"Nouveau millénaire, Défis libertaires"
Licence
"GNU / FDL"
attribution
pas de modification
pas d'usage commercial
Copyleft 2001 /2014

Moteur de recherche
interne avec Google
[multitudes-infos] Jean Zin à propos du Zamal
Toute la vérité sur le cannabis ?
Par Jean Zin, le 18/06/2006

Tue, 20 Juin 2006
À: multitudes-infos@samizdat.net
Objet: [multitudes-infos] Jean Zin à propos du Zamal

Liste de diffusion de Jean Zin :
http://jeanzin.free.fr/index.php?2006/06/18/50-cannabis

Toute la vérité sur le cannabis ?
Par Jean Zin, le 18/06/2006

Il est toujours difficile de dire la *vérité* mais il y a des sujets plus difficiles où l'on n'ose dire autre chose que ce qu'on doit dire. Il y a même des lois qui empêchent de dire la vérité ! On a vu d'autres sujets, comme la pédophilie par exemple, prendre soudain la place du mal absolu dans l'imaginaire social, au point qu'on s'imagine investi d'une mission, assez en tout cas pour en prendre à son aise avec la vérité, jusqu'au premier scandale judiciaire... Chaque fois que la vérité est bafouée et qu'on hurle avec les loups, on fait plus que s'en mordre les doigts. Vérifier les faits ne relève pas d'une complaisance coupable, c'est le préalable à toute prétention de juger.

Mais sur le sujet des drogues c'est encore plus difficile car c'est un sujet plein de *contradictions* (puisque toute drogue est à la fois remède et poison) ! Dès lors, au lieu de faire la part des choses, on se retrouve d'ordinaire avec des discours simplistes qui s'affrontent, entre partisans qui ne voient que des avantages (il y en a) et les adversaires qui ne voient que les dégâts (il y en a aussi). Ce n'est pas comme cela qu'on peut faire une politique efficace de réduction des risques et dans l'état actuel ça mène plutôt au pire (par rapport aux autres pays beaucoup moins répressifs et plus réalistes).

Disons-le tout de suite : le cannabis (le chanvre) est la moins dangereuse des drogues, ce qui n'est pas rien au vu des ravages de l'alcool notamment, mais cela ne veut pas dire que ce n'est pas une drogue, ni qu'elle n'a aucun dangers. Cette journée du "18 Joint m'a semblé l'occasion d'une *mise au point*, nécessaire après une récente campagne médiatique et des contre-preuves aussi insatisfaisantes les unes que les autres !

On a vu, en effet, "60 millions de consommateurs" publier une étude
<http://www.60millions-mag.com/images_news/lettre_100.htm>
qu'on peut juger irresponsable puisqu'elle concluait que "/la fumée de cannabis contient sept fois plus de goudrons et de monoxyde de carbone que celle du tabac/", or, s'il n'y a rien de neuf là-dedans, il est faux que le *tabac* soit moins dangereux que le cannabis même s'il contient moins de goudrons. C'est ce qu'on sait depuis longtemps par l'épidémiologie, et qu'on vient de vérifier encore une fois : le tabac est la principale cause de cancer, et de loin. De toutes façons, en général, on sait tout sur les effets du chanvre car c'est une plante consommée depuis toujours. Il est donc consternant de voir sortir de pareilles études, mais il faut dire que le domaine pharmaceutique et médical est encombré de ces fausses nouvelles et d'expériences mal menées dont on tire des conclusions hâtives. Ce qui est bien établi, c'est que le tabac est particulièrement cancérigène (il fragilise le gène de la protéine p53, principal agent anti-mutations) alors que le cannabis possède un effet anti-cancéreux marqué (au niveau des poumons et du cerveau au moins). Ce n'est donc pas comparable et il faudrait inciter les fumeurs de chanvre à ne pas mélanger l'herbe avec le tabac plutôt que le contraire !

D'après Washington Post et MSNBC (6 juin 2006), le cannabis n'accroît pas les risques de cancer du poumon :

Une consommation importante et prolongée de cannabis ne semble pas entraîner de risque plus élevé de souffrir de cancer du poumon, concluent des chercheurs californiens.

Leurs conclusions se basent sur une étude épidémiologique de plus de 1 200 personnes de moins de 60 ans, dont environ la moitié souffrait d'un cancer du poumon, ou d'un cancer au cou ou à la tête. À leur grande surprise, admettent les scientifiques, les données recueillies révèlent que la consommation de cannabis n'accroît pas le risque de souffrir du cancer.

La surprise des chercheurs découle en partie du fait que la teneur en substances cancérogènes du cannabis est déjà bien documentée. Le goudron de cannabis contient, par exemple, jusqu'à 50 % plus de produits chimiques cancérogènes que le goudron de tabac.

Aussi, les fumeurs de cannabis ont tendance à inhaler plus profondément et à retenir leur souffle plus longtemps que les fumeurs de tabac, ce qui devrait, du moins en théorie, les rendre encore plus vulnérables à ses effets nocifs. En effet, selon le chercheur principal, le Dr Donald Tashkin, davantage de particules fines pénètrent alors dans les poumons.

Le Dr Donald Tashkin et son équipe de l'Université de la Californie, à Los Angeles, croient que cette absence de lien entre la consommation de cannabis et le cancer du poumon tient peut-être au THC, la substance active du cannabis. Le THC inciterait potentiellement les cellules âgées à mourir, réduisant les risques qu'elles ne deviennent cancéreuses.

Les résultats de cette étude ne sont pas encore publiés : ils ont été présentés au cours d'une conférence internationale de la Société thoracique américaine. Mais ils suscitent déjà l'intérêt des experts.

C'est une excellente chose de rétablir la vérité et de faire baisser la parano mise par le gouvernement et les médias. On peut considérer cependant qu'il est tout aussi irresponsable d'en rester là, comme si fumer du cannabis protégeait du cancer, ce qui est un peu gros tout de même, car il n'y a pas que le cancer du poumon et on sait bien que les fumeurs de joints sont sujets aux *cancers de la gorge* entre autres (Bob Marley a eu un cancer au pied!). Moins on fume mieux c'est, c'est certain ! Fumer n'est pas bon pour la santé, surtout sur le long terme.

Inutile d'aller imaginer des maladies imaginaires quand il y a des menaces bien réelles dont il faut informer les consommateurs. En dehors du cancer de la gorge il y a aussi des bronchopneumopathies chroniques et surtout l'artérite du cannabis bien connue de la médecine coloniale d'antan. On pourrait éviter une bonne part de ces risques en mangeant du chanvre plutôt que le fumer, mais, d'une part ce n'est pas tout-à-fait équivalent et, là encore, il ne faut pas se faire trop d'illusions, on ne peut éviter des effets indésirables, à la longue, sur la fragilisation de l'humeur.

En effet, le rôle des récepteurs au cannabis dans le cerveau est de réduire les signaux répétitifs, ce sont des limiteurs de *stress* si l'on veut, d'où l'effet relaxant d'un joint. Seulement cela veut dire aussi qu'on perturbe cette régulation et qu'on répondra moins bien à un stress ensuite. C'est le mécanisme de la dépendance, c'est-à-dire de l'habituation, de l'adaptation des régulations internes à l'apport externe, tout comme on a du mal à s'habituer à l'air raréfié des hautes montagnes (c'est le mécanisme de base de l'homéostasie, de la régulation biologique). Ce n'est pas une dépendance aussi impérative que les autres drogues, mais elle est indéniable. Il faut un effort, qu'on peut trouver parfois surhumain pour s'en dégager, même si la plupart du temps, on peut s'en passer sans problème. La perturbation de l'humeur finit malgré tout par être importante au fil des années, affaiblissant nos résistances (colères, dépressions suicidaires, angoisses ou simple fragilité affective). Cette perturbation de l'humeur peut de plus être amplifiée par des déséquilibres métaboliques comme des candidoses chroniques que le cannabis pourrait favoriser.

Parmi les autres dangers du cannabis, il est aussi certain qu'on peut compter les *accidents* de la route quoiqu'en disent les fumeurs et même si, cette fois, c'est par rapport à l'alcool qu'il apparaît beaucoup moins dangereux. Il y a moins de morts mais à l'évidence il faudrait éviter de rouler bourré ! Un des plus grands dangers, c'est de rester fasciné par un panneau ou un détail du paysage. L'instant d'inattention peut être fatal, heureusement pas tout le temps ! Sur le rôle de déclencheur de psychoses qu'on attribut aux premiers joints, je serais plus circonspect car on ne peut nier le phénomène malgré sa rareté, mais il semble difficile d'y voir autre chose qu'un événement déclenchant qui n'est pas déterminant en soi.

Pour beaucoup (pour tous les ivrognes qui ne fument pas de cannabis en général), la messe est dite, c'est une substance nuisible ! Pas de chez nous en plus ! C'est pourtant une bêtise et pas seulement parce que nos colonies ont fini par nous rattrapper, mais parce que cela reste la moins mauvaise des drogues et qu'elle n'est pas dépourvue de *vertus*.

Elle fait même partie des quelques rares "panacées" (avec la sauge et le ginseng) qui soulagent de tous les maux ou presque (réellement même s'il ne faut pas en attendre des miracles). Pour toutes sortes de malaises c'est un des meilleurs remèdes (mal au coeur, nervosité, certaines douleurs, insomnie, tristesse, ennuie). C'est aussi un excellent aphrodisiaque. On lui trouve de multiples applications médicales (sclérose en plaque, cancer du cerveau, glaucome, pertes d'appétit, etc.) même si les premiers médicaments dérivés ne sont pas encore très concluants.

On peut penser que ce n'est pas juste qu'un bon produit puisse aussi nous faire du mal et entraîner (une minorité) dans la toxicomanie, mais c'est le cas pour tout remède (/pharmacos/ en grec) qui peut être aussi poison, tout dépend de la dose ! Ce n'est pas d'ailleurs le problème des drogues seulement, c'est le problème de la vie elle-même et de tout ce qu'on aime un peu trop, que ce soit la nourriture (le chocolat pour certains), la télévision, le jeux, le sexe, l'amour, le travail même...

Beaucoup ne voyant que le mal voudraient interdire toutes les drogues.

Ce n'est pas très nouveau (depuis Zarathoustra!) et l'on a gardé le souvenir de la *prohibition* américaine assez pour savoir que c'est pire encore, que cela nourrit le crime et produit plus d'alcooliques, avec des risques aggravés et une corruption généralisée. La tragédie d'Euripide "Le Bacchantes" racontait déjà la punition de celui qui avait voulu interdire le délire sacré. Héraclite y voyait notre part d'ombre et Platon, qui commence son dernier dialogue (/Les Lois/) par une défense de l'ivresse, en fait l'indispensable apprentissage de la maîtrise de soi et le miroir de l'âme (/in vino veritas/).

Les drogues n'ont pas que des mauvais côtés, elles remplissent même des fonction essentielles, au point qu'il n'y a pas de société humaine sans drogues. Il paraît même que notre sensibilité aux drogues fait partie des rares différences génétiques que nous avons avec les chimpanzés.

C'est un fait qu'il n'y a pas de fêtes sans drogues et sans bonnes cuites. On y recourt souvent dans les guerres, dans le travail (du moins dans le travail de force à coup de gros rouge), etc. Les psychostimulants agissent comme des *neurotransmetteurs sociaux* égalisant l'humeur d'une compagnie devenue plus sociable. Le caractère décisif pour notre évolution n'est peut-être pas là pourtant mais plutôt dans son usage "psychédélique" de libération de l'imaginaire, dans le chamanisme, les rituels, la divination mais surtout dans l'innovation sans doute. Le détachement du contexte est essentiel, le "dérèglement de tous les sens", la modification de la perception qui permet de percevoir le système de perception lui-même, de l'éprouver (/Are you experienced ?/). Impossible d'en lister tous les usages intriqués à chaque moment crucial de notre vie (dans le mariage par exemple où l'ivresse vise à faire obstacle à sa consommation!). Il serait bien fou de prétendre tirer un trait sur tout cela, mais le coût n'en est pas négligeable pour autant.

La question des drogues, et du cannabis en particulier, n'est pas une question folklorique qu'il faudrait prendre à la légère ou bien en faire un simple enjeu électoral alors que cela devrait être une question de *santé* publique et de pacification sociale (le trafic illégal nourrit la violence). C'est une question qui met en jeu notre être-ensemble, notre convivialité. Il faut se rendre compte de la contre-productivité des lois actuelles, faites pour ne pas être appliquées. La répression de la moins dangereuse des drogues est bien criminelle (et pousse au crime). C'est une absurdité de faire des lois inapplicables ne servant qu'à culpabiliser les citoyens et les livrer à l'arbitraire policier. Il convient d'essayer de faire, autant que possible, toute la vérité sur le sujet pour une véritable politique de réduction des risques, loin des fantasmes fascisants d'une société purifiée tout comme de l'angélisme libertaire, et que chacun puisse gérer ses dépendances en toute connaissance de cause de risques bien réels, que ce soit pour le chanvre, le tabac ou l'alcool.

Tout dépend de ce qu'on en fait. On ne peut dire que le jeu n'en vaut pas la chandelle, même à en mourir. Cela dépend au moins des circonstances et du jeu qu'il faudrait jouer pour accepter de vivre sans cela. L'idéal de la vie ne peut être de ne prendre aucun *risque*, du moins il faut les connaître et ne pas s'imaginer qu'on n'aura jamais que les bons côtés (un positif sans négatif).

Justifiant à l'avance son suicide dans son dernier téléfilm, Guy Debord, alcoolique notoire qui n'aimait pas les drogués (!) écrivait de sa douloureuse polynévrite qui le poussait à en finir : "/C'est le contraire de la maladie que l'on peut contracter par une regrettable imprudence. Il y faut au contraire la *fidèle* obstination de toute une vie/". Rien ne sert des regrets une fois la fin venue !

-- Jean Zin http://jeanzin.free.fr
Liste de diffusion ecorevo

Pour se desinscrire : mailto:ecorevo-request@ml.free.fr?subject=unsubscribe


m u l t i t u d e s - i n f o s
Liste transnationale des lecteurs de "Multitudes"
Site Web de la revue multitudes : http://multitudes.samizdat.net