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GERARD NOIRIEL IMMIGRATION, ANTISEMITISME ET RACISME EN FRANCE (XIX ème XX ème SIECLE)
Editions Fayard février 2007 (29 E)
Note de lecture
Jean Christophe Berrier (dit Jicé)

Origine : échange mails
Cette note a été publié dans la revue No Pasaran
http://nopasaran.samizdat.net/


Comment les discours publics ont participé à la construction du racisme et de l'antisémitisme ? Le Livre de G. Noiriel tente de répondre à cette question. Pour se faire, les différents champs médiatiques, intellectuels, culturels mais aussi étatique sont analysés avec beaucoup d'érudition.

Il faut bien parler de construction, car d'emblée, il n'était pas donné que le racisme et l'antisémitisme deviennent des idéologies dominantes dans notre société. Le terme étranger n'a pas toujours eu la même définition selon les époques. Ainsi par exemple « ... dans les premières années de la Révolution c'est une définition civique de la nation qui s'est imposée spontanément. Un étranger est considéré comme un citoyen s'il se comporte comme un patriote. Ce n'est pas l'origine ni le lieu de naissance qui comptent mais l'engagement politique. » (page 32)

En fait l'auteur étudie tout au long de son ouvrage le phénomène de politisation de ces deux idéologies. « Elles n'apparaissent que lorsque les préjugés diffusés dans l'espace publics sont entrés dans le ''sens commun '' et sont considérés comme des évidences par l'opinion. A ce moment-là seulement, ces représentations négatives peuvent être politisées, c'est-à-dire intégrées dans un récit qui présente les Français comme victimes du groupe social stigmatisé et propose un programme permettant d'éliminer les agresseurs d'une manière ou d'une autre. » (page 10). La presse va jouer un rôle très important dans ce processus, grâce à la « fait-diversisation de l'actualité. « Pour qu'ils [les nouveaux patrons de presse au XIX ème siècle] puissent vendre leur journal, il fallait absolument que les citoyens manifestent un intérêt pour la politique, alors que ces derniers n'avaient pas la possibilité d'y jouer un rôle actif... Lorsque cet intérêt pragmatique fait défaut, il n'existe qu'un seul grand moyen de motiver à distance les individus auxquels on s'adresse, c'est de faire en sorte qu'ils s'identifient au récit qu'on leur présente... La solution qui s'est imposée dans les dernières décennies du XIX ème siècle, et dont l'efficacité ne s'est jamais démentie par la suite, consistait à transformer l'actualité en récit de fait divers. » (page 98) « La fait-diversisation de la politique dans la presse de masse a donc joué un rôle essentiel dans le triomphe d'un nouveau discours public sur l'étranger, présenté à la fois comme un espion, un anarchiste, un criminel, suspect de déloyauté et usurpant le travail des nationaux. » (page 159)

La III ème République sera le moment fort de cette histoire. Au même moment que se met en place l'Etat social (1880/1900) le '' problème '' de l'immigration fait irruption. Il me semble que ce n'est pas un hasard si ces deux débats se rencontrent au même moment. En effet, la prise en compte par la bourgeoisie des difficultés à vivre générées par le capitalisme pour les travailleurs fait suite aux révolutions de 1848 et surtout de la Commune. En ce qui concerne cette dernière, la répression ne pouvait suffire, il fallait d'un côté intégrer la classe ouvrière, et de l'autre lui reconnaître quelques droits afin d'éviter de nouveaux chambardements sociaux. Ce sera une des principales oeuvre de la III ème République. La construction de cet Etat social passe par la séparation du bon grain de l'ivraie ; c'est-à-dire définir précisément ceux qui veulent vivre aux crochets du système et ceux qui en sont réellement victimes selon les critères des gouvernants. Il est allé de même pour ce qui concerne l'immigration. C'est ainsi qu'on imposa une définition de la nationalité française.

De multiples autres thèmes sont développés par l'auteur, comme par exemple, il montre que cette notion d'immigration choisie n'est pas récente, mais qu'elle traverse cette histoire. Nos sociétés n'ont quasiment jamais versé dans l'altruisme à ce propos. L'auteur passe en revue les différents débats qui ont marqué cette histoire, comment l'antisémitisme est devenu dominant dans l'entre deux guerre, comment des professions (médecins, avocats...) se sont protégées contre les étrangers.

Ce livre est riche d'enseignements. Il pourra même intéresser les personnes critiquant les médias. Il permet de comprendre historiquement comment la presse a pu et peut toujours conserver son influence, voire comment elle construit des opinions toujours selon les intérêts des tenants du pouvoir politique et économique.

Jean Christophe Berrier (dit Jicé) Tours 2007