Origine : http://institut.fsu.fr/nvxregards/28/28_ranciere.htm
Cet entretien a paru initialement dans la revue Nouveaux Regards, n°28, janvier-mars 2005.
http://institut.fsu.fr/IMG/pdf/EntretienJRanciere.pdf
A l'occasion de la réédition en livre de poche du Maître
ignorant, ouvrage qui brise la distinction habituelle entre le livre
d’histoire et l’ouvrage de théorie ou le livre
de fiction, nous avons demandé à Jacques Rancière
de nous présenter ce personnage méconnu qu'est Joseph
Jacotot (1770-1840).
Nouveaux Regards : Comment avez-vous rencontré Jacotot
? Quelles réactions a suscité la parution de l’ouvrage
en 1987 ?
Jacques Rancière : Dans les années 1970, je travaillais
sur l’émancipation ouvrière au XIXe siècle.
Le nom de Jacotot apparaissait dans les textes que j’étudiais.
Des ouvriers envoyaient leurs enfants chez Jacotot, certains d’entre
eux devenaient eux-mêmes des professeurs jacotistes improvisés.
Ma réflexion s’est alors orientée sur le lien
entre l’idée d’émancipation ouvrière
et l’émancipation intellectuelle dont il était
l’apôtre. Ses textes n’avaient pas été
réédités depuis les années 1840. Il
me fallait faire passer dans notre présent l’actualité
intempestive qu’il avait eu dans un contexte intellectuel
et politique très éloigné. J’ai donc
écrit comme un disciple intemporel de Jacotot qui aurait
fait le chemin des années 1830 aux années 1980.
A sa sortie, Le Maître ignorant a été lu mais
pas forcément par des enseignants s’intéressant
à la question de la pédagogie. A l’époque
le discours était polarisé entre d’un côté
Bourdieu, la sociologie de l’éducation, la transformation
de l’école à partir des conditions sociales,
et de l’autre côté Milner, l’enseignement
républicain et l’égalité par la diffusion
des savoirs. Le livre a été écrit pour sortir
de cette configuration ; c’est ce qui précisément
a fait qu’il n’a pas été reçu par
ce public. Les lecteurs semblent avoir été avant tout
des personnes tourmentées par la question de l’égalité
intellectuelle. Il n’a pas généré véritablement
de débats, mais plutôt des réflexions dans des
lieux extrêmement différents, notamment chez les artistes.
Mais la traduction portugaise est malgré tout arrivée
dans les mains d’éducateurs dans les favelas du Brésil.
Le style de Jacotot - et peut-être le mien - expliquent aussi
cette réception : c’est un ouvrage qui s’adresse
à des individus, non aux acteurs institutionnalisés
d’un « débat de société ».
NR : En quoi consiste l’expérience de Jacotot
?
JR : Jacotot est en 1818 un professeur français émigré
aux Pays-Bas. Ses étudiants hollandais veulent apprendre
le français, mais lui ne connaît pas le hollandais.
Il ne dispose que d'une version bilingue du Télémaque
de Fénelon et se résout à leur demander d'apprendre
le français en s'aidant de la traduction. Au bout d'un certain
temps, il leur demande de raconter en français ce qu'ils
pensent de ce qu'ils ont lu. Il s'attend à une catastrophe.
Or, il est très surpris par la qualité de leurs travaux
et tire de l’expérience deux leçons essentielles.
La première est celle de la dissociation entre la volonté
du maître et l’exercice de l’intelligence de l’élève.
Si ces étudiants hollandais ont compris le fonctionnement
des phrases françaises uniquement en lisant des phrases françaises,
cela signifie qu'ils n'ont pas eu besoin des explications du maître
pour comprendre quelque chose. L’égalité des
intelligences veut d’abord dire ceci : il y a une autonomie
absolument irréductible du travail d’une intelligence
que l’on peut mettre en évidence par cette expérience
de hasard qui a séparé complètement l’exercice
du maître de l’exercice de l’élève.
L’idéologie pédagogique normale est de croire
que l’élève apprend ce que le maître lui
enseigne. L’expérience de Jacotot permet, elle, de
penser que le processus d’apprentissage n’est pas un
processus de remplacement de l’ignorance de l’élève
par le savoir du maître, mais de développement du savoir
de l’élève lui-même. Il y a d’abord
un travail autonome de l’intelligence, et ce travail va de
savoir à savoir et non d’ignorance à savoir.
L’égalité des intelligences qu’il professera
à partir de là veut d’abord dire ceci : pour
que l’apprentissage soit possible, il faut que l’intelligence
employée par l’élève soit la même
que celle du maître, la même que celle de Fénelon,
du traducteur, du typographe, etc.
La deuxième leçon est que l’on peut partir
de n’importe où. La règle pédagogique
normale veut que l’on parte du « commencement ».
Elle suppose qu’il y a deux sortes d’intelligence :
celle des ignorants, qui va au hasard, par rapprochement et chance,
et celle du maître et des savants qui procède méthodiquement,
du plus simple au plus complexe. Cela suppose l’écart
d’un langage à un métalangage : il faut traduire
les mots de l’écrivain dans un autre langage pour que
l’élève arrive à les maîtriser.
A l’inverse, Jacotot pose qu’il n’y a pas de différence
entre des types d’intelligences. Tous les actes intellectuels
s’opèrent de la même façon. Et n’importe
quelle intelligence est capable d’effectuer le trajet à
partir d’un point quelconque.
L'expérience de Jacotot vérifie donc deux principes
: là où on localise l’ignorance, il y a toujours
déjà en fait un savoir, et c’est la même
intelligence qui est à l’œuvre dans tous les apprentissages
intellectuels. Jacotot entrait ainsi en rupture avec le mouvement
général de son temps. Sa découverte de l’
« Émancipation intellectuelle » survient après
1815, au moment où l’on se préoccupe de réordonner
la société après le grand choc révolutionnaire.
On cherche à promouvoir un progrès ordonné
basé sur une hiérarchie des formes d’éducation
afin d’organiser une société moderne pacifiée.
C’est là la grande idée du moment. Passé
l’âge critique, on entre dans l’âge organique.
La cohésion de la société moderne impose que
les inégalités soient un peu réduites, qu’existe
un minimum de communauté entre ceux qui sont au sommet de
la hiérarchie et ceux qui sont en bas. C’est l’éducation
qui est supposée mettre chacun à sa place tout en
assurant un minimum de partage des savoirs et des valeurs. Les gens
du peuple doivent avoir quelques bases pour progresser dans leur
métier et participer aux valeurs communes de la société.
En 1833, la loi Guizot sur l’instruction primaire est le premier
jalon de ce processus soutenu par une intense littérature.
Dans ce contexte, Jacotot intervient absolument à contre-courant.
Selon lui, tout cela n’est qu’une machine d’abrutissement
: la loi du progrès et l’éducation progressiste
sont précisément le contraire de l’émancipation
intellectuelle.
NR : Jacotot pose-t-il un antagonisme entre la formation
d'un sujet autonome et celle d'un citoyen ?
JR: Il n’oppose pas le sujet au citoyen, mais une méthode
de l’égalité à une méthode de
l’inégalité. L’idée de la «
réduction des inégalités » commence à
s’imposer à son époque. Elle conduit à
établir une homologie entre le modèle pédagogique
et le modèle social. Or pour Jacotot, l’idée
que l’on va élever le peuple par l’éducation
implique un processus d’éternisation de l’inégalité.
Si l’on pense que l’égalité adviendra
comme le résultat des efforts pour réduire les inégalités,
les « réducteurs » d’inégalité
maintiendront toujours leur privilège sous couvert de le
supprimer. Il faut partir de l’égalité de fait
qui est nécessaire pour que le rapport inégalitaire
lui-même fonctionne : il faut déjà que l’élève
comprenne les mots du maître pour que celui-ci puisse lui
enseigner. Dans l’intrication des deux relations – égalitaire
et inégalitaire – la question est de savoir lequel
sert de principe : le rapport de l’ignorant au savant ou celui
de deux intelligences qui veulent se comprendre. Si c’est
le rapport inégalitaire qui commande au rapport égalitaire,
il se reproduira éternellement. L’émancipation
implique, elle, de partir de l’idée de la capacité
de n’importe qui. Peu importe ce qu’il apprend, l’essentiel
est la révélation de cette capacité à
elle-même. Le reste dépend de lui. Cette idée
s’oppose de front à l’idéologie progressiste.
NR : Cette méthode ne vise pas l’émancipation
sociale et pourtant Jacotot l’appelle « méthode
des pauvres »…
JR : C’est la méthode de ceux à qui on a dénié
non seulement les moyens mais surtout les capacités de savoir.
Mais elle n’oppose pas l’individu à la société.
Elle renverse le sens du « connais-toi toi-même »
qui lie l’un à l’autre. Le vieil adage grec signifie
en fait « reste à ta place ». Le « connais-toi
toi-même » de Jacotot, signifie, lui : connais-toi non
comme un inférieur ni un supérieur, mais comme un
être égal à n’importe quel autre. Ce qui
s’oppose, ce sont donc deux types de communauté. Soit
on part de l’idée que la société est
fondée sur un certain ordre où chacun est à
sa place, où les inégalités sont rationalisées
en différences des places et des fonctions. Soit on part
d’une société, certes virtuelle, mais impliquée
dans chaque acte de parole, où n’importe qui peut ce
que peut n’importe qui. C’est alors l’adresse
d’un individu à un autre qui compte et non la capacité
qu’un individu a de donner ou de recevoir du savoir.
Jacotot pense que la rationalité sociale est une rationalité
hiérarchique. Un système d’instruction publique,
ne peut être qu’un instrument de cette hiérarchie.
Un système d’éducation est toujours une manière
de rationaliser un ordre social. Aujourd’hui encore, toute
réforme de l’éducation est une réforme
de la manière dont l’ordre social se représente
sa propre rationalité. Il s’agit de faire jouer au
sein même de la société régie par cet
ordre inégalitaire une autre communauté entre individus.
Cette communauté n’est pas utopique, mais plutôt
implicite, présupposée. Pour que l’inégalité
fonctionne, il faut que l’inférieur comprenne le supérieur,
il faut donc qu’il y ait déjà de l’égalité.
Par conséquent, on peut toujours actualiser dans les relations
sociales cette égalité sous-jacente. Jacotot n’est
pas un utopiste, il ne promet rien. Il ne considère pas qu’il
puisse exister un système social fonctionnant mieux qu’un
autre. Pour lui, le système social est une sorte de mécanique,
à l’image de l’attraction terrestre, qu’il
est vain de vouloir transformer, améliorer. Il dit simplement
que chacun a deux manières d’envisager son rapport
aux autres et au savoir. Ce qui revient à affirmer la possibilité
d’une communauté d’hommes égaux à
l’intérieur d’une société inégale.
C’est cela sa position provocatrice.
NR : Quel est alors l'objectif de la "méthode
Jacotot" ?
JR : Ce n’est pas une méthode d’enseignement.
Il n’a jamais fait de programme d'instruction, même
s’il a enseigné plusieurs disciplines. Il n'a jamais
voulu se transformer en chef d’institution scolaire. Pour
lui, l’important n’est pas d’établir un
programme scolaire mais de mettre une intelligence en possession
de son propre pouvoir.
On peut partir du Télémaque, d’un texte de
prière, etc., mais le principe consiste en une méthode,
si méthode il y a, d’exhaustion. On est devant un livre,
un texte, comme devant une chose étrangère que l’on
peut et doit entièrement s’approprier. D’où
la référence à la méthode par laquelle
l’enfant s’approprie sa langue maternelle ; en procédant
par association de ce qu’il sait à ce qu’il ignore,
sans recourir à des explications.
Son idée est orientée vers une fin unique : la révélation
d’une capacité intellectuelle. Son enseignement ne
vise pas l'apprentissage d’une discipline quelle qu’elle
soit. D’où une méthode qui s’arrête
sur chaque lettre, chaque mot, chaque phrase, chaque idée.
Si on possède bien vingt ou cinquante pages d’un livre
quelconque, et si l'on peut en rendre compte avec ses expressions
elles-mêmes, on est capable de n’importe quel autre
apprentissage. C’est un défi, une provocation, mais
aussi quelque chose qu’on vérifie tout le temps. On
s’est formé essentiellement à partir des choses
que l’on a déchiffrées soi-même, difficilement,
laborieusement. La méthode c’est celle de l’aventure.
Il faut trouver le chemin. Ce n’est pas la « méthode
active », où le maître organise le parcours d’obstacles.
Il s’agit de mettre la personne en situation de se servir
de sa propre intelligence, non pour arriver au but mais pour se
frayer un chemin.
NR : En ce sens, l'utilisation du Télémaque,
récit de voyage, est un heureux hasard.
JR : Oui, mais notons qu’au voyage programmé se substitue
un voyage aléatoire.
NR : Pour Jacotot apprendre, c'est avant tout traduire.
JR : C’est l’idée qu’il n’y a pas
de niveaux où l’on passerait d’une langue à
une métalangue. L’appropriation d’un savoir est
toujours un mécanisme de traduction. La traduction renvoie
à l’idée d’égalité puisqu’elle
fait correspondre une aventure intellectuelle à une autre
aventure intellectuelle.
NR : Mais comment susciter le désir d'une telle
aventure, y compris pour une institution scolaire ?
JR : Ce problème pour Jacotot ne se pose pas sous la forme
habituelle : comment motiver celui qui n’est pas motivé,
comment l’enfant, l’ignorant va-t-il apprendre quand
il n’en voit pas l’intérêt ? Jacotot va
au cœur même de cette expression : « ne pas en
voir l’intérêt ». Ce qui est en jeu ce
n’est pas tant une paresse ou une réticence, mais une
structuration symbolique du monde. Parce qu'au fond qu'est-ce que
c'est que vouloir ? C’est se reconnaître membre d’un
certain type de communauté. Et ce qui fait obstacle au désir
d’apprendre c’est le sentiment qu’on a pas besoin
d’apprendre, que le savoir que l’on possède est
en réalité supérieur à celui qu’on
nous propose. L’ « ignorant » qui dit : «
c’est trop compliqué pour moi », dit que ce savoir
est inutile, et que seul compte pour lui la conduite pratique des
affaires.
La paresse est en réalité une vision du monde. Ce
que je ne comprends pas, c’est ce dont je n’ai pas besoin.
"Je ne comprends pas" n'est pas seulement une antiphrase,
cela laisse entendre : j'ai assez de savoir de ce qui est réellement
important pour ne pas m'occuper de ces futilités.
Jacotot propose une méthode pour ceux chez qui il est considéré
comme normal de ne pas accéder au désir même
de savoir. S'il ne nie pas le poids des inégalités
sociales, il considère que reconnaître ce poids ne
change rien au problème. Sa question est : comment faire
que celui qui dit « je ne suis pas capable », se mette
à dire « je suis capable ». Poser la question
des poids sociaux dans l'éducation c’est y mêler
un autre problème : comment faire de l’école
un certain modèle de sociabilité ? L’institution
scolaire lie le problème des capacités à un
autre problème, celui du fonctionnement de la société
scolaire dans son rapport à la société qui
l’a produite et qu’elle produit. Jacotot, lui, considère
que ce qui relève du social relève de l’inégalité.
Autrement dit, ce qui relève de l’égalité
ne relève pas de l’institution sociale. L’institution
sociale poursuivra toujours un autre but que d’actualiser
l’égalité. Jacotot se place dans une provocation
radicale par rapport à toute institution scolaire. C’est
ce qui fait notre distance par rapport à lui.
Il ne s’agit donc pas de savoir ce que Jacotot peut apporter
au système d’éducation : la réponse est
: rien ! Il s’agit de savoir ce que, en tant qu’acteurs
du système d’éducation, on peut retirer de sa
pensée. Tout se joue sous la forme pratique du rapport que
nous avons avec ceux qui sont en face de nous. L’égalité
se joue dans un rapport effectif entre des individus. Or, ce rapport
est toujours décalé par rapport à toute programmation
sociale, par rapport à tout système. Cela relève
plus de la décision individuelle : partir de l’inégalité
ou de l’égalité.
C’est là bien sûr la singularité inassimilable
de Jacotot. Ce qui l’intéresse, c’est qu’est-ce
qui est investi dans l’acte éducatif et non comment
faire fonctionner un système d’éducation.
NR : Jacotot s'intéresse donc aux mœurs, aux
principes qui fondent les relations entre les individus, entre le
maître et ses élèves…
JR : Je ne parlerai pas de mœurs, mais d’attitude. Il
faut pouvoir se dissocier de ce qu’on fait. La logique du
système d’éducation est toujours d’introduire
une convergence des raisons. Elle veut ramener à une seule
et même logique l’acte du savant qui sait, de l’enseignant
qui enseigne et du citoyen qui œuvre pour l’égalité.
Le réformisme sociologique ou la théorie « républicaine
» restent prisonniers de cette logique de convergence entre
l’acte qui transmet le savoir et l’acte qui établit
un certain type de société. Mais il n’y a aucun
lien nécessaire entre la transmission d’un savoir de
type universel et l’établissement d’une relation
égalitaire. Et proposer à des étudiants une
aventure intellectuelle n’a rien à voir avec la formation
des citoyens. L’égalité vient toujours en surplus
de la nature du savoir et de toute finalité sociale, comme
une présupposition à actualiser. Pour préserver
sa radicalité et son actualité, il faut apprendre
à séparer les fonctions. Un acte pédagogique
émancipateur est un acte qui tient compte d’une séparation
absolue entre ce que fait le maître et ce que fait l’élève,
qui prend conscience que l’on a affaire à deux êtres
intellectuels entièrement séparés. Tout système
agrège et le paradoxe jacotiste est de desserrer, d'isoler
pour faire un autre type de communauté. Jacotot nous amène
à penser qu’il faut être plusieurs personnages
au sein d’une même fonction. Le but de l’égalité
ne se confond jamais avec le but de la science ou celui de la société.
Jacotot a écrit à une période où le
système éducatif se mettait en place. Et il opposait
terme à terme l’émancipation intellectuelle
à ce système. J’écris dans un contexte
fort différent puisqu’un système d’instruction
publique gigantesque existe et que nous ne pouvons plus penser en
dehors. Mais on peut pourtant maintenir la radicalité de
sa position en mettant l’opposition à l’intérieur
même de notre pratique. On peut toujours pratiquer l’égalité
au sein du système en y occupant différemment sa place,
en dissociant la logique de l’acte égalitaire de celle
de l’institution sociale.
NR : Les mouvements d’éducation populaire
participent-ils selon vous d'un effort d'émancipation ?
JR : Ils le font s’ils mettent au « poste de commandement
» l’exigence du travail par lequel n’importe qui
peut entrer en possession de ses propres capacités, pas s’ils
se présentent comme étant les bons lieux, comme quand
on opposait la libre philosophie « vivante » des cafés-philo
à la philosophie « universitaire ». Aucune institution
n’est en elle-même émancipatrice. La question
est de savoir si l’on y part de l’exigence égalitaire
et du travail interminable de son actualisation ou de la concurrence
des institutions. Ce qui est positif dans ces mouvements positifs,
c’est de multiplier pour des individus la possibilité
de révéler leurs propres capacités. Donc il
ne faut pas raisonner en termes d’institution. L’essentiel
est d’aider les gens à basculer d’un état
d’incapacité reconnue à un état d’égalité
où on se considère capable de tout parce qu’on
considère aussi les autres comme capables de tout.
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