|
Origine : http://www.cyberie.qc.ca/dixit/20000921.html
Nous n'échappons pas, en raison de la connivence de maints
intérêts, au déferlement médiatique que
suscitent tous les quatre ans les jeux olympiques. Gavés
de ce qu'ils aiment et peuvent comprendre, les médias répercutent
vers nous des images, des records, des tricheries, des déceptions,
des instants de gloire. Ils en oublient que les jeux n'ont guère
changé. Seule amélioration, on en soupçonne
un peu plus sur leur aptitude congénitale à la tricherie
et on se laisse moins éblouir par leur auréole de
fabrication maison.
Le Comité internatonal olympique (CIO) prétend s'être
réformé en profondeur. À l'examen, on constate
que l'inclusion dans le CIO de quelques rares personnalités
plus représentatives des légitimités politiques
n'empêche pas l'organisme d'être encore, très
majoritairement, un club privé où un pouvoir colossal
appartient à des gens cooptés. Sa Majesté Juan
Antonio Samaranch intimide toujours les capitales, mais il n'est
représentatif que de sa personne. Son titre d'Excellence
est usurpé. Ceux et celles qu'il a recrutés selon
son bon plaisir ont encore moins de valeur représentative.
Selon des sources britanniques, certaines nouvelles figures du CIO,
bien loin d'assainir la situation et d'accroître la légitimité
de l'organisation, entretiendraient de peu rassurantes relations
avec le crime organisé.
On aura également remarqué que le CIO, un instant
sensibilisé à la vénalité de ses membres,
a négligé d'examiner la sélection de Sydney
avec l'attention minimale montrée à propos de Salt
Lake City. Pourtant, la victoire de Salt Lake City fut si nette
que même la pire corruption ne pouvait l'expliquer à
elle seule : dès le premier tour, la ville américaine
obtenait plus de voix que toutes les autres candidatures réunies.
Sydney n'appartient pas à la même catégorie.
Sa victoire sur Beijing n'a été remportée que
par deux maigres voix et pourrait tout devoir, elle, aux moeurs
douteuses qui caractérisent le CIO depuis longtemps. Ceux
qui ont cru à une quelconque contrition de la part du CIO
n'ont certes pas creusé longtemps le dossier de Sydney.
Le CIO, d'autre part, prétend avoir lancé enfin une
offensive sérieuse contre le dopage. Le président
Samaranch a même promis que les jeux de Sydney seraient totalement
propres. À l'examen, le compte n'y est pas. D'une part, parce
que les contrôles antidopages ne sont effectués que
sur un infime pourcentage des athlètes et ne cherchent à
détecter que certaines substances et non tous les produits
dopants. D'autre part, parce que le CIO et les diverses fédérations
internationales s'entendent pour rendre poreuse la réglementation
applicable aux cas de dopage. Ainsi, le sauteur cubain Sotomayor
participe aux jeux alors qu'il ne le devrait pas, le cavalier canadien
Lamaze est blanchi par l'arbitrage, mais heureusement banni par
sa fédération nationale, les haltérophiles
roumains déclarés « propres » participent
aux jeux, malgré la réglementation, en échange
d'une amende de 50 000 dollars, un médaillé d'argent
bulgare perd son titre de vice-champion... La conclusion la plus
plausible qu'on puisse tirer, c'est que la dissimulation du dopage,
surtout dans les pays mieux équipés, a progressé
plus vite que ne veut le faire la détection olympique.
Deux autres maux perdurent. Le premier, c'est l'acharnement que
mettent le CIO et les pays participants à imprégner
les jeux olympiques d'un chauvinisme triomphant. Le second, c'est
que le choix et la prolifération des disciplines favorisent
toujours davantage le spectacle aux dépens du sport.
On persiste, en effet, même si les jeux sont censés
couronner des athlètes et non des pays à faire retentir
les hymnes nationaux à chaque médaille. Et le tableau
des médailles s'obstine à comparer les pays. Dans
les deux cas, les vanités épidermiques des pays interceptent
le mérite de l'athlète et l'hommage promis à
la fraternité universelle est enterré sous les accents
cocardiers.
Quant au choix des disciplines, il contredit sans vergogne les
principes toujours inscrits dans les diverses moutures de la charte
olympique. Les sports ne deviennent disciplines olympiques, répètent
les chartes successives, que s'ils sont pratiqués de façon
massive dans un très grand nombre de pays. Le soccer plutôt
que le dressage des chevaux, la course à pied plutôt
que le parachutisme. S'il était respecté, ce principe
établirait une distance entre l'olympisme et l'élitisme.
Ce n'est pas le cas quand les jeux accueillent des disciplines aussi
artificielles et peu répandues que le triathlon, aussi étrangères
au sport que la nage synchronisée, aussi indésirables
que la boxe.
Le progrès accompli face à l'olympisme, c'est sa
désacralisation. Il ne parvient plus à se maquiller
en mouvement éducatif et révèle sa voracité
financière.
Voir aussi Le CIO demeure un club privé (16 décembre
1999)
|