Origine :
http://monde-libertaire.info/article.php3?id_article=1088&var_recherche=garnier
Dans le plus pur style maccarthyste, Front Page Magazine livre la
liste des « dix Américains les moins honorables »
établie par Ben Johnson et John Perazzo. Qui sont ces deux
zouaves ? Ben Johnson est rédacteur assistant de Front Page
Magazine, torchon sensationnaliste et populiste ultraconservateur.
John Perazzo est l’auteur des Mythes qui nous divisent : comment
les mensonges ont empoisonné les relations entre les races
en Amérique, concentré de négationnisme en
temps réel à propos d’une « prétendue
ségrégation » aux États-Unis.
Le préambule de cette liste noire se passe de commentaires
: « Les Américains ont retrouvé leur cohésion
nationale après les attentats du 11 septembre, mais certaines
personnes préfèrent être aux côtés
de l’ennemi alors que ce dernier tue des citoyens américains.
Ces dix personnes méritent le titre de "Dix Américains
les moins honorables". »
Qui sont donc ces brebis particulièrement galeuses qui se
refusent à bêler avec le troupeau des « patriotes
» ?
Brian Becker, codirecteur de l’International Action Center
de Ramsey Clark (ancien ministre de la Justice sous la présidence
de John F. Kennedy) : « Il a qualifié l’attaque
contre l’Afghanistan d’"attaque terroriste"
et affirme que le 11 septembre est une conséquence des politiques
américaines impérialistes. »
Michael Moore, réalisateur : « Il affirme que la guerre
en Irak est menée pour des questions économiques et
électorales et qu’on ne peut pas faire plus confiance
à Bush qu’à Saddam. »
Danny Glover, acteur : « Il présente l’administration
Bush comme impérialiste, condamne la guerre en Irak et l’embargo
contre Cuba. »
John Walker Lindh, le « taliban américain »
: « Il a servi dans les troupes d’Al Qaïda, mais
nie être un terroriste. »
Oliver Stone, réalisateur « paranoïaque »
: « Il a signé la pétition "Pas en notre
nom". Il affirme que Ben Laden n’a pas encore été
arrêté car il est protégé par les compagnies
pétrolières qui l’utilisent pour mettre les
Saoudiens dans l’embarras. »
James MacDermott, député démocrate : «
Il s’est rendu en Irak peu de temps après l’anniversaire
du 11 septembre et, depuis, affiche sa préférence
pour Saddam Hussein contre Bush. »
Barbara Lee, députée démocrate : « Elle
est la seule élue à avoir voté contre l’autorisation
faite au président Bush d’aller combattre Al Qaïda
en Afghanistan. »
Stanley Cohen, membre du Center for Constitutional Right (CCR)
: « Il prétend que le gouvernement Bush et le gouvernement
israélien commettent des crimes de guerre... contre le Hezbollah
et le Hamas ! Il défend John Walker Lindh et l’icône
gauchiste, le tueur de policier Mumia Abu Jamal. »
Lyne Stewart, également membre du CCR : « Elle légitime
la violence ciblée et le terrorisme contre le système
capitaliste. Elle a été emprisonnée pour complicité
d’acte terroriste. D’après John Ashcroft (ministre
de la Justice de Bush), elle a servi de messagère entre réseaux
terroristes. »
Leslie Cagan : « Sympathisante communiste. Elle dirigeait
les manifestations interdites du 15 février à New
York. »
Passons sur des accusations qui, sauf dans le cas du « taliban
américain », visent des opinions et des activités
dont l’expression ou l’exercice est, en principe, garanti
par l’« l’État de droit ». Passons
aussi sur les amalgames grossiers, les imputations diffamatoires
et les épithètes injurieuses dont cette liste est
parsemée. C’est sa publication même qui devrait
inquiéter. Dans le climat d’hystérie chauvine
et de panique tous azimuts où le pays est plongé depuis
le 11 septembre, on pressent, en effet, ce que la publication d’une
telle liste peut signifier : un pur et simple appel au meurtre.
Appel qui pourrait bien être entendu, étant donné
que la libre possession des armes aux États-Unis permet à
n’importe quel hurluberlu de jouer les justiciers.
Ces dix Américains « les moins honorables »
qui veulent du mal à l’empire du Bien ne sont évidemment
que la pointe émergée de l’iceberg de la trahison.
On sait que les super-ordinateurs des différentes officines
policières ou militaires chargées de veiller à
la sécurité dudit empire ont déjà fiché
plusieurs centaines de milliers d’autres citoyens, états-uniens
ou non, coupables ou simplement suspects de sentiments « unamerican
» (non américains). Pas plus « unamerican »,
pourtant, que n’étaient « antifrançais
», il y a près d’un demi-siècle, les opposants
à la « pacification » de l’Algérie.
Ou que ne sont « antiaméricains », aujourd’hui,
les militants européens qui se mobilisent contre la prochaine
busherie.
Laissons donc les plumitifs à gages de Libé et du
Monde entretenir sciemment la confusion entre anti-impérialisme
et antiaméricanisme, comme ils le font déjà
entre antisionisme et antisémitisme. Nous nous sentons évidemment
plus proches de ces « mauvais américains » montrés
du doigt chez eux, avant d’être éventuellement
pris pour cible, que des va-t-en-guerre bien de chez nous, du genre
Glucksmann, Finkielkraut, Bruckner, Goupil ou Adler. Sans parler
du bon docteur Folamour-Kouchner, d’ailleurs déjà
pressenti par les - non moins bons - Américains pour jouer
les gauleiter dans un Irak dévasté soumis au protectorat
yankee. Hormis la langue maternelle et la carte d’identité,
que pourrions-nous bien avoir en commun avec les tristes sires du
complexe militaro-humanitaire hexagonal !
Alors que l’intimidation, la persécution et la répression
ont commencé à s’abattre sur les dissidents
de l’Empire, tous ceux qui, en France, veulent mener avec
eux un combat solidaire savent ce qu’il leur reste à
faire. Descendre dans la rue pour crier : « Nous sommes tous
unamerican ! »
Jean-Pierre Garnier
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