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Biographie en résumé
Ivan Illich est né à Vienne en 1926. Il arrive aux
États-Unis en 1951, et travaille comme assistant auprès
du pasteur d'une paroisse portoricaine de New York. Entre 1956 et
1960, il est vice-recteur de l'Université catholique de Porto
Rico, où il met sur pied un centre de formation pour les
prêtres américains qui doivent se familiariser avec
la culture latino-américaine. Illich fut co-fondateur du
Center for Intercultural Documentation (CIDOC) à Cuernavaca,
Mexico. À compter de 1964, il a dirigé des séminaires
sur le thème «Alternatives institutionnelles dans une
société technologique», avec un accent spécial
sur l'Amérique Latine. Il vit désormais sur le mode
de l'amitié. Polyglotte, homme du Sud autant que du Nord,
solidement enraciné en Occident et familier avec l'Orient,
Illich mérite pleinement la qualité d'humaniste. Ses
écrits sur l'école, la santé, la convivialité,
l'énergie ont eu un rayonnement universel, provoquant de
féconds débats dans de nombreux pays.
Vie et œuvre
«Illich est tout d'abord un penseur qui se situe dans un contexte
historique particulier, celui des années 60 — période
caractérisée par une critique radicale de l'ordre
capitaliste et de ses institutions sociales, et notamment de l'école.
C'est aussi une personnalité complexe. On disait à
l'époque qu'Ivan Illich était un homme intelligent
qui aimait à s'entourer de gens intelligents et qu'il lui
était difficile de dissimuler son mépris à
l'égard des personnes qu'il trouvait stupides. Il pouvait
tout à la fois se montrer extrêmement cordial et tourner
brutalement en ridicule ceux qui l'interpellaient.
Travailleur infatigable, polyglotte, cosmopolite, il professait
des idées, que ce fût sur l'Église et son évolution,
sur la culture et l'éducation, sur la médecine ou
sur les transports dans les sociétés modernes, qui
toutes suscitèrent des controverses qui finirent par faire
de lui une des figures emblématiques de l'époque.
Cependant, Illich lui-même provoquait en partie la polémique
par sa personnalité, son style, ses méthodes de travail
ou le radicalisme de ses idées. Pour les spécialistes
de l'éducation, Ivan Illich est le père de l'éducation
sans école, l'auteur qui condamne sans appel le système
scolaire désigné comme l'une des multiples institutions
publiques qui exercent des fonctions anachroniques, ne s'adaptent
pas à la rapidité des changements et ne servent qu'à
stabiliser et à protéger la structure de la société
qui les a produites.
Origine et destin
Illich, né à Vienne en 1926, fit ses études
dans des établissements religieux de 1931 à 1941.
Expulsé en vertu des lois antisémites qui le touchaient
par son ascendance maternelle, il termina ses études secondaires
à l'Université de Florence pour ensuite faire de la
théologie et de la philosophie à l'Université
grégorienne de Rome et, ultérieurement, obtenir un
doctorat d'histoire à l'Université de Salzbourg.
Alors que le Vatican le destinait à la carrière diplomatique,
Illich opta pour la prêtrise et fut nommé vicaire d'une
église paroissiale irlandaise et portoricaine à New
York. Il séjourna dans cette ville de 1951 à 1956.
En 1956, il quitta New York pour assumer la fonction de vice-recteur
de l'Université catholique de Ponse à Porto Rico.
L'intérêt qu'il portait au développement de
ce qu'il appelait la «sensibilité interculturelle»
l'amena à créer, peu de temps après sa nomination,
l'Instituto de Communicación Intercultural.
Cet institut, qui fonctionnait seulement durant les mois d'été,
avait pour mission d'enseigner l'espagnol à des ecclésiastiques
et à des laïcs américains qui seraient appelés
par la suite à travailler parmi les Portoricains émigrés
dans les villes d'Amérique du Nord. Bien que l'apprentissage
de l'espagnol constituât une partie importante des activités
de l'institut, Illich insistait sur le fait que le programme était
essentiellement destiné à développer, chez
des personnes appartenant à des cultures différentes,
l'aptitude à percevoir la signification des choses.
Ses relations avec l'Université de Ponse prirent fin en
1960 à la suite d'un désaccord avec l'évêque
du diocèse, celui-ci ayant interdit aux catholiques du lieu
de voter pour un candidat à la charge de gouverneur qui se
déclarait partisan du contrôle des naissances. De retour
à New York, il accepta une chaire de professeur à
l'Université de Fordham. Dans le même temps, poursuivant
sa démarche en matière de développement et
de renforcement des relations interculturelles, Illich fonda, en
1961, le Centre interculturel de documentation (CIDOC) à
Cuernavaca (Mexique). Le CIDOC, conçu au départ pour
former des missionnaires américains travaillant en Amérique
latine, se transforma, au fil du temps, en un centre para-universitaire
où, par ailleurs, étaient mises en pratique les idées
d'Illich sur une éducation déscolarisée.
Depuis l'année de sa création jusqu'au milieu des
années 70, le CIDOC fut un lieu de rencontre pour de nombreux
intellectuels américains et latino-américains qui
réfléchissaient au problème de l'éducation
et de la culture. Le centre proposait des cours d'espagnol ainsi
que des ateliers sur des thèmes sociaux et politiques. Il
possédait, en outre, une bibliothèque prestigieuse,
et Illich dirigeait personnellement des séminaires consacrés
aux alternatives institutionnelles dans la société
technologique. C'est de cette époque que datent les fameux
débats passionnés entre Paolo Freire et Ivan Illich
sur l'éducation, la scolarisation et la conscientisation
ainsi que les dialogues entre Illich et d'autres spécialistes
de l'éducation, tous préoccupés de trouver
des moyens éducatifs permettant de transformer chaque moment
de la vie en une occasion d'apprendre, et ce, généralement,
en dehors du système scolaire.
La notoriété d'Illich, qui remonte à cette
période, est liée au départ à la critique
qu'il fait de l'Église institutionnelle, définie par
lui comme une grande entreprise qui forme et emploie des professionnels
de la foi pour assurer sa propre reproduction. Il extrapole ensuite
cette vision à l'institution scolaire et développe
la critique qui devait le mener, pendant quelques années,
à travailler sur sa proposition de société
sans école. Ses opinions sur la débureaucratisation
de l'Église dans le futur et sur la déscolarisation
de la société firent rapidement du CIDOC un lieu de
controverses religieuses, ce qui explique que Illich sécularisa
le centre en 1968 et abandonna le sacerdoce en 1969.
Pendant cette période, Illich élabore ce que l'on
pourrait appeler sa pensée éducative, publiant entre
la fin des années 60 et le milieu des années 70 ses
principaux ouvrages dans le domaine de l'éducation. Ultérieurement,
il change de perspectives et passe de l'analyse des effets de la
scolarisation sur la société à celle des problèmes
institutionnels dans les sociétés modernes.
Vers le milieu des années 70, bien que continuant à
résider au Mexique, Illich adresse ses écrits à
la communauté universitaire internationale et prend progressivement
ses distances avec l'Amérique latine. À la fin de
cette décennie, le philosophe et pédagogue quitte
définitivement le Mexique pour s'installer en Europe.»
MARCELA GARJADO, "Ivan Illich (1926- )", Perspectives
: revue trimestrielle d'éducation comparée (Paris,
UNESCO : Bureau international d'éducation), vol. XXIII, n°
3-4, 1993, p. 733-743.
UNESCO : Bureau international d'éducation, 2000. Ce document
peut être reproduit librement, à condition d'en mentionner
la source (mention apparaissant sur le document original)
Œuvres de Ivan Illich
Articles en français dans cette encylopédie
Hommage à Jacques Ellul
Le renoncement à la santé
Du Lisible au Visible
Ailleurs sur Internet
Extraits de La convivialité
Révolution et stratégie politique.
L'obsession de la santé parfaite, Le Monde Diplomatique.
Une société sans écoles: la critique illichienne
du système scolaire (Francesco Colonna Romano)
Traductions françaises
Libérer l'avenir. Paris, Seuil, 1971.
Une société sans école. Paris, Seuil, 1971.
La convivialité. Paris, Seuil, 1973.
Énergie et équité. Paris, Seuil, 1973.
Némésis Médicale. Paris, Seuil, 1975.
Le chômage créateur. Paris, Seuil, 1977.
Le travail fantôme. Paris, Seuil, 1981.
Le genre vernaculaire. Paris, Seuil, 1983.
H2O. Les eaux de l'oubli. [Paris], Lieu commun, 1988.
Du lisible au visible : la naissance du texte. Un commentaire du
Didascalicon de Hugues de Saint-Victor. Traduit par Jacques Mignon.
Paris, Cerf, 1991.
La perte des sens. Traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel
Dauzat. Paris, Fayard, 2004.
Œuvres complètes. Volume 1. Préface de Jean
Robert et Valentine Borremans. Paris, Fayard, 2004. Comprend : Libérer
l’avenir (1971), Une société sans école
(1971), Énergie et équité (1975), La Convivialité
(1973) et Némésis médicale (1975).
Œuvres complètes. Volume 2. Paris, Fayard, 2005. Comprend:
Le chômage créateur (1977), Le travail fantôme
(1981), Le genre vernaculaire (1983), H2O. Les eaux de l'oubli (1988),
Dans le miroir du passé et Du lisible au visible : la naissance
du texte (1991).
En anglais, en ligne
(Voir "Illich Writings on the Web" sur Preservenet)
A Constitution For Cultural Revolution
Deschooling Society
Tools for Conviviality
Energy and Equity
Vernacular Values
Silence Is A Commons
The Wisdom of Leopold Kohr
The Rise of Homo Economicus
Taught Mother Tongue and Nation State
Articles parus dans la New York Review of Books
Commencement at the University of Puerto Rico, Oct 9, 1969
Outwitting the "Developed" Countries, Nov 6, 1969
Why We Must Abolish Schooling, Jul 2, 1970
Schooling: The Ritual of Progress, Dec 3, 1970
Education Without School: How It Can Be Done, Jan 7, 1971
Documentation
Cérézuelle, Daniel. La technique et la chair. De
l’ensarkosis logou à la critique de la société
technicienne chez Bernard Charbonneau, Jacques Ellul et Ivan Illich.
Article rédigé en vue d'une communication au colloque
sur Jacques Ellul qui aura lieu les 21 et 22 octobre 2004 à
l'université de Poitiers. Voir le programme du colloque.
Thierry Paquot. Retour d'Ivan Illich. Le Monde Diplomatique. Avril
2004. Sur la pertinence et l'actualité de l'oeuvre d'Illich.
Extrait: «Ivan Illich mobilise une impressionnante bibliographie,
en plusieurs langues, n’hésite pas à saisir
un problème dans sa très longue durée, à
revisiter les mythes, à questionner les religions, à
télescoper les différents savoirs disciplinaires,
à s’impliquer dans la remise en cause de fausses «
évidences », à polémiquer... Cela confère
un ton très particulier à ses écrits, on les
lit en les écoutant, en quelque sorte, fasciné par
une érudition jamais pesante, un vocabulaire choisi mais
aussi familier, une problématique surprenante et toujours
ce parti pris pour la liberté de chacun, son indépendance
des systèmes techniques et des experts.»
Voir également du même auteur: La résistance
selon Ivan Illich.
Ferris, Don. Ivan Illich: Observations on the Tools of Industrial
Institutions and the Changes Needed to Achieve Sustainability and
Independence.
Revue Hermès. Compte rendu de lecture de Du lisible au visible.
Robert, Jean. Energy and the mystery of Iniquity
Robert, Jean. La garda del ojo en la epoca del "show".
Silverman, Robert. À propos de Énergie et équité
Collectif. Remembering Illich. Des amis d'Ivan Illich témoignent
de sa présence et de l'influence de sa pensée. Carl
Mitcham, Peter Warshall, Jerry Brown, Vijaya Nagarajan, Lee Swenson,
David Cayley, et Lee Hoinacki. Mother Earth Magazine. Printemps
2003.
Denis Clerc, Ivan Illich et la critique radicale de la société
industrielle, Alternatives économiques. La pertinence des
analyses de ce penseur, l’un des plus originaux du XXe siecle
dans le domaine des sciences sociales, demeure entière.
Documents associés
Sciences et techniques
L'humiliation de la chair chez Ivan Illich
Daniel Cérézuelle
Incarnation, technique, réel, liberté, désincarnation,
chair, union du corps et de l'esprit, christianisme
Extrait de l'article « La technique et la chair » rédigé
en vue d'une communication au colloque sur Jacques Ellul qui s'est
tenu les 21 et 22 octobre 2004 à l'université de Poitiers.
Voir le programme du colloque.
Techniques / Technologies
La perte des sens
Hélène Laberge
Vision, regard, interface, technique, sens, éducation des
sens, réel, Dürer, Rabelais
Autrefois, le regard rayonnait vers l'objet, l'embrassant littéralement
des yeux. À l'ére du show, notre regard dépend
d'interfaces qui nous voilent le réel.
Mort d'Ivan Illich
Jacques Dufresne
Convivialité, amitié, contre-productivité
Voici un homme dont on se souviendra de plus en plus, avec reconnaissance
et regret, au fur et à mesure que l'on subira les méfaits
de la croissance incontrôlée.
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