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Origine :http://www.cerclegramsci.org/archives/jlh.htm
Jacques Lesage de la Haye est psychologue, psychanalyste, ancien
détenu et était militant du Groupe Information Prisons
et du Comité d'Action des Prisonniers (CAP), il y a de cela
presque une trentaine d'années.
Christophe Soulié :
Le thème de ce soir c'est la prison, c'est un thème
qui est toujours d'actualité, notamment par rapport à
deux choses. Le nombre de suicides en prison qui a été
publié ; l'année n'est pas tout à fait finie
mais on sait qu'il y a énormément de suicides en prison,
et Jacques y reviendra peut-être ce soir. L'autre chiffre
à prendre en compte, c'est le nombre de détenus, puisqu'on
arrive à 60 000 détenus, ce qui est un chiffre gigantesque.
C’est là que ça devient un thème d'actualité
mais je dirais que la prison est toujours un thème d'actualité
et que malheureusement on ne pose jamais la question de qui va en
prison, qui se retrouve en prison, comment, pourquoi ? Et ça
c'est une question fondamentale et c'est une question politique.
Alors, en parallèle, on a un ministre de la construction
pénitentiaire qui a été nommé par le
nouveau gouvernement. Je trouve que c'est assez affligeant et que
c'est révélateur de la politique de ce gouvernement,
sachant que le nommé Bédier qui est ministre des constructions
pénitentiaires est également soupçonné
d'avoir reçu des enveloppes. J'ai un communiqué du
syndicat SUD Justice qui dénonce le ministre comme ayant
reçu des pots de vin, mais lui n'est pas en prison. Et donc
à la question " qui va en prison ? ", on peut répondre
que ce ne sont pas ces gens-là, et même si c'était
ces gens-là, il faudrait se poser la question : est-ce que
même pour eux, la prison serait un système de réparation,
de remise dans une autre voie ? Je pense aux cas limites comme Chirac,
comme Bédier, comme Le Pen, qu'est-ce qu'on en fait ? On
pourra peut-être en parler. II y a une autre chose dont je
voudrais parler ; en préparant cette soirée, je suis
allé sur Internet, et je suis tombé sur une interview
d'Alain Brossat qui est prof de philo à Paris VIII et qui
a écrit Pour en finir avec la prison. Puisque l'on parle
des alternatives à la prison, je vais partir de ce qu'il
dit. Après, on en pense ce qu'on veut, mais c'est sujet à
débat. C'est une question à laquelle les gens du Comité
d'Action des Prisonniers, qui était un mouvement issu des
prisons qui se battait pour l'abolition de la prison, ont toujours
été confrontés. La question c'était
: " D'accord, on abolit la prison, mais par quoi vous la remplacez
? " Donc, je vais lire sa réponse, sachant qu'à
l'époque les copains du CAP disaient : " De toutes façons
pour nous l'abolition de la prison est indissociable d'une révolution
sociale, donc dans une société socialiste où
les gens sont fondamentalement bons, on ne fera plus de mal à
son prochain ". C'était un peu ce genre de réponse
qui était dite à l'époque, mais qui n'est pas
satisfaisante parce qu'ici et maintenant qu'est-ce qu'on fait ?
Est-ce qu'on attend des lendemains qui chantent ?
Alain Brossat lui, répond autrement, je dirais, c'est presque
un point de vue éthique. II dit simplement qu'il n'a pas
à entrer dans le langage de la police et de la résolution
des problèmes de ce type-là. II dit que si la prison
est inhumaine, il faut l'abolir, point. Après, on verra ce
qu'on fait. Quand on a aboli la peine de mort, on n’a pas
cherché à trouver un moyen qui soit aussi cruel que
la peine de mort mais qui ne soit pas la peine de mort. Quand on
a aboli le bagne, on n'a pas cherché un autre lieu qui soit
aussi terrible que le bagne. II fallait abolir le bagne parce que
c'était inhumain, comme il fallait abolir la peine de mort
parce qu'on pensait que c'était inhumain. Ça c'est
une revendication qui est récurrente, Brossat en profite
pour critiquer l'OIP, l'Observatoire International des Prisons,
tout en reconnaissant leur travail, mais il dit : " Si on dit
que la prison est un système totalitaire, c'est comme les
camps de concentration, si on est contre ce genre de principe, on
se bat pour l'abolition, on ne se bat pas pour faire rentrer le
droit à l'intérieur ". II se réfère
à Michel Foucault, le philosophe qui a fait l'histoire de
la prison et qui disait : " La réforme de la prison
participe de la prison et de son amélioration ". Donc,
Foucault aussi se situait dans une autre perspective, mais qui est
ouverte ; d'où l'intérêt d'un débat comme
celui de ce soir.
C O M P T E - R E N D U
Alain Dobigny, du groupe local de l'Observatoire International
des Prisons :
Effectivement l'OIP n'a pas pour but l'abolition de la prison. L'OIP
a pour but de dire ce qui s'y passe et de dénoncer, quand
ce qui s'y passe est contraire à la loi ou contraire à
l'humanité. Ensuite, au delà de ça, on peut
avoir une réflexion philosophique ou politique sur la prison,
comme ce dont on va débattre ce soir, et l'OIP n'est pas
contre le débat sur ces points-là, mais sa tâche
est celle d'observer et de dénoncer quand il y a nécessité
de dénoncer. En particulier, actuellement, il y a un mois
est sorti le Rapport France 2003. Malheureusement, on en a peu d'exemplaires
ce soir. Ce rapport fait un état de la situation aujourd'hui,
mais fait aussi un état des politiques pénitentiaires
et de pourquoi c'est comme ça aujourd'hui. C'est important
de voir ce qui nous amène à une telle surpopulation
dans les prisons.
Donc, je vais juste prendre quelques extraits de l'introduction
et du premier chapitre. " Frappant désormais tous les
types d'établissements pénitentiaires, la surpopulation,
touchant trois détenus sur quatre, rend désormais
dérisoire l'ensemble des projets et des actions qui n'ont
pas d'effet immédiat sur la vie quotidienne ". C'est-à-dire
qu'actuellement on ne peut pas raisonnablement penser qu'on peut
améliorer quelque chose à la situation morale des
prisonniers sans agir sur cette situation purement physique de la
surpopulation. Le taux d'occupation moyen est de 125,4%, mais 53
établissements ont une densité comprise entre 150
et 200% et 25 ont une densité supérieure à
200%, dont la maison d'arrêt de Limoges et la maison d'arrêt
de Tulle qui au 1er juillet de cette année étaient
à 222 et 224% de taux d'occupation. C'est énorme.
Comment peut-on amener des personnes à vivre dans ces conditions
et qu'est-ce que ça provoque chez ces personnes ? Thierry
Lévy, le président de l'OIP dit : " Pour ces
personnes, chaque jour nouveau annonce une lutte vouée à
l'échec contre le bruit, la saleté, les mauvaises
odeurs, l'étouffement et, par voie de conséquence
la haine des autres et de soi. En 2002, 122 personnes se sont tuées
en prison et en 2003, le chiffre était déjà
de 73 au 31 juillet. " Je ne sais pas le chiffre exact aujourd'hui,
mais le chiffre de cette année sera certainement, hélas,
plus élevé que l'an dernier. A la maison d'arrêt
de Limoges, il y a eu pour la première fois depuis une dizaine
d'années un suicide cet été. La famille du
jeune qui s'est suicidé fait passer une pétition.
C'est un texte assez raisonnable, malgré leur douleur et
la révolte qui peut animer ces personnes :
" L'objet de cette pétition a deux buts. D'une part,
nous nous opposons à l'opacité de l'Etat et nous demandons
que la vérité nous soit clairement communiquée
quant aux circonstances de son décès. D'autre part,
nous demandons une justice qui soit la même pour tout le monde
et non à plusieurs vitesses, une justice qui soit humaine,
qui élève l'être humain et non une justice qui
l'abaisse et parfois tue. " C'est une demande de clarté
sur ce qui a pu se passer et une demande de justice égale
pour tous ; on est loin d'en être là dans notre société.
Un mot maintenant puisque le thème principal de cette soirée
ce n'est pas la situation dans les prisons, mais plutôt les
alternatives. On peut considérer qu'actuellement on va dans
le sens contraire des alternatives en France. Il y a une baisse
sensible des aménagements de peine qui entretient l'inflation
carcérale. En cinq ans, le nombre de condamnés admis
à la libération conditionnelle a baissé de
4,5% ; le nombre de mesures de semi-liberté a baissé
de 6,5% ; les placements à l'extérieur on chuté
de 18,7%. Tous les aménagements alternatifs à la détention
sont en baisse alors que dans les pays comme la Finlande en particulier,
qui font l'expérience de faire moins de détention
et plus de peines alternatives, la délinquance n'augmente
pas.
Jacques Lesage de la Haye : Évidemment, on fait un très
grand saut quantitatif en parlant des luttes d'il y a trente ans.
J'ai participé en effet au Groupe Information Prisons en
1971 et 72 avec tous les intellos de l'époque : Foucault,
Vidal Naquet, De Felice et quelques autres. Et puis après,
à partir de décembre 1972, janvier 73, j'ai participé
au Comité d'Action des Prisonniers qui a continué
jusqu'en 1980. Ensuite, il y a eu le Comité d'Action Prison
justice ; là, je n'ai pas été membre, mais
sympathisant. A l'époque, j'étais surtout centré
sur des comités de soutien, dans la mesure où dans
ces mouvements et d'autres mouvements, on était arrivé
à la fin d'une certaine militance et il ne me semblait pas
que des mouvements collectifs pouvaient continuer encore. A partir
de là, j'ai participé à 14 comités de
soutien et c'est vrai que dans ces combats-là, nous avons
toujours gagné. Neuf ans de prison, ce n'était plus
que trois ans à la fin de la lutte ; vingt ans ce n'était
plus que quinze ans ; douze ans ce n'était plus que cinq
ans ; une expulsion ça devenait une assignation à
résidence. Bref, des combats avec des comités de 70
à 221 personnes : 221 c'était le comité Serge
Livrozet ; 212 personnes c'était Daniel Debrielle. A chaque
fois que nous nous sommes battus collectivement, nous avons remporté
une victoire.
Et puis, à Paris, il y a eu les radios libres en 1981 et
des copains ont créé Radio Libertaire. Ils avaient
une émission prisons depuis le début et j'étais
souvent invité en tant que militant anti-carcéral,
ce qui fait que j'étais souvent dans ces combats-là
avec eux, mais à travers leur propre structure, moi-même
n'étant plus dans un mouvement en tant que tel. En 1989,
à Radio Libertaire, il n'y avait plus d'émission prisons
parce qu'il y avait eu un conflit avec ceux qui animaient l'émission
à ce moment-là et un des membres de la radio, Patrick
Marest, qui aujourd'hui est le délégué national
de l'OIP m'a demandé si je serais d'accord pour qu'on créée
une nouvelle émission prisons. Elle s'appelle Ras les murs
et elle fonctionne toujours. Elle a lieu tous les mercredis soirs
et c'est une émission à laquelle je tiens beaucoup.
Elle est un carrefour de luttes, et en même temps elle est
en permanence en lien avec des prisonniers. Ceux qui peuvent nous
entendre sont à 50 kilomètres à la ronde autour
de Radio Libertaire. Cinquante kilomètres dans toutes les
directions, cela comprend de nombreuses prisons, et de nombreux
prisonniers sont passés par la région parisienne,
soit dans les maisons d'arrêt soit à Fresnes ; donc
automatiquement, ils correspondent avec nous. Bien sûr, ils
ne nous entendent pas, mais comme on leur répond individuellement,
ça fait des lettres que-nous pouvons lire à l'antenne
dans la rubrique courrier. Évidemment quand il y a des luttes,
nous participons, ou quelquefois, nous en impulsons. Nous n'en sommes
qu'à des frémissements de luttes réelles au
niveau collectif et surtout national, et que les luttes actuellement
sur le plan carcéral sont surtout sporadiques et sont très
loin de cet espèce d'engagement et d'embrasement que nous
avons connu à l'époque du Comité d'Action des
Prisonniers (CAP).
L'essentiel de la soirée, pour nous c'est évidemment
un débat, un échange d'idées ; voici quelques
grandes lignes qui pourraient vous donner des éléments
pour prendre position, être d'accord, être critique,
avoir d'autres propositions, même alternatives aux alternatives.
En 1971-72 quand j'ai commencé à lutter, les premières
luttes que j'ai menées étaient anti-carcérales
et anti-psychiatriques. Je disais : il faut fermer les camps de
concentration psychiatriques et les camps de concentration carcéraux.
On m'a toujours dit que c'était utopique. Aujourd'hui, le
service psychiatrique où j'ai travaillé depuis 1972
est fermé depuis quatre ans. Etait-ce utopique ? Oui, bien
sûr, c'était utopique. L'utopie c'est ce qui est impossible
aujourd'hui mais qui est possible demain. Et quand je persiste et
signe sur la fermeture des prisons, c'est une utopie : c'est impossible
aujourd'hui mais possible demain.
C'est un débat contradictoire que j'ai surtout avec l'administration
pénitentiaire. Le dernier débat, je vous le donne
tel quel : " Monsieur Lesage de la Haye, vous avez peut-être
raison, mais nous avons trente ans de retard sur la psychiatrie.
" Donc, comme nous avons commencé à fermer les
HP en 1998, je leur ai donné rendez-vous en 2028 quand nous
fermerons les prisons.
J'ai eu un débat contradictoire avec un chercheur, Pierre,
qui m'a dit : "Tu es un peu optimiste, moi je crois que c'est
2050. " Eh bien nos enfants seront là en 2050 pour la
fermeture des prisons.
Christophe m'a fait remarquer que notre analyse politique était
frontale : abolition de la prison, point, après on verra...
On a vu : on ne l'a pas abolie et actuellement la politique est
à l'inverse. On remplit et on ne réfléchit
pas sur la cause de cet emprisonnement massif, à savoir la
misère. On a bien lu un bouquin de Loïc Wacquant qui
s'appelle Les prisons de la misère, en France c'est pareil,
on suit la même logique. Eh bien, on préfère
créer des places nouvelles.
II est entendu que nous avons tous peur. On tremble, on a peur,
et on veut être rassuré. Voilà pourquoi il y
a des CRS et des gendarmes. La fracture sociale nous menace : c'est
Chirac qui le dit. Paradoxalement, il paraît que la délinquance
recule ; mais le nombre des prisonniers augmente. Alors ? De qui
se moque-ton ? La surpopulation en prison, ajoutée à
la chaleur (ou au froid) cause des conditions de vie tellement épouvantables
qu'il y a des mutineries.
Après une mutinerie, on nous dit : "Regardez : ça
a coûté 13 millions d'euros". On oublie de dire
que les prisonniers de Saint-Maur avaient fait 450 lettres à
la Chancellerie, qui ont fini à la corbeille. On ne dit pas
les revendications ni les causes, parfois même on cache l'existence
d'un mouvement. Le public ne sait pas ce qui se passe dans les prisons.
Quand on ne peut pas le cacher, on résume une mutinerie en
disant aux contribuables : "Ça vous a coûté
tant". Avec mon équipe de Ras les murs sur Radio libertaire,
et deux autres collectifs dont Parloir libre (Aujourd'hui l'Envolée
sur Paris fréquence plurielle) nous avons occupé le
chantier de la maison d'arrêt de Nanterre. Nous étions
46 occupants : trois filles étaient montées dans les
grues, les 43 autres entouraient le chantier. Moi j'avais pour mission
le " dispatching médias ". De 7 heures du matin
jusqu'à 16 h 30 j'ai téléphoné sans
arrêt, en répétant que 46 militants occupaient
le chantier. Et voici les informations officielles données
par toutes les chaînes de télé et radio (sauf
quelques radios alternatives et TV6) : "Des militants ont occupé
le chantier de la prison de Nanterre mais à 8 heures ils
ont été évacués par la police."
J'ai gueulé que c'était un mensonge, mais la communication
était coupée, ou bien on me baladait d'un service
à l'autre. Enfin, à France-Info, quelqu'un a fini
par me dire que cette information mensongère était
diffusée sur ordre de la Préfecture. Le public est
berné par des médias aux ordres, il ne peut pas savoir
ce qui se passe vraiment.
Je pense qu'il est totalement insécuritaire de mettre des
gens en prison. 75 % de ceux qui entrent en prison le font pour
des délits de petite délinquance alimentaire, à
cause de la misère. Les autres sont des psychopathes. A leur
sortie, leurs problèmes sont les mêmes qu'à
l'entrée, mais s'y ajoutent la haine, le désespoir,
le désir de vengeance. 50 % des détenus récidivent.
S'ils sont déjà récidivistes (2 condamnations),
ils recommencent à 70 %. S'ils sont multirécidivistes
(3 condamnations ou plus), ce taux est de 90 %. Est-ce que vous
connaissez une entreprise qui pourrait accepter un tel taux d'échec
? Voici la vraie efficacité de la prison : on met les gens
en prison pour créer de l'insécurité et préparer
de nouvelles victimes. La politique sécuritaire est une imposture.
La prison doit être déconstruite pour n'être
jamais reconstruite.
Alain Brossat, Anne-Marie Marchietti, Pierre Tournier, tous ces
chercheurs disent la même chose : les alternatives créent
moins de récidive que l'enfermement. C'est très clair.
Pourquoi les pouvoirs publics ne veulent-ils pas l'entendre ? On
dirait que ça les dérange.
Voici quelques exemples : à la ferme de Champoly entre Saint-Etienne
et Le Puy, il y avait un lieu (La Planche) organisé par les
éducateurs de la sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence
(aujourd'hui il y a une nouvelle structure). Sur les 400 jeunes
qui y sont passés, condamnés à des peines entre
6 et 18 mois, le taux de récidive est tombé de 50
à 22 %. Dans l'état de Massachussets, depuis 1965,
un psychologue et un sociologue (aujourd'hui fatigués, ils
se sont retirés) avaient tenté une expérience
similaire, qui fut une réussite. Tout cela met en général
en oeuvre trois solutions alternatives : les foyers fermés,
les foyers semi fermés et les familles d'accueil ; avec des
formations professionnelles et des centres de loisirs. On trouvera
les résultats statistiques de ces expériences dans
Fermez les prisons de Denis Briggs. Les taux de récidives
de ces jeunes tombent à 15 % chez ceux qui sont passés
par les centres sans être passés par la prison, et
cela économise des millions de dollars, car faire marcher
une prison, cela coûte très cher. J'ai rencontré
vers 1986-87 un spécialiste en criminologie de Turin, Scatolero,
qui avait tourné un film. 11 faisait visiter la prison de
Turin aux gens de la ville. Filmés à l'entrée,
les gens disaient que les prisonniers étaient des voyous,
des salauds, et qu'il fallait bien s'en protéger par la prison.
A la sortie de la visite, disaient : "Ça pourrait être
nos enfants ; ils sont trop confinés, trop oisifs ; il faut
inventer autre chose que la prison". Une association de 2000
membres a organisé des ateliers de mécanique auto,
de boucherie, de cuisine, et de boulangerie pour les prisonniers,
qui circulaient ainsi entre prison et association. Une aile de la
prison, qui comptait 100 détenus, a fini par n'en avoir plus
que 8, et le directeur a fini par dire : " Monsieur Scatolero,
vous m'avez volé ma prison. "
C'est un constat : chaque fois qu'il y a des peines alternatives
à la prison (y compris le bracelet électronique qui
par ailleurs est insidieux et pervers) le détenu récidive
moins. S'il récidive, il n'y a pas d'escalade dans le délit
: par exemple de petit casseur à braqueur, comme cela se
produit souvent chez les anciens détenus. On devrait pouvoir
facilement faire tomber la population carcérale de 60.000
à 15 ou 20.000 personnes.
Le dernier carré, ce sont les criminels sexuels. C'est ce
que nous montrent sans arrêt les médias, qui pratiquent
un amalgame honteux entre pédophiles, violeurs, incestueux
(il y en a de plus en plus) et agresseurs.
Derrière le cliché du pédophile, il y des catégories
de criminels sexuels qui sont en prison pour des raisons différentes.
On nous dit : " Et si la victime était votre fille ?
" et je peux respecter une réaction de vengeance à
chaud, quand arrive l'événement. Mais la Justice ce
n'est pas la vengeance, ce n'est pas la loi du talion. C'est la
recherche d'une solution pour protéger la société,
réparer les torts quand c'est possible, et transformer le
délinquant pour qu'il ne récidive pas. La prison ne
répond pas à cette demande sociale. La Fédération
française de santé mentale, dont je fais partie, compte
80 spécialistes qui ont eu en thérapie des criminels
sexuels. Nous pratiquons une thérapie bifocale : le criminel
sexuel a un psychiatre qui lui donne une camisole chimique, et un
psychologue. Ce dernier ne fait pas d'injonction thérapeutique
(" Si tu veux sortir, tu fais une thérapie " :
ça ne marche pas) mais une incitation à la rencontre.
Celui qui est enfermé se rend bien compte qu'il est mal.
S'il obtient des réponses à certaines questions qu'il
se pose, il va demander à revenir. Peu à peu, certains
criminels sexuels peuvent sortir : ils ne sont plus dangereux, à
condition qu'ils gardent la camisole chimique et acceptent les visites
à domicile. L'avantage, c'est qu'il n'y a pas de récidive
et qu'il y a un suivi médical. Pour certains même,
la thérapie creuse jusqu'au niveau de l'inconscient. Les
causes profondes des actes criminels sont comprises, analysées
et dépassées. Alors on sait qu'on peut baisser le
traitement, à, condition qu'il y ait toujours un suivi. En
tous cas, c'est bien plus sécuritaire que d'enfermer un mec
pour 20 ou 30 ans ; à sa sortie il va récidiver, et
presque toujours de façon plus grave.
II y a eu une fuite dans L'Evénement du jeudi un jour :
il y a des criminels sexuels qui marchent dans nos rues ! Nous,
nous disons que ceux qui sont arrêtés devraient être
suivis dès l'entrée en prison, et après aussi.
Mais c'est une question de société : l'équipe
de Muret (près de Toulouse) nous répond : "Vous
plaisantez, nous avons 600 détenus, dont 185 criminels sexuels.
On ne peut les voir qu'une fois tous les 6 mois, par manque de crédits
et de personnel". Est-il électoraliste de dire "Je
ne veux pas de gendarmes, pas de surveillants, je demande des éducateurs
de prisons, des assistantes sociales, des psychologues, des médecins?"
Ca ne marche pas, car l'électeur a peur. II vote pour ce
qu'il croit être la sécurité.
Et pourtant la démonstration est faite que c'est bien le
contraire qui se passe. Si ce "dernier carré" (l'argument
suprême pour ne pas fermer les prisons) est désormais
traité, il cesse d'être dangereux. Par exemple, Patrick,
de la Courneuve, n'est plus dangereux aujourd'hui. II a tué
une femme, il a pris 15 ans et fait 11 ans de prison. Nous avons
travaillé pendant 6 ans avec lui. II y a des centaines d'exemples
comme ça, ils ne récidivent pas alors que ceux qui
sont mis en prison et pas suivis (145 cas pour 40 suivis), ceux-là
ont de fortes chances de récidiver.
Le dernier point c'est la gestion de ces problèmes de société.
Les politiques nous prennent pour des cons. Nous avions décidé
de lancer une expérience pilote dans le Val de Marne. Nous
avions créé un lieu, évidemment fermé,
car ces types sont dangereux, mais ce n'était pas une prison
: il ne s'agissait pas de les maltraiter mais de les empêcher
de nuire. Nous envisagions un travail thérapeutique. Pourquoi
le Conseil général a-t-il refusé ? D'après
les infos que j'ai eues il s'agissait de basses histoires électoralistes.
Mais aussi parce que cette expérience aurait pu apporter
la preuve d'un travail efficace sur le "dernier carré",
qu'on nous cite toujours en exemple. Ce sont les petits délinquants
qui peuplent surtout les prisons : la moyenne des peines est de
8 mois et 3 jours. Toutes ces petites peines et même les gros
criminels sexuels, pourraient être suivis autrement en alternative,
ou dans des lieux comme celui que nous voulions créer. J'espère
que ma démonstration a été claire.
DEBAT
Un intervenant :
Le centre de détention d'Uzerche a 600 places, et depuis
deux ans ni psychologue ni psychiatre n'y a mis les pieds, malgré
les efforts du directeur et des travailleurs sociaux. Une équipe
se met en place seulement en ce moment.
Jacques Lesage de la Haye (JLH) :
C'est comme ça dans beaucoup de prisons. En France il y a
166 infirmières pour 187 prisons. 300/o des prisonniers sont
des malades mentaux.
Un intervenant :
Toute personne sensée comprend que le maintien de la prison
est une nécessité pour un certain nombre de personnages
et pour la défense de la société capitaliste.
La prison n'a-t'elle pas un rôle économique?
JLH :
Albert Jacquard imagine l'anecdote suivante : un jour des délinquants
élus par les autres rendent visite au premier ministre et
lui annoncent qu'ils veulent se mettre à travailler honnêtement.
Le premier ministre se met en colère : "Je n'ai pas
de travail à vous donner, retournez faire les délinquants,
sinon vous allez gravement nuire à des professions comme
surveillants, policiers, avocats et magistrats".
Un intervenant :
N'y a-t-il pas aussi une angoisse de la sortie ?
JLH :
Mettre un criminel sexuel en prison avec les autres est une catastrophe.
Leur surnom est "pointeur" pour un "garçon"
(c'est-à-dire un dur, un voyou, un vrai mec), un pointeur
c'est comme une balance ou un homosexuel. On refuse de lui serrer
la main, on le rackette, on le tabasse et dans certains cas on le
viole. Ca se passe dans presque toutes les prisons. C'est parce
que l'administration n'a pas défendu un détenu à
Rouen, qu'elle a été condamnée pour non-assistance
à personne en danger. A Bois d'Arcy un surveillant a dit
à trois détenus : "Le pointeur Untel va aux douches,
est-ce que vous voulez y aller?".
Mais les pointeurs ont peu de demandes thérapeutiques. Nous
attendons le moment où ils sont demandeurs. II y a beaucoup
d'états limites : des psychopathes, des caractériels,
des schizoïdes, des paranoïaques et des pervers. Un pervers
n'a aucune demande, au contraire il jouit du mal qu'il a fait. Un
psychopathe est conscient de ce qu'il a fait, mais il récidive
parce qu'il ne peut pas s'en empêcher, il est convaincu que
la société a tort et lui raison. Un caractériel
ne se contrôle pas, il explose. Un paranoïaque est convaincu
d'avoir raison. Donc une bonne partie de ces criminels n'ont pas
de demande de soin. Ils ne se rendent même pas compte de ce
qu'ils ont fait. Une explication qui va vous paraître bizarre
est psychologiquement simple : ils n'ont pas passé le cap
où, quand on se construit, on se rend compte qu'on est un
sujet digne d'estime, de respect et peut-être même d'amour,
donc que l'autre aussi est un sujet. Ils vous disent : "Je
suis une merde, je ne suis rien, il ne faut pas tenir compte de
moi". Mais vous êtes la même chose à leurs
yeux. Vous êtes des objets. Pour un criminel sexuel de ce
type vous êtes comme une casserole ou comme une voiture. II
vous utilise, il vous jette. Ça ne sert à rien de
les mettre en thérapie s'il n'y a pas de demande, car pour
sortir ils feront des thérapies bidons. L'incitation à
la rencontre c'est : ils sont bouclés, ils souffrent, comme
tout être humain, et ils ont la soupape de pouvoir parler
à quelqu'un. A la longue ils finissent par s'apercevoir qu'être
écouté ça fait du bien. Voilà comment
peut commencer le travail de thérapie. Lâcher un criminel
sexuel non soigné c'est un crime, c'est préparer une
nouvelle victime. Ce n'est pas parce qu'on est libertaire qu'on
est un con ou un laxiste. La base c'est ne pas faire de victime.
Donc le criminel est dans un lieu fermé, il ne sort pas,
pour nous il n'est pas condamné à 5, 20 ans ou perpète.
Non : on fait un travail thérapeutique parce que c'est un
malade. La mode actuelle depuis les années 90 est catastrophique
: un paranoïaque ou un débile, on le met en prison pour
le responsabiliser. C'est la logique américaine, qui à
la limite amène à condamner a mort des débiles,
des mineurs, des schizophrènes. Ca ne rime à rien.
On ne responsabilise pas quelqu'un qui est fou, qui a perdu le contact
avec ses semblables. Dans un lieu fermé le travail; de thérapie
commence quand il est demandeur. Tant qu'il ne l'est pas, il n'y
a pas de thérapie mais un traitement. En attendant il ne
sort pas, mais on ne le torture pas, il n'y a pas de "torture
blanche", pas de mitard. II y a un travail, des activités,
de la socialisation, et on attend qu'il finisse par se rendre compte
qu'il a un problème et qu'il est malade.
Un intervenant :
Tu as commencé ton propos en parlant de la fermeture des
hôpitaux psychiatriques. C'est vrai qu'ils ont été
fermés, mais aussi qu'on a défoncé par des
médicaments une bonne partie des gens qui y étaient.
Tu as parlé de camisole chimique. Si c'est une alternative
à la prison, ce n'est pas joyeux.
JLH :
Dans un système international à la solde des banques
et du FMI, je ne vois pas le bonheur à l'horizon. Alors lisez
Ira Lewin, Un bonheur insoutenable, et nous serons d'accord. Dans
le mouvement antipsychiatrique dont j'ai fait partie, nous avons
voulu fermer l'HP parce que c'était un camp de concentration.
Et tous les gens dans ce mouvement (Foucault, Cooper, Basaglia,
Guattari) ont multiplié les lieux thérapeutiques,
les
appartements, les communautés. J'avais un appartement où
j'ai hébergé 70 jeunes délinquants toxicomanes
psychiatrisés. Sur ces 70 je n'ai eu que 6 récidives.
Dans l'appartement il n'y avait avec moi que ma femme et mon fils
et nous n'avions rien d'exceptionnel, nous faisions ça par
cohérence avec nos idées. C'était un débat
avec les révolutionnaires de l'époque, qui trouvaient
ça "réformard". Mais si je veux être
en accord avec mes idées, il ne me suffit pas de faire des
manifs ou des discours. Dans mon quotidien, je peux peut-être
faire quelque chose si je veux qu'il y ait moins de prisons et de
psychiatrie.
En 1972 je suis entré comme psychologue à l'HP La
place du psychologue est une question : je n'ai eu de bureau qu'en
1994. Ma chance, c'était que j'étais copain avec des
médecins chefs, militants communistes ou trotskistes, des
mecs qui n'étaient pas des ennemis même si certains
hommes politiques sont des ennemis pour moi. Depuis les années
1990 j'ai vu les circulaires du gouvernement qui disaient : "L'hôpital
est déficitaire, fermez". Or, en 1965 à l'hôpital
de Ville Evrard il y avait 2300 patients, en 1997 plus que 400,
aujourd'hui plus que 200. C'est bien. Mais ce qui fait marcher l'hôpital
c'est le prix de journée, et multiplié par 2300 ou
par 200 ce n'est pas la même chose.
On a viré les patients de manière arbitraire, et on
les a foutus dans des camps de concentration pour épileptiques,
psychotiques, autistes en Belgique (il y a un centre qui est bien,
mais un autre comme nos HP est un véritable camp de concentration)
ou bien on les a laissés à la rue. Rappelez-vous l'histoire
de ces deux femmes qui sortaient de SaintAnne, dont l'une est morte
de faim et l'autre s'en est sortie in extremis. Pourquoi ? Parce
que des équipes n'ont pas réussi à les suivre.
Ils deviennent SDF, ils se défoncent, ils volent. Une bonne
partie d'entre eux, à cause de leurs problèmes psychiatriques
commettent des délits et des crimes qui les conduisent à
la prison, ou à cause de ces mêmes problèmes
n'arrivent pas à travailler et commettent des délits
ordinaires qui les conduisent aussi en prison. L'effet pervers de
la fermeture des asiles, c'est que 30% des prisonniers aujourd'hui
sont des malades mentaux. Je reconnais que tous les alternatifs
dont j'ai fait partie se sont fait avoir par le système capitaliste,
et je crains que si on fait avec la prison comme on a fait avec
l'HP la même chose se produise. Le système capitaliste
voudra que les prisons soient rentables et si elles deviennent déficitaires
il faudra virer les gens de manière catastrophique. L'avenir
est très sombre.
Un intervenant :
Aux Etats-Unis en vingt ans on est passé de 500.000 à
2 millions de prisonniers. Ça prouve bien que le capitalisme
peut digérer les frais liés à la police. On
peut craindre la même dérive en France. Dans les projets
actuels, le gouvernement ne garderait plus que les pouvoirs dits
régaliens comme la justice, la police et l'armée.
Un intervenant :
II y a un gros problème avec les produits de substitution
pour les toxicomanes. II faut les calmer. Mais le traitement engendre
racket, violence et trafic. A Agen j'ai posé la question
au directeur régional de la pénitentiaire et il en
est conscient, mais il n'a pas de solution. A Uzerche, il y a un
défilé à l'infirmerie tous les matins. On attend
que les détenus aient avalé le produit de substitution,
car un comprimé dans le trafic interne a la valeur de 2 paquets
de cigarettes et les détenus se livrent au trafic librement
ou sous la contrainte.
JLH :
Certains directeurs réagissent comme à Uzerche, d'autres
disent que la prise de drogue, quelle qu'elle soit, est un réducteur
de tension et donc ne touchent à rien.
Un intervenant :
Je connais la prison depuis 23 ans, je n'ai jamais vu autant de
médicaments circuler que cette année. Pas seulement
les substituts à l'héroïne, mais les neuroleptiques
et les tranquillisants que les détenus stockent et négocient.
Est-ce qu'il n'y a pas une responsabilité du corps médical
? Autre problème : j'ai connu Loos lès Lille en 1986/87
et à l'époque il y avait le plan des 13000 qui était
en place, c'était l'avenir. Aujourd'hui on a le projet Bédier
et on aura un plan des 20.000. J'ai l'impression que les peines
se sont allongées, pratiquement doublées sur 23 ans.
JLH :
Aujourd'hui en maison d'arrêt un détenu sur deux est
sous médicaments. Sur l'ensemble de la population carcérale,
un sur quatre. Ce sont des neuroleptiques, des médicaments
de substitution, des anxiolytiques et des antidépresseurs.
Le trafic est normal puisqu'en prison on est privé de tout.
Quand on ne peut pas tout faire péter et qu'on n'a envie
que de ça, quand on est dos au mur, la réaction qui
consiste à s'évader me semble légitime. A ce
moment-là on retourne la violence contre soi et on prend
des médicaments. C'est dramatique mais c'est tout ce qu’a
trouvé l'administration pénitentiaire pour éviter
les accidents. Qu'est-ce qui va faire que ça change? Pas
grand chose : depuis janvier 1994 c'est l'hôpital qui envoie
ses soignants à la prison, mais ce personnel lui aussi est
prisonnier de la logique carcérale. II faut lire le livre
d'une infirmière de Fleury. Elle a reçu de la part
des surveillants des menaces qui ont commencé à entrer
en exécution et elle a été obligée de
démissionner. C'est une logique infernale : la prison détruit,
mais en même temps propose des mécanismes pour que
les détenus supportent leur propre destruction. On fait d'eux
des toxicomanes. Quand ils sortent ils sont accros et vont se précipiter
sur n'importe quoi, sur n'importe qui. Cette logique infernale est
réductrice des tensions à court terme, pendant le
temps de la prison.
Un intervenant :
J'ai vu entrer les télés en prison en 1986 et c'était
une révolution. Mais d'abord la télé n'est
pas gratuite : ensuite j'ai le sentiment que ça a isolé
les détenus et les a conduits à l'oisiveté.
Au lieu d'aller à l'école, ils restent sur leur lit
à regarder les séries américaines ou le foot.
JLH :
Mon copain Farid appelait ça la télé valium.
C'est un médicament, elle aussi est réductrice de
tensions. Un des symptômes c'est que là où il
y avait l'association Syndicat des prisonniers, à laquelle
adhéraient 1700 détenus sur les 42.000 de l'époque,
il n'y a plus rien. Un mouvement de responsabilisation comme ça
n'existe plus. La télé coûte 230 à 270
francs par mois, et de pauvres gens endoctrinés par les médias
disent "et en plus ils ont la télé", en
oubliant que les détenus la paient, et bien plus cher qu'à
l'extérieur. Des marques font des sous sur cette misère
des prisonniers et ceux qui ont le statut officiel d'indigent, eux,
n'ont pas la télé.
Un intervenant :
II y a deux piliers : d'une part l'économie car la prison
rapporte à des gens, et d'autre part l'expiation car on ne
va pas plaindre des délinquants pour lesquels on paie des
impôts.
AH :
Bouygues, La Lyonnaise des eaux, et même des services médicaux
font de l'argent sur des détenus. II y a aussi les sociétés
de distribution de repas. Sodexo s'est dégonflés en
France car on a fait des actions, mais aux Etats-Unis cette société
fait des sommes colossales. Je crains que même les prisons
d'Etat s'alignent là-dessus. On tiendra le détenu
par une prison à deux vitesses comme la justice du même
nom. Les détenus qui peuvent travailler dans des ateliers
organisés par ces entreprises gagnent un peu plus que ceux
qui sont au service général comme le comptable, le
balayeur ou le linger.
Un intervenant :
II y a un vide juridique, c'est le statut du détenu au travail.
Moi j'ai travaillé dans différentes maisons d'arrêt
et quand je gagnais 600 francs par mois j'étais content.
Or, je payais des cotisations sociales. II faut parler aussi des
étrangers expulsables sans argent. On leur prend le peu d'argent
qu'ils ont sur leur pécule, à leur libération
la Pénitentiaire leur prend 5 à 10%. C'est de l'esclavage
organisé par des sociétés privées :
la cantine double les prix pratiqués à l'extérieur.
Un intervenant :
Précisez le terme de prison privé. Je suis visiteur
depuis 13 ans. Toutes les prisons dépendent de la Pénitentiaire,
du ministère de la Justice. Les programmes qui y sont mis
en place sont parfois gérés par le privé mais
la Pénitentiaire est maître d’œuvre souveraine.
Le privé assure uniquement la maintenance.
JLH :
Ce sont les sociétés privées qui gagnent de
l'argent, ce n'est pas la Pénitentiaire. Elle a des accords
avec ces très grosses multinationales et elle se débarrasse
d'une partie de la gestion. Cela aussi est réducteur de tension
: celui qui se tient tranquille ira travailler dans une prison où
au lieu de gagner 600 francs il pourra se faire 1500 et même
3000 francs par mois.
Le même intervenant :
Dans toutes les réunions il est reconnu que la gestion est
meilleure parce que le privé, ce sont des spécialistes.
Un directeur, un économe, ce ne sont pas des spécialistes.
JLH :
C'est peut-être mieux géré à court terme,
mais cela participe de la même logique infernale : faut-il
mettre les détenus entre les mains de gens qui vont les exploiter
? Pour gagner 800 francs je me tiens tranquille, je ne me révolte
pas, je ne me responsabilise pas. II y a là un chantage qui
entraîne une soumission du détenu sous la tutelle d'entreprises
dont le seul objectif est la rentabilité. Ce n'est ni pédagogique
ni éthique.
La construction des prisons est financée par le public mais
des contrats sont passés avec des architectes et des entreprises.
J'avais participé à la commission architecture-prison,
sous Badinter en 1984/85. J'y allais uniquement pour qu'il y ait
des unités de visite familiale. L'administration pénitentiaire
seule organise tout ça, paie les architectes et sous-traite
avec les entreprises du bâtiment.
Un intervenant :
Dans les nouveaux programmes, il est prévu aussi que les
prisons seront la propriété des entreprises et seront
louées à l'administration. Elles représentent
donc un investissement du privé.
Un intervenant :
Depuis le début on fait le constat de ce qui existe, mais
il y a-t-il des solutions ?
JLH :
Oui, ce sont les lignes théoriques que je propose ; mais
il y a aussi un autre travail, qui est à mener dans la rue.
Une intervenante :
C'est diabolique : ceux qui ont le pouvoir possèdent des
entreprises, des usines. Ils paupérisent la population, ce
qui la conduit au délit et à la prison. Les problèmes
de la société se retrouvent dans la population carcérale.
Par exemple, les enfants des écoles prennent de plus en plus
de neuroleptiques. On voit de plus en plus d'enfants dont les familles
sont économiquement faibles. Dans les écoles, les
conditions de travail se dégradent. On ferme des écoles
et on ouvre des prisons.
Un intervenant :
Evidemment que les gens sont mieux traités dans les prisons
privées : cette main-d'oeuvre est une manne. II y a un intérêt
évident.
JLH :
Effectivement les détenus des prisons privées ont
un niveau de vie meilleur. La question qui se pose est plus vaste.
II y a des lois, c'est la base de cette société. Si
des infractions à la loi sont commises, la justice, mandatée
par nous, décide d'une punition car on est dans un pays judéo-chrétien.
La punition, c'est faire souffrir, en fonction d'un code rigoureux,
la personne qui a fait du mal aux autres ou qui simplement a causé
un tort à une entreprise. Le rôle de la Pénitentiaire
est de faire exécuter la punition décidée par
la justice. Mais à partir du moment où on arrive à
une autre gestion, la prison devient une entreprise capitaliste
qui va souhaiter, grâce à la complicité de la
justice, avoir de plus en plus de travailleurs sous-payés.
La logique carcérale ne sera plus une logique punitive mais
une logique de rentabilité. Le glissement d'un Etat à
visée sociale (si tant est qu'il le soit) vers un Etat à
visée économique est inquiétant.
Un intervenant :
Tu as cité plusieurs cas d'alternatives qui, chaque fois,
se délitaient quand avançait l'âge des personnes
qui les avaient créées. Comment faire pour qu'une
solution alternative échappe à ces personnalités
fortes et puisse se maintenir ?
JLH :
Parfois c'est tout une équipe qui se fatigue et pas seulement
un personnage charismatique. Mais il faut garder espoir car les
lieux de vie se multiplient. Et le combat continue.
un intervenant :
J'ai fait un passage à la maison d'arrêt de Poitiers
en 1992 et j'ai entendu parler d'un projet, le JET J'ai vu partir
un groupe de 10 détenus de moins de 25 ans, mais 8 sur 10
sont revenus au bout de huit jours parce qu'il fallait se lever
à 6 heures du matin.
JLH :
Le JET (Jeunesse Et Travail) existe toujours. C'est une structure
militaire avec une certaine discipline. J'ai rencontré les
fondateurs. C'étaient des mecs comme mon père, avec
les cheveux gris très courts et les yeux gris bleus. Au JET
il faut se lever à 6 heures, faire un salut au drapeau, etc.
II y a aussi du sport d'assez haut niveau et des travaux dits d'utilité
publique. Ce fonctionnement fortement hiérarchisé
rencontre beaucoup d'échecs, car on sait bien que les jeunes
en prison sont tellement peu militaires qu'ils ne veulent même
pas travailler. Mais ce qui est intéressant c'est que deux
sur dix sont restés. Ce système autoritaire les rassurait,
un peu comme le père qu'ils n'avaient pas eu. II faut que
nous acceptions d'être en contradiction avec nous-mêmes.
C'est ce père que je n'ai pas eu, sinon je n'aurais jamais
été psychopathe, moi. Voilà, je voulais vous
dire ça. Ces pères-là leur marquaient des limites
mais ils étaient bons. La majorité des taulards ne
demande pas cela, mais pour deux sur dix ça donne des résultats.
Un intervenant :
La justice des mineurs est intéressante car elle est fondée
sur l'Ordonnance de 1945 et la primauté de l'éducatif
sur le répressif. Même si elle est décriée,
elle a donnée des preuves de son aspect positif. Beaucoup
de jeunes sont confrontés à la justice une fois et
n'y reviennent pas. II n'y a pas tant de récidivistes que
cela car il y a un travail éducatif. En revanche le projet
actuel de Centres éducatifs fermés est très
dangereux sur le plan idéologique car on ne peut systématiser
aucune pratique. Même des séjours très courts
en incarcération peuvent produire un déclic dans certains
cas. Notre travail d'éducateur est de toujours chercher d'autres
moyens, une alternative à l'incarcération. Au fond
la seule alternative c'est la liberté, fut-elle conditionnelle
ou limitée.
Je m'oppose syndicalement aux centres fermés pour des raisons
idéologiques, éducatives et économiques, mais
je voudrais avoir l'avis du psychologue. Enfin : de quels outils
de contention peut-on se doter ?
JLH :
Le gouvernement lui-même dit depuis des années qu'il
faut éviter l'incarcération des mineurs. Or depuis
des années on a entre 600 et 800 mineurs en prison. A la
centrale de Caen (aujourd'hui Centre de détention) mon voisin
de cellule avait quinze ans et il était là parce qu'il
avait fugué d'un centre pour mineurs dans l'Est. II a fallu
que quelques voyous (dont moi) le protègent, car c'était
une proie pour les autres. De qui se moque-t-on, quand on dit qu'il
ne faut pas les incarcérer, et qu'on l'es met dans une Centrale
avec une moyenne d'âge de 28-30 ans où les gens sont
frustrés sexuellement ? Quand j'avais vingt ans, j'ai dû
me battre six fois en six mois pour ne pas passer à la casserole.
L'Administration se fout du monde, la Justice en l'occurrence est
lamentable. Cela dit, une juge pour enfants, qui a arrêté
tellement elle en avait marre, et qui était au Syndicat de
la Magistrature, a dit : lorsque j'ai essayé vingt fois d'éviter
la prison à un môme, que j'ai sollicité toutes
les boîtes, les associations privées, la protection
judiciaire de la jeunesse, les actions éducatives en milieu
ouvert et que tout a été tenté, et que ce môme
continue à récidiver, que puis-je faire ? Le mettre
" en carafe " en prison en attendant qu'une solution arrive.
Et évidemment elle n'arrive pas. Donc il sortira encore plus
démoli qu'avant. Une précision : quand je parlais
de récidives de 50 % pour les primaires mineurs (voir plus
haut) c'était bien entendu pour ceux qui ont été
mis en prison, car il ne faut pas oublier que pour les mineurs les
alternatives sont nombreuses. Les surveillants de la CGT Pénitentiaire
ne veulent pas de prison pour les mineurs et réclament la
multiplication des alternatives, même pour les majeurs. C'est
le seul syndicat qui dise cela ; je vous laisse imaginer le discours
de l'UFAP ou de FO Pénitentiaire.
Actuellement on est dans une impasse. Les travailleurs sociaux sont
en bout de chaîne : otages d'un système, ils sont là
pour prendre les coups de ces jeunes désespérés,
révoltés. La question qu'on ne pose pas, c'est pourquoi
il y a aujourd'hui tant de jeunes sans culture, illettrés,
et dans la misère économique avec des familles détruites.
Pour survivre, ils sont bien obligés de voler ou de dealer.
Je ne fais pas de morale sur ces sujets-là : quand on est
à la rue le vol est légitime. Cela dit, ça
dérange la société et les individus : c'est
normal ; mais tout le monde a le droit de manger. La société
ne se pose pas ces questions-là et dit : "Vous, imbéciles
de travailleurs sociaux, allez faire les boucliers."
Qui se souvient aujourd'hui du groupe Information des Travailleurs
sociaux ? Qui a encore cette analyse politique ? Les alternatives,
ça ne suffit pas : il y a quand même autre chose à
faire aussi, et je suis indigné.
Un intervenant: :
Je suis le délégué JET à Limoges et
je peux confirmer que cette expérience continue. II y a quatre
centres, deux pour majeurs et deux pour mineurs. Nous rencontrons
toutes les difficultés dont il a été question
au cours de cette soirée très instructive. JET accueille
seulement les garçons qui l'ont demandé, après
qu'on leur a donné une information détaillée
des conditions de déroulement d'un stage (c'est mon travail).
JET offre une possibilité à des garçons en
fin de peine, donc toujours sous le contrôle de la Justice
: le chef de centre n'a pas de pouvoir disciplinaire, la libération
conditionnelle dépend du Juge d'application des peines. Enfin,
une caractéristique intéressante de JET, c'est que
les cadres directs suivent exactement le même régime
que les stagiaires. Ils ne les quittent jamais. C'est très
important : en trois ou quatre mois se noue une relation, et ce
que vous évoquiez se passe souvent. Le cadre a à peu
près leur âge, mais il leur parle un peu comme un père
; quelquefois on l'entend dire et ça nous fait plaisir. Ils
ont un temps immense pour parler et pour écouter. Le dialogue
est dur parfois, mais il existe. Malheureusement, c'est une expérience
quantitativement limitée.
Une intervenante :
Y a-t-il une véritable volonté de promouvoir des alternatives
à la prison, quand on a un sous-ministre chargé de
construire des prisons ?
En général quand on construit des structures, c'est
pour les remplir. J'apprends qu'on va changer le mode de remise
de peine : cette remise serait accordée dès le départ,
mais supprimée peu à peu en cas de mauvaise conduite.
Ce qui veut dire que les jurys et les tribunaux vont être
amenés à allonger les peines, puisque la remise de
peine va apparaître plus clairement au moment du jugement.
Et les prisons seront encore davantage remplies si les peines sont
un peu plus longues. 11 faudrait parler aussi de "l'après
prison" : en général, la prison ne s'arrête
pas au moment de la sortie de prison. Les conséquences durent
longtemps, dans la vie de ceux qui sortent.
JLH :
Je n'ai fait que onze ans et demi de prison, mais il m'a fallu treize
ans pour en sortir. En 1980 la moyenne des peines en France était
de 4 mois, aujourd'hui elle est de 8 mois. Mais notez qu'elle n'est
"que" de 8 mois, malgré les perpètes et
les peines longues : la grande majorité des détenus
sont condamnés à des peines très courtes, c'est
de la délinquance économique ou alimentaire. Et pourtant
cette durée moyenne a doublé. C'est, entre autres,
un effet pervers de la disparition de la peine de mort. Les magistrats
(surtout de droite et d'extrême droite) se sont dit qu'il
n'avaient plus de peine de dissuasion absolue. La durée de
toutes les peines longues a augmenté d'un tiers.
Un intervenant :
Je reviens sur l'après prison. Le casier judiciaire est une
forme d'interdit professionnel, une entrave à la réinsertion
pour le salarié. Le commerçant, l'artisan, ne peuvent
plus s'inscrire sur le Registre du commerce ou des métiers.
II y a aussi les amendes parfois très lourdes, et le harcèlement
du Trésor public : ainsi le détenu libéré
est tenté de récidiver ou de trafiquer pour se procurer
de l'argent. Le système sécrète la délinquance.
La prison offre au marché un terrain fabuleux : une main
d'oeuvre qui ne peut pas se syndiquer, un espace de non-droit social.
Dans un avenir proche, il y aura la prison à plusieurs vitesses
: celles où les détenus bosseront avec de bonnes cadences,
et les prisons dépotoirs. Les concessionnaires feront encore
plus de pognon. La prison sert aussi à faire peur à
ceux qui n'y sont pas allés. Quant aux détenus, ils
analysent mal pourquoi ils y sont, dans quel monde ils sont plongés,
et ils en sortent en jouant malheureusement le jeu du système.
Ils justifient l'existence de la Police, de la prison, des magistrats
et du profit. II n'y a pas de prise de conscience générale,
mais des embryons de révolte.
JLH :
Tu es de l'avis de mon ami Farid, que j'ai déjà cité
et qui a milité avec nous à Ras les murs. II disait
comme toi : la prison est destinée à faire croire
aux gens du dehors qu'ils sont libres.
Un intervenant :
Tu as qualifié le bracelet électronique de pernicieux.
Peux-tu développer ? Certains présentent cela comme
très positif. Dans une réunion publique, la Présidente
du Tribunal de grande instance de Limoges, qui est par ailleurs
progressiste et ancienne Présidente du Syndicat de la magistrature,
considérait que c'était une amélioration. Par
exemple, c'est bien, qu'un prisonnier puisse aller à l'enterrement
de son père ou de sa mère. Je lui ai demandé
: "Voulez-vous que dans une génération il y ait
100 000 bracelets électroniques ?" Elle n'a pas répondu.
AH :
C'est un débat que nous avons très souvent dans les
émissions. Farid résume ainsi : si on me propose le
bracelet ou la liberté conditionnelle pour raccourcir ma
peine, je suis preneur. Je pourrai retrouver ma famille, peut-être
même essayer de travailler. Mais au niveau collectif, il faut
se battre contre cela. II y a la démerde individuelle, et
le combat collectif. Le bracelet est pernicieux car il conduit à
intérioriser l'oeil de l'observateur qui devient persécuteur.
On intègre peu à peu l'idée qu'aux heures de
travail on a un périmètre de 4 kilomètres,
et hors de ces heures de 80 mètres. C'est la même chose
que les caméras dans les rues ou dans les magasins, ou sur
les routes, la même chose que les cartes à puce. Il
y a une logique infernale qui nous amène tout doucement à
la carte à puce unique où se trouvera le casier judiciaire,
les caractéristiques génétiques et le compte
en banque de chaque personne. II y aura un peu partout des portails
électroniques : c'est Le meilleur des mondes et 1984. Des
expérimentations ont déjà eu lieu aux Etats-Unis
et en Angleterrre, et certains "observateurs éclairés"
jugent la France en retard. Tout cela va concerner bien d'autres
populations que celle des prisonniers. Je vois poindre à
l'horizon une société qui me fait froid dans le dos.
Un intervenant :
Le bracelet électronique risque de se substituer non à
des peines de prison courtes, mais à des peines de sursis.
Chaque fois qu'apparaissent des alternatives, il y a toujours plus
d'enfermement. Les alternatives ne remplacent pas les peines de
prison, mais d'autres alternatives ou des peines qui n'auraient
pas entraîné la prison.
Un intervenant :
La semi-liberté est en voie de régression. Les peines
alternatives ne sont pas la panacée, mais on les voit reculer
devant des gadgets technologiques qu'on teste d'abord sur les prisonniers,
mais au train où vont les choses ce sera bientôt sur
tous les déviants. Tout cela préfigure les contrôles
de demain.
JLH :
Ca va dans le sens de ce que nous avait annoncé Michel Foucault
: le passage d'une société de punition à une
société de contrôle, avec une période
intermédiaire où la société sera à
la fois de contrôle et de punition. A la fin la punition disparaîtra
: c'est-à-dire que le contrôle sera la punition de
la société tout entière.
Un intervenant :
C'est la notion de servitude volontaire. L'illustration en est le
travail en prison, où on gagne trois fois moins que celui
qui est à l'extérieur, mais trois fois plus qu'un
autre prisonnier, comme en Chine. On obtient une augmentation formidable
de la plus-value dans une société où la servitude
est généralisée et volontaire.
Un autre intervenant :
II faudrait parler des prisonniers dont l'état de santé
ne permet pas leur maintien en prison. Papon est sorti et il a même
demandé le RMI,
qui lui a été refusé. Mais très peu
de prisonniers peuvent bénéficier de ces mesures.
En phase terminale de SIDA ils crèvent comme des chiens.
II faut parler aussi de Nathalie Ménigon, qui est hémiplégique,
de Cipriani qui est devenu fou et de tous les anonymes. Là
il n'y a même pas besoin d'une alternative : on pourrait leur
foutre la paix et les laisser mourir, mais la prison c'est une punition,
c'est fait pour faire peur.
JLH :
A Ras les murs nous correspondions avec Nathalie Ménigon
car elle écoutait nos émissions quand elle était
en région parisienne. Elle a des difficultés pour
écrire, pour parler, qu'elle surmonte par un courage incroyable.
Un intervenant :
II y a eu 122 suicides en 2002 et 247 décès en prison.
Donc autant de morts naturelles que de suicides. Tous ces gens auraient
dû sortir pour finir leur vie avec leurs proches.
JLH :
C'est un constat accablant. J'ai tenté de me suicider quand
j'étais au mitard. II ne faut pas en rester là. Au-delà
du désespoir il faut retrouver une énergie de survie.
Je ne suis plus dans la haine, mais dans la détermination,
l'énergie et la solidarité. 11 faut améliorer
les conditions de détention ou carrément détruire
la prison.
Compte-rendu réalisé par A. Dobigny et M. Guillaumie.
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