Sartre, Jean-Paul (1905-1980).
Jean-Paul Sartre naquit à Paris le 21 juin 1905.
Il intégra l'École normale supérieure en 1924,
passa l'agrégation de philosophie en 1929. Il eut pour condisciples
Paul Nizan, Raymond Aron, Georges Canguilhem, Maurice Merleau-Ponty.
C'est à cette époque qu'il fit la rencontre de Simone
de Beauvoir. Il fut nommé professeur au lycée du Havre
en 1929, puis séjourna à Berlin de 1933 à 1934,
où il découvrit la pensée d'Edmund Husserl,
qui aura une grande importance pour l'élaboration de sa propre
pensée. Sartre connut la célébrité en
publiant un roman, la Nausée (1938) et des nouvelles, le
Mur (1939) et l'Enfance d'un chef. La Nausée est un roman
philosophique où est présentée l'expérience
de la contingence, c'est-à-dire le fait pour l'homme d'être,
sans justification, au même titre que les objets du monde.
Cette expérience est vécue comme une nausée
que subit Antoine Roquentin, le personnage principal. Sartre fut
mobilisé en 1939, fait prisonnier en 1940 et libéré
en 1941. Il participa à la Résistance en fondant le
réseau Socialisme et Liberté qui n'eut qu'une existence
brève, et en étant membre du Comité national
des Écrivains. La publication de l'Être et le Néant
en 1943 et la représentation de deux de ses pièces,
les Mouches en 1943 et Huis-Clos en 1944, firent de lui un des grands
représentants de la philosophie de la liberté et des
idées de la Résistance. Le philosophe français
Vladimir Jankélévitch a cependant affirmé que,
selon lui, l'insistance de Sartre sur l'idée de liberté
venait en partie compenser son absence d'engagement politique véritable
auprès de la Résistance durant l'occupation allemande
en France. À la fin de la guerre, Sartre abandonna l'enseignement
et fonda les Temps Modernes en 1945 qui deviendra une revue importante
de la gauche intellectuelle. Son contenu sera essentiellement politique.
Sartre fut la figure principale de l'existentialisme athée
à partir des années cinquante. Il entretint des relations
difficiles avec le Parti communiste. D'abord compagnon de route
de 1952 à 1956, date de la répression de l'insurrection
hongroise, il critiqua le marxisme dogmatique et tenta de proposer
une version existentialiste du marxisme fondée sur la pratique
individuelle dans Critique de la raison dialectique (1958-1960).
Il continua à entretenir un dialogue avec les communistes
pendant les années soixante, mais rompit avec eux après
l'écrasement du Printemps de Prague. Sartre s'engagea dans
le combat contre le colonialisme lors des conflits d'Indochine,
d'Algérie, du Viêtnam et de la révolution cubaine.
En mai 1968, il soutint les maoïstes et milita à leurs
côtés. Il a laissé un étonnant récit
autobiographique dans lequel il relata son enfance et sa venue à
l'écriture, les Mots (1964). Le travail philosophique de
Sartre est marqué par l'école phénoménologique
allemande qu'il découvrit à Berlin dans les années
trente. La Transcendance de l'ego, publié en 1937, témoigne
déjà de son intérêt pour cette approche,
puisqu'il y critique la notion de sujet transcendantal telle qu'elle
apparaît chez Kant et chez Husserl. Sartre considère
qu'on peut faire l'économie d'un concept de « je »
comme principe d'unification fondateur de la conscience d'objet.
Cet intérêt pour la phénoménologie est
aussi apparent dans ses œuvres consacrées à l'Imagination
(1936) et à l'Imaginaire (1940). Le premier de ces textes
était envisagé par Sartre comme une introduction au
second, il se présente comme un examen critique des théories
de l'image de Descartes, Spinoza, Leibniz, des théories psychologiques
ayant un fondement empirique proposées par Taine, Ribot et
enfin Bergson. Le second de ces textes présente une théorie
de la conscience imageante (c'est-à-dire productrice d'images).
L'imaginaire est une disposition de la conscience intentionnelle
qui consiste à former des images en s'extrayant du réel,
qui est l'objet de la perception. Sartre insiste sur la fonction
irréalisante de la conscience imageante et l'oppose fermement
à la conscience perceptive.
En effet, l'objet de la première est absent, alors que celui
de la seconde est présent. Sartre soutient que ces deux types
de conscience ne peuvent être mis en œuvre simultanément.
L'œuvre philosophique la plus célèbre de Sartre
est certainement l'Être et le Néant qui est une réflexion
sur les rapports entre la conscience et la liberté. Sartre
élabora ses thèses à travers un dialogue et
une réélaboration des pensées de Hegel, Husserl
et Heidegger.
Dans son surgissement premier, la conscience a à la fois
conscience d'être et conscience qu'elle n'est pas ce dont
elle a conscience. Cette étape est celle du cogito (voir
Descartes, René) préréflexif. Sartre appelle
l'en-soi ce qui est et que la conscience appréhende comme
différent d'elle-même.
L'en-soi est pure coïncidence avec lui-même. Ce qui
caractérise, en revanche, la conscience, c'est l'être-pour-soi,
à savoir la distance par rapport à soi-même.
L'être propre de la réalité humaine, qui se
présente sur le mode de l'attente, de l'angoisse et du regret,
est remise en cause de son être en tant que réalité,
c'est-à-dire négation de l'en-soi. Dans cette négation,
le pour-soi se saisit comme liberté en faisant l'expérience
de l'indétermination des possibles. La liberté est
vécue comme angoisse. À ce moment, la conscience fait
l'expérience de la mauvaise foi et de l'esprit de sérieux,
qui sont deux façons de fuir la liberté. Cette analyse
débouche sur une pensée de la nécessité
de la liberté et de la situation historique de l'homme. L'étape
suivante consiste à examiner le statut d'autrui dans la constitution
de la conscience. J'affronte l'existence d'autrui, ce non-moi qui
n'est pas un objet, dans l'expérience du regard. Le regard
de l'autre m'objective et me dépossède du monde. Le
fondement de la relation à autrui est le conflit. Le succès
de la philosophie de Sartre en France et la diffusion de sa pensée
dans les programmes scolaires ont éclipsé toute la
tradition philosophique d'avant-guerre en France, notamment la philosophie
réflexive, développée par Jules Lagneau (1851-1894)
puis, en philosophie morale, par Jean Nabert (1881-1960), au profit
de la philosophie existentielle et de la phénoménologie
de Heidegger revisitées par Sartre.
Bien qu'il apparût souvent comme un virtuose de l'expression
littéraire, Sartre, qui refusa le prix Nobel de littérature
en 1964, ne s'est voulu un écrivain que dans la mesure où
il souhaitait mettre ses thèses philosophiques en lumière.
On comprend dans ces conditions qu'il ait été attiré
autant par le théâtre — Huis-Clos (1944), la
P…[putain] respectueuse (1946), et les Séquestrés
d'Altona (1959) —, que par le roman — la Nausée
(1938) et le cycle romanesque les Chemins de la liberté,
demeuré inachevé, comprenant l'Âge de raison
(1945), le Sursis (1945) et la Mort dans l'âme (1949) qui
raconte, dans un style inspiré notamment par l'écrivain
américain John dos Passos, l'itinéraire d'un homme
durant la Seconde Guerre mondiale —, genre qui lui permettait
de mettre en scène aussi bien le raisonnement que l'émotion.
Sans être à proprement parler un théoricien
de la littérature, il mena, parallèlement à
sa carrière de philosophe et d'écrivain, une activité
de critique littéraire qui le conduisit notamment à
publier un essai où il proposa une définition de la
littérature en termes de morale existentialiste (Qu'est-ce
que la littérature, 1947), un livre sur l'écrivain
français Jean Genet, Saint Genet, comédien et martyr
(1952), ainsi qu'une étude sur Flaubert (l'Idiot de la famille,
1971-1972), véritable « psychanalyse existentielle
» dont le projet avait été annoncé dans
l'Être et le Néant. Or, à travers la volonté
de créer « une anthropologie nouvelle qui rende compte
de l'homme — d'un homme — dans sa totalité »,
en l'occurence des fantasmes et de la névrose de Flaubert,
Sartre se projette lui-même en tant qu'écrivain, cessant,
pour la première fois peut-être, d'être en prise
directe avec les grands débats d'idées contemporains.
A moitié victime, à moitié complice, comme
tout le monde.
C'est là le fond de la joie d'amour, lorsqu'elle existe:
nous sentir justifiés d'exister.
Ce n'est pas dans je ne sais quelle retraite que nous nous découvrirons:
c'est sur la route, dans la ville, au milieu de la foule, chose
parmi les choses, homme parmi les hommes.
Ce n’est jamais quand des yeux vous regardent qu’on
peut les trouver beaux ou laids, qu’on peut remarquer leur
couleur.
Ceux qu'on aime, on ne les juge pas.
Chaque homme doit inventer son chemin.
Etre libre, ce n’est pas pouvoir faire ce que l’on
veut, mais c’est vouloir ce que l’on peut.
Etre totalement dans le coup et hors du coup, c'est ça un
homme!
Il est toujours facile d'obéir, si l'on rêve de commander.
Il faut affirmer si nous voulons comprendre, et nous donner si
nous voulons sentir.
Il faut bien tuer ce qu'on aime.
Il faut faire en sorte que l'homme puisse, en toute circonstance,
choisir la vie.
Il faut un double soleil pour éclairer le fond de la bêtise
humaine.
Il n'est point, il ne sera jamais d'homme dont l'avenir ne soit
l'homme.
Il n'y a pas de liberté donnée; il faut se conquérir
sur les passions, sur la race, sur la classe, sur la nation et conquérir
avec soi les autres hommes.
Il n'y a que Dieu. L'homme, c'est une illusion d'optique.
Il suffit qu'un seul homme en haïsse un autre pour que la
haine gagne de proche en proche l'humanité entière.
Je déteste les victimes quand elles respectent leurs bourreaux.
L'absence c'est Dieu. Dieu, c'est la solitude des hommes.
L'existence précède l'essence. Cela signifie que
l'homme existe d'abord, se rencontre, surgit dans le monde, et qu'il
se définit ensuite.
L'homme est à inventer chaque jour.
L'important n'est pas ce qu'on fait de nous, mais ce que nous faisons
nous-même de ce qu'on a fait de nous.
L'être dit libre est celui qui peut réaliser ses projets.
La beauté est une contradiction voilée.
La honte ça passe quand la vie est longue.
La médiocrité ne s'imite pas.
La peur, la mauvaise conscience ont un fumet délectable
pour les narines des Dieux.
La vie humaine commence de l'autre côté du désespoir.
La vie, c'est une panique dans un théâtre en feu.
La violence est injuste d'où qu'elle vienne.
La violence n’est pas un moyen parmi d’autres d’atteindre
la fin, mais le choix délibéré d’atteindre
la fin par n’importe quel moyen.
Le désir s'exprime par la caresse comme la pensée
par le langage.
Le désordre est le meilleur serviteur de l'ordre établi.
Le geste du don nous sépare des hommes; il n'engendre pas
de réciprocité ...
Le monde peut fort bien se passer de la littérature. Mais
il peut se passer de l'homme encore mieux.
Le plus grand forfait n'est point de faire le mal, mais de le manifester.
Le secret d'un homme... c'est la limite même de sa liberté.
C'est son pouvoir de résistance aux supplices et à
la mort.
Le secret douloureux des Dieux et des rois: c'est que les hommes
sont libres ...
Tu le sais, et ils ne le savent pas.
L’aventure: un événement qui sort de l’ordinaire,
sans être forcément extraordinaire.
Moi seul peux décider à chaque moment de la portée
du passé.
On ne fait pas ce qu'on veut et cependant on est responsable de
ce qu'on est.
On ne forme pas impunément des générations
en leur enseignant des erreurs qui réussissent. Qu'arrivera-t-il
un jour, si le matérialisme étouffe le projet révolutionnaire?
On ne peut vaincre le mal que par un autre mal.
Pas besoin de gril, l'enfer, c'est les Autres.
Pour tous les ouvriers du monde, le bourgeois est le produit du
capital; pour les nôtres, il est aussi le fils de ses oeuvres,
un tueur - et il va le rester longtemps.
Quand les riches se font la guerre, ce sont les pauvres qui meurent.
Quand une fois la liberté a explosé dans une âme
d'homme, les Dieux ne peuvent plus rien contre cet homme-là.
Que l'humanité vienne à disparaître, elle tuera
ses morts pour de bon.
Serions-nous muets et cois comme des cailloux, notre passivité
même serait une action.
Tous les moyens sont bons quand ils sont efficaces.
Toute aventure humaine, quelque singulière qu'elle paraisse,
engage l'humanité entière.
Toute destruction brouillonne affaiblit les faibles, enrichit les
riches, accroît la puissance des puissants.
Un droit n’est jamais que l’autre aspect d’un
devoir.
Un homme est toujours au-delà de ce qu'il fait.
Un homme ne peut être plus homme que les autres, parce que
la liberté est semblablement infinie en chacun.
Un intellectuel, pour moi, c'est cela: quelqu'un qui est fidèle
à un ensemble politique et social, mais qui ne cesse de le
contester.
Un mystique, c'est toujours un homme qui veut oublier quelque chose.
Un élu, c'est un homme que le doigt de Dieu coince contre
un mur.
m u l t i t u d e s - i n f o s
Liste transnationale des lecteurs de "Multitudes"
Site Web de la revue multitudes :
http://multitudes.samizdat.net
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