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Origine : http://halshs.archives-ouvertes.fr/docs/00/65/08/25/PDF/LIB_2_03_Angaut.pdf
Cette contribution ne procède pas à une comparaison
exhaustive entre libéralisme et anarchisme en tant que doctrines
politiques constituées. Partant d'un contexte idéologique
qui propose de fréquents rapprochements entre ces deux courants
(notamment au travers de l'appellation « libéral-libertaire
»), nous proposons d'abord une cartographie lexicale et problématique,
puis une confrontation doctrinale qui tient compte de la dimension
idéologique de l'habillage libéral du néolibéralisme
contemporain, avant d'interroger, pour finir, les rapports de filiation
historique qu'il est possible d'établir entre anarchisme
et libéralisme.
Libéraux libertaires ?
Parvenir à une démarcation utilisable entre anarchisme
et libéralisme est d'autant plus nécessaire que le
rapprochement entre anarchisme et libéralisme constitue l'une
des confusions le plus souvent produites ces dernières années.
En édulcorant l'anarchisme au moyen de l'adjectif libertaire
et en plaçant le capitalisme néolibéral dans
la lignée du libéralisme classique, on en est venu
notamment à parler de libéraux libertaires 1, en faisant
fi du constat que les militants libertaires évoluent dans
des cercles, sur des problématiques et dans une vision politique
qui sont aux antipodes de ceux qui font l'objet de la réflexion
et de l'action de ceux qui se proclament aujourd'hui libéraux
2. Mais au-delà même du besoin que l'on peut ressentir
de répondre par des distinctions claires à des obscurcissements
idéologiques, le statut même de l'anarchisme et du
libéralisme rend nécessaire un tel travail de clarification
conceptuelle.
1 Dans la vie politique franco-allemande, c'est souvent la figure
de Daniel Cohn-Bendit qui est censée prouver la validité
d'un tel rapprochement, alors qu'il s'agit simplement d'un ancien
libertaire rallié à l'idéologie du marché.
De même pour la figure de l'ancien leader étudiant
Jerry Rubin aux États-Unis.
La notion de « libéral-libertaire » a été
forgée par le sociologue socialiste Michel Clouscard dans
Néofascisme et idéologie du désir, 1999, livre
dirigé contre Mai 1968. Cette dernière réédition
est préfacée par l'essayiste Alain Soral, qui s'est
signalé par son passage du Parti communiste français
au Front national.
2 On notera que le terme « libertaire » a été
créé par différence avec l'adjectif «
libéral ».On doit ce néologisme au militant
anarchiste et écrivain français exilé aux États-Unis,
Joseph Déjacque, qui accusait Proudhon en 1857, notamment
en raison de sa misogynie, d'être « libéral et
non libertaire ». L'oeuvre de Joseph Déjacque est disponible
sur Internet
http://joseph.dejacque.free.fr
Anarchisme et libéralisme font partie de ces concepts dont
on fait d'autant plus volontiers usage dans les sciences politiques
ou la philosophie politique qu'ils sont moins définis et
se situent à la frontière entre la doctrine et le
mouvement politique constitué, sans jamais qu'on puisse les
réduire à l'une ou l'autre de ces deux dimensions.
Il y a bien des théoriciens que l'on qualifie ou qui se qualifient
eux-mêmes de libéraux (Smith, Tocqueville, Aron) ou
d'anarchistes (Bakounine, Kropotkine, Malatesta, Rocker), mais aucun
d'entre eux ne peut être considéré comme le
représentant unique ou le maître à penser de
ce courant. Cependant, ces désignations ne sont pas purement
arbitraires : les auteurs qui se réclament aujourd'hui du
libéralisme ou de l'anarchisme prétendent, ce faisant,
s'inscrire dans un héritage théorique et pratique,
qu'ils discutent et s'approprient. On pourrait même soutenir
que la constitution des deux courants procède d'une telle
appropriation critique 3. Quant aux mouvements politiques, aucun
ne peut prétendre au monopole de la représentation
de ce courant. À cela s'ajoutent les difficultés associées
à toute caractérisation politique qui comporte inévitablement
une dimension polémique : dire aujourd'hui d'un dirigeant
socialiste qu'il est libéral (quand il ne s'en charge pas
lui-même) pourra être perçu comme insultant,
et la notion même d'anarchie est née dans un contexte
polémique et sent encore peut- être suffisamment le
soufre pour qu'on lui préfère le qualificatif euphémisant
de « libertaire » 4. Qui plus est, ces qualificatifs
(libéral, anarchiste) n'épuisent pas le contenu d'une
doctrine politique. On dira ainsi que certains aspects de la philosophie
politique de Kant (par exemple ce qu'on présente comme sa
théorie de l'État de droit) sont libéraux,
ou encore on repérera chez certains marxistes de tendance
conseilliste (Anton Pannekoek, Maximilien Rubel) une orientation
libertaire.
Mais anarchisme et libéralisme ne partagent pas seulement,
semble-t-il, cette relative indétermination définitionnelle
: leur commune opposition au pouvoir coercitif de l'État,
leur insistance sur le rôle des individus et le fait qu'ils
semblent se placer sous le commun étendard de la liberté
justifieraient aussi qu'on les rapproche. Cette tentation est peut-être
encore plus compréhensible lorsqu'on parle non pas de courant
anarchiste mais de courant libertaire. La langue anglaise, en particulier,
méconnaît, au travers du terme libertarian, la distinction
que nous avons été amenés à produire
en Europe continentale entre libertaires et libertariens les premiers
étant à rattacher à la tradition anarchiste,
les seconds se présentant davantage comme des libéraux
radicaux (Caré, 2009). Mais le problème n'est pas
seulement lexical.
3 Ainsi, lorsque Bakounine, en 1867, se déclare pour la première
fois anarchiste, il se réfère expressément
à Proudhon.
4 Libertaire et anarchiste constituent plutôt les deux faces,
positive et négative, d'un même engagement : l'affirmation,
d'un côté, que tout doit procéder de la liberté
humaine et la promouvoir, le refus, d'autre part, de toute forme
de domination ou d'autorité. La dimension sulfureuse du qualificatif
« anarchiste » a été renforcée
ces dernières années, notamment en France, par son
usage policier, dans un contexte où la surveillance et la
répression d'une prétendue « mouvance anarcho-autonome
» font partie des priorités des institutions de renseignement
intérieur. Voir à ce sujet Guillon, 2008.
En effet, la notion d'anarchie tend elle-même à être
revendiquée par des auteurs libertariens (ainsi Robert Nozick)
5, lors même que leur doctrine ne procède pas d'un
anti-étatisme radical, mais bien plutôt d'un «
minarchisme », qui prétend cantonner l'activité
d'un « État minimal » à un certain nombre
de fonctions dites régaliennes, éventuellement privatisées.
En outre, dans la zone linguistique même où est censée
régner cette indétermination entre anarchisme et libéralisme,
l'indistinction portée par le terme libertarian entre libertariens
et libertaires est contestée, particulièrement par
ces derniers on notera au passage que s'il est des libéraux
qui cherchent à se faire passer pour libertaires, le contraire
n'existe pas.
Ainsi Murray Bookchin 6, l'un des théoriciens libertaires
les plus importants de la fin du siècle dernier aux États-Unis,
estime que les libertariens seraient plus correctement qualifiés
de « propriétariens » (proprietarian). C'est
là un élément à garder à l'esprit
avant de décréter hâtivement que la distinction
entre libéral et libertaire serait propre à l'Europe
continentale.
Un autre argument présenté en faveur d'une relative
indistinction entre anarchisme et libéralisme consiste à
présenter des cas limites qui prouveraient que la frontière
entre les deux est perméable. Outre les libertariens, deux
des figures les plus fréquemment convoquées lorsqu'il
s'agit de rapprocher anarchisme et libéralisme sont celles
de Max Stirner, en raison de son individualisme radical, et de Henry
David Thoreau, pour sa doctrine et sa pratique de la désobéissance
civile, cela bien qu'aucun des deux auteurs ne se soit déclaré
anarchiste, à une époque où seul Proudhon,
auteur du retournement qui a transformé une insulte en caractérisation
politique positive (Deleplace, 2000), se déclarait anarchiste.
La question du rattachement de Max Stirner à la tradition
anarchiste est sans doute l'une des plus épineuses pour quiconque
s'intéresse à l'histoire de ce mouvement, parce qu'elle
croise celle de la définition du courant individualiste qui
s'en est réclamé à partir de la fin du e XIX
siècle, après la redécouverte de Stirner permise
par les travaux de son biographe John Henry Mackay (1898). On peut
néanmoins poser les jalons suivants. Il est vrai tout d'abord
que la conception stirnérienne de la liberté semble
constituer un différend théorique majeur entre Stirner
et la plupart des théoriciens anarchistes et justifier qu'on
préfère parler d'une lecture anarchiste de Stirner
que de l'anarchisme de Stirner (Constantinidès, 2008, p.
175-193). Cette lecture a en outre été le fait d'un
courant anarchiste individualiste qui s'est d'abord affirmé
en prônant, certes, l'action individuelle, mais pour promouvoir
une société fondée sur les principes du communisme
anarchiste 7. Cet individualisme de l'action s'est ensuite cherché
des cautions théoriques, dont la dimension d'arbitraire mériterait
une plus ample discussion.
5 Nozick, 2008. Plus récemment, des membres du mouvement
américain « Tea Party » ont pu se déclarer
anarchistes, alors que ce mouvement compte dans ses rangs des opposants
aux programmes sociaux et des suprématistes blancs.
6 Bookchin, 1987, p. 1. Aux États-Unis, il semble toutefois
que les militants anarchistes considèrent le combat pour
l'appropriation du terme libertarian comme un combat perdu.
7 Sommairement, pour un anarchiste illégaliste de la Belle
Époque, un vol pouvait par exemple représenter une
négation en acte de la propriété. Il apparaît
par conséquent que les classifications sommaires qui distinguent,
au sein du mouvement anarchiste, des courants individualiste, communiste
anarchiste et anarcho-syndicaliste tendent à figer des clivages
extrêmement labiles.
Il faudrait en particulier prendre en compte le rapport complexe
que Stirner entretient avec ce qu'il comprend de la pensée
de Proudhon, rapport caractérisé d'un côté
par la reprise positive de la notion d'anarchie, et d'un autre côté
par une radicalisation paradoxale de la critique proudhonienne de
la propriété 8.
Quant à Henry David Thoreau, plus délicat et plus
intéressant parce qu'il se situe à la lisière
du libéralisme classique dans sa visée la plus émancipatrice
et de l'anarchisme, son cas invite à revisiter l'histoire
du libéralisme et la manière dont l'anarchisme est
pour une part né d'une critique interne de ce dernier. Nous
renvoyons donc au dernier temps de cette contribution. On peut toutefois
signaler que l'un des essais de Thoreau, publié à
titre posthume, porte un titre, La Vie sans principe, qui semble
faire signe vers l'une des significations que l'on peut tirer de
l'étymologie du mot « anarchie ».
Il reste que le moyen le plus sûr, faute d'être le
plus profond, de distinguer anarchisme et libéralisme consiste
à prendre en compte l'histoire et l'effectivité politique
des théories et des pratiques qui caractérisent ces
deux courants. D'une part, anarchisme et libéralisme appartiennent
à des époques et à des contextes intellectuels
et politiques bien distincts dont il ne faut cependant pas ignorer
les rapports de filiation. On a coutume de faire remonter au e XVII
siècle anglais et à la double figure de Hobbes et
de Locke la naissance du libéralisme comme doctrine politique
et sociale agissant sur le devenir des sociétés et
tentant de limiter les pouvoirs du souverain sur le fondement des
principes de liberté et de responsabilité individuelles
(Manent, 1987). Quant à l'anarchisme, s'il a été
possible de lui trouver des précurseurs dans des figures
aussi diverses que La Boétie et le curé Meslier, ou
dans un courant de pensée comme le taoïsme, on peut
dater l'apparition de la problématique qui lui est propre
chez William Godwin à la fin du XVIII siècle et son
développement à partir du milieu du XIX siècle.
Et l'on datera le début de l'affirmation politique du libéralisme
de la première moitié du XIX siècle (pour la
France, la période de la Restauration) 9 et celle de l'anarchisme
des lendemains de la dissolution de la première Internationale.
En somme, l'essor du libéralisme est lié à
la lutte contre la société féodale et l'absolutisme
royal, l'affirmation de l'anarchisme a partie liée avec le
mouvement ouvrier ce qui ne signifie pas que les deux courants se
réduisent à ces composantes.
8 Ou du moins de ce que Stirner en connaissait au travers de l'ouvrage
de Lorenz von Stein, Der Sozialismus und Kommunismus des heutigen
Frankreich, 1842, où Proudhon était présenté
comme un communiste.
9 Il est symptomatique de ce point de vue que l'usage du terme
ne soit attesté en français qu'à partir des
années 1820. L'Oxford English Dictionnary nous apprend qu'il
apparaît en anglais en 1801, mais d'abord sous la forme d'une
invective et comme étant dérivé du français
!
Libéralisme et néolibéralisme
Dans les sociétés occidentales contemporaines, une
confrontation entre anarchisme et libéralisme doit d'abord
partir du constat que ces deux ensembles sont à peu près
impossibles à situer dans le champ politique, quoique pour
des raisons radicalement inverses. Le libéralisme est souvent
considéré comme l'idéologie dominante, comme
la pensée des élites politiques, économiques
et sociales, comme l'expression de l'esprit du temps ce dont témoigne
aussi le fait que certains courants politiques se définissent
expressément comme « antilibéraux » 10.
En revanche, on a souvent considéré que l'anarchisme
avait disparu de la scène politique en tant que courant politique
structuré et significatif depuis sa liquidation en Espagne
sous les coups conjugués du fascisme et du stalinisme. On
serait ainsi en présence, d'un côté, d'une doctrine
qui, du moins jusqu'à la crise financière devenue
patente à l'automne 2008, se donnait comme celle qui épousait
le mieux les tendances du monde contemporain, qui aurait donc une
effectivité historique et politique maximale, et de l'autre,
d'un courant de pensée et d'action qui serait une survivance
du XIX siècle.
La domination actuelle de la pensée libérale, en
tant qu'elle épouserait le devenir du monde contemporain,
mérite cependant d'être interrogée en distinguant
ce qui relève de la doctrine politique proprement dite et
de l'idéologie. Cela amène à poser deux questions
bien distinctes et qui ne sont pas suffisamment distinguées
le plus souvent. D'une part, le monde actuel est-il effectivement
dominé par la pensée libérale, au sens où
celle-ci serait en affinité avec les pratiques politiques
dominantes ? D'autre part, que peut signifier la domination bien
réelle de mots d'ordre libéraux (au moins jusqu'à
une période récente) dans le discours politique ?
Faute de distinguer ces deux questions, on court le risque de tomber
dans ce que Pierre Dardot et Christian Laval nomment « le
piège de l'idéologie » (Dardot, Laval, 2010,
p. 10-13). La distinction systématique que proposent ces
deux auteurs entre libéralisme et néolibéralisme,
mais aussi le recul massif des thématiques libérales
dans le discours politique dominant depuis que la crise financière
s'est manifestée à partir de l'automne 2008, permettent
aujourd'hui de mieux faire la part de ce qui relève de la
doctrine politique et de ce qui relève de l'idéologie
dans le rôle joué par la pensée libérale
dans nos sociétés.
Tout un discours militant, à tonalité partiellement
libertaire, avait déjà souligné, avant cette
crise, le peu d'affinités que présentaient les processus
économiques et politiques contemporains avec la pensée
libérale classique, et dès lors le caractère
purement idéologique de la référence des politiques
économiques les plus en vogue au libéralisme 11. La
référence au libre-échange a ainsi pu être
dénoncée comme pièce d'un discours à
géométrie variable tenu par des États en position
dominante dans certains secteurs économiques (exemplairement
: celui des États occidentaux au sein de l'Organisation mondiale
du commerce).
10 Parmi les auteurs contemporains que l'on a pu rattacher au mouvement
libertaire, Jean- Claude Michéa est celui qui a poussé
le plus loin cette identification du libéralisme comme cible
des mouvements contestataires. Voir notamment Michéa, 2006
et 2010.
11 Parmi les auteurs contemporains se réclamant de l'anarchisme,
ce point semble manqué par Paul McLaughlin dans son article
« A critical introduction to liberalism », lorsqu'il
estime que les dénégations des libéraux de
gauche quant au caractère effectivement libéral de
nos sociétés doivent être mises en parallèle
avec les dénégations des libéraux de droite,
dans les années 1960, qui estimaient que ce qu'on appelait
libéralisme était en fait du socialisme. Ce qui manque
à cette argumentation, c'est la prise en compte du caractère
idéologique de l'invocation du libéralisme caractère
à entendre comme déguisement et légitimation
de la domination. Stratégiquement, la position de quelqu'un
comme Noam Chomsky, qui réfute avec constance l'appartenance
au libéralisme de ceux qui s'en réclament aujourd'hui,
peut sembler plus efficace. Voir en particulier Chomsky, 1970, texte
traduit dans Chomsky, 2001.
La référence à la libre circulation des marchandises
a pu également être mise en balance avec les obstacles
toujours renouvelés que les États contemporains opposent
à la libre circulation des personnes, lesquelles demeurent
captives d'une aire particulière au sein de ce que l'on nomme
le marché du travail. On a aussi pu relever que les mots
d'ordre d'apparence libérale que sont « l'ouverture
à la concurrence » ou la « libéralisation
» de certains secteurs économiques n'étaient
qu'un habillage idéologique pour la constitution de grands
oligopoles dans des aires économiques élargies (exemplairement
: le remplacement de plusieurs dizaines d'opérateurs nationaux
de télécommunications par une poignée de multinationales
au sein de l'Union européenne). Enfin, on a pu souligner
que tout un discours politique sur le refus des interventions de
l'État (en matière sociale) s'accommodait parfaitement
d'interventions massives de l'État dans des secteurs stratégiques,
selon un principe de mutualisation des investissements (et des pertes)
et de privatisation des profits (exemplairement : les dépenses
militaires et leur rôle dans le développement des nouvelles
technologies).
La faillite de ce discours dominant dans un contexte de crise économique
et financière a toutefois permis d'aller plus loin dans la
distinction entre libéralisme et néolibéralisme.
À la suite de Dardot et Laval (2010, p. 457-458), on peut
retenir quatre caractéristiques du néolibéralisme
contemporain, qui le distinguent radicalement du libéralisme
classique. En premier lieu, alors que le libéralisme classique
se présentait comme un projet de limitation de l'action de
l'État pour laisser advenir le marché comme ordre
naturel, le néolibéralisme conçoit au contraire
le marché comme une construction qui appelle l'intervention
active de l'État. En second lieu, le néolibéralisme
apparaît comme un discours qui met en avant la mise en concurrence
généralisée (dont le cadre général
doit être mis en oeuvre et supervisé à nouveau
par l'État), et non l'échange. En troisième
lieu, ce renforcement du rôle de l'État s'accompagne
en même temps de sa soumission aux règles qu'il doit
faire respecter, de sorte que la raison entrepreneuriale qu'il promeut
s'applique également à sa propre organisation interne
ce que n'avaient évidemment pas prévu les différents
représentants de la pensée libérale. Enfin,
le néolibéralisme, en tant que projet de mise en concurrence
généralisée des individus, se présente
également comme un projet de transformation des sujets économiques
et politiques, les individus se voyant enjoints de se considérer
comme entrepreneurs d'eux-mêmes.
Le prétendu libéralisme dont ont pu se réclamer
les élites politiques au cours des années 1990 et
2000 apparaît ainsi davantage comme une idéologie que
comme la doctrine politique qui gouvernait effectivement leur action.
En tant qu'idéologie, ce discours libéral, réduit
le plus souvent à quelques mots d'ordre, a certes joué
le rôle de toute idéologie : assurer, auprès
des dominés, mais aussi auprès de ceux qui mettent
en oeuvre ces mots d'ordre, la justification morale, voire providentielle,
des politiques menées, et constituer un apparat séduisant.
Considérer, toutefois, que c'est à cet apparat que
se réduit le « nouvel esprit du capitalisme »
12, c'est prendre pour argent comptant les justifications séduisantes
qui parsèment la littérature managériale et
manquer la dimension disciplinaire des dispositifs qu'elle promeut.
Les ressorts de cette séduction idéologique sont
bien connus : un naturalisme qui met en valeur la spontanéité
du social, la libre initiative, l'épanouissement des projets
individuels, que viendraient contrecarrer les interventions de l'État
(lesquelles empêchent la société de coïncider
avec sa vraie nature), État qui se verrait alors cantonné
à son rôle de « veilleur de nuit ». Il
est indéniable par ailleurs que cette idéologie libérale
qui sert d'habillage au discours néolibéral n'a pas
hésité à récupérer certains éléments
(précisément les plus récupérables)
du discours libertaire des années 1960 et 1970.
Confrontation doctrinale
Ce détour par la distinction entre libéralisme et
néolibéralisme permet de mesurer la portée
d'une interrogation des rapports entre anarchisme et libéralisme,
tant sur le plan de la confrontation doctrinale que sur celui des
filiations historiques qu'il serait possible d'établir entre
ces deux courants. Si elle ne consiste pas à confronter une
doctrine politique dominante et une doctrine politique contestataire,
elle permet, d'une part, de montrer le peu de consistance théorique
de l'idéologie libérale-libertaire dont se pare le
discours néolibéral et, d'autre part, de prendre la
mesure des ressources critiques dont dispose la tradition anarchiste
pour contester les formes contemporaines de la domination.
Si, ces précautions étant prises, on choisit de prendre
au sérieux le contenu doctrinal et de confronter sur ce terrain
anarchisme et libéralisme, on peut retenir trois points qui
sont habituellement considérés comme pouvant permettre
un rapprochement : le statut conféré à l'individu,
la valeur accordée à la liberté et le rapport
à l'État (McLaughlin, 2007, p. 52 et s.).
12 Voir sur ce point la discussion menée par Dardot et Laval
(2010, ouvrage cité, p. 19-20 et p. 411) avec l'ouvrage de
Boltanski et Chiapello, 1999. Ces derniers ont toutefois proposé
un infléchissement de leur analyse : voir la « postface
inédite » écrite en 2010, p. 941.
Or sur ces trois questions, des divergences importantes séparent
les doctrines qui se réclament de l'anarchisme et du libéralisme.
Que certains auteurs anarchistes accordent un rôle important
aux individus ou bien parce qu'ils insistent sur la valeur indépassable
de l'émancipation du moi, ou bien parce qu'ils accordent
une importance décisive à l'action individuelle exemplaire
ne permet pas pour autant de les rapprocher d'auteurs libéraux.
Ces derniers sont en effet les promoteurs d'une vision de l'individu
centrée sur ce que MacPherson a appelé « l'individualisme
possessif » (Macpherson, 2004) qui est rejetée par
les auteurs libertaires. Si cet écart peut paraître
évident s'agissant d'auteurs qui se réclament du communisme
anarchiste (comme Pierre Kropotkine), il vaut également pour
un auteur comme Stirner qui, tout en insistant sur les liens entre
individualité et propriété, dépossède
la première de toute universalité et la seconde de
toute légitimité : l'individualité, c'est le
moi, et la propriété, c'est ce que je me suis approprié
pour en jouir.
S'agissant du concept de liberté, bien qu'il y ait peut-être
sur cette question autant de conceptions de l'anarchisme que d'anarchistes,
il n'en reste pas moins que ces derniers ont en commun le refus
d'une conception de la liberté qui serait cantonnée
à un libre arbitre individuel limité par le libre
arbitre d'autres individus.
La formulation la plus claire de cette divergence se trouve chez
Bakounine, qui formule précisément contre les libéraux
une théorie de la liberté adossée à
la notion de reconnaissance réciproque : « Je ne suis
vraiment libre que lorsque tous les êtres humains qui m'entourent,
hommes et femmes, sont également libres. La liberté
d'autrui, loin d'être une limite ou la négation de
ma liberté, en est au contraire la condition nécessaire
et la confirmation. Je ne deviens libre vraiment que par la liberté
d'autres, de sorte que plus nombreux sont les hommes libres qui
m'entourent et plus profonde et plus large est leur liberté,
et plus étendue, plus profonde et plus large devient ma liberté.
» 13 Mais les tenants du collectivisme libertaire ne sont
pas les seuls à s'opposer à la conception libérale
de la liberté.
C'est aussi le cas de Stirner, qui promeut une version de la liberté
n'autorisant aucune limitation réciproque des libertés
égoïstes (sinon sur le mode du fait) et s'en tient à
l'affirmation du moi.
S'agissant enfin du rapport à l'État, deux aspects
doivent principalement être retenus. En premier lieu, pour
les libéraux, il s'agit de limiter à un minimum l'action
et les interventions de l'État, pour laisser la place aux
initiatives individuelles, mais l'existence de l'État, ou
de toute instance assurant la compatibilité entre des libertés
individuelles potentiellement contradictoires, est reconnue comme
nécessaire, alors qu'il est notoire que l'anarchisme a pour
projet d'en finir avec la domination politique incarnée par
l'État. En second lieu, l'anarchisme est révolutionnaire,
il s'oppose à toute forme de compromis avec les autorités
politiques et préconise l'usage de l'action directe 14, alors
que le libéralisme est réformiste et cherche à
gagner à ses idées le personnel politique.
13 Bakounine, L'empire knouto-germanique et la révolution
sociale, dans OEuvres complètes, 1982, p. 173.
14 On entend par là une action prise en main par les principaux
intéressés, sans médiation et réalisant
directement l'objectif politique qu'elle poursuit exemplairement
une grève expropriatrice s'accompagnant d'un redémarrage
de la production en autogestion.
En résumé, pour les auteurs se réclamant de
l'anarchisme, il ne s'agit pas de mettre l'État au service
d'une société conçue sur la base d'individus
poursuivant des fins égoïstes, comme pour corriger aux
marges certaines conséquences nécessaires du libre
développement social, mais d'en finir avec l'État
comme avec toute forme de domination illégitime.
L'anarchisme, rejeton du libéralisme ?
Une fois reconnue l'hétérogénéité
des doctrines, il est possible de poser la question d'une filiation
historique entre anarchisme et libéralisme. Le libéralisme,
comme courant de pensée constitué, précède
historiquement l'anarchisme. Mais de fait, ce dernier naît
en grande partie d'une critique interne, qui s'apparente sur certains
points à une radicalisation, de thématiques libérales.
Établir cette filiation implique d'abord de reconnaître
l'ancrage de l'anarchisme théorique dans la culture européenne
(et donc de combattre un certain type de marginalisation dont il
fait le plus souvent l'objet au sein de la culture officielle),
puis de discerner les thèmes sur lesquels s'est opérée
une critique du libéralisme classique. Elle permet en retour
de jeter un autre regard sur ce dernier et d'établir in fine
ce qu'il peut y avoir de commun à ces deux courants de pensée.
Il importe d'abord de relever que l'anarchisme, sous les différentes
formes doctrinales et pratiques qu'il a revêtues, n'est pas
une entité sui generis, étrangère au monde
intellectuel européen, mais s'inscrit très précisément
dans l'histoire des idées politiques occidentales, et plus
précisément dans un double rapport de filiation et
de critique du libéralisme politique : c'est particulièrement
clair chez William Godwin, héritier direct des théories
élaborées à l'occasion de la révolution
anglaise (Thévenet, 2002), ou avec certaines des thèses
développées par Wilhelm Humboldt 15. Il est ainsi
significatif que le virage anarchiste de Bakounine, en 1864, s'inaugure
avec une série d'articles critiques sur le libéralisme
où celui-ci incarne l'inachèvement même de la
Révolution française et où est dénoncée
son incapacité à représenter désormais
la moindre possibilité de progrès 16. Enfin, il faut
signaler que tout un chapitre de L'Unique et sa propriété
de Stirner est dirigé contre les diverses variantes, politique,
sociale et humanitaire, du libéralisme 17.
15 Humboldt, 2004. L'ouvrage de Humboldt s'inscrit clairement, par
son titre même, dans les thématiques centrales du libéralisme,
dont il constitue une radicalisation. Il est néanmoins revendiqué
par un certain nombre d'auteurs libertaires, comme Rudolf Rocker
et Noam Chomsky.
16 Il s'agit des Lettres d'un démocrate publiées
par le journal suédois Aftonbladet en septembre 1864. Voir
Bakounine, OEuvres complètes, CD Rom, 2000.
17 Il s'agit du chapitre « les affranchis », qui conclut
la première partie de l'ouvrage.
Il est possible de retracer cette filiation critique sur un certain
nombre de thématiques emblématiques de la pensée
libertaire. On l'a vu, l'opposition au pouvoir de l'État
peut déjà être lue comme une radicalisation
d'un thème libéral, d'autant qu'elle revêt,
sur son versant positif, chez Proudhon puis chez Bakounine 18, la
forme d'un mot d'ordre fédéraliste qui est lui aussi
la radicalisation d'un thème cher au libéralisme politique
: le fédéralisme anarchiste repose sur un principe
de libre association voué à refonder la famille (Bakounine
est l'un des premiers partisans déclarés de l'union
libre), l'économie (avec l'idée de libre association
de producteurs, qui sera reprise par Marx lorsqu'il évoquera
le communisme) et le lien social (les théoriciens anarchistes
se signalant notamment par leur prise en compte du fait national
et leur revendication du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes).
Mais c'est sans doute en matière d'économie que cette
filiation critique entre libéralisme et anarchisme apparaît
le mieux. À travers la revendication autogestionnaire, l'anarchisme
enrichit et élargit la valorisation libérale de la
spontanéité du social. Dans l'autogestion telle que
la conçoivent les anarchistes, le caractère collectif
de la production n'est pas seulement compatible avec l'idée
d'une société débarrassée de la domination
politique de l'État, il implique nécessairement la
disparition de l'État. Chez certains penseurs pratiques de
l'autogestion, notamment dans les pays hispanophones, où
sont mieux connues les expériences de la révolution
espagnole, l'idée autogestionnaire est même rendue
compatible, dans sa mise en oeuvre, avec une économie concurrentielle
: un système économique reposant sur l'autogestion
pourrait supplanter par la concurrence, en raison de l'évacuation
de la bureaucratie, privée ou publique, le système
capitaliste, aussi bien sous sa variante libérale que dans
sa version dirigiste dite communiste 19. Par rapport à la
tradition libérale, l'anarchisme se signale ainsi par une
extension des principes du libéralisme à la collectivité,
aux associations, et par une radicalisation de la critique du salariat.
Bien avant l'adoption, par les mouvements libertaires, des mots
d'ordre autogestionnaires, l'une des découvertes décisives
de Proudhon, celle qui le met sur la voie de la problématique
de la libre association, est celle du travail en coopération,
ce qui implique chez lui la prise en compte, avec les principes
mêmes du libéralisme classique, de la collectivité
comme une entité à part entière 20.
18 Proudhon, 1863. Bakounine, Fédéralisme, socialisme
et antithéologisme [1867-1868], dans OEuvres, vol. I, 1980.
19 Voir notamment le grand ouvrage de l'économiste libertaire
espagnol Abraham Guillén, Economia autogestionaria. Las bases
del desarollo económico de la sociedad libertaria, 1991.
20 La dénonciation par Marx, dans le premier livre du Capital,
de la captation de la « survaleur relative » par le
propriétaire du capital se trouve déjà chez
Proudhon au travers d'un exemple devenu fameux : « Le capitaliste,
dit-on, a payé les journées des ouvriers ; pour être
exact, il faut dire que le capitaliste a payé autant de fois
une journée qu'il a employé d'ouvriers chaque jour,
ce qui n'est point du tout la même chose. Car, cette force
immense qui résulte de l'union et de l'harmonie des travailleurs,
de la convergence et de la simultanéité de leurs efforts,
il ne l'a point payée. Deux cents grenadiers ont en quelques
heures dressé l'obélisque de Luqsor sur sa base :
suppose-t-on qu'un seul homme, en deux cents jours, en serait venu
à bout ? » (Qu'est-ce que la propriété,
2009).
Aussi peut-on considérer que l'anarchisme perpétue
à partir du XIX siècle, au sein du mouvement ouvrier,
la perspective d'émancipation intégrale ouverte au
siècle précédent par le libéralisme.
La critique du libéralisme apparaît alors constitutive
de l'histoire de l'anarchisme : pour parvenir à l'émancipation
intégrale des individus, pour réaliser l'égalité
des conditions, il faut prendre en compte d'autres dimensions de
l'individu, notamment sa tendance à la coopération,
il faut penser autrement la liberté et il faut attaquer toute
forme de domination, interroger sa légitimité, sans
supposer a priori qu'elle est légitimée par les contradictions
entre les intérêts individuels. De ce point de vue,
Noam Chomsky est fondé à parler de l'anarchisme comme
du point de rencontre entre socialisme et libéralisme 21.
Mais si le libéralisme de l'âge classique a pu donner
naissance à l'anarchisme comme à l'un de ses rejetons
critiques, c'est aussi qu'il ne se réduit pas à l'idéologie
qui sert aujourd'hui de parure séduisante au néolibéralisme.
De sorte que considérer la relation de filiation critique
entre anarchisme et libéralisme, ou l'anarchisme comme lieu
de confluence entre libéralisme et socialisme, c'est aussi
en retour se donner les moyens de critiquer radicalement la manière
dont, aujourd'hui, le néolibéralisme se pare d'atours
libéraux. Dans l'opposition contemporaine entre réalisme
néolibéral et utopie égalitaire, le libéralisme
classique, en particulier celui d'Adam Smith en matière économique,
mais aussi dans une certaine mesure celui de Locke en matière
politique, en tant qu'il se situe dans l'héritage de la révolution
anglaise, n'est sans doute pas si aisé à enrôler.
Si les économistes néoclassiques citent fréquemment
la fameuse expression de Smith (tellement fameuse qu'on en vient
à oublier qu'il ne l'a employée qu'à trois
reprises) sur la « main invisible » pour construire
l'ordre du marché, ils mentionnent plus rarement que le but
assigné par Smith à ce libre jeu était de parvenir
à l'égalité des conditions 22, et non simplement
à l'égalité des chances, qui n'était
pour lui qu'un moyen (qui impliquait cependant l'intervention de
l'État par le biais de l'éducation) 23. Sur un certain
nombre de points décisifs, que la pensée libertaire
s'est souvent contentée d'étendre et de radicaliser,
le libéralisme classique pourrait ainsi passer pour une critique
explicite de ce qu'on qualifie aujourd'hui de néolibéralisme.
21 Chomsky, « Notes on Anarchism », article cité.
De fait, comme dans la plupart de ce qu'il écrit sur l'anarchisme,
Chomsky est ici tributaire de Rudolf Rocker, Anarchosyndicalism,
1938, pour qui l'anarchisme est à la confluence de ces deux
courants.
Voir du même auteur, enfin traduit en français, son
grand ouvrage Nationalisme et culture, 2008.
22 C'est particulièrement clair avec l'occurrence de cette
expression dans la Théorie des sentiments moraux, livre IV,
chap. 1, 1999, p. 257. L'autre occurrence à signification
économique se trouve dans les Recherches sur la nature et
les causes de la richesse des nations, livre IV, chap. 2, 1991,
t. II, p. 39, et elle porte sur les échanges commerciaux
entre nations.
23 Adam Smith, 1991, Livre V, Chap. 1 : « Dépenses
à la charge du souverain ou de la république. L'instruction
publique ».
Conclusion
En retenant qu'il existe une relation de filiation critique entre
anarchisme et libéralisme, qui en sont venus à désigner
des courants politiques, doctrinaux et pratiques radicalement hétérogènes,
il est possible de s'interroger sur les tentatives contemporaines
de les rapprocher. Quatre groupes ont intérêt à
ces tentatives. Tout d'abord, d'anciens révolutionnaires
ralliés à l'ordre néolibéral se prétendront
libéraux et libertaires pour fournir a posteriori une cohérence
à leur parcours politique. En second lieu, à l'heure
où le libéralisme est dénoncé, à
tort ou à raison, comme étant l'idéologie d'un
monde dominé par la quête du profit, par la réduction
de l'individu à sa double dimension de spectateur et de consommateur
et par la destruction des libertés collectives, les promoteurs
de la « nouvelle raison du monde » pourront avoir intérêt
à capter ce que l'idéal libertaire peut avoir de capital
de sympathie et de connotations émancipatrices. En troisième
lieu, chez les partisans d'une restauration du compromis fordiste,
la dénonciation de prétendus libéraux libertaires
permet de confondre dans une même stigmatisation les partisans
proclamés d'une dérégulation généralisée
de l'économie et les adversaires des bureaucraties politiques
et syndicales. Enfin des auteurs réactionnaires, comme Carl
Schmitt, voient dans l'anarchisme une forme de radicalisation de
la tendance libérale moderne à la dépolitisation
du monde, cette radicalisation consistant à prendre la dépolitisation
active comme objet de sa politique 24. Dans cette dernière
perspective, l'anarchisme apparaît alors comme cette doctrine
politique qui se propose d'en finir activement avec la politique
pour ne laisser subsister que la pure spontanéité
du social. Mais c'est faire bon marché de ce que le projet
politique anarchiste est toujours à reprendre, contre le
risque toujours présent que resurgissent des dominations
illégitimes, et pour remettre en question toujours plus avant
la légitimité de toute domination et toujours à
nouveau la légitimité des dominations qu'on croit
légitimes.
24 Voir mon article « Carl Schmitt, lecteur de Bakounine »,
2009.
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