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Origine : http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/vendredis/fiche.php?diffusion_id=35594
Par François Noudelmann
Réalisation: Pierrette Perrono
France Culture Emission du 11 Novembre 2005
Depuis une vingtaine d'années, les livres de Jacques Rancière
se sont imposés comme une des réflexions majeures
de la philosophie contemporaine. Sa pensée est étudiée
à l'étranger, notamment dans les universités
américaines, et cette année un grand colloque s'est
tenu à Cerisy-la-Salle réunissant de nombreux chercheurs
autour de lui. Mais cette influence demeure malgré tout peu
médiatique car les livres de Rancière ne peuvent se
résumer à quelques concepts aisément praticables
et ils visent davantage à complexifier la donne intellectuelle,
à la "contrarier". Rancière a toujours résisté
à deux séductions intellectuelles : celle de l'élitisme
du philosophe-roi, et celle du paradigme conceptuel découvrant
les grandes raisons de l'histoire. Au lieu de dessiner des antithèses
frappantes, sa réflexion consiste beaucoup plus à
défaire les oppositions sur lesquelles la philosophie construit
ordinairement ses démonstrations : il contrarie ainsi les
distinctions entre image et récit, entre abstraction et représentation,
entre démocratie formelle et révolution totalitaire,
à chaque fois pour comprendre comment se sont formés
ces réglages et ces redistributions, en art et en politique.
Ses derniers livres reprennent la réflexion inaugurée
avec La Mésentente sur le gouvernement du peuple et montrent
combien l'idée de démocratie demeure subversive, même
aux yeux des intellectuels contemporains qui l'accusent désormais
de tous les maux. Encore faut-il l'entendre non comme un régime
formel, mais en tant que force d'excès et de dissensus :
"la démocratie est nue dans son rapport au pouvoir de
la richesse comme au pouvoir de la filiation qui vient aujourd'hui
le seconder ou le défier. Elle n'est fondée dans aucune
nature des choses et garantie par aucune forme institutionnelle.
Elle n'est portée par aucune nécessité historique
et n'en porte aucune. Elle n'est confiée qu'à la constance
de ses propres actes."
Invité Jacques Rancière
Livres
Jacques Rancière La fable cinématographique
Editions du Seuil (04/10/2001)
A travers une série d'exemples extraite de l'histoire du
cinéma (Godard, Fritz Lang), Jacques Rancière s'interroge
sur la fable cinématographique, moment particulier où
l'image échappe à la narration.
Jacques Rancière Le destin des images
La Fabrique (octobre 2003)
"Le moderne dédaigne d'imaginer" disait Mallarmé.
Poètes, peintres, dramaturges ou ingénieurs voulaient
alors mettre l'union de la forme et de l'acte à la place
de la vieille dualité de la réalité et de l'image.
La vie en eût été révolutionnée.
Nos contemporains ne croient plus en la révolution et chantent
à nouveau, fût-ce au passé, le culte de l'image
: éclair sublime sur la toile, punctum de la photographie,
plan-icône. L'image devient la présence sensible de
l'Autre : verbe devenu chair ou marque du dieu irreprésentable.
A l'une et l'autre vision Jacques Rancière oppose la nature
composée, hétérogène, de ce que nous
appelons des images. Celles-ci ne sont ni des copies ni des présences
brutes, mais des opérations singulières, redistribuant
les rapports du visible, du dicible et du pensable. A l'exemple
de la phrase-image de Godard, étudiée ici, qui superpose
un plan de film noir, une image de l'extermination des juifs, et
un discours de philosophe, ce livre analyse les liens méconnus
qui unissent symbolisme poétique et design industriel, fictions
du 19ème siècle et témoignages sur les camps
ou installations de l'art contemporain.
Un même projet anime ces parcours croisés : liberer
les images des ombres théologiques pour les rendre à
l'invention poétique et à ses enjeux politiques.
- Note de l'éditeur -
Jacques Rancière Aux bords du politique
Gallimard (Janvier 2004)
Si le politique s'est imposé comme objet philosophique de
pensée c'est sans doute que cet adjectif neutre signifiait
commodément un écart avec le substantif de la politique,
dans son sens ordinaire de lutte des partis pour le pouvoir. Parler
du politique et non de la politique, c'est indiquer que l'on parle
des principes de la loi, du pouvoir et de la communauté et
non de la cuisine gouvernementale. [...] Le politique est la rencontre
de deux processus hétérogènes. Le premier est
celui du gouvernement. Il consiste à organiser le rassemblement
des hommes en communauté et leur consentement et repose sur
la distribution hiérarchique des places et des fonctions.
Je donnerai à ce processus le nom de police. Le second est
celui de l'égalité. Il consiste dans le jeu des pratiques
guidées par la présupposition de l'égalité
de n'importe qui et par le souci de vérifier. Le nom le plus
propre à désigner ce jeu est celui d'émancipation.
Jacques Rancière Chroniques des temps consensuels
Seuil (7 octobre 2005)
Recueil de chroniques politiques écrites depuis 10 ans, à
l'invitation du journal brésilien La Folha de Sao Paulo.
Les thèmes traités ont parfois été proposés
par le journal mais le plus souvent ils relèvent du seul
choix de l'auteur parmi les sujets d'actualités : débats
nationaux et conflits mondiaux, expositions ou films nouveaux, etc.
Jacques Rancière La haine de la démocratie
La Fabrique (24 septembre 2005)
Hier encore, le discours officiel opposait les vertus de la démocratie
à l'horreur totalitaire, tandis que les révolutionnaires
récusaient ses apparences au nom d'une démocratie
réelle à venir. Ces temps sont révolus. Alors
même que certains gouvernements s'emploient à exporter
la démocratie par la force des armes, notre intelligentsia
n'en finit pas de déceler, dans tous les aspects de la vie
publique et privée, les symptômes funestes de l'«individualisme
démocratique» et les ravages de l'«égalitarisme»
détruisant les valeurs collectives, forgeant un nouveau totalitarisme
et conduisant l'humanité au suicide.
Pour comprendre cette mutation idéologique, il ne suffit
pas de l'inscrire dans le présent du gouvernement mondial
de la richesse. Il faut remonter au scandale premier que représente
le «gouvernement du peuple» et saisir les liens complexes
entre démocratie, politique, république et représentation.
À ce prix, il est possible de retrouver, derrière
les tièdes amours d'hier et les déchaînements
haineux d'aujourd'hui,la puissance subversive toujours neuve et
toujours menacée de l'idée démocratique.
- 4ème de couverture -
Jacques Rancière Les scènes du peuple (Les
révoltes logiques, 1975-1985)
Horlieu (décembre 2003)
Peuple, ouvriers, prolétaires, autant de mots qu'on souhaiterait
ne plus lire et qui se bousculent dans ces textes des Révoltes
logiques, écrits entre 1975 et 1985. À l'opposé
pourtant de toute célébration, ils entendaient brouiller
les identifications qui supportaient les certitudes militantes,
marxistes ou anti-marxistes. Tenir sur ces mots trop larges, c'était,
d'abord tenir sur leur différence à soi, sur l'espace
d'invention dissensuelle qu'offre cette différence. Faire
résonner dans les débats du présent des histoires
et figures d'un siècle passé, c'était récuser
les fausses évidences de l'histoire linéaire.
De telles exigences sont moins que jamais inactuelles. La restauration
intellectuelle des années 80 a prétendu rendre sa
dignité à la politique. En réalité elle
a fait le contraire. Elle a accompagné l'effort des gouvernements
de droite et de gauche pour faire évanouir les formes dissensuelles
du conflit politique et discréditer sous le nom de "populisme"
toute résistance à une nécessité économique
posée comme inéluctable. La republication de ces textes
voudrait contribuer à rouvrir l'espace qui rend à
la contingence des révoltes et de leurs logiques les nécessités
dont se nourrissent les dominations d'aujourd'hui comme celles d'hier.
- 4ème de couverture -
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