La
scission de l’Association internationale des travailleurs qui
suivit le Congrès de La Haye, en septembre 1872, définit clairement
les deux politiques socialistes qui s’affrontaient en Europe et
en Amérique en cette fin du XIXe siècle.
Alors
que la branche marxiste appelait le prolétariat à se constituer
en « parti politique distinct » afin de conquérir « le pouvoir
politique »1, ses adversaires « antiautoritaires », « fédéralistes
» ou « socialistes révolutionnaires » l’exhortaient à construire
« une organisation et une fédération économique absolument libres,
fondées sur le travail et l’égalité de tous et absolument indépendantes
de tout gouvernement politique » 2. L’organisation esquissée ci-dessus
était définie, dans le même document, quelques lignes plus bas
: il s’agissait du prolétariat lui-même, structuré par ses corps
de métiers.
La
prise de conscience est le produit de la solidarité et de la lutte
Cette
orientation « organisationnelle » n’est nullement une rareté,
un point de vue marginal sous la plume des Internationaux antiautoritaires.
Elle en est, au contraire, un des aspects les plus importants
et les plus constants – bien qu’il soit ignoré par beaucoup de
commentateurs politiques 3.
Bakounine
ne pensait pas que la conscience de classe, ou la conscience socialiste
révolutionnaire, apparaissait spontanément chez la plupart des
individus ; cette conscience, selon lui, en particulier pour les
travailleurs, était le fruit de l’expérience collective et du
mûrissement de chacun au sein des « sections de métier », nous
dirions aujourd’hui des syndicats, au feu de l’action et par la
solidarité qui s’y opérait entre les membres et les autres sections
4.
Il
insiste, en outre, dans nombre de ses écrits, sur l’importance
de l’organisation ouvrière. Les ouvriers, disait-il, héritent
« seuls aujourd’hui de la grande mission de l’émancipation de
l’humanité » ; ils ont un « cohéritier […], le paysan » que les
ouvriers devront « instruire » pour qu’il ne serve plus « d’instrument
à la réaction ». Les ouvriers doivent s’organiser, dans une «
vraie solidarité fraternelle », qui devra être aussi une « organisation
pour l’action ».
«
Si la Commune de Paris se tient si vaillamment aujourd’hui, déclare-t-il
lors d’une conférence prononcée devant les ouvriers de Sonvillier,
c’est que pendant tout le siège les ouvriers se sont sérieusement
organisés [et] si les soulèvements populaires de Lyon, de Marseille
et dans les autres villes de France ont échoué, c’est parce qu’il
n’y a aucune organisation. » 5
C’est
cette combinaison de la solidarité ouvrière et de la lutte qui
réalisait dans les faits le « vrai principe et le vrai but de
l’Internationale », à savoir « la solidarité des besoins comme
base déjà existante, et l’organisation internationale de la lutte
économique du travail contre le capital », afin de conquérir «
tous les droits humains pour les travailleurs, au moyen de leur
solidarité militante à travers les différences de tous les métiers
et les frontières politiques et nationales de tous les pays »
6.
Quelle
voie devaient suivre les sections et les fédérations de l’Internationale
afin d’accroître la conscience révolutionnaire du prolétariat
et de renforcer son organisation ? Celle qu’elles avaient mise
en œuvre jusqu’à la scission de 1872, due à la volonté marxienne
d’y introduire la politique parlementaire :
«
L’organisation et la fédération des caisses de résistance et la
solidarité internationale des grèves ; en second lieu, [...] l’organisation
et par la fédération internationale des corps de métiers ; et
enfin [...] le développement spontané et direct des idées philosophiques
et sociologiques dans l’Internationale. » 7
«
Elle [l’Internationale] ferait de la statistique comparée, continue
Bakounine, étudierait les lois de la production et de la distribution,
[…] formerait des caisses de résistance, organiserait des grèves
locales, nationales et internationales, constituerait localement,
nationalement et internationalement des corps de métiers et formerait
des sociétés coopératives de crédit mutuel, de consommation et
de production… » 8
Le
rôle déterminant des grèves est tout spécialement souligné :
«
La grève, c’est le commencement de la guerre sociale du prolétariat
contre la bourgeoisie, encore dans les limites de la légalité
» ; elle électrise les masses, réveille en leur sein « le sentiment
de l’antagonisme profond entre leurs intérêts et ceux de la bourgeoisie
» ; elle contribue « immensément » à « constituer » entre les
ouvriers de tous les pays et de tous les métiers « la conscience
et le fait même de la solidarité » 9.
Enfin,
dans la lettre que Bakounine adresse, en 1873, à ses compagnons
et amis de la Fédération jurassienne pour leur annoncer qu’il
renonce à la vie publique, il rappelle encore que l’heure est
à « l’organisation des forces du prolétariat », elle n’est plus
à la confrontations des idées mais aux « faits et aux actes »
10.
Une
nouvelle orientation
Faut-il
voir dans la répression aggravée que subit à ce moment le mouvement
ouvrier socialiste – massacres de la Commune de Paris et interdiction
de l’Internationale en France, interdiction de l’Internationale
en Espagne, affrontements qui accompagnent les grèves d’Italie
– la cause principale du changement progressif d’orientation du
mouvement socialiste révolutionnaire, qu’on commençait à appeler
anarchiste, réuni dans l’Internationale d’après La Haye ? Ou bien
le rôle de plus en plus important joué par les militants de la
nouvelle génération qui monte ?
On
en perçoit une première amorce dans une lettre de Cafiero adressée
à Malatesta, publiée par le Bulletin de la Fédération jurassienne,
en date du 3 décembre 1876, qui affirmait que « la Fédération
italienne croit que le fait insurrectionnel, destiné à affirmer
par des actes les principes socialistes, est le moyen de propagande
le plus efficace ».
James
Guillaume signale ce nouveau point de vue, sans commentaires particuliers
: « Pour se faire comprendre clairement des masses populaires,
et plus particulièrement des paysans », il fallait « enseigner
le socialisme par les faits. » 11
Quels
faits ? Les militants internationaux de la première période répondait
: des grèves de toute nature, soutenues par des caisses de résistance
interprofessionnelles, locales, nationales, internationales, des
manifestations, rassemblements, meetings mais aussi un « réseau
de coopératives de consommation », des « écoles où serait dispensé
« l’enseignement intégral », la création « de bibliothèques »,
de « centres éducatifs », de « sociétés mutualistes », de « bureaux
de placement » 12.
La
Fédération italienne songeait à d’autres faits.
Le
5 avril 1877, dans la région du Bénévent, à l’est de Naples, «
une petite bande armée, conduite par Cafiero et Malatesta, débarque
à l’improviste dans un des villages, annonçant que le monde va
changer, qu’il s’agit d’abolir l’Etat et la propriété dans la
commune pour arriver ensuite à les abolir complètement. Bien accueillis
par la population, curé en tête, les Internationaux s’emparent
alors de la mairie, portent sur la place publique les archives
et les titres de propriété auxquels ils boutent le feu. 13 »
Pendant
quelque temps, la démonstration se répète dans d’autres villages
; l’accueil de la population est « favorable » mais « sans enthousiasme
».
Puis
l’armée intervient. Quelques mois plus tard, le procès de la Banda
del Matese fera grand bruit. Il n’y a pas eu, dans toute cette
équipée, de victimes humaines…
Le
9 juin 1877, le compagnon Costa – le même qui, quelques années
plus tard, sera un des créateurs du parti socialiste italien –
prononça une conférence sur « la propagande par le fait ». Quelques
semaines plus tard, le 5 août 1877,
Paul
Brousse – le futur « possibiliste » – développa, dans le Bulletin
de la Fédération jurassienne, l’idée que la « propagande par le
fait » 14 est un moyen efficace, « un puissant moyen de réveiller
la conscience populaire »15.
Très
vite, dans les réunions suivantes de l’Internationale, qui s’effrite,
le changement de stratégie s’affirme ; on parle de plus en plus
d’esprit de révolte, de sortir de la légalité, d’étudier les «
sciences techniques et chimiques » 16...
Le
contenu même de cette idée d’utiliser les faits comme leçons de
choses du socialisme changeait, de manière radicale. Comme le
dit Jean Maitron 17, « la propagande, ainsi conçue, aurait pu
se développer sur un plan tout pacifique : société d’assurance,
magasins coopératifs, ateliers communistes, etc., mais la logique
même de la lutte devait la faire envisager très rapidement sous
l’angle étroit et exclusif de la propagande violente, « putschiste
», « explosive ».
À
peine deux ans plus tard, c’est la forme la plus extrême de cette
nouvelle stratégie qui est préconisée par Kropotkine dans le Révolté
; l’action anarchiste, c’est
«
la révolte permanente par la parole, par l’écrit, par le poignard,
le fusil, la dynamite... Tout est bon pour nous qui n’est pas
la légalité » 18.
Enfin,
l’orientation nouvelle fut approuvée par l’AIT, en juillet 1881.
On a souvent dit que l’Internationale était moribonde et, certes,
elle n’avait plus le commencement d’assise de masse qu’elle fut
près d’obtenir vers 1870. Néanmoins, à ce congrès, étaient représentés
l’Allemagne, les USA, l’Angleterre, la Belgique, l’Egypte, l’Espagne,
la France, la Hollande, l’Italie, la Russie, la Serbie, la Suisse,
la Turquie, et la résolution du congrès sur l’action anarchiste
illégale et violente a pu être diffusée partout dans le monde
19.
Changement
de nature
En
moins d’une dizaine d’années, le mouvement appelé à l’origine
socialiste révolutionnaire, antiautoritaire et fédéraliste, puis
désigné sous le nom d’anarchiste, avait changé de stratégie et,
par voie de conséquence, de nature. Il était passé, dans sa majorité,
d’un mouvement ouvrier fédératif dont l’axe principal était une
sorte de présyndicalisme d’action directe à un mouvement organiquement
informel dont l’activité principale devint, pour un temps, l’action
terroriste.
Max
Nettlau, dans son Histoire de l’anarchie, résume parfaitement
le problème :
«
Ces actions n’auraient pas dû prendre aussi longtemps la place
la plus importante et presque unique parmi les activités anarchistes,
même si elles avaient été entièrement justifiées (car très souvent
elles ne furent que des réactions contre la cruauté et, comme
telles, des actes de vengeance inexorable). Mais le plus pénible
est que beaucoup crurent alors que c’était là l’unique chose qui
puisse se faire et le seul moyen de réveiller et de provoquer
une révolte sociale généralisée. Et l’opinion publique fut induite
et accoutumée à croire que c’était l’unique chose que savaient
faire les anarchistes. »
Et
ajoute-t-il :
«
Cette phase se caractérise en outre par l’afflux parmi les anarchistes
de nombreux socialistes révolutionnaires, de vieux blanquistes
français et de sociaux-démocrates allemands – qui furent attirés
par l’anarchisme surtout en tant que révolte intégrale –, lesquels,
à cause de leur rigorisme, phénomène typiquement autoritaire,
rendirent tortueuse, immobile, stationnaire et dogmatique la pensée
libertaire. » 20
On
peut émettre l’hypothèse que la revendication et l’utilisation
de la violence terroriste comme moyen révolutionnaire unique a
fait basculer une partie du mouvement libertaire dans une sorte
de dérive irrationnelle, quasi impossible, pendant plusieurs années,
à maîtriser. En outre, elles ont engendré pour toute la durée
du siècle un malentendu permanent entre ceux dont la boussole
libertaire s’appelle Bakounine, Guillaume et l’AIT, et ceux qui
adhèrent au mouvement pour la nouvelle manière de concevoir la
propagande par le fait et la « révolte intégrale ».
Il
apparaît, de plus, que ce phénomène d’emballement, si on peut
le nommer ainsi, de détournement de sens des concepts « constructifs
», ne s’est pas produit qu’une seule fois. Qu’y a-t-il de commun,
pour ne citer que cet exemple, entre la stratégie dite d’action
directe des syndicalistes révolutionnaires du commencement du
siècle – stratégie aux multiples aspects dont l’objectif était
de constituer une contre-société ouvrière combative et offensive
que Griffuelhes, Pouget et leurs camarades entendaient opposer
à la stratégie parlementaire des socialistes « bourgeois » – et
ce qu’on a connu dans les années soixante-dix sous le même nom
?
Même
Sorel
Un
penseur aussi profond que Georges Sorel lui-même s’est quelque
peu fourvoyé dans son analyse métaphysique, presque mystique,
de « la violence prolétarienne » – disons-le rapidement, car le
sujet est trop complexe pour le traiter sérieusement dans le cadre
du présent article.
«
Les anarchistes devenus syndicalistes eurent une véritable originalité
[…]. Ils apprirent surtout aux ouvriers qu’il ne fallait pas rougir
des actes violents », dit-il dans l’Introduction aux Réflexions
sur la violence. « Les nouveaux syndiqués regardèrent ces violences
comme des manifestations normales de la lutte, et il en résulta
que les tendances vers le trade-unionisme furent abandonnées.
» 21
Sorel,
nous semble-t-il, oubliait bien des choses du mouvement syndical
apportées par les anarchistes, son « ami » Pelloutier en tête
: les idées d’indépendance syndicale, d’organisation verticale
par industries et horizontale par localités, de grève générale
expropriatrice, pour ne citer que celles-là. Quant à l’hypothèse
de l’efficacité de la lutte contre le trade-unionisme par la violence,
elle ne pouvait tenir compte du fait que les grèves seront aussi
rudes avec Léon Jouhaux qu’avec Victor Griffuelhes, puisque Sorel
écrivit son étude en 1906.
Et
puis, pour les salariés, une grève doit surtout être victorieuse,
tant sur le plan moral que matériel ; ce qui est déterminant pour
gagner une grève, c’est l’arrêt de la production ou du service
rendu. L’objectif est de frapper le plus fort possible les intérêts
économiques du patron, qu’il soit privé ou d’Etat. La violence
peut accompagner les grèves, pour faire en sorte que la production
s’arrête, contre les jaunes, la police, ou contre les biens de
la direction ; elle peut être spectaculaire, elle restera un moyen
parmi d’autres, non une fin.
D’ailleurs,
lorsqu’ils parlaient de leur grèves, les syndicalistes révolutionnaires
de la CGT – à la différence du ceux du Mouvement socialiste –
citaient essentiellement les augmentations de salaire, les réductions
de la journée de travail, l’accroissement des effectifs syndiqués...
La
mystique irraisonnée de la violence a beaucoup gêné le développement
de notre mouvement libertaire, tout au long de son histoire.
Aujourd’hui
que les organisations syndicalistes révolutionnaires et libertaires
se renforcent partout en Europe, il apparaît nécessaire de ne
pas oublier que cette mystique peut encore nous faire trébucher.
Notes
1.
J. Guillaume : l’Internationale, documents et souvenirs, tome
II, p. 340.
2.
J. Guillaume, op. cit., tome III, p. 8.
3.
Un exemple illustrera tout à fait la façon dont ces commentateurs
tronquent ou déforment la pensée du révolutionnaire russe, en
répétant des affirmations qui sont présentes, il est vrai, mais
très minoritaires, dans son œuvre. Broué et Témime, dans leur
ouvrage, la Révolution et la Guerre d’Espagne, pp. 41-42, affirment
que, selon Bakounine, « seul le déchaînement spontané des forces
des opprimées pouvait renverser le capitalisme, l’action énergique
d’une minorité organisée n’intervenant que pour coordonner les
initiatives des masses […]. À l’action politique des partis, séduisante
dans les pays avancés (sic), Bakounine et ses amis opposaient
l’action insurrectionnelle… ». Qu’une telle idéologie ait perduré
en Espagne s’expliquerait, continuent nos auteurs, parce que le
pays était essentiellement « agricole ». Lesdits auteurs oublient
toute la partie de l’œuvre de Bakounine où celui-ci expose longuement
la nécessité d’une organisation ouvrière « sérieuse » et d’un
long travail de préparation ; s’agissant de l’objet même du livre
– la situation révolutionnaire entre 1936 et 1939 –, ils négligent
le fait, pourtant capital, que la CNT d’Espagne, si elle était
très implantée parmi les paysans sans terre de l’Andalousie, était
hégémonique dans la classe ouvrière du nord-est de la péninsule
Ibérique, dans l’industrielle Catalogne et dans le Levant, pays
de culture intensive et de ports importants. Et que la Confédération
influençait plus d’un million de salariés en 1936, très au-delà
des ses 600 000 ou 650 000 affiliés recensés, sur un total de
23 millions cinq cent mille habitants et une population active
d’un peu plus de 8 millions de personnes. Par quelle opération
magique, la simple spontanéité aurait-elle pu obtenir de telles
résultats organisationnels ?
4.
« Pour toucher le cœur et conquérir la confiance, l’assentiment,
l’adhésion, le concours du prolétaire, il faut commencer par lui
parler, non des maux généraux du prolétariat international tout
entier, ni des causes qui lui donnent naissance, mais de ses maux
particuliers, quotidiens, tout privés. il faut lui parler de son
propre métier et des conditions de son travail précisément dans
la localité qu’il habite, de la dureté et de la trop grande longueur
de son travail quotidien.
«
En lui proposant des moyens pour combattre ses maux et améliorer
sa condition, il ne faut point lui parler d’abord de ces moyens
généraux et révolutionnaires qui constituent maintenant le programme
de l’AIT ; il ne comprendrait probablement rien à tous ces moyens
[…]. Non, il ne faut lui proposer d’abord que des moyens tels
que son bon sens naturel et son expérience quotidienne ne puissent
en méconnaître l’utilité, ni les repousser.
« Une fois entré dans la section [la section
de métier, nous dirions le syndicat], l’ouvrier néophyte y apprend
beaucoup de choses. On lui explique que la même solidarité qui
existe entre tous les membres de la même section est également
établie entre toutes les différentes sections ; que l’organisation
de cette solidarité plus large est devenue nécessaire parce que
les patrons de tous les métiers s’entendent entre eux […]. En
un mot, la seule solidarité qu’on lui offre comme un bénéfice
et qu’on lui impose en même temps comme un devoir, c’est, dans
la plus large extension de ce mot, la solidarité économique. Mais
cette solidarité sérieusement acceptée et bien établie, elle produit
tout le reste – tous les principes les plus sublimes et les plus
subversifs de l’Internationale n’étant rien que les développements
naturels, nécessaires de cette solidarité économique. « Ces principes
se démontrent aux ouvriers non pas par des raisonnements théoriques,
mais par l’expérience vivante et tragique d’une lutte qui devient
chaque jour plus large, plus profonde, plus terrible : de sorte
que l’ouvrier le moins instruit, le moins préparé, le plus doux,
entraîné toujours plus avant par les conséquences mêmes de cette
lutte, finit par se reconnaître révolutionnaire, anarchiste et
athée, sans savoir souvent lui-même comment il l’est devenu. »
Protestation de l’Alliance, cité par Muñoz, la Liberté, Pauvert
éditeur.
5.
M. Bakounine : De la guerre à la Commune, textes réunis par Fernand
Rude, éditions Anthropos, p. 403.
6.
Ibidem.
7.
Ecrits contre Marx, fragment formant une suite à l’Empire knouto-germanique...,
œuvres complètes, volume III, p. 189. Les parties soulignées le
sont par Bakounine. Le troisième principe de l’Internationale,
tel que l’énonce Bakounine, répond, de son point de vue, au problème
de l’unité — unité qui vient d’être rompue, rappelle-t-il, parce
qu’une école politique a voulu imposer au prolétariat, par des
manœuvres diverses, son programme. C’est « la liberté » qui doit
résoudre, soutient-il, la contradiction entre le risque de scission
suivie d’affaiblissement qui menace l’Internationale si elle incorpore
les questions philosophiques et politiques dans ses statuts et
l’absolue nécessité que ces questions soient discutées et confrontées
sans cesse au réel. S’il n’y a pas de « vérité officielle » comme
« vérité obligatoire » dans le programme de l’Internationale,
continue Bakounine ; si personne n’a la « prétention de donner
la vérité, on la cherche. Qui la cherche ? Tout le monde, et surtout
le prolétariat qui en a soif et besoin plus que tous les autres
». Voilà une affirmation bakouninienne bien oubliée aujourd’hui,
y compris dans les groupes libertaires…
8. Ibidem, p. 186.
9. Ibidem, p. 188.
10.
J. Maitron : Histoire du mouvement anarchiste en France, éditions
Sudel, p. 75.
11.
J. Guillaume : op. cit., tome IV, p. 116.
12.
C. M. Lorenzo : les Anarchistes espagnols et le pouvoir, le Seuil,
p. 19, qui cite des résolutions de la Fédération espagnole, notamment
en son Congrès de Cordoue, en 1873.
13.
M. Enckell : la Fédération jurassienne, Canevas éditeur, pp. 186-187.
14.
J. Guillaume, op. cit., signale en note que « c’est la première
fois que cette expression, toute nouvelle, apparaît dans un journal
».
15.
J. Maitron : op. cit., p. 75.
16.
La dynamite a été inventée seulement une dizaine d’années plus
tôt, en 1867, par l’ingénieur suédois Nobel. Voir Daniel Colson
: « La science anarchiste », dans Réfractions, n° 1, hiver 1997,
pp. 89-118.
17.
p. 75.
18.
Ibidem, p. 77.
19.
Dans son ouvrage bien connu, les Anarchistes espagnols et le pouvoir,
op. cit., C. M. Lorenzo, fils d’Horacio Prieto qui fut secrétaire
de la CNT durant la Révolution espagnole, décrit cette évolution
de la manière suivante : en 1881, lors du retour à la légalité
de la Fédération espagnole, un conflit très grave opposa « les
vieux militants de formation bakouninienne » et les « nouveaux
venus séduits par le communisme anarchiste de Kropotkine et Malatesta
». « Les premiers préconisaient le syndicalisme, l’action de masse,
la grève générale et un certain centralisme pour aboutir à une
société socialiste où seuls les moyens de production seraient
collectivisés et où chaque travailleur serait rétribué « selon
ses œuvres ». Les seconds repoussaient toute organisation sous
prétexte de combattre les moindres germes de bureaucratie, de
temporisation avec le capital et de réformisme soporifique ; ils
vantaient le mérite des groupes autonomes, de l’initiative révolutionnaire
individuelle et du terrorisme pour atteindre sans transition une
société communiste intégrale où n’existerait plus la propriété
privée des biens de consommation, où chacun produirait selon ses
forces et consommerait selon ses besoins (suppression de la monnaie,
« prise au tas », travail libre dans la joie) », p. 31.
20.
Max Nettlau, Histoire de l’anarchie, Editions de la Tête de feuilles,
p. 149.
21.
G. Sorel : Réflexions sur la violence, Marcel-Rivière éditeur,
p. 56 de l’introduction ajoutée à la troisième édition de 1907.