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Origine : http://nopasaran.samizdat.net/article.php3?id_article=393
Michel Warschawski est un homme rare. Il fait partie de cette poignée
d’Israéliens qui n’acceptent pas l’inacceptable.
C’est un militant de la paix et ce depuis l’année
1968. Cela lui a valu notamment de goûter aux geôles
israéliennes durant près de deux ans, puisqu’il
fut condamné pour avoir soutenu des organisations palestiniennes
illégales. Il est également depuis de nombreuses années
le président du Centre d’information alternative de
Jérusalem.
Invité en 2001 par un cartel d’associations nantaises,
il a tenu une très brillante conférence dans la salle
surchauffée de la Manufacture des Tabacs. Il a repris en
partie les idées fortes que l’on retrouve dans son
livre "Israël-Palestine : le défi binational",
livre publié en février dernier par les éditions
Textuel. Ce livre est intellectuellement très proche du dernier
ouvrage de l’universitaire palestinien Edward Saïd, qui
s’intitule "Israël-Palestine : l’égalité
ou rien".
Dans cet ouvrage, Michel Warschawski propose une lecture brillante
et synthétique de la naissance de l’Etat d’Israël.
Depuis quelques années, les historiens israéliens
s’invectivent copieusement, les "nouveaux historiens",
car tel est leur nom, osant s’interroger, et ce faisant remettre
en cause, l’histoire officielle israélienne.
Beaucoup affirment encore que les sionistes n’eurent pas
à expulser les populations palestiniennes de Palestine car
celles-ci étaient parties d’elle-même, répondant
ainsi aux appels des radios arabes leur recommandant de venir se
protéger à l’extérieur du territoire.
La vérité est bien évidemment ailleurs. Warschawski
n’y va pas par quatre chemins : "la guerre qui a fait
naître Israël a été une guerre d’épuration
ethnique". Pour affirmer cela, il s’appuie sur le travail
sérieux et argumenté de l’historien Benny Morris
qui a recensé "pas moins de 80 massacres entre 1947
et fin 1948", et parmi ceux-ci le terrible Deïr Yassine.
Mais là où Benny Morris se refuse à voir les
manifestation concrètes d’une stratégie guerrière
savamment planifiée, Michel Warschawski considère
au contraire que les leaders sionistes, Ben Gourion en tête,
ont fait de la terreur une arme essentielle de leur conquête
de toute la Palestine. L’Etat d’Israël est donc
le "fruit combiné du plan de partition adopté
par l’Assemblée générale des Nations-Unies,
le 29 novembre 1947, et d’une guerre de conquête et
d’épuration ethnique menée avec succès
par les forces armées juives au cours de l’année
1948". Israël ne s’est donc pas emparée d’une
terre laissée vide volontairement par une population palestinienne
partie chercher refuge ailleurs.
Michel Warschawski s’intéresse également à
l’état de la société israélienne
aujourd’hui. Il la décrit comme une société
malade. Il rappelle qu’à l’origine le projet
sioniste est laïc, républicain et démocratique.
Or, dès sa naissance, Israël s’est construit comme
un Etat juif. Et s’il ne voit pas en l’Etat d’Israël
un Etat théocratique, il sait aussi que “l’Etat
juif tend à introduire des éléments religieux
dans l’identité collective et, par conséquent,
met en échec son propre projet de société"
en marginalisant notamment ceux que l’on appelle les Arabes
israéliens.
Autre sujet de tension : l’immigration. Durant des décennies,
le monde politique israélien a été tenu par
une élite sioniste ashkénaze puisant ses racines dans
sa culture occidentale, méprisante à l’égard
des Juifs d’orient, des Séfarades. La marginalisation
de ces derniers et l’arrivée massive depuis plusieurs
années de migrants en provenance de l’ex-Union Soviétique
ont fait d’Israël une véritable poudrière
communautaire qui accentuent encore plus l’éclatement
de l’identité israélienne.
S’y ajoute également le fait que lentement la population
palestinienne d’Israël ne cesse de croître numériquement
et que dans quelques années, les Juifs seront minoritaires
: "L’Etat reste un Etat juifs, avec des pratiques et
des structures discriminatoires, mais la minorité palestinienne
est passée d’une situation d’atomisation et d’invisibilité
à celle d’une minorité nationale qui revendique
l’égalité citoyenne dans un pays qui se veut
juif mais aussi démocratique".
C’est là que le bât blesse pour Michel Warschawski
: comment Israël, multinationale et multiculturelle, peut-elle
demeurer longtemps un Etat juif, c’est-à-dire qui se
réfère à une identité spécifique,
ethnico-religieuse, exclusive de toute autre ? Tel est la question
qui se pose aujourd’hui. Soit Israël se maintient comme
Etat juif et alors il se transformera en "un Etat théocratique
où seraient progressivement abolis les aspects réellement
démocratiques existant dans le régime israélien"
; soit, les Israéliens impose une "séparation
totale de la nationalité et de l’Etat, de l’ethnicité
et de la citoyenneté". Cette seconde solution est bien
évidemment défendue avec force par Michel Warschawski
qui incite, en reprenant les mots du chercheur Alain Dieckhoff à
“sortir du dogme : un Etat, une culture, un peuple" et
à construire un "Etat davantage pluraliste où
une citoyenneté partagée irait de pair avec la reconnaissance
d’identités collectives diverses".
Michel Warschawski, en parlant d’Etat binational, en appelle
à une véritable révolution culturelle qui passera
notamment par la capacité des Juifs et des Palestiniens à
appréhender ensemble l’histoire récente de la
naissance de l’Etat d’Israël et de la Palestine
historique et à se rappeler aussi que, souvent, dans les
lieux où Juifs et Arabes cohabitèrent, ils coexistèrent
longtemps avec bonheur.
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