernement populaire et économie de marché (Ch.
19)
Lorsque le système international échoua en 1920,
les questions presque oubliées du début du capitalisme
reparurent. D’abord et avant tout, celle du gouvernement populaire.
Ensuite, par nécessité propre, les problèmes
qui sont à la racine d’une société de
marché ont reparu : l’interventionnisme et la monnaie.
Ils ont été, nous dit l’auteur, au centre de
la politique des années 1920. Le libéralisme économique
et l’interventionnisme socialiste ont tourné autour
des différentes réponses à leur donner.
En Angleterre, pendant les années 1920, le parti ouvrier
se retrancha dans le Parlement, où le nombre de ses élus
lui donnait du poids, les capitalistes firent de l’industrie
une forteresse d’où ils régentaient le pays.
Les corps populaires répondirent en intervenant brutalement
dans les affaires, sans tenir compte des besoins de l’industrie
telle qu’elle était. Finalement, le moment allait venir
où les systèmes économique et politique seraient
l’un et l’autre menacés de paralysie totale.
La population pris peur, et le rôle dirigeant revint par force
à ceux qui offraient une issue facile, quel qu’en fût
le prix ultime. Aux yeux de Polanyi, les temps étaient mûrs
pour la solution fasciste.
L’histoire dans l’engrenage du changement social (Ch.
20)
Dans ce chapitre, l’auteur analyse plus en profondeur les
raisons qui ont amenées le fascisme au pouvoir dans bon nombre
de pays. Selon lui, si jamais mouvement politique répondit
aux besoins d’une situation objective, au lieu d’être
la conséquence de causes fortuites, c’est bien le fascisme.
En même temps, le caractère destructeur de la solution
fasciste était évident. Elle proposait une manière
d’échapper à une situation institutionnelle
sans issue qui était, pour l’essentiel, la même
dans un grand nombre de pays, et pourtant, essayer ce «remède»,
c’était répandre partout une maladie mortelle.
Pour reprendre les termes de l’auteur : ainsi périssent
les civilisations.
Selon l’auteur, le rôle joué par le fascisme
a été déterminé par un seul facteur,
l’état du système du marché. De 1917
à 1923, les gouvernements demandèrent à l’occasion
l’aide des fascistes pour rétablir la loi et l’ordre
: il n’en fallait pas plus pour faire fonctionner le système
de marché. Le fascisme resta alors embryonnaire. De 1924
à 1929, quand le rétablissement du système
de marché parut assuré, le fascisme s’effaça
complètement en tant que force politique. Après 1930,
l’économie de marché est entrée en crise
générale. En quelques années, le fascisme devint
une puissance mondiale en même temps que les systèmes
économique et politique internationaux s’écroulaient.
La liberté dans une société complexe (Ch.
21)
Selon Polanyi, la découverte de la société
est soit la fin, soit la renaissance de la liberté. Alors
que le fascisme se résigne à abandonner la liberté
et glorifie le pouvoir qui est la réalité de la société,
le socialisme se résigne à cette réalité-là
et, malgré cette réalité, prend en charge l’exigence
de liberté.
Pour l’auteur, la résignation a toujours été
la source de la force de l’homme, et de son nouvel espoir.
L’homme a accepté la réalité de la mort
et a bâti sur elle le sens de sa vie physique. Il s’est
résigné à la vérité qu’il
a une âme à perdre et qu’il y a pire que la mort,
et c’est là-dessus qu’il a fondé sa liberté.
Il se résigne, à notre époque, à la
réalité de la société qui signifie la
fin de cette liberté. Mais encore une fois, la vie jaillit
de l’ultime résignation. En acceptant sans se plaindre
la réalité de la société, l’homme
trouve le courage indomptable et la force de supprimer toute injustice
susceptible d’être supprimée et toute atteinte
à la liberté.
Conclusion
Au 19e siècle, ce qui a fourni les conditions préalables
à la grande transformation, c’est le mécanisme
du marché autorégulateur, dont les exigences devaient
être remplies par la vie nationale et la vie internationale.
De ce mécanisme ont découlé deux traits exceptionnels
de la civilisation : son déterminisme rigide et son caractère
économique. L’opinion générale de l’époque,
nous dit Polanyi (1988, pp. 284-285), a eu tendance à lier
ces deux traits et à supposer que le déterminisme
provenait de la nature des mobiles économiques, selon lesquels
elle s’attendait que les individus poursuivent leurs intérêts
financiers.
En fait, pour l’auteur, il n’y a aucune relation entre
les deux. Le déterminisme si prononcé dans bien des
détails est simplement la conséquence du mécanisme
d’une société de marché, avec ses alternatives
prévisibles, dont la rigueur était attribuée
à tort à la puissance des mobiles matérialistes.
Le système offre-demande-prix s’équilibrera
toujours, quels que soient les mobiles des individus, et il est
notoire aux yeux de Polanyi que les mobiles économiques en
eux-mêmes ont beaucoup moins d’effet sur la plupart
des gens que les mobiles dits affectifs.
Pour l’auteur, l’humanité était donc
sous l’emprise, non pas de mobiles nouveaux, mais de mécanismes
nouveaux. La tension a surgi de la zone du marché, de là
elle s’est étendue à la sphère politique,
couvrant ainsi l’ensemble de la société. Mais
à l’intérieur des nations prises une à
une, la tension est demeurée latente aussi longtemps que
l’économie mondiale continuait à fonctionner.
Ce n’est que lorsque disparut la dernière à
survivre de ses institutions, l’étalon-or, que s’est
relâchée la tension interne aux nations et que la civilisation
du marché fut engloutie. Commença alors la grande
transformation dans les faits qui se sont déroulé
de 1929 à 1945.
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