|
Origine : http://www.lire.fr/entretien.asp?idC=35820&idR=201&idTC=4&idG=
Linguiste, psychanalyste, romancière, ce professeur d'université
s'est intéressé à la pensée de trois
femmes d'exception qui ont marqué notre siècle.
A peine un soupçon d'accent chantant. Paradoxalement, c'est
plutôt sa parfaite maîtrise du français qui nous
rappelle qu'elle vient d'ailleurs; elle parle le français
comme dans les livres. Dans sa bouche, les phrases ondulent avec
douceur, sans jamais se chercher. D'ailleurs, tout ondule chez cette
femme: les mots et les gestes, l'esprit et le corps. Une impression
d'accueil, d'ouverture se dégage de toute sa personne. «Je
suis polyvalente», dit-elle. En effet, la politique, la psychanalyse,
la littérature, tout l'intéresse. Mais au-delà
des objets particuliers qu'elle choisit d'étudier, on sent
bien que sa passion, c'est la pensée. Une femme qui aime
penser et qui sait faire partager cet amour.
Vous qui avez quitté la Bulgarie fin 1965, vous donnez l'exemple
d'une intégration réussie.
Julia Kristeva. Il y a quelques années, à vrai dire,
j'ai eu l'impression que la France s'enlisait. J'ai même eu
envie de quitter ce pays parce que je constatais beaucoup de xénophobie
et me sentais personnellement visée. Je n'étais plus
à l'aise dans cette France que pourtant j'aime et qui m'avait
adoptée.
Où pensiez-vous aller?
J.K. J'ai voulu m'exiler au Canada. J'aurais choisi le Québec
qui, francophone, est plus adapté à mes compétences.
Mais, finalement, j'y ai ressenti un autre nationalisme, non moins
pénible. Le nationalisme québécois, bien que
très sympathique par son souci identitaire, décline
en une impasse provinciale. J'ai donc décidé de rester
en France, mais en ancrant ma réflexion davantage dans le
réel. Il me fallait aborder plus frontalement mes angoisses
et celles des autres.
Quelles étaient ces questions?
J.K. J'ai fait pendant quelques années des cours sur l'expérience
de la «révolte», aussi bien politique que culturelle.
Je me suis demandé ce qu'était une «littérature
révoltée» - Aragon, Sartre, Barthes; mais aussi
en quoi l'expérience du divan révélait une
violence résurrectionnelle.
Vous pensez que la psychanalyse constitue une forme de violence?
J.K. Oui. On a souvent l'idée que la psychanalyse est une
cure de normalisation. Cela est d'ailleurs, sans doute, le cas aux
Etats-Unis, mais on est alors très loin de la pensée
de Freud.
Freud était un révolté?
J.K. Il le dit lui-même. Au sens où la révolte
est une interrogation, où elle remet en question ce qu'on
a cru être un «destin» et transforme les pulsions
en signification. Le concept de révolte se situe au cœur
de la pensée de Freud. Quand l'enfant structure sa personnalité,
il passe par des révoltes extrêmement violentes. Le
complexe d'Œdipe en est l'illustration la plus nette. Ce sont,
d'ailleurs, les étudiants qui m'ont incitée à
publier ces réflexions.
Pour Le génie féminin, avez-vous procédé
de la même façon?
J.K. Ce sont aussi mes cours à l'université de Paris
VII qui en fournissent la matière. Pendant deux ans j'ai
vécu avec Hannah Arendt. Je redécouvre actuellement
Melanie Klein, qui constitue la deuxième figure du triptyque,
la troisième sera Colette. C'est sur la chair de la pensée
- et de la littérature qui est une pensée extrême
- que tente de se déployer mon travail. Mon analyse est toujours
à mi-chemin des œuvres culturelles et de l'observation
clinique.
Le terme de «génie», vous l'utilisez en quel
sens?
J.K. Le génie renvoie à l'idée de surprise,
d'innovation. Il s'oppose à la banalisation, à l'automatisation.
Pourquoi vous intéressez-vous spécifiquement au génie
féminin?
J.K. Nous sommes une partie de l'espèce humaine qui, malgré
toutes les avancées, reste méconnue et n'a pas encore
donné toutes ses potentialités. Mais, j'ai voulu me
dissocier d'une vision «grégaire» du féminisme,
d'une vision communautaire. C'est la «singularité»
qui me semble essentielle. Ce qui m'intéresse dans l'ensemble
d'êtres humains formé par les femmes, c'est la singularité
de chacune. Chacune est une. Toutes les femmes sont une.
Pourquoi avoir choisi Hannah Arendt, Melanie Klein et Colette?
J.K. Je suis linguiste, psychanalyste et romancière; mais
la passion qui me rassemble est l'observation du XXe siècle.
J'ai donc décidé de m'intéresser à des
femmes de ce siècle qui l'éclairaient chacune de manière
différente. Commençant par l'aspect politique, j'ai
arrêté mon choix sur Hannah Arendt. Elle a un regard
extrêmement complexe qui mêle politique et philosophie:
sa pensée s'ancre dans la philosophie, passe par la politique
et revient à la philosophie.
Et Melanie Klein?
J.K. Le domaine de Melanie Klein, la psychanalyse, est celui dans
lequel je m'implique beaucoup en ce moment. Sa pensée aussi
est courageuse, innovante. Ses vues se séparent de celles
de Freud et ouvrent des perspectives nouvelles telles que l'analyse
des psychoses, de l'autisme, de la destruction de la pensée,
qui sont au centre de la clinique moderne.
Et Colette?
J.K. Tout en étant celui du totalitarisme thématisé
par Hannah Arendt et celui de la folie traité par Melanie
Klein, notre siècle est aussi un siècle de plaisirs,
de joies, de bien-être. A côté de ces deux juives
dramatiques que sont Arendt et Klein, il me fallait une paysanne
française, charnelle, païenne et jubilante. Colette
s'est imposée. J'aime énormément cet écrivain.
Lorsque j'écris des romans, j'aime la lire. Ses écrits
sont une sorte de bain de langue qui me ressource. Je me suis aperçue
aussi que Proust, dont Colette s'est moquée dans Claudine
en ménage, a certainement lu les Dialogues de bêtes
de 1904 qui dévoilent ce «moi profond» à
la recherche duquel Proust va se consacrer.
Se sont-ils rencontrés?
J.K. Ils se sont rencontrés dans le salon de Mme Armand,
et leurs relations ont été au début assez tendues.
Pourtant, dès 1895, Proust écrit que les mots de Willy
(entendons: de Colette) ne sont pas une «représentation»
mais une «chose vivante»; et, plus tard, il avoue avoir
pleuré à la lecture de la lettre de Mitsou. Colette,
qui le traite d'abord de «jeune et joli garçon de lettres»,
s'incline devant l'auteur de Du côté de chez Swann,
et se dit «éblouie» des premières pages
de Sodome et Gomorrhe. Mais ils ne se sont pas fréquentés;
et leurs sensualités, désinhibées par leurs
lectures réciproques et croisées, se traduisent dans
des musiques fort différentes.
Chez Proust, la sensualité est plus intellectualisée.
Avec Colette, on reste dans la sensation pure. Peut-on dire que
l'écriture de Proust soit plus masculine et celle de Colette
plus féminine?
J.K. La supériorité de Proust est d'avoir construit
une véritable cathédrale de ce «temps sensible»
qu'il partage avec Colette, tandis que les madeleines et les aubépines
sont chez lui d'emblée transposées dans l'Etre. Cette
ambition métaphysique est unique. Elle va de pair avec le
culte de la douleur et de l'impossible qui se laissent entendre
dans le sarcasme proustien. Peur de la mort et de la castration,
plus spécifiquement masculine? Ces dimensions manquent chez
Colette, mais elle est allée plus loin dans l'exploration
de la jouissance.
Pensez-vous que la pensée soit sexuée?
J.K. Je pars du principe qu'il existe une différence sexuelle,
mais je ne définis pas d'emblée ses conséquences
pour la pensée. Le défi du livre est là: sans
préjuger de rien, je me fais exploratrice, je vais enquêter,
en interrogeant le travail de ces trois femmes. Sur le plan philosophique,
le nous, terme grec qui désigne l'esprit dans son aspect
intellectuel et théorique, est équivalent chez les
deux sexes. L'abstraction, le sens, la capacité symbolique
sont universels. Les hommes et les femmes y ont un accès
équivalent.
Equivalent mais non identique?
J.K. La psychanalyse constate la coprésence sexualité/pensée:
l'être humain accède à la pensée et au
langage à partir d'une expérience sexuelle, à
tel point que les accidents de cette expérience sexuelle
peuvent favoriser ou entraver sa pensée et son langage. La
séparation, la frustration, le manque, le deuil de l'objet
maternel, le rapport au sexe paternel qu'on désigne comme
un rapport au phallus-signifiant du pouvoir et de la loi, etc.,
jalonnent cet accès à la capacité symbolique
universelle. On comprend dès lors que pour une femme, compte
tenu de sa constitution physique, de son lien de similarité
avec la mère, de son évolution érotique qui
la conduit à abandonner la femme-mère comme objet
d'amour archaïque pour désirer l'amour du père-homme,
le rapport à la pensée universelle est sous-tendu
par une dynamique psychosexuelle différente de celle de l'homme.
On peut s'attendre par conséquent à ce que les réalisations
culturelles des femmes, dans le domaine de la pensée et tout
particulièrement dans les arts et les lettres, portent les
traces de cette différence. Cependant, l'universel constitué
dans notre tradition métaphysique procède par effacement
du corps et des différences, et bascule de l'universalité
à l'uniformité. Ces tendances métaphysiques
à l'uniformité sont très fortes, elles sont
reconduites par la technique et la politique. Les femmes, pour faire
entendre leurs voix, se sont conformées pendant des générations
à un certain canon que l' «universel» exigeait
d'elles. Mais rien n'empêche de penser que si l'on favorisait
les différences, les exclu (e) s de l'universel ne trouveraient
pas un nouveau rapport à l'universel: à la fois autre
et complémentaire.
Les questions théoriques sont aussi bien féminines
que masculines, mais chaque sexe ne les aborde-t-il pas de manière
spécifique?
J.K. Tout à fait, et je voudrais insister sur cette idée.
Certaines féministes des années 70, soucieuses de
revendiquer la «différence» féminine en
plus ou à l'encontre de l'idée d'une simple «égalité»
avec les hommes, ont emprisonné le féminin dans le
sensible, dans une sorte de prélangage, toute autre activité
mentale étant discréditée comme «phallique»
ou
«masculine». Je suis très opposée à
cette réduction. Une femme est un sujet pensant et parlant,
et de ce fait - Hannah Arendt en est la preuve exemplaire - elle
participe avec force aux débats universels de la philosophie
et de la politique. Il n'en reste pas moins que son expérience
de femme colore sa pensée différemment.
Vous écrivez à propos d'Hannah Arendt: «Une
séductrice, notamment quand elle pense, n'est jamais dépourvue
des ambiguïtés de l'androgyne.»
J.K. Certaines photos m'ont frappée. Je pense que la séduction
qu'elle a dû exercer, notamment sur Heidegger, est un mélange
de grâce fragile, d'une part, et de prestance, d'autorité,
d'autre part, que l'on peut qualifier de masculines. Cette bisexualité
psychique s'est accentuée avec le temps, et elle a été
sans doute indispensable pour que Hannah Arendt puisse mener cette
«vie de l'esprit» intense qui fut la sienne, et qu'elle
l'impose à ses contemporains.
Vous mettez donc la théorie du côté de la masculinité
et la sensibilité accueillante du côté de la
féminité?
J.K. Pas vraiment. Je pense avec Freud que la bisexualité
psychique constitue les êtres humains, et qu'elle est même
plus forte chez les femmes que chez les hommes. La contemplation
théorique, l'abstraction, l'esprit de système peuvent
être qualifiés en effet de spécifiquement phalliques.
Mais il existe des théories qui sont plus accueillantes que
revendicatives, plus dans le partage que dans l'isolement. Il se
trouve que la pensée de Hannah Arendt, telle que j'essaie
de la faire apparaître, insiste beaucoup sur l'amour, la naissance,
le lien, le pardon, la promesse.
Y a-t-il une «féminité» de la pensée
politique d'Arendt?
J.K. Je ne me suis pas posé la question en ces termes, je
me suis demandé quelle était la spécificité
de cette pensée. J'ai insisté sur le fait qu'elle
a été la première à voir des similitudes
entre les deux visages du totalitarisme: le nazisme et le stalinisme.
Ce qui rassemble ces deux systèmes, c'est la notion et la
pratique d'une superfluité de la vie humaine: des hommes
se sont donné le droit de supprimer la vie d'autres êtres
humains. Cette analyse originale hérite de la pensée
chrétienne et de l'importance accordée à la
naissance dans l'œuvre de saint Augustin en particulier. En
rapport étroit mais critique avec Heidegger, Hannah Arendt
la transpose avec beaucoup d'audace et de subtilité sur le
plan politique. Saint Augustin montre comment la liberté
humaine s'enracine dans le fait de naître. Tout acte de liberté
est une nouvelle naissance. Arendt cherche la valeur d'une société
dans sa capacité de garantir la renaissance de ses membres.
C'est précisément cela que les totalitarismes ont
aboli. On pourrait voir dans cette analyse d'Hannah Arendt une démarche
intellectuelle qui ajoute à l'universel de la pensée
théorique les données de son expérience de
juive et de femme.
Sa fameuse thèse sur la «banalité du mal»
a été très contestée?
J.K. Hannah Arendt emploie ce terme pour le procès Eichmann
où elle était envoyée, à sa demande
d'ailleurs, par le New Yorker. Elle constate qu'Eichmann n'est pas
un bourreau sadique mais un fonctionnaire qui croit accomplir un
devoir. Dans l'accomplissement de cette obéissance, il s'arrête
de penser. Il se contente de mettre en œuvre une forme de raisonnement
qui consiste à suivre les consignes et à être
exact dans leur application. Mais il s'interdit de penser, au sens
de l'interrogation, de la remise en cause de soi et de toute norme.
Elle appelle «banalité du mal» cette abdication
de la pensée, combien abjecte (et en ce sens impardonnable)
et pourtant combien répandue (et en ce sens «banale»).
On a pu reprocher à Arendt de disculper, par cette analyse,
l'attitude d'Eichmann? Pensez-vous que ce soit le cas?
J.K. Absolument pas. Pour elle, il est coupable. Non seulement
il mérite son châtiment, mais elle pense qu'il aurait
fallu élever ce châtiment à une hauteur supérieure,
devant un tribunal international qui le condamnerait pour crime
contre l'humanité. Il ne s'agit pas du tout de le disculper,
mais au contraire de montrer que le plus grave se produit quand
les humains s'arrêtent de penser. C'est précisément
ce que les mouvements totalitaires ont infligé à des
peuples entiers. A travers la propagande, la police, l'idéologie,
toutes les conditions ont été réunies pour
que l'être humain ne pense pas. Au fur et à mesure
qu'un tel processus se développe, on finit par détruire
la vie après avoir détruit la pensée. Pour
Arendt, l'attitude d'Eichmann n'est pas du tout un moindre mal,
elle est radicalement mauvaise sous l'apparence de la banalité.
Revenons aux femmes et à leur place dans la société.
Que pensez-vous de la parité?
J.K. La plupart des partisans de la parité suivent une logique
de compensation. Ils pensent que les femmes ayant toujours été
lésées, il n'y a pas d'autre solution que de se ranger
à cette incongruité philosophique que sont les quotas.
J'ai essayé de dire qu'il ne s'agissait pas seulement de
cela, d'une simple compensation paternaliste et artificielle. Je
crois, en effet, que quelque chose a été entamé
avec Heidegger, puis de manière différente avec Hannah
Arendt, et se poursuit aujourd'hui avec Jacques Derrida - à
savoir ce qu'on appelle le démantèlement de la métaphysique,
et que cela est à prendre au sérieux, y compris dans
la vie de la cité.
C'est-à-dire?
J.K. Bien sûr, il s'agit de valoriser les femmes, de faire
en sorte que l'Assemblée nationale, le gouvernement, etc.,
en comptent davantage. Mais, plus fondamentalement, se pose la question
de ce que l'universel censure pour exister comme tel: le sensible,
le corporel, le sexuel, l'étranger, ainsi que les types de
discours et de pensées qui s'en ressentent. Cette tendance,
en elle-même inévitable, peut avoir pour conséquence,
lorsqu'elle est poussée à bout, d'uniformiser les
différences (sociales, ethniques, religieuses, et pour commencer
sexuelles), et de gommer cette part corporelle et inconsciente de
l'appareil psychique dont l'intellect n'est que l'expression supérieure
et, en un sens, superficielle. L'action spécifique des femmes
au sein de la vie politique permettrait, si elle se réalisait,
de revaloriser la partie cachée de notre expérience
psychique, celle-là précisément qui contribue
à éviter la «pensée-calcul» au
profit d'une «vie de l'esprit».
Pour parvenir à cette féminisation de la politique,
est-il nécessaire d'en passer par une mesure artificielle
et formelle?
J.K. Je ne pense pas du tout que cette mesure soit artificielle
et doive être considérée comme un pis-aller:
le fait de l'inscrire dans la Constitution a une fonction symbolique,
presque religieuse ou métaphysique, qui consiste à
fonder le corps social non pas sur Un, mais sur Deux. C'est en ce
sens que cette mesure participe du démantèlement de
la métaphysique. Il ne s'agit pas de lutter contre l'universel,
mais de le refonder à deux, pour mieux penser les différences.
Des institutions politiques constituées de davantage de
femmes, qu'est-ce que cela changerait concrètement?
J.K. Arendt écrit à Heidegger en 1950: «Je
ne me suis jamais sentie une femme allemande, et cela fait longtemps
que je ne me sens pas une femme juive. Je me sens ce que je suis
réellement - une fille qui vient d'ailleurs.» Il ne
s'agit pas là de déni d'identité. Il s'agit
d'un désengagement de l'identité, quelle qu'elle soit,
pour se donner la liberté d'interroger toute identité.
Une femme a été capable de cela, face et contre le
totalitarisme. J'aimerais bien qu'on retienne ceci de son génie:
la capacité d'être ailleurs. Mais aussi ce qu'elle
appelle le
«miracle de la natalité», parce que c'est par
la naissance que de nouveaux étrangers viennent au monde,
et que de nouvelles actions peuvent recommencer. Et enfin, son souci
de créer des liens en partageant la mémoire de nos
actions avec les autres. Ces qualités ne sont pas exclusivement
féminines, puisque les hommes en sont aussi capables. Mais
il est vrai que, plus facilement obsessionnels, les hommes se cuirassent
dans une langue de bois au service de calculs et de raisonnements
économico-financiers. Alors que des femmes sont plus attentives
à la vie quelconque...
Hormis ces trois-là, y a-t-il d'autres femmes que vous voudriez
étudier?
J.K. Depuis quelques années, j'ai un projet de roman policier
dont le cadre sera celui des croisades, et sur lequel je travaille
doucement la nuit. Cette époque m'intéresse parce
que c'est à ce moment que le clivage de l'Europe s'est manifesté
de manière dramatique: schisme entre l'Eglise d'Orient et
l'Eglise d'Occident; première croisade, qui est une tentative
de conquête de l'Orient par l'Occident, mais aussi une tentative
d'unification de l'Europe, et qui ont toutes les deux échoué.
Nous sommes au VIe siècle. Très actuel, n'est-ce pas?
Comment allons-nous vivre avec cet abîme qui sépare
aujourd'hui la communauté orthodoxe du reste de l'Europe?
Il faudrait réévaluer leur culture, ainsi que la nôtre,
et essayer de bâtir des ponts entre les religions, puis laïciser.
C'est donc autour de ces problèmes que j'aimerais orienter
une fiction.
Le génie féminin, Hannah Arendt
Julia Kristeva
Fayard
412 pages.
Julia Kristeva
Critique
Le génie féminin, Colette
février 2002
|
|