|
Origine http://monde-libertaire.info/article.php3?id_article=2110
Avant de « remercier », l’appareil de la défense
et ses différentes branches pour l’opération
menée contre le cheikh Ahmed Yassine, le Premier ministre
de l’État hébreu s’était déjà
empressé de se féliciter publiquement de l’élimination
du leader du Hamas en le qualifiant de « terroriste le plus
important du Moyen-Orient ». Sharon est vraiment trop modeste
: en matière de terrorisme, c’est lui qui décroche
haut la main le pompon ! Celui que ses partisans surnomment le «
bulldozer » a un lourd passé de crimes et s’est
toujours distingué par son cynisme au cours de sa longue
carrière militaire. Rongé par la haine des «
Arabes », il s’est toujours permis de la clamer haut
et fort.
On ne peut l’accuser d’avoir laisser faire les basses
besognes aux autres, car il a régulièrement mis la
main à la pâte. « Il ne faut pas simplement leur
infliger des pertes et des souffrances : il faut qu’elles
soient très douloureuses », a-t-il coutume de dire
[1]. Sharon est adepte, depuis toujours, d’une « solution
finale » pour résoudre le problème palestinien.
La construction du Mur n’a d’autre objectif que de rendre
la vie si insupportable aux Palestiniens qu’ils n’auront,
d’autre « choix » que l’exil, à moins
qu’Israël ne les déporte massivement, les sionistes
ne parlent pas de « déportation », mais de «
transfert ».
Boucher et terroriste
Militaire professionnel, Sharon a personnellement participé
à des massacres de civils, utilisant lui-même la grenade
contre vieillards, femmes et enfants : crimes dont il s’est
d’autant moins repenti qu’il a ensuite ordonné
à ses troupes d’en faire autant. En 1953, le lieutenant
Sharon crée l’Unité 101, spécialisée
dans les raids destinés à terroriser les Palestiniens
et à leur faire quitter leurs maisons. En septembre, il attaque
même des bédouins dans la zone démilitarisée
d’Al Auja, tuant un nombre de gens qui reste encore inconnu
aujourd’hui. Le 14 octobre, son escadron de la mort attaque
de nuit le village de Qibya en Cisjordanie et se livre, au massacre
de 69 personnes. Même les troupeaux de vaches sont exterminés.
En 1956, pendant l’attaque anglo-franco-israélienne
contre l’Égypte, les unités commandées
par Sharon assassinent des prisonniers de guerre égyptiens
et des civils soudanais capturés. Plus de 200 prisonniers
auraient été exécutés. En 1971, il se
distingue par des opérations « très spéciales
» dans la bande de Gaza, à l’aide d’unités
surnommées les « caméléons » parce
leurs éléments se déguisent en Arabes pour
mieux s’infiltrer.
C’est Sharon devenu général qui dirigera l’invasion
du Liban en 1982 lors de l’opération « Paix en
Galilée » qui lui donnera l’occasion de prêter
main forte à la boucherie des phalangistes maronites qui,
pendant deux jours, violeront, tortureront, mutileront et tueront
des centaines de Palestiniens dans les camps de Sabra, Chatila et
Burj El Barajneh. Entre 800 et 3 000 personnes sont abattus à
coups de hache ou de balles dans la tête. Un scandale tellement
énorme que Sharon fut tout de même mis en cause dans
son propre pays. En 1983, il est obligé de démissionner
de son poste de ministre de la Défense.
Sharon, qui justifie en permanence ses agissements par «
le terrorisme palestinien », a joué un rôle déterminant
dans la fondation du Hamas en 1988, donnant des autorisations préférentielles
aux islamistes pour la création d’écoles et
de programmes sociaux, espérant ainsi réduire l’influence
de l’Organisation de libération de la Palestine, organisation
laïque. Au moment où l’OLP opérait un tournant
historique en reconnaissant le droit à l’existence
d’Israël sur 78 % du territoire de l’ancienne Palestine
britannique et acceptait qu’un futur État palestinien
se contente des 22 % restants.
Avril 2002 : le massacre de Jénine et celui de Naplouse
sont des opérations calquées sur les précédents
exploits de Sharon. Rues éventrées, maisons rasées
par centaines au bulldozer géant, fabriques, mosquées
et bâtiments classés patrimoine culturel historique
par l’Unesco détruits. Plus de 150 Palestiniens tués
et un grand nombre de blessés morts d’hémorragies,
en raison du refus de laisser les secours pénétrer.
Résultat dont le Premier ministre israélien, qui se
permet de refuser toute commission d’enquête internationale,
se déclarera « très satisfait ».
Colon, voleur de terres
Sharon n’a pas seulement milité pour que les Israéliens
puissent acquérir des terres en Cisjordanie à une
époque où la loi israélienne ne le permettait
pas encore (il faudra attendre 1973). En 1974, il a personnellement
pris la tête d’un groupe de colons pour établir
un « avant-poste illégal » près de Naplouse.
Expérience qu’il a ensuite renouvelée afin de
« judaïser les territoires ». Ministre de Begin
en 1977, il a permis les « implantations agraires juives »
en Cisjordanie et à Gaza. Sous sa houlette, entre 1977 et
1981, plus de 25 000 colons s’installeront dans les territoires
occupés ; ces colons, pour la plupart membres des groupes
religieux fascistes du Bloc de la foi, seront entraînés
à former des équipes de tueurs sur le modèle
de l’ancienne Unité 101.
En 1980, Sharon crée avec Yuval Neeman l’organisation
Prevention of Emergence of another Arab Country in Eretz Israel
: PEACE, le sigle qui en résulte ne manque pas d’humour
noir. Cette association milite pour l’annexion permanente
des territoires occupés.
Maintenant, sous prétexte de « sécurité
», Sharon fait construire des murs de 8 mètres de haut
à l’intérieur de la Cisjordanie, non seulement
pour isoler les Palestiniens dans des ghettos, et les persécuter
sans témoins, mais aussi pour annexer davantage encore de
terres. Ce nouveau Mur de la honte, avec miradors et barbelés,
qui fait déjà plus de 180 km de long et qui doit en
faire plus de 600, va permettre d’annexer près de la
moitié de la Cisjordanie. Des milliers d’hectares fertiles
sont ainsi confisqués, privant de leurs ressources des centaines
de milliers de Palestiniens. Et quand les Palestiniens et les pacifistes
internationaux, y compris israéliens, protestent contre ce
mur, Sharon n’hésite pas à ordonner à
sa soldatesque de tirer sur eux.
Corrompu et hors la loi
Sharon ne cesse de fustiger la « corruption d’Arafat
». Il pourrait commencer par balayer devant sa porte. Propriétaire
de la plus grande ferme privée d’Israël, il est
aussi un champion de l’argent sale, cumulant les « affaires
» : fonds occultes pour financer sa campagne électorale,
magouilles avec des promoteurs immobiliers, chantage pour obtenir
à son fils un poste de conseiller à 30 000 dollars
par mois !
Cet odieux personnage se soucie des lois et du droit comme de sa
première chemise kaki. Pour lui, les résolutions de
l’ONU sont chiffons de papier. Conventions de Genève
ou pas, il érige en règle les châtiments collectifs,
fait détruire des biens privés, mais aussi des hôpitaux
ou des écoles, bloquer l’accès aux soins, à
l’éducation, priver les Palestiniens d’eau, de
nourriture et d’éducation. Il ne se contente pas d’ordonner
de briser les ordinateurs, de brûler ou de faire disparaître
les registres d’état civil, ou de rendre inutilisables
l’aéroport de Gaza. Il fait dynamiter des tonnes de
nourriture envoyées par des organismes internationaux.
La journaliste israélienne Amira Hass d’Haaretz écrivait
en avril 2002 : « Ce n’est pas par caprice ou vengeance,
ce sont des instructions précises que donne Sharon à
l’armée israélienne pour qu’elle détruise
les institutions civiles et ruine toute chance de constitution d’un
État palestinien indépendant et pour faire régresser
la société palestinienne ». Des milliers de
Palestiniens croupissent en prison. Cela s’appelle la «
détention administrative ».
« L’objectif de Sharon, explique le pacifiste israélien
Uri Avnery, est de transformer les Palestiniens en épaves
humaines dont il pourrait faire ce qu’il veut : les enfermer
dans des enclaves ou les chasser du pays. » Les soldats israéliens
qui refusent de « contrôler, expulser, affamer et humilier
un peuple tout entier » sont jetés en prison.
En dépit des conventions internationales sur la libre circulation
des personnes, Sharon bloque l’entrée en Palestine.
Les missions humanitaires sont refoulées, et les Palestiniens
restent isolés, sans aucune possibilité de bénéficier
de la solidarité internationale.
Ennemi de la paix
Sharon a toujours combattu toutes les initiatives de paix. Lorsque
sont signés les accords d’Oslo en 1993, il monte une
grande campagne d’opposition contre leur artisan israélien,
le Premier ministre Yitzhak Rabin, jusqu’à l’assassinat
de ce dernier. Il appelle les colons à la « résistance
» et effectue, en 1993, une tournée aux États-Unis
pour combattre les accords et récolter des fonds en faveur
des colons les plus fanatiques. Quelques mois plus tard, le 25 février
1994, l’ancien réserviste, Baruch Goldstein, massacre
trente Palestiniens priant dans le caveau des Patriarches.
Le 31 mars 1994, Sharon organise un rassemblement de plus de 10
000 Israéliens contre Oslo et le démantèlement
des colonies. Tout est bon pour empêcher le processus de paix.
En septembre 2000, alors que des pourparlers sont en cours entre
le gouvernement de Barak et les Palestiniens, Sharon, encadré
par des policiers israéliens, effectue sa désormais
tristement célèbre « promenade » sur l’esplanade
des Mosquées. Provocation qui aura le résultat escompté
: manifestations, jets de pierres violemment réprimés,
28 morts et 500 blessés et l’enterrement du processus
de paix.
La tactique de Sharon n’a d’ailleurs jamais varié
d’un pouce : provoquer et rechercher des réactions
violentes au sein de la société palestinienne pour
pouvoir justifier des « représailles » et détruire
toute perspective d’édification d’un État
palestinien. Pas question d’accepter la présence dans
les territoires occupés d’une force internationale.
Pas de témoins gênants : circulez, il n’y a rien
à voir.
La paix, Sharon n’en veut à aucun prix. Il traite
par le mépris l’initiative du prince saoudien Abdallah
qui propose en 2002 l’instauration de relations normales entre
Israël et les pays arabes en échange des 22 % de leurs
terres. Et quand Arafat obtient du Hamas et du Jihad islamique un
cessez-le-feu unilatéral, Sharon s’empresse de devancer
le communiqué de presse prévu pour le lendemain en
larguant une bombe d’une tonne sur un quartier de Gaza. Officiellement,
il ne s’agissait que d’une « opération
ciblée » : anéantir l’immeuble où
se trouvait le fondateur des Brigades des martyrs Ezzedine Al-Qassam.
Bilan : 21 morts et 150 blessés. Adieu la trêve. Tandis
que ce nouveau fait d’armes suscite l’indignation de
la « communauté internationale » et la contestation
au sein d’Israël, Sharon respire.
« C’est l’une de nos opérations les plus
réussies », déclare-t-il. Quant à la
« feuille de route », beaucoup d’Israéliens
sont d’avis qu’il « se torche avec ». L’accord
de Genève ? Il faut jeter en prison les « traîtres
» israéliens qui ont osé signer un tel document.
Raciste et fauteur de guerre civile
La haine que voue Sharon aux Palestiniens s’étend
à tout le monde et à tous les peuples et individus
arabes, de l’Égypte au Liban et à la France.
C’est lui qui déclare : « Il y a six millions
d’Arabes en France. Les juifs de France vont se trouver en
grand danger. Il est grand temps qu’ils fassent leurs valises
pour venir en Israël. »
Outre que c’est une déclaration de guerre aux millions
de nos concitoyens arabes ou d’origine arabe, cette sommation
a pour objet d’exciter la frange la plus belliciste, la plus
« sharonnienne », des juifs de France. Avec l’objectif
d’exacerber les tensions communautaires, surtout si cela devait
se traduire par une augmentation de l’antisémitisme.
À quand le prochain exploit de Sharon ? Il a déjà
réuni ses principaux collaborateurs pour dresser la liste
des prochaines « cibles légitimes » de l’armée
israéliennes. Y figure en bonne place, Abdel Aziz Al-Rantissi,
qui avait déjà échappé de justesse à
une tentative de liquidation. Ne vient-il pas d’être
désigné à la tête du Hamas pour succéder
au cheikh Ahmed Yassine ? « Un homme qui n’a jamais
fait dans la demi-mesure », notait un journaleux de Libération,
commentant cette nomination. Comme si le propos ne devrait pas d’abord
s’appliquer à Sharon !
Jean-Pierre Garnier
[1] Toutes les citations ou informations utilisées ici ont
été puisées dans la presse ou des rapports
israéliens.
|
|