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Origine : rencontre
Notre but n’est pas de défendre une université
dans laquelle peu de gens se sentent heureux, preuve qu’elle
manque le savoir et sa force émancipatrice.
Nous pensons juste que l’université possède
et doit posséder la charge du savoir et qu’il revient
à nous, principaux acteurs de cette institution, la légitimité
du choix de son devenir. Nous sommes la jeunesse de ce pays, et
tenons à la rester. Pourtant nous sommes les derniers produits
d’une dizaine d’années de travaux forcés,
de dispositifs de sélections, de mise en compétition,
d’éducation délatrice, de mise au pas de nos
vitesses propres, en d’autres termes du système du
jugement.
Nous sommes ici pour des mots qui ont été volé
de la mémoire collective par glissement sémantique :
« autonomie », « liberté », «démocratie
»…
C’est l’explicitation du monde et donc le pouvoir d’agir
sur lui, qui se joue dans l’élaboration du savoir et
nous comptons bien reprendre le droit de libre circulation de nos
neurones, le choix de ce qu’on nous apprend pour construire
des idéaux qui, contrairement aux mensonges ambiants de ceux
qui nous gouvernent, ont un rapport à la réalité.
Nous ne voulons plus de l’histoire avec une grande hache,
de l’économie réduite à la technique
de multiplications des pains, de la sociologie et de la psychologie
de directeurs de ressources humaines, de la philosophie de tour
d’ivoire bien loin des problèmes qui constituent l’homme
d’aujourd’hui. Nous ne voulons pas manager nos cadets.
Nous pensons que le savoir est le lieu d’une lutte entre volontés
hétérogènes et qu’il ne se développera
pas sans contestations, sans échanges, sans paroles libres.
Le savoir ne peut naître et se développer dans des
institutions procédurières qui tiennent le discours,
qui ont peur de la parole tranchante décisive et sauvage,
de ceux qui n’ont pas acquis la technicité des politiciens,
des « chercheurs », des «entrepreneurs».
Nous appelons à l’insurrection contre toute société
de discours.
C’est à l’ordre du discours scolaire, universitaire,
entrepreneurial, médiatique, étatique, que nous nous
attaquons.
C’est pour une effectivité du savoir que nous nous battons,
non pas son utilisation technique dans et par les modes opératoires
du pouvoir mais la force qu’il a de faire voir d’autres
possibilités. Sans connaissance du monde dans lequel on vit,
on ne peut concevoir un autre état de chose, on s’accommode,
on vit sur le mode de la souffrance inéluctable.
Il nous semble qu’une université libre et populaire
peut être un lieu où l’on fait tourner le savoir,
limite le pouvoir, permet aux gens de libérer leur force
d’exister.
Or cette université populaire et véritablement autonome
ne peut voir le jour sans que l’on brise les contextes de
préoccupations qui dictent les comportements.
Arrêtons la roue routinière et le train-train traînant,
commençons à parler ouvertement de nos désirs,
de nos identités mis à mal par l’imagerie médiatique
et publicitaire, de l’inadmissible chasse à l’homme
que des institutions racistes perpétuent dans ce pays, de
désobéissance civile comme puissance d’action
collective, d’auto-réduction des biens nécessaires
au développement social fixé par la haute finance,
de surconsommations et d’écologies, de réduction
du pouvoir du président.
Luc
Texte écrit au cours de la lutte de fin 2007 à L'université
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