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origine : http://monde-libertaire.info/article.php3?id_article=1104
Supposons qu’en pleine guerre d’Algérie le colonel
Bigeard, le général Massu ou, encore, le futur général
Aussaresses aient livré au Figaro quelques recommandations
publiques sur le meilleur moyen de faire parler les « terroristes
» du FLN. Impensable, comme chacun sait : l’institutionnalisation
de cette pratique honteuse qu’est la torture relevait alors
du secret d’État. En revanche, les partisans de l’état
d’exception, dans l’empire du Bien de l’après-11
septembre, n’ont pas de ces pudeurs.
En pleine page du Washington Times, Jack Wheeler préconisait,
avec force détails à l’appui, les techniques
de torture qu’il fallait appliquer, pour les « faire
parler », à des individus tels que Khaled Cheikh Mohammed,
l’adjoint de Ben Laden qui venait d’être capturé
au Pakistan. Mais qui est donc ce Jack Wheeler ? Tout simplement
un expert en la matière.
Sous les présidences de Ronald Reagan et de George Bush
Senior, il avait participé aux cours de torture dispensés
à l’attention de militaires sud-américains à
l’École des Amériques (Fort Bennings).
Rédacteur du site pousse-au-crime To ThePointNews.Com, il
est aussi le président fondateur de la Freedom Research Foundation,
association qui servit de couverture à la CIA pour recruter
des mercenaires et soutenir des guérillas anticommunistes
dans les années 80. Wheeler, qui collabore également
de longue date avec la secte Moon, est souvent présenté
comme l’inspirateur de la « doctrine Reagan »
de harcèlement de l’URSS.
Voici, porté publiquement à la connaissance des sujets
de l’empire du Bien, le bréviaire du bon tortionnaire,
revu et corrigé à l’heure de la croisade contre
l’axe du Mal.
« Il faut que Khaled Cheikh Mohammed (KSM), le dirigeant
d’Al-Qaeda arrêté ce week-end, se mette vite
à table. En 1995, la police des Philippines avait arrêté
un membre d’Al Qaeda. Grâce à des techniques
de torture à l’ancienne (comme les brûlures de
cigarettes sur les testicules), elle avait réussi, au bout
de deux semaines, à lui faire avouer un complot visant à
détourner onze avions. La torture était justifiée
puisqu’elle a permis de sauver des centaines ou des milliers
de vies. Il nous faut également torturer KSM pour qu’il
parle en quelques heures ou jours et pas en quelques semaines, mais
comment ? » Grave question. Heureusement, notre spécialiste
états-unien de la question détient déjà
la réponse :
« Il ne faut pas utiliser de sérums de vérité
qui troublent l’esprit. Il faut utiliser un détecteur
de mensonge par encéphalogramme. Il faut ensuite lui injecter
du SCC, une drogue paralysante utilisée comme anesthésiant
vétérinaire et qui affecte le système musculaire,
le bloquant, tout en laissant KSM conscient. Il ne pourra plus respirer
car sa cage thoracique sera endormie. Il faut donc le mettre sous
respirateur nasal afin qu’il puisse continuer de parler. Ensuite,
il faut l’interroger et couper le respirateur quand il ment.
Vu l’horreur du sentiment d’étouffement, il parlera
vite. »
Après la « pression physique », comme disent
les officiers du renseignement israéliens, l’action
psychologique :
« Ensuite, il faudra le prévenir qu’il sera
exécuté, que son corps sera enduit de graisse de porc
et que son cadavre sera manipulé par des femmes afin qu’il
sache qu’il ne pourra pas aller au paradis selon sa religion.
Après sa mort, nous incinérerons son corps et répandront
les cendres dans le vent. »
Pour finir en beauté, le bouquet final empreint, comme il
se doit, de ferveur chrétienne :
« Il faut terroriser les terroristes en leur faisant comprendre
que leurs camarades arrêtés les trahiront et qu’ils
sont condamnés à l’enfer. Ainsi, ils abandonneront
leur djihad maléfique. »
Que Jack Wheeler se rassure ! Cuisiné comme tant d’autres
ennemis du « bien cuisiné » dans les geôles
secrètes de l’Empire, KSM n’a pas tardé
à se mettre à table. Il s’est même «
montré très bavard », comme l’écrivent,
impavides, nos plumitifs hexagonaux, apparemment peu perturbés
par les horreurs qu’implique ce genre de « bavardage
».
Qu’importent, après tout, les « mauvais traitements
», pour reprendre un autre euphémisme en vigueur, auxquels
sont soumis les « soldats perdus d’Al-Qaeda »
? Ne sont-ils pas, comme ne cesse de le clamer Donald Rumsfeld,
des « combattants irréguliers » à qui
les lois de la guerre, pour ne rien dire des droits de l’homme,
ne sauraient s’appliquer ?
Jean-Pierre Garnier
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