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Pas besoin de stratégie politique pour faire la révolution

Origine : http://www.ac-versailles.fr/pedagogi/ses/reserve/resa2/socio/Illich1.htm

«Il ne me servirait de rien d'offrir une fiction détaillée de la société future. Je veux donner un guide pour l'action et laisser libre cours à •s l'imagination (...): je ne propose pas une utopie normative*, mais les a- conditions formelles d'une procédure qui permette à chaque collectivité de choisir continuellement son utopie réalisable. (...)

Je m'écarterais également de mon propos en m'occupant de stratégie ou de tactique politique. A l'exception, peut-être de la Chine de Mao, aucun gouvernement actuel ne pourrait restructurer son projet de société en suivant une ligne conviviale. Les dirigeants des partis et des industries sont comme les officiers d'un bateau postés aux leviers de commande des institutions dominantes : entreprises multinationales. États, partis politiques et mouvements organisés, monopoles professionnels, etc. Ils peuvent changer de route, de cargaison et d'équipage, mais pas de métier. (...)

Ce sont eux qu'il faut liquider. Mais il ne servirait à rien de les mas- sacrer, surtout si c'est pour se borner à les remplacer. La nouvelle équipe au pouvoir se prétendrait seulement plus légitime, mieux fondée à manipuler ce pouvoir hérité et tout structuré. Il n'y a qu'une façon de liquider les dirigeants, c'est de briser la machinerie qui les rend nécessaires - et par là même la demande massive qui assure leur empire. La profession de PDG n'a pas d'avenir dans une société conviviale, comme le professeur n'a pas de place dans une société sans école : une espèce s'éteint quand elle perd sa raison d'être.

L'inverse*, c'est un milieu propice à la production, qui est l'œuvre d'un seul peuple anarchique. (...) Dans une société où la décision politique endigue l'efficacité de l'outil, non seulement les destins personnels s'épanouiront, mais de nouvelles formes de participation politique verront le jour. L'homme fait l'outil. Il se fait par l'outil. L'outil convivial supprime certaines échelles de pouvoir, de contraintes et de programmation, celles, précisément, qui tendent à uniformiser tous les gouvernements actuels. L'adoption d'un mode de production convivial ne préjuge en faveur d'aucune forme déterminée de gouvernement, pas Plus qu'elle n'exclut une fédération mondiale, des accords entre nations, entre communes, ou le maintien de certains types de gouvernement traditionnels. »

I. Illich, La convivialité. Seuil, 1973, pp. 33-37.