|
Origine : échange mails
Cette note a été publié dans la revue No Pasaran
http://nopasaran.samizdat.net/
Comment les discours publics ont participé à la construction
du racisme et de l'antisémitisme ? Le Livre de G. Noiriel tente
de répondre à cette question. Pour se faire, les différents
champs médiatiques, intellectuels, culturels mais aussi étatique
sont analysés avec beaucoup d'érudition.
Il faut bien parler de construction, car d'emblée, il n'était
pas donné que le racisme et l'antisémitisme deviennent
des idéologies dominantes dans notre société.
Le terme étranger n'a pas toujours eu la même définition
selon les époques. Ainsi par exemple « ... dans les
premières années de la Révolution c'est une
définition civique de la nation qui s'est imposée
spontanément. Un étranger est considéré
comme un citoyen s'il se comporte comme un patriote. Ce n'est pas
l'origine ni le lieu de naissance qui comptent mais l'engagement
politique. » (page 32)
En fait l'auteur étudie tout au long de son ouvrage le phénomène
de politisation de ces deux idéologies. « Elles n'apparaissent
que lorsque les préjugés diffusés dans l'espace
publics sont entrés dans le ''sens commun '' et sont considérés
comme des évidences par l'opinion. A ce moment-là
seulement, ces représentations négatives peuvent être
politisées, c'est-à-dire intégrées dans
un récit qui présente les Français comme victimes
du groupe social stigmatisé et propose un programme permettant
d'éliminer les agresseurs d'une manière ou d'une autre.
» (page 10). La presse va jouer un rôle très
important dans ce processus, grâce à la « fait-diversisation
de l'actualité. « Pour qu'ils [les nouveaux patrons
de presse au XIX ème siècle] puissent vendre leur
journal, il fallait absolument que les citoyens manifestent un intérêt
pour la politique, alors que ces derniers n'avaient pas la possibilité
d'y jouer un rôle actif... Lorsque cet intérêt
pragmatique fait défaut, il n'existe qu'un seul grand moyen
de motiver à distance les individus auxquels on s'adresse,
c'est de faire en sorte qu'ils s'identifient au récit qu'on
leur présente... La solution qui s'est imposée dans
les dernières décennies du XIX ème siècle,
et dont l'efficacité ne s'est jamais démentie par
la suite, consistait à transformer l'actualité en
récit de fait divers. » (page 98) « La fait-diversisation
de la politique dans la presse de masse a donc joué un rôle
essentiel dans le triomphe d'un nouveau discours public sur l'étranger,
présenté à la fois comme un espion, un anarchiste,
un criminel, suspect de déloyauté et usurpant le travail
des nationaux. » (page 159)
La III ème République sera le moment fort de cette
histoire. Au même moment que se met en place l'Etat social
(1880/1900) le '' problème '' de l'immigration fait irruption.
Il me semble que ce n'est pas un hasard si ces deux débats
se rencontrent au même moment. En effet, la prise en compte
par la bourgeoisie des difficultés à vivre générées
par le capitalisme pour les travailleurs fait suite aux révolutions
de 1848 et surtout de la Commune. En ce qui concerne cette dernière,
la répression ne pouvait suffire, il fallait d'un côté
intégrer la classe ouvrière, et de l'autre lui reconnaître
quelques droits afin d'éviter de nouveaux chambardements
sociaux. Ce sera une des principales oeuvre de la III ème
République. La construction de cet Etat social passe par
la séparation du bon grain de l'ivraie ; c'est-à-dire
définir précisément ceux qui veulent vivre
aux crochets du système et ceux qui en sont réellement
victimes selon les critères des gouvernants. Il est allé
de même pour ce qui concerne l'immigration. C'est ainsi qu'on
imposa une définition de la nationalité française.
De multiples autres thèmes sont développés
par l'auteur, comme par exemple, il montre que cette notion d'immigration
choisie n'est pas récente, mais qu'elle traverse cette histoire.
Nos sociétés n'ont quasiment jamais versé dans
l'altruisme à ce propos. L'auteur passe en revue les différents
débats qui ont marqué cette histoire, comment l'antisémitisme
est devenu dominant dans l'entre deux guerre, comment des professions
(médecins, avocats...) se sont protégées contre
les étrangers.
Ce livre est riche d'enseignements. Il pourra même intéresser
les personnes critiquant les médias. Il permet de comprendre
historiquement comment la presse a pu et peut toujours conserver
son influence, voire comment elle construit des opinions toujours
selon les intérêts des tenants du pouvoir politique
et économique.
Jean Christophe Berrier (dit Jicé) Tours 2007
|
|