"Nouveau millénaire, Défis libertaires"
Licence
"GNU / FDL"
attribution
pas de modification
pas d'usage commercial
Copyleft 2001 /2014

Moteur de recherche
interne avec Google
IVAN ILLICH (1926- 2002)

Attaché aux années 1970, le nom de l’essayiste Ivan Illich est avant tout un symbole, le symbole d’une pensée dont la fonction, stimulante et irritante, semble être de prendre le contre-pied systématique des «vérités» qui constituent les fondements mêmes de la modernité humaine. Illich marque le coup d’arrêt du «progressisme» comme postulat non critiqué et comme légitimation, sûre d’elle-même, de la conduite des sociétés industrielles modernes. Rarement une œuvre de pensée aura, en un délai si court (Libérer l’avenir , 1971 ; Une société sans école , 1971 ; Énergie et Équité , 1973 ; La Convivialité , 1973 ; Némésis médicale , 1975 ; Le Chômage créateur , 1977) rencontré un tel écho et à ce point provoqué la société moderne et les grands systèmes explicatifs qu’elle a engendrés. Ainsi s’expliquent que d’étonnantes conjonctions aient amené «conservateurs» et «progressistes» à dénoncer, voire souvent à simplifier et ridiculiser la pensée d’Illich.

Sa personnalité est déjà singulière. Originaire d’Europe centrale, émigré aux États-Unis en 1956, il obtient très tôt un brevet de radio, puis de pilote. Il devient ensuite chercheur en cristallographie et acquiert des doctorats d’histoire, de philosophie, de droit canon, de théologie. Prêtre catholique, il affronte l’institution ecclésiale à propos du C.I.D.O.C., centre de formation qu’il fonde à Cuernavaca (Mexique). Inquiété par le Saint-Office, il renonce, en 1969, à l’état clérical.

Illich, dans une démarche dont la logique est rigoureuse dès les premières œuvres, s’attaque aux institutions de la société industrielle. Leur fonction est, à ses yeux, de légitimer l’encadrement des hommes, leur assujettissement aux impératifs de la consommation-production, l’augmentation de l’écart entre une masse toujours croissante de pauvres et une «élite» de moins en moins nombreuse de nantis. Ni l’enseignement, ni la médecine, ni la production industrielle ne sont plus à l’échelle d’une «convivialité» humaine. Leur fonction réelle est en contradiction avec le discours commun qui les salue comme des signes d’un progrès indéfini. Aux mains de professionnels, l’enseignement n’est plus qu’une énorme machine, centralisée et automatisée, à fabriquer de l’inégalité sociale. Il faut inventer d’autres réseaux d’éducation qui restaurent la créativité et l’autonomie des individus et des groupes. De même, il faut arracher la médecine à la professionnalisation, à la spécialisation, au monopole d’une caste appelée à dominer la vie et la mort des citoyens «surprotégés». Dans la production industrielle, il faut mettre fin à la surcroissance de l’outil, qui multiplie les dépenses d’énergie et asservit les hommes, ainsi qu’à la surprogrammation, qui exclut les consommateurs du contrôle de la production et accentue le pouvoir des oligopoles. Le retour au bonheur d’«être avec» passe par l’acceptation consciente et délibérée d’un renoncement au superflu et à l’artifice.

La production d’Ivan Illich s’est poursuivie avec : Le Travail fantôme (1981), Le Genre vernaculaire (1983), A.B.C. (sur l’alphabétisation, 1990), Du lisible au visible (1991). Dans le miroir du passé (1994) rassemble les conférences et discours des années 1978-1990.

Source Encyclopædia Universalis 1997