"Nouveau millénaire, Défis libertaires"
Licence
"GNU / FDL"
attribution
pas de modification
pas d'usage commercial
Copyleft 2001 /2014

Moteur de recherche
interne avec Google
Une foi aveugle dans le progrès scientifique
Quand l’optimisme n’a rien d’une valeur positive
Par Jacques Testart

Origine : http://www.monde-diplomatique.fr/2005/12/TESTART/13039?var_recherche=nanotechnologies

M. José Bové a été condamné, le 15 novembre, à quatre mois de prison ferme pour avoir fauché des plants de maïs transgénique. les « faucheurs » n’expriment-ils pas un doute raisonnable face à une activité aux conséquences mal évaluées ? Une sorte de « foi » dans le progrès scientifique empêche tout débat public sur les orientations de la recherche. Bataille de la raison contre le dogmatisme...

En refusant des avancées de l’esprit qui venaient contredire les dogmes qu’elles avaient établis, les religions ont largement marqué l’histoire des sciences. S’il s’agit essentiellement de la religion catholique, n’est-ce pas seulement parce que celle-ci était triomphante au moment de l’irruption de la science moderne ? Quel autre pouvoir que la sainte Inquisition aurait eu les moyens de bâillonner Galilée et de brûler Giordano Bruno (1) ? Fort heureusement, le développement scientifique s’est accompagné de celui de la démocratie dans les pays industrialisés, et Charles Darwin fut épargné.

Toutefois, si les religions n’ont plus le pouvoir d’éliminer les savants impies et les théories sacrilèges, elles se réfugient souvent dans l’interdit imposé à leurs ouailles ou même à des populations entières. Ainsi, dans de nombreux Etats des Etats-Unis, l’Eglise réformée exige-t-elle encore que l’enseignement de la théorie de l’évolution ne soit pas privilégié par rapport au récit biblique. Ainsi l’enseignement de la physique est-il amputé de la théorie du Big bang dans nombre de pays où la religion musulmane est officielle. Ainsi l’Eglise catholique continue-t-elle de s’opposer partout à la contraception ou à la procréation assistée. Et on ne saurait négliger le fait que l’islam ou le judaïsme persistent à proclamer des normes obligatoires, en particulier alimentaires, dont les fondements n’ont aucune justification rationnelle.

Mais l’histoire du lyssenkisme et de la pseudo-hérédité des caractères acquis, en URSS (2), montre que les religions ne sont pas les seuls pouvoirs qui revendiquent le contrôle de la science et de ses productions. En fait, toute puissance instituée cherche soit à nier soit à instrumentaliser la science, tant celle-ci influence la vie spirituelle et matérielle des citoyens. Il en va du « socialisme scientifique » comme des « commissions scientifiques » dont s’affublent la plupart des partis politiques.

Les pouvoirs politiques européens ont choisi de reconnaître dans la science la source privilégiée des vérités et des richesses. Mais il n’en découle pas automatiquement que la science soit devenue neutre et universelle. En témoigne la rigidité dont les notables de l’institution scientifique ont fait preuve, ces dernières années, à l’égard des rares propositions révolutionnaires émanant de chercheurs. Comme, par exemple, pour la théorie non démontrée à ce jour de Jacques Benveniste sur la « mémoire de l’eau (3) » ou pour celle, depuis couronnée d’un prix Nobel, de Stanley B. Prusiner sur les prions.

N’est-ce pas le fait d’une idéologie, voire d’une idéologie religieuse, que d’institutionnaliser les vérités du moment comme immuables, de les faire défendre par des prêtres intouchables, gardiens du grand livre de la science, et de refouler violemment toute idée nouvelle si elle oblige à corriger les dogmes que constituent les anciens paradigmes ? L’économiste Serge Latouche montre que le progrès est une représentation « auto-évidente » et qu’alors « son émergence ne peut être racontée que sur le mode du triomphe d’une vérité lumineuse éternelle, déjà là mais cachée et bloquée par les ténèbres (4) ».

Il reste que l’état de la science à chaque moment demeure insuffisant pour expliquer des situations complexes et envisager leur dénouement. L’incertitude des prévisions paraît manifeste puisque les conclusions des experts sont qualifiées d’« optimistes » ou « pessimistes » plutôt que de « vraies » ou « fausses ». Le retour du subjectif vient ainsi clore l’objectivité proclamée de la méthode scientifique. Les optimistes ont pour eux un argument imparable : le pire n’est pas démontré tant qu’il n’est pas arrivé.

Mais l’option « optimiste » ne devrait pas autoriser, par exemple, à nier l’effet qu’ont les activités humaines sur les changements climatiques, tout au plus à espérer que la température moyenne augmentera de deux degrés plutôt que de cinq ou six au cours de ce siècle, une situation qui obligerait cependant aux mêmes mesures de précaution que l’option pessimiste. De même pour la dissémination des transgènes dans la nature ou la pollution radioactive à partir de l’industrie nucléaire : ce ne sont pas ces phénomènes, raisonnablement inéluctables, qui devraient faire débat, mais seulement le temps nécessaire pour qu’ils deviennent insupportables. Alors, ce que dissimule finalement la discrimination entre optimisme et pessimisme, c’est la foi. La foi qui laisse croire aux optimistes que le pire ne peut pas arriver, parce qu’on trouvera une parade encore inimaginable.

Ici, le scientifique, soumis au catéchisme de la technoscience (voir « Cerveau, mensonge et antiterrorisme »), choisit souvent la prophétie contre la rigueur. La plus haute instance française en la matière, l’Académie des sciences, s’est trompée par optimisme sur tous les risques d’atteinte à la santé depuis vingt ans : sur l’amiante, la dioxine, la vache folle, sans parler des plantes génétiquement modifiées (PGM). Chaque fois, l’Académie a vanté l’innovation et condamné l’obscurantisme en proclamant qu’on ne peut pas arrêter le « progrès de la science ».

Or le progrès de la science n’est pas nécessairement celui de l’humain, sauf à accepter que notre destin soit régulé par les intérêts de l’industrie et de la Bourse. A l’issue du scandaleux rapport sur les PGM (5), un débat parlementaire sur les éventuels conflits d’intérêts à l’Académie a été demandé sans succès par l’association Attac, mais les incantations des académiciens contre l’« obscurantisme » (même en l’absence de véritables arguments scientifiques) montrent qu’il s’agit aussi de conflits idéologiques. Est-ce la mise en marché de la science qui a provoqué son dogmatisme missionnaire, ou l’inverse ? Quand la technoscience devient en toute impunité la source d’artifices potentiellement dangereux, son pouvoir-faire révèle et consolide la dimension idéologique de l’activité scientifique, la croyance est alors érigée en connaissance exacte et approfondie. Il n’est donc pas exagéré de considérer que certains aspects de la science relèvent d’une attitude religieuse, ce qui s’accorde mal avec la rationalité qu’elle revendique (6).

Selon le credo de la science officielle, qu’on peut qualifier de magique voire de mystique, tout sera expliqué tôt ou tard, et cette explication couvrira la réalité entière, les zones d’ombre et les contradictions étant toutes surmontables. De ce point de vue, on notera la place privilégiée qu’occupent les scientifiques croyant en Dieu dans la croyance à la science toute-puissante. Ceux-là sont parmi les plus dévots au scientisme, comme pour se faire pardonner leur intimité avec l’irrationnel. Ou alors est-ce leur mentalité inamovible de croyant qui les pousse à adorer le religieux qu’ils devinent en la science s’ils l’estiment toute-puissante ?

« On ne peut pas arrêter le progrès ! »

Le scientisme peut même venir au secours de la religion, comme quand le futur pape Benoît XVI déclarait, en 2000, pour « scientifier » sa conception de l’homme : « Selon mes connaissances en biologie, un être porte en lui, dès le début, le programme complet de l’être humain, qui ensuite se développe (7) ... » En considérant le génome comme programme plutôt que comme information, le cardinal Ratzinger avalise la science génétique la plus orthodoxe, sans s’inquiéter de la place de la liberté... ou de l’âme.

Tandis que « la maison brûle (8) », on peut continuer à aggraver les choses tout en stigmatisant les « obscurantistes », ceux qui au nom d’un principe de précaution « frileux » souhaitent maîtriser les développements de la technoscience. Pourtant, cette maîtrise politique d’une prétendue maîtrise technique se trouve justifiée par le fait que, comme le dit Paul Virilio, la technoscience est un détournement majeur du savoir. Dans le monde de plus en plus incertain que nous construisons, l’optimisme ne devrait pas être considéré comme une valeur positive, seulement comme un relent puéril de la croyance permettant de justifier la politique de l’autruche pour masquer une attitude suicidaire.

Chaque fois que l’on fait observer les risques induits par la technoscience, une affirmation clôt toute velléité d’intelligence : « On n’a pas le choix... » Elle laisse supposer que l’humanité ne serait pas libre de son destin. Quand, au nom des « intérêts propres de la science », les plus hauts responsables de la recherche se déclarent hostiles au principe de précaution, ils laissent croire à des activités humaines dont l’intérêt serait supérieur à celui des humains eux-mêmes. A ceux qui imaginent que le réacteur nucléaire ITER ou les PGM démontrent que l’époque est à la « maîtrise », on peut opposer que de tels artifices, dont les promesses sont toujours à venir, s’inscrivent au contraire dans la vieille utopie (9).

Et c’est certainement la mystique du progrès et la croyance en une « providence laïque » qui permettent à ceux qui y ont intérêt de s’entêter avec bonne conscience, et aux autres de ne pas réellement leur résister. Une telle disposition à la croyance ne vaut plus guère que pour la science, tragique négation du triomphe annoncé de la rigueur grâce à la connaissance scientifique !

A côté du souci criminel de soutenir la compétitivité (des entreprises, des laboratoires, de la région, de l’Etat...), en courant plus vite que le voisin vers le précipice commun, une raison moins triviale mais tout aussi misérable explique la passivité des populations : l’humanité ne peut pas perdre là où elle affirme le progrès technologique. Il s’agit d’une conception magique de l’évolution, laissant croire que, parmi les espèces animales, la nôtre serait la seule capable de changer le monde (ce qui est un fait réel), mais aussi de maîtriser les changements qu’elle y induit (ce qui reste à démontrer).

L’homme est-il capable de résoudre tous les problèmes qu’il se pose ? Est-il à la hauteur de ses ambitions de maîtrise ? Répondre affirmativement, c’est reconnaître une volonté créatrice supra-humaine, hypothèse qui, d’ordinaire, heurte les scientifiques. Répondre par la négative, ou au moins par le doute, c’est se donner des chances d’agir avec précaution, par humilité.

C’est peut-être dans le domaine de la génétique que cette croyance est particulièrement manifeste. Selon deux sociologues américaines, « tout comme la notion d’âme au sein du christianisme a fourni le concept archétypal permettant de comprendre la personne et la persistance du moi, l’ADN a pris, dans la culture de masse, l’apparence d’une entité semblable à l’âme, ou bien d’un objet d’adoration, saint et immortel, ou encore d’un domaine interdit (10) ».

Ainsi, le Téléthon peut recueillir en un jour 100 millions d’euros (équivalant au budget annuel de fonctionnement de la recherche médicale française) en laissant croire que la guérison des myopathies n’est qu’une question de moyens financiers. Quant aux cultures de PGM, qui présentent des risques encore mal analysés pour l’environnement, pour la santé publique ou pour l’économie, et n’apportent à ce jour aucun avantage pour les consommateurs, elles sont imposées aux sociétés humaines sous prétexte que leurs avantages arriveront, inéluctablement.

Ce pari que « ça va marcher » relève d’une attitude dont la conclusion, forcément optimiste, précède la démonstration, c’est-à-dire d’une attitude non scientifique. En 2000, le premier ministre socialiste Lionel Jospin déclarait, à propos des cellules souches embryonnaires : « Grâce aux cellules de l’espérance (...) les enfants immobiles pourront enfin se déplacer, des hommes et des femmes brisés pourront enfin se redresser (11)... » Et, pourquoi pas, multiplier les pains ? La croyance en de tels miracles justifierait même qu’on fasse l’impasse sur la démonstration préalable de faisabilité et d’innocuité grâce à l’expérience animale. On pourrait montrer que les développements de l’industrie nucléaire ou des nanotechnologies, par exemple, échappent eux aussi à la rigueur scientifique comme à la démocratisation des choix de société.

Comment justifier qu’en bioéthique il n’existe pas de « principes » (ou même de simples repères dans les rêves ou les valeurs), contrairement à ce qui est arrivé pour les droits humains, par exemple ? Pourquoi un interdit définitif sur l’esclavage et seulement des mesures provisoires (ou rien du tout) contre l’artificialisation de l’humain, ou contre l’eugénisme consensuel ? S’il est admis que toute règle bioéthique sera révisée par le savoir-faire technique, l’éthique n’est plus qu’une morale du destin. Parce qu’elle chante le credo de progrès miraculeux et illimités, l’éthique utilitariste finit toujours par vaincre les réticences.

Certitudes et contrevérités

Michel Onfray, philosophe auto-institué porte-parole de l’athéisme, entend soutenir « tout ce qui, de près ou de loin, contribue à la mise au point des techniques indispensables à l’activation de la médecine postmoderne : ectogenèse, clonage, sélection du sexe, transgénie (12) ». Il s’oppose ainsi à l’« option technophobe » en arguant que « la science en tant que telle est neutre ». Pour parvenir à cette certitude, il lui faut cependant affirmer des contrevérités (« l’énergie nucléaire n’a jamais causé aucun mort... », hormis à Hiroshima et lors d’autres bourdes qu’on ne pourrait attribuer qu’au « délire militaire ») et faire prendre des vessies pour des lanternes, comme dans la succession des deux propositions suivantes où l’hypothèse devient certitude : « La révolution transgénique permet d’envisager des nouvelles façons de soigner : elles éviteront, grâce aux médecines prédictives, le déclenchement des maladies... »

La fascination technophile peut fournir des substituts faciles aux mythes qu’on croit combattre. Alors, et de plus en plus, une bioéthique d’inspiration scientiste court-circuite l’étape de l’élaboration de principes, parce qu’ils risqueraient de figer une situation contraire à la dynamique compétitive. Alors la bioéthique devient soluble dans le temps comme elle l’est déjà dans l’espace (d’où le « tourisme médical ») et dans la casuistique (on cède progressivement, depuis une concession motivée jusqu’à la généralisation d’une pratique). C’est la croyance qu’un monde forcément meilleur va advenir grâce à la science qui empêche de s’interroger pour définir cet humanisme laïque qui manque à la bioéthique. Dire que « la science va plus vite que l’éthique », c’est signifier en réalité que la techno-science devance et domine les choix de société.

La science n’est pas cette construction seulement rationnelle qu’on a idéalisée, imagerie qui l’abrite des incursions de la critique. Outil forgé par l’homme, la technoscience témoigne de son savoir-faire et de ses carences, et elle n’œuvre à la libération de l’espèce que si on sait contenir sa démesure. Lors des Assises nationales de la recherche de janvier 1982, le ministre de la recherche, M. Jean-Pierre Chevènement, proposa de « faire reculer certains préjugés contre la science et la technologie, tenir en lisière les mouvements antiscience »... Et il englobait sous ce dernier terme aussi bien les cartomanciennes que les écologistes. Or, vingt ans plus tard, les préoccupations écologistes se trouvent validées et font l’objet de rapports alarmants de la part de la science officielle. Pourtant, le scientisme résiste : lors du Sommet de Rio (1992) sur le « développement durable », des scientifiques éminents, dont de nombreux prix Nobel, ont lancé l’appel de Heidelberg contre « l’émergence d’une idéologie irrationnelle qui s’oppose au progrès scientifique et industriel et nuit au développement économique et social »...

L’intérêt des industriels et de nombreux chercheurs est de mettre au point et diffuser des innovations susceptibles d’occuper des parts de marché. Cette motivation compétitive explique largement la mutation de la science en technoscience. Mais on aurait pu s’attendre à une résistance des citoyens quand la science, force d’émancipation, dérive ainsi vers la production d’artifices dont beaucoup posent des problèmes plus importants que ceux qu’ils résolvent.

Comme l’a montré l’historien et sociologue Jacques Ellul, « les lois de la science et de la technique sont placées au-dessus de celles de l’Etat, le peuple et ses représentants étant alors largement dépossédés de leur pouvoir (13) ». En fait, le scientisme n’est pas l’apanage des scientifiques ; c’est une idéologie largement partagée dans la société, surtout depuis que le besoin de croyance manque de propositions crédibles dans les champs de la religion ou de la politique. La promesse mystique du paradis et celle militante des lendemains qui chantent se sont essoufflées tandis qu’avançait le Progrès dans la soutane neuve de la rationalité.

N’ayant pas d’autres saints à qui se vouer, les citoyens modernes se sont mis en attente des productions de la techno-science, sans même imaginer qu’ils pourraient exiger de choisir ce que les chercheurs vont mettre au point en leur nom. Là est le premier pas à franchir : puisque technoscience il y a, il faut oser penser qu’on peut la mettre en démocratie, comme toute activité humaine (transparence, débat public, contre-expertise, rationalité des choix, etc.) (14). Ainsi que le dit le physicien Jean-Marc Lévy-Leblond, « si l’Eglise jadis condamna Galilée, elle n’a plus maintenant à craindre de ses successeurs qu’une certaine concurrence... Convenons qu’une nouvelle laïcisation de notre rapport au savoir devrait permettre de prendre un certain recul par rapport à tous les dogmatismes d’aujourd’hui (15) ».

La laïcité est le « principe de séparation de la société civile et de la société religieuse, l’Etat n’exerçant aucun pouvoir religieux et les Eglises aucun pouvoir politique ». (Il est savoureux de constater que le dictionnaire Robert illustre cette définition par une citation d’Ernest Renan, prêtre aspirant devenu scientiste extrême...) Si on s’accorde à identifier dans la science un « système de croyances et de pratiques, impliquant des relations avec un principe supérieur, et propre à un groupe social » (définition, dans le Robert, du mot « religion »), on comprend mieux la proposition de Lévy-Leblond pour une « laïcisation de notre rapport au savoir ».

Récemment, Bertrand Hervieu, ancien président de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), déclarait que « le processus de désacralisation, la fin des absolus transcendantaux et le chemin de la reconstruction de la science dans une société démocratique et laïque ne sont pas accomplis (16) ». Dans cette direction, on peut exiger des chercheurs une attitude plus humble et soucieuse du bien public. C’est ce que nous avions proposé avec le manifeste « Maîtriser la science » (Le Monde, 19 mars 1988), et c’est aussi le sens du « Serment des savants » proposé par Michel Serres en 1997.

En fait, là comme ailleurs, le maître mot est démocratie. Ellul évoquait le totalitarisme de la technique, qui nous fait entrer dans une logique « technophage » dont on ne peut plus sortir, et il craignait qu’une dictature mondiale ne finisse par constituer « le seul moyen pour permettre à la technique son plein essor et pour résoudre les prodigieuses difficultés qu’elle accumule ». Récemment, des pistes ont été ouvertes pour que les choix scientifiques n’échappent plus aux citoyens et pour que les développements technologiques soient conformes aux besoins exprimés par la société (17). Il reste à aider la société à rompre avec le mythe du progrès hérité des Lumières. Il l’empêche de penser que, même vis-à-vis de la science et de ses productions, les hommes pourraient être libres et égaux.

Texte extrait d’une conférence tenue lors du colloque « Laïcité » organisé par la Ligue de l’enseignement (Valence, avril 2005).

Jacques Testart.

Biologiste de la procréation, directeur de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et président d’Inf’OGM. Auteur (avec Christian Godin) de Au bazar du vivant, Seuil, coll. « Point- Virgule », Paris, 2001.