"Nouveau millénaire, Défis libertaires"
Licence
"GNU / FDL"
attribution
pas de modification
pas d'usage commercial
Copyleft 2001 /2014

Moteur de recherche
interne avec Google
Voici des larges extrais de "In extremis" N° 1 (automne 2001), le bulletin de liaison et de critique anti-industrielle.
IN EXTREMIS:
Sans Titre

Origine : http://www.under.ch/sanstitre/Textes/Progres/InExtremis2.htm


1. à l'article de la mort, à l'agonie, voir, extrémité, à la dernière 2. Au tout dernier moment (cf. au vol)
(Petit Robert 1991)

Pour tout contact:
MALGRÉ TOUT...
(Prolégomènes à un manifeste anti-industriel ou non)
I - L'AIR DU TEMPS

Il aurait fallu être doté d'une confiance aveugle dans l'organisation actuelle de la vie pour être véritablement surpris de cette escalade dans la désintégration. Non pas qu'il y ait eu, à l'inverse, un quelconque motif de satisfaction à ce qu'un milliardaire et quelques fanatiques, nous dit-on, puissent peser sur le sort du monde quand, ordinairement, tant d'autres milliardaires et leurs fanatiques veulent subvertir les bases biologiques de la vie et les dupliquer à volonté.

Le rappel de la réalité du désordre planétaire a néanmoins cueilli à froid alors même qu'est mise sous une lumière crue l'accumulation de bombes à retardement dont est grosse la société industrielle. L'Histoire a crevé l'écran de manière chaotique. Sous les décombres, à New York ou à Toulouse, des formes de conscience victimisées sont passées d'un état tétanisé à celui du désarroi et d'une demande compulsive de protection. Les dirigeants, dans leur magnanimité, en ont rajouté dans cette "hogra" occidentale qui consiste à avertir en temps réel des progrès de la peur ou de l'humiliation.

Quand bien même on s'en remettrait entièrement aux mains des experts et de leurs employeurs, au bout du compte, d'épidémie inédite en carambolage automobile, d'accident industriel en pollution génétique, de désordres climatiques en usine de retraitement nucléaire sous menace d'attaque suicide, l'anéantissement devient en toile de fond la menace qui hante la vie en société. Avoir cru pouvoir échanger abri et sécurité contre le sacrifice de son autonomie et de sa dignité a révélé sa vérité centrale quand, au bas de la pente où le renoncement a fait débouler, il n'y a plus ni sécurité, ni liberté.

Nous sommes entrés depuis quelque temps déjà dans une guerre sans fin à laquelle une piétaille désemparée sert de chair a progrès. Que le monde industriel, depuis trente ans, ait basculé définitivement du mauvais coté accroît le sentiment d'avoir été pris au piège.

Les mêmes pulsions morbides de catastrophes peuplent les cerveaux des cinéastes hollywoodiens, des kamikazes islamistes, des adolescents gorgés de fictions télévisées.

Ensuite, l'encadrement policier, le fichage et la surveillance généralises ne permettent pas tant l'impossible contrôle de tout que la mise sous tutelle accrue des relations sociales, devenues suspectes de receler - malgré elles, dans leur opacité - d'éventuels et inédits ennemis du genre humain.

Le "gouvernement par la peur" se renforce. Qu'importe la paternité de la logistique du coup du 11 septembre. ses conséquences arrangent les partisans de la domination; celle-ci ne s'étendant que par la soumission des dominés, la fragilisation accrue du mode de vie industriel les fait adhérer un peu plus aux palliatifs néotechnologiques, qui permettent, avec le succès que I *on a vu, de se tenir à l'écart de l'Histoire.

II - SUR LES CONDITIONS ACTUELLES DE LA CRITIQUE HISTORIQUE

L'exercice de la conscience et de la pensée est marqué par l'écart grandissant entre l'accélération supra-humaine des innovations technologiques et la lenteur, elle bien humaine, de la conscience à se diffuser dans la société, d'autant plus que cette lenteur est accentuée par le morcellement des individualités: le culte du soi et tout autant la nécessité de sauver quelques relations indispensables, quand partout la plus élémentaire socialité disparaît, poussent à l'évitement des conflits. L'affirmation claire de démarcations n'est plus de mise dans le relativisme ambiant. Même le progressisme ne se défend plus avec la mise en avant de bienfaits qui résulteraient de l'intensification historique dont il est le promoteur, et il s'en tient désormais à cette injonction minimaliste : il n'y a tout simplement pas d'autre choix. La menace suit immédiatement: "Qui n'est pas avec nous est contre nous". Il faut prendre au mot cette mise en demeure et relever le défi tant il est vrai que c'est dans les situations désespérées qu'il faut affirmer la plus grande confiance en soi.

Il nous faut renouveler la critique radicale de ce monde justement parce que le vieux projet émancipateur - qui voulait instaurer une intégrité humaine débarrassée des diverses corruptions sociales - est enfoui sous un sentiment écrasant d'impuissance: comme d'être assis sur de la dynamite, désamorcer ce système complexifié à souhait paraît aussi dangereux que de l'endurer.

L'état d'urgence durable dans lequel nous sommes entrés d'abord insensiblement, puis brutalement, exige que la critique historique rassemble ce qui a fait le meilleur de ses intuitions et de sa raison pour mettre sur la place publique la nécessité d'une sécession d'avec le inonde industriel et ses principes, et rendre leurs raisons à ceux qui, loin de vouloir détourner les prouesses de la domination, ont préféré de longue date leur tourner le dos.

III - LE MONDE INDUSTRIEL ET SES PRINCIPES

Que le progrès nous ait bien imposé une rançon, ou que le sentiment se fasse toujours plus vif sur cette réalité de pacotille et d'éphémère, alimentent un nouveau sens commun: là s'arme la conviction de l'impasse historique du monde industriel. Si la puissance technologique s'est échappée des mains de l'homme et se retourne contre lui, c'est que le credo instrumental et réducteur qui l'a fondée portait en lui son autonomisation:

- l'irréversibilité induite par des moyens qui ne peuvent pas rester neutres, comme l'ânnonait la vulgate progressiste pour laquelle c'est toujours l'usage qu'on en fait qui déterminerait la portée d'un moyen: énergie nucléaire (radioactivité diffuse, déchets à "gérer"), génie génétique (pollution génétique, mutations, etc.) démontrent le contraire. Le caractère irréversible d'une technique la rend humainement inacceptable;

- l'illimitation: elle n'est possible qu'en brûlant ce qui est derrière elle. Le capitalisme dans son processus économique, et 1 , automatisation dans son principe procèdent de la même façon: les dévalorisations économiques brutales et périodiques (dépréciations boursière, destructions de guerre, obsolescence programmée de la marchandise réelle ou virtuelle) ou la liquidation des savoir-faire anciens qui rend indispensables les prothèse technologiques, nous jettent dans un devenir aveugle. Tout ce qui est techniquement, réalisable est légitimé comme scientifique: face à cette démence où le devenir humain est happé dans une combinatoire sans fin, le besoin d véritable progrès, c'est-à-dire dans les mœurs, doit se chercher contre cette marche forcée;

- L'innovation pour l'innovation n'est pas seulement un aspect de la compétition économique. La fonction de ce moteur de l'industrie est d'exclure les savoir-faire et le techniques précédentes. La prétention de modernes à se situer au sommet de la pyramide des connaissances rend impossible la coexistence de techniques de différents âges. De même, l'innovation des ingénieurs finit, à terme, par rendre impossible, du fait de la sophistication technologique et des appareils nécessaires pour son entretien, l'ingéniosité d "base" dans la société;

- la fausse universalité de ses principes et de s mise en oeuvre : donnée en objet d'envie à tous les terriens, la technologie est en fait pratiquement inapplicable à la majorité de la planète, sauf catastrophe sciemment organisée;

- la production de masse qui ne peut être qu concentrée, dépossède les communautés d base, et les accoutume à voir arriver les chose de loin, rendant caduc, voire suspect l'échange direct au plus près;

- la concentration des moyens de production de l'habitat a dépassé depuis longtemps le seuil où ses avantages supposés se sont retournés en dommages patents: le brassage des population dans les villes a fait place à l'isolement et l'anonymat;

- l'élévation effrénée et sans fin de la productivité ne débouche pas sur le fameux temps "libre" puisque celui-ci, répondant au vieil adage que la nature humaine marchandisée a horreur du vide, se remplit à toute vitesse de toutes sortes de nécessités abracadabrantes.

IV - COMMENT S'EN SORTIR?

Les principes de l'efficacité technique démontrent, par delà des performances de façade, qu'ils organisent un monde invivable; son fonctionnement chaotique devient l'aiguillon essentiel pour convaincre de ne pas se dissocier de la domination, sans parler de quelques profits collatéraux. Mais si l'avenir appartient à ceux qui ont la mémoire la plus longue, il n'y aura, a fortiori, pas de perspectives sans bilan.

Le détournement marchand de l'appropriation de la nature par l'homme, en s'autonomisant, devait s'attaquer nécessairement aux deux termes de ce rapport initial, l'homme et la nature. D'un coté, la rébellion du prolétariat industriel était d'abord une révolte contre l'assujettissement du travail a des fins autres que celle de satisfaire les besoins humains. De l'autre coté, l'exploitation de la nature a été poussée à être sans limites puisque la première d'entre elles, la résistance des producteurs, n'a pas joué suffisamment, malgré les tentatives révolutionnaires.

Pourtant, la révolte anti-industriel le du XIXe siècle, qui s'opposait à la loi des grandes séries manufacturées -comme étant nécessairement la loi de concentration des travailleurs - s'annonçait comme une protestation contre l'arrachement aux communautés restreintes de base; et c'est un fil historique invisible qui a relié les Canuts et leur nostalgie de la communauté antérieure avec le projet révolutionnaire de porter au niveau de l'espèce humaine ce qui était vécu de mieux dans les communautés de base - et perdu dans la société de masse - la reconnaissance sociale d'emblée des individus hors le chantage du salariat et la sanction du marché. L'erreur tragique de la théorie révolutionnaire Marx en comprit la portée à propos de la communauté paysanne russe traditionnelle, le mir, (dans sa lettre à la populiste russe Véra Zassoulitch) dont il pensa en définitive qu'elle pourrait constituer un saisissant raccourci, hors le périple industriel, vers la communauté humaine universelle - a été de négliger le ferment de ces communautés de base; ce que, de leur coté, les anarchistes ont été plus à même de prendre en compte aussi bien dans leurs conceptions fédératives que par leurs tentatives de soulèvement.

Parvenue à cette forme aboutie en quelque sorte, cette histoire irrésolue n'est pas néanmoins sans garder quelque ressort secret. Ce dont l'opposition contre la superstition technologique ("du temps de perdu pour la recherche c'est du temps de gagné pour la conscience") peut se remplir c'est d'une rébellion contre le temps homogène et processif du développement des forces productives; et qu'elle puisse toucher l'or du temps, la construction d'un temps communautaire, qui ferait des programmes d'émancipation autre chose que "le reflet anthropologique des lois de la production" (Adorno).

La domination affiche clairement sa rationalité monstrueuse de nous boucler dans sa bulle (envoûtement médiatique, recomposition de la nature, action sur le système cérébral humain). Les tentatives de briser ce carcan et de retrouver des présupposés naturels et des bases arrières à partir desquels tenter malgré tout de ressaisir les fils de notre destin individuel et collectif, ces tentatives aussi timides, isolées ou fragmentaires soient-elles constituent ici le préalable à quoi que ce soit de plus ambitieux.

Pour l'instant, avec ce bulletin, "si l'on pense que la condition de toute reprise de l'humanisation passe par la disparition du système actuel, il est préalablement nécessaire de ruiner l'ensemble de ses valeurs et justifications. L'idéologie du progrès technique en constitue le coeur, ce que prouvent a contrario les massifs contre-feux déclen-chés dès que la réalité la dément un tant soit peu ou que la critique s'aventure sur ce terrain. La consti-tution d'une communauté critique, d'un courant de pensée durable, ennemis de la réification marchande et technique est le seul moyen à notre disposition pour mener à bien un tel projet. Toutefois il ne s'agit pas d'une entreprise purement intellectuelle, car une telle élaboration critique ne peut s'opérer sans rompre autant que faire se peut, individuellement et collectivement, matériellement et spirituellement, avec le système de la déshumanisation (au premier rang de laquelle figure la disparition des conditions nécessaires à la pensée). C'est donc aussi du maintien ou de la reconstitution d'un milieu (au sens large, pas au sens restrictif de biotope rassurez-vous!) nécessaire à une pensée critique vivante qu'il s'agit." (Lettre de Jacques PHILIPPONNEAU à "En Attendant "/Alain CONDRIEUX)

Venant BRISSET, Michel GOMEZ

CONTRIBUTIONS

Les textes (ou extraits de textes, correspondances) qui suivent participent de la tentative d'une remise à plat de la critique - et des initiatives qu'elle peut susciter. La fonction d' In extremis est de provoquer confrontations et débat.
Lettre de Jacques PHILIPPONNEAU à Alain CONDRIEUX (10 mars 2000)

(...) Je tiens d'abord à vous féliciter pour la manière jubilatoire dont vous réglez son compte à la méthode de Zerzan. Peut-être pourra-t-on dire bientôt une Zerzanerie pour qualifier ces méthodes "intellectuelles" au service d'un extrémisme qui se veut d'autant plus radical qu'il est aussi arbitraire qu'irréaliste.

Je vous joins ici un texte du littérateur Quadruppani qui montre bien la fonction de telles idées dans la confusion ambiante : disqualifier toute la critique de la société technicienne qui se cherche actuellement au nom d'un radicalisme régressif difficilement surpassable et totalement impraticable par ses partisans mêmes. A moins en effet de surenchérir en proclamant que le bonheur fondamental n'est pas seulement à chercher dans le paléolithique ancien mais peut-être dans la soupe primordiale de l'océan primitif où sont apparues les proto-bactéries, on ne voit pas en effet ce qu'on peut avoir à dire d'utile sur le monde d'aujourd'hui à partir de telles prémisses. Puisque l'impuissance intellectuelle intéressée au renoncement nous serine depuis si longtemps que tout était déjà écrit en lettres de douleur dès la tradition judéo-chrétienne et Descartes, pour les mêmes raisons on peut en effet remonter le cours de la causalité anti-dialectique jusqu'à l'apparition de la pensée symbolique, de la sédentarisation et de l'acquisition du langage, etc... Et probablement donc depuis le big bang. Mais laissons là cette pensée proprement religieuse de la chute originelle, niant l'histoire et le progrès dans l'humanisation de l'homme, et voyons où commencent quelques vrais problèmes.

Pour commencer, je ne mettrais pas comme vous Zerzan et Kaczynski dans le même sac, non pour une querelle de boutique, mais parce que la critique de la fausse conscience du gauchisme américain effectuée par ce dernier me semble tout à fait pertinente; elle contient soit dit en passant celui d'un Zerzan. Désigner la division du travail, nécessaire à la société industrielle moderne, comme la source essentielle de l'aliénation rejoint par un détour inattendu la critique du travail de Marx ou de Simone Weil. Il est tout à fait vrai que nos deux Nord-américains sont marqués par une idéologie de la nature sauvage, anti-urbaine, qui a nourri d'ailleurs toute la nostalgie américaine d'une vie pré-industrielle de Thoreau à Mumford, mais ce sont là les conditions locales d'une conscience anti-industrielle que l'on aurait tort de railler à cause de sa supposée naïveté. Je préfère cette "naïveté" à l'indécrottable idéologie progressiste d'un post-situ comme Ken Knab ou celle de tous ces extrémistes virtuels qui voient dans Internet de formidables possibilités de communication directe et de subversion.

Naturellement, je ne défendrai pas ici, ni nulle part d'ailleurs, la totalité des positions de Kaczynski ni les solutions qu'il envisage pour sortir de l'impasse technologique et à fortiori sa pratique "anarquo-bombista" qui a au contraire toutes les faveurs de l'Insomniaque. Mais je crois que son analyse de l'effondrement inéluctable de la société technologique ou de la soumission définitive du matériel humain aux besoins de la méga-machine technologique mondiale n'est pas une vue de l'esprit : on en voit les éléments se mettre en place chaque jour.

Ce qui réunit Zerzan et Kaczynski au-delà des intérêts très différents de leurs textes, c'est que vivant dans la société industrielle la plus avancée et la plus répugnante, ils ne peuvent pas se bercer d'illusions sur le sens de l'histoire, a fortiori sous sa forme rédemptrice de "l'inévitable" révolution. En effet, lorsque l'on a relevé le bluff de Zerzan ou les insuffisances de Kaczynski, le problème reste entier ; à moins de botter en touche en déclarant qu'il n'y a pas de problème. C'est ce qui me semble être la tentation qui court dans la dernière page de votre brochure et qui me parait participer d'une autre condition locale de la critique, européenne celle-ci, celle de l'inéluctabilité du dépassement du capitalisme.

On peut très bien dire que la révolution est plus que jamais possible parce qu'elle est maintenant plus nécessaire que jamais et qu'elle ne peut résulter que d'une action collective consciente, etc ... Tout le monde peut être d'accord, comme sur le fait qu'une communauté humaine libérée du capitalisme, de l'Etat et des techniques aliénantes pourrait résoudre tous les problèmes légués par le système actuel. Oui, et alors ! Le problème demeure identique, à moins que ce passage ne soit marqué du coin d'une ironie quelque peu ambigüe.

Quel est aujourd'hui le point d'unification de l'aliénation si ce n'est justement ce développement technique incessant au service du capitalisme et de l'Etat. Il est tout à fait vain de séparer le capitalisme du progrès technique que nous connaissons car ils sont consubstantiels.

L'argent, la marchandise, des capitalistes privés ont existé avant le capitalisme, mais celui-ci comme système exige d'une part que ses valeurs soient dominantes dans la société où il s'implante et d'autre part l'assujetissement de la science au processus productif, au progrès technologique qui est la condition de son dynamisme. C'est pourquoi la simplification de Kaczynski, englobant dans l'appellation "société industrielle" le capitalisme et la technologie qu'il développe, me semble être de bon aloi.

A la vieille aliénation étatique du pouvoir séparé chère aux anarchistes s'est surimposée l'aliénation économique chère aux marxistes, et les tentatives révolutionnaires contre cette double aliénation ont toutes échoué. On voit mal aujourd'hui quel est le "sujet historique" qui pourrait reprendre une lutte victorieuse sur ce seul terrain classique. Il existe toujours bien sûr, mais il est tellement miné qu'il en est devenu impraticable. Bien au contraire, l'Etat apparait comme l'unique protecteur de l'individu isolé de la société de masse, opprimé par le rouleau compresseur marchand, et les rapports marchands étendus à tous les aspects de la vie sont ressentis par la quasi totalité des populations industrialisées comme la forme de liberté adaptée à cette société de masse, nullement refusée dans son principe.

Ce qui unifie l'aliénation moderne, c'est bien le résultat concret de la transformation technique incessante des conditions de vie, la confiance aveugle dans les capacités de la technologie à résoudre tous les problèmes de l'humanité et les résultats catastrophiques ( psychologiques, sociaux, écologiques ), résultant d'une telle inconscience toujours plus équipée. Une contradiction de cette taille ne peut paisiblement durer bien longtemps : le mandat du ciel technologique est épuisé.

Nous voyons là une brèche historique menaçant la société totale, sans aucune autre assurance quant au résultat final d'une telle crise. Mais il y a là une contradiction, tout sauf momentanée, à laquelle la société marchande technicienne ne peut échapper. Et donc une possibilité par là, par ce côté le plus universellement ressenti d'un assujetissement sans échappatoire et sans retour à la vie artificielle totalitaire, de reprendre le flambeau de la bonne vieille cause. A partir de là, comme vous dites, le débat peut commencer et nous sommes tout à fait conscients qu'il a été jusqu'à maintenant à peine ébauché.

Une chose semble certaine: tant que cette société n'affrontera pas une crise fondamentale (sociale, économique, écologique ou les trois à la fois), elle restera tout aussi incapable de se réformer que de susciter une alternative révolutionnaire conséquente. C'est pourquoi elle continue cette course folle vers un mur, la condition de sa perpétuation exigeant qu'elle sape toute forme de stabilité.

Les conclusions les plus diverses peuvent être tirées de telle considérations ou d'autres approchantes. On peut citer les principales : il en sortira une crise révolutionnaire ou bien une nouvelle réorganisation étatique mondiale (celle qu'appelle le parti de l'Etat, de Bourdieu à Bové, d'Attac aux lobbies de consommateurs) ou encore il est trop tard pour tout cela, et on doit d'ores et déjà chercher à préserver ou à reconstruire les bases minimum d'une humanité digne de ce nom en dehors d'un système voué à l'autodestruction.

Je crois que l'on peut les garder à l'esprit comme des hypothèses plausibles, au gré des penchants ou des certitudes de chacun. Cependant, dans chacune de ces hypothèses lointaines et dans l'état actuel des forces nous n'y aurions quasiment aucune influence, elles ne doivent donc pas nous éloigner de ce que nous pouvons et devons faire hic et nunc.

( ... ) (passage cité dans "Malgré tout" p. 3)

Dans une telle étape préalable à la constitution d'un corptis critique, le premier mouvement de la pensée est de se souvenir ou de chercher dans un passé plus lointain ce qui a pu être merveilleux, bien, mieux ou simplement moins mal qu'aujourd'hui du point de vue d'une liberté réellement vécue ou possible en matière de moeurs, d'institutions, de rapports à la nature, d'arts ou de techniques. C'est une arme essentielle comme point de comparaison, argument polémique contre cette vie et première ouverture vers ce qu'elle pourrait être.

Il ne s'agit évidemment pas de justifier ou de surestimer ces états antérieurs de l'histoire humaine au nom de l'ignominie présente. Encore moins de vouloir en reconstituer les conditions pour y retourner vivre au gré de notre fantaisie comme on pourrait tourner les talons devant une rencontre fâcheuse. Les portes du passé en tant que tel sont définitivement closes et c'est justement ce qui le caractérise. En effet, quelles que soient les qualités que l'on prête aux époques passées, chacune d'elles présente cependant le même défaut rédhibitoire : elle était finalement si peu assurée de la supériorité de ses valeurs (vécues ou potentielles), qu'elle a laissé la suite se dérouler, qu'elle contenait la suite. Le retour aux mêmes conditions d'un passé quelconque (en admettant qu'il soit possible), contiendrait inévitablement cette même suite comme dans ces voyages dans le temps où l'on ne peut empêcher le présent de s'accomplir. Et ceci vaut pour le paléolithique de Zerzan, la société agro-artisanale de Kaczynski, celle de l'ouvrier professionnel du 19e siècle de Simone Weil ou du paysan de Giono. Bref, rien ne pourra se faire sans une autre conception de la vie.

( ... ) Pour ma part, je crois qu'un projet d'émancipation réaliste doit envisager le démantèlement du système technico-industriel actuel comme un préalable ou ce qui revient au même, doit partir de son auto-destruction possible. Mais ceci n'est envisageable que si cette nécessité théorique devient le besoin social d'une partie notable de l'humanité. Et aucun échec global de cette société ne créera automatiquement ce besoin sans qu'aient été développées, répandues, popularisées et pratiquées des valeurs antagonistes à celles qui rendent indispensables aujourd'hui, l'Etat, l'argent et la technique autonomisée comme médiations universelles entre les hommes.

(...) Il reviendrait à une société émancipée elle-même des fausses nécessités fonctionnelles de conserver ou de reprendre telles quelles dans le passé et le présent les techniques les plus propices à son être, comme il lui serait permis le retour fructueux sur ces innombrables bifurcations oubliées, laissées sur le chemin univoque de la science mercenaire.
Extrait de la suite du texte "une perspective anti-industrielle" - diffusé le 8/02/2001 à Montpellier - et rédigée, en avril suivant, par l'un des deux auteurs, Guy BERNELAS.

( ... ) Reste aussi à expliquer où des contemporains pensent pouvoir trouver les éléments matériels et philosophiques propres à étayer une perspective anti-industrielle qui réponde aux enseignements de la raison et ragaillardisse les âmes.

d'abord dans l'histoire : ils héritent du travail intellectuel de ceux qui entre les deux guerres ont critiqué dans les domaines de l'art, de la morale et de la philosophie, ou dans le mouvement révolutionnaire de l'époque, la mécanisation du monde (Rathenau, Weil, Benjamin, Bernanos, etc.). Ceux-ci avaient avancé que le capitalisme et la mécanisation du monde étaient identiques, et que celle-ci était antithétique à la poursuite de l'humanisation des hommes, et affirmé que l'activité industrielle soit est subordonnée à l'ordre plus vaste de la vie, soit se la soumet-, qu'elle ne pouvait pas s'étendre avec la vie. Ce que Günther Anders, Lewis Mumford ou Bernard Charbonneau sont venus corroborer plus tard.

- puis en eux-mêmes : ils sont en effet de purs produits du machinisme. Le concept rationaliste d'un monde "neutre, non touché par les efforts des hommes, indifférent à leurs activités, sourd à leurs voeux et à leurs supplications, ce triomphe de l'imagination humaine" (L. Mumford, Technique et civilisation) les a entièrement façonnés. Et déformés, car il n'était qu'imagination. Il n'en a pas moins laissé chez l'homme moderne, comme son bon coté, une part de personnalité objective, rationnelle, qui a dû devenir commune parce qu'elle représentait une adaptation indispensable à la marche de la machine : la connaissance que l'arbitre final du jugement est toujours un ensemble de faits auxquels on petit se référer, l'assurance tranquille de pouvoir comprendre les détails de la vie, la distance par rapport à sa propre affectivité. Et cette part rationnelle est devenue heureusement indépendante de la machine, depuis que s'est objectivé le fait que le monde est bien touché par les efforts des hommes, sensible à leurs activités, et perméable à leurs voeux les plus artificiels; comme elle a malheureusement cessé d'être commune. dès que la mécanisation du monde a commencé à produire la société de masse (enfantée par la Première Guerre mondiale), et qu'en conséquence à la part rationnelle a succédé le rationalisme de l'homme de masse. Cette part rationnelle cependant existe encore de manière diffuse dans la société. Et l'homme à venir qui très hypothétiquement pourrait trouver comme tâche de reconstruire le monde pourrait s'en servir : il aura le sang, la constitution, les formes de pensée et de jugements de ses contemporains, s'il en a encore.

(...)
Extrait du texte présenté par Guy BERNELAS à l'assemblée parisienne du 13-14 octobre 2001.

En conséquence, au procès en appel, il serait bon d'attaquer à un niveau supérieur en allant crescendo (...) ce qui pourrait se faire en se concentrant sur la critique de la science contemporaine non plus comme business ou fauteur de l'artificialisation de la vie, mais comme imposture.

(...) dans ses principes, qui sont ceux du scientisme, comme dans leur application :
* dans l'abandon de son principe expérimental sous sa forme mécaniste : elle a fait du monde entier son laboratoire, là où elle ne maîtrise donc plus les conditions de son expérience. * dans son rapport avec la nature pour le scientiste, la nature est désordre et chaos, nullement puissance créatrice autonome et livre de la vie; ensuite dans ses résultats : sa pratique étant de substituer ses artefacts au travail de la nature en ne l'utilisant que comme matière première et ressource énergétique, les substituts violents qu'elle introduit dans le monde et mêle à la nature interdisent de comprendre leurs interactions et ses réactions propres. (...)

Oh, Toulouse... !
Toulouse, 21 septembre 2001, 10h15.

Alors que les écoliers s'égaillent dans les cours de récréation, que les ménagères se rendent au marché, deux énormes explosions secouent toute la ville et ses environs. Dans un rayon de 10 km chacun soupçonne son voisin d'avoir fait exploser la gazinière...

10h16, un champignon s'élève au-dessus du pôle chimique sud de la ville...

"C'est l'ONIA qui a pété." Dans la tête de tous les Toulousains l'évidence se fait jour, on le savait, on l'attendait sans y croire vraiment, comme une menace présente de tout temps que l'on a si longtemps refoulé parce qu'il faut bien vivre... et que les quelques luttes récurrentes depuis les années soixante-dix sont restées sans effet...

À Toulouse, c'est la panique dans les rues et sur les ondes. Dix jours après les attentats aux USA, les premières infos parlent de plusieurs bombes qui auraient explosé dans divers endroits de la ville. Il faut presque trois quart d'heure pour que les radios annoncent que c'est au pôle chimique sud qu'il y a eu une explosion. Les consignes de sécurité sont diffusées: confinement !

Dans le sud de la ville, alors que des centaines de gens hagards, beaucoup ensanglantés, arpentent les rues, pour aller chercher les gosses dans les écoles, pour se faire soigner, pour éviter de recevoir les décombres dans la figure, pour comprendre, pour s'éloigner... un nuage rouge orangé évolue sur la banlieue sud en laissant sur son passage des retombées noirâtres et grasses. Tout le monde en a pris: les gosses des lycées et collèges que l'on a renvoyés chez eux, les appartements soufflés, ouverts aux quatre vents, les jardins potagers, etc.

À la radio, le préfet appelle au confinement au cas où... mais il n'y a pas de quoi s'affoler...

Comment se confiner quand il n'y a plus de vitres aux fenêtres, des trous dans les murs...?

Et puis un confinement ça se prépare, il y a des conditions : pièces fermées sans aucune aération, du scotch, de l'eau, un contact avec l'extérieur... et si ça dure plusieurs heures ? plusieurs jours ? en tout cas il y a bien longtemps qu'aucun exercice de sécurité n'a eu lieu, les dernières consignes ont été distribuées à la population en 1987...

Malgré que le site soit classé "Seveso", qu'un plan particulier d'intervention existe, c'est la panique. Des secours ont du mai à rejoindre la zone, des autorités politiques et techniques qui ne savent pas comment gérer le problème... et pour cause, dans tous les schémas de catastrophes virtuelles l'incident restait confiné aux murs d'enceinte du site.

Les consignes de confinement sont levées en fin d'après-midi. Le préfet émet un arrêté provisoire d'arrêt de la production sur le site chimique. Ce pôle regroupe cinq usines : AZF appartenant à Total-Fina, SNPE société mixte, TOLOCHIMIE, Gazoduc du Sud-ouest, ainsi qu'un terrain militaire, qui travaillent en interaction. C'est à AZF qu'un hangar de stockage contenant 300 tonnes de nitrate d'ammonium a explosé. Pour le reste des productions locales : engrais, explosifs, substances chimiques en tout genre cohabitent, entre autres le Phosgène (TOLOCHIMIE et SNPE), un gaz inodore et incolore qui entrait dans la fabrication des gazs de combat, le combustible de la fusée Ariane...

Hormis le hangar d'AZF, c'est tout l'ensemble du site qui a été touché, des bâtiments se sont effondrés, des milliers de tonnes de produits gazeux, solides ou cryogénisés attendent dans des installations plus que fragilisées.

La catastrophe à coté de laquelle nous sommes passés aurait anéanti pour longtemps la ville et l'agglomération toulousaine...

Mais est-on vraiment passé à coté ?

Le plan rouge n'a duré que quatre jours. Les pompiers ont évacué la zone. Les industriels sont redevenus maîtres de la sécurité de leurs usines...

Les produits sont en cours de déblaiement en fonction de leur facilité d'accès et non de leur dangerosité. Les autorités ont refusé d'envisager la protection des populations : évacuation du périmètre à risques, mesures concrètes, etc., alors que se multiplient des manipulations de produits à hauts risques dans des conditions douteuses, l'ensemble des transports de matières toxiques s'effectuant le week-end ou la nuit...

Pour le préfet, c'est la sécurisation du site qui est à l'ordre du jour, pas celle de la population.

Et sinon... le confinement est toujours à l'ordre du jour...

Une fois de plus le danger est minimisé ou dénoncé comme une rumeur, les informations manipulées, la population laissée dans l'ignorance...

Et ça continue, des fuites d'ammoniac ont traumatisé la population déjà sinistrée. La découverte d'une hécatombe de milliers de poissons a permis de se rendre compte qu AZF a répandu 9 tonnes d'ammoniac liquide dans la Garonne pour éviter les "désagréments olfactifs"... Jusqu'à quand va durer cette situation ? Bonne question, mais qui en appellent d'autres: l'évacuation des produits, niais vers où ? la reprise de la production : ici ou ailleurs ?

Là, le débat est large. C'est la position de DousteBlazy : fermeture du site, avec délocalisation hors zone fortement urbanisée, qui en a obligé d'autres à s'y rallier.. car même au sein des opposants au site, l'idée de fermeture définitive avec refus de réouverture ailleurs n'est pas acquise... et la SNPE a déjà mis en place une cellule de reconstruction... Même si cette explosion a réveillé en partie les consciences, les résistances à aborder le problème de fond sont fortes.

Pour la plupart, le confort quotidien dépend de ces industries de la mort, chimique, nucléaire, ogm... sans pour autant faire le lien avec la pression que les industriels et leurs scientifiques imposent sur l'orientation des modes de production, de consommation et donc de société. Mais qui pourrait concevoir que tel médicament ait été prescrit par son docteur, pas forcément pour le soigner, mais à cause du week-end de thalassothérapie offert par le laboratoire pharmaceutique?

Les notions de progrès, de bonheur, de bien être, dans la tête des gens, sont assujettis au développement de la science, aux technologies qui en découlent, par la prolifération des industries chimiques et consorts (transgéniques, biotechnologies... ). Et puis comment se sentir compétents sur la question, il n'y a que des experts pour nous sauver de cette situation (sic). L'idée qui s'impose alors est une sécurité renforcée des sites, avec des demandes de législations spéciales, avec un renforcement de l'Etat dans le contrôle, et surtout du citoyen.

"Super-citoyen" s'organiserait alors en groupe de pression qui assurerait la vigilance autour des sites dangereux, en jonglant entre les experts officiels et les groupes d'experts indépendants qu'il constituerait pour l'occasion.

La réflexion, sur d'autres choix de production est minime, et souvent ramenée à des prises de conscience individuelle. L'industrie peut-elle être transformée par la consommation des ménages ? La production industrielle n'a-t-elle pas pour unique but le profit ?

Malgré un bilan officiel de 30 morts et plus de 3000 blessés, bilan qui ne prend pas en compte les traumatismes qui ressurgiront plus tard, psychologiques (suicides, folies, troubles de la personnalité), surdités, atteintes oculaires, pulmonaires, allergies... Malgré les 1300 familles en attente de relogement, 2 lycées, une école, des dizaines de bâtiments rasés, des centaines endommagés... la prise de conscience d'appartenir a une population sacrifiée sur le temple de l'industrialisation, la question d'un arrêt définitif de toutes ces productions n'est pas à l'ordre du jour. Le capitalisme n'est pas pointé comme responsable de cette catastrophe.

PS 1 : Les secours se sont installés dans les grandes cités les plus touchées... 3 jours après l'explosion: par contre les CRS ont été largement déployés dès les premières heures...

PS 2 : Le nuage toxique n'a pas été analysé. Les avions qui l'ont traversé ont été constellés de piqûres de rouille...

PS 3 : Dans la première semaine des fonds ont été débloqués pour "venir en aide aux victimes", 2000F par personne, 4000F pour une famille de deux enfants. Sur quels critères ces sommes ont été allouées ? À quoi servent-elles ? à permettre aux sinistrés de s'installer à l'hôtel ? à calmer la colère en achetant à bas prix les populations ?

PS 4 : Dans la zone sinistrée les projets immobiliers sont remis à l'ordre du jour. Les promoteurs privés et surtout publics vont en profiter pour repenser l'urbanisation de la ville.

PS 5 : A qui profite le débat "attentat ou accident"? A l'industriel ou à l'Etat qui auront à en assumer les conséquences financières suivant la conclusion de l'enquête ? A l'industrie chimique en général ? À l'Etat qui a permis de développer ce type de production ?

PS 6 : L'urbanisation s'est rapprochée du pôle industriel, mais aussi l'augmentation de la production a agrandi de manière croissante la zone à risque qui englobe aujourd'hui l'ensemble de l'agglomération.

PS 7 : La commisération a des limites, la vie normale continue : ce jour, un squat, lieu collectif d'expression insoumise, a été expulsé manu militari par les CRS, à 6h30 du matin.

Toulouse, le 23 octobre Des rescapés en sursis
Petite liste bibliographique de secours

André PICHOT, Histoire de la notion de gène, Ed. Champs Flammarion.

Henri ATLAN: Entre le cristal et la fumée, Ed. du Seuil, collection "points".

La fin du "Tout génétique", vers de nouveaux paradigmes en biologie, INRA éditions.

B. JORDAN : Les Imposteurs de la génétique, Ed. du Seuil.

J.-J. KUPIEK, P. SONIGO : Ni Dieu, ni Gène, Ed. du Seuil.
Sur une campagne et ses antécédents

Courrier international du 26 avril 2001 publiait un article du Wall Street Journal de New York : on y apprenait que dans le même temps où un label alimentaire "sans OGM" faisait fureur dans les rayons des supermarchés, la promesse devenait impossible à tenir, tant les analyses révélaient une dissémination générale d'organismes génétiquement modifiés - la moitié du soja circulant aux USA contiendrait le gène implanté par Monsanto pour résister à son herbicide le Round up.

A ce propos, une équipe de chercheurs belges a repéré et isolé. dans un soja génétiquement modifié par Monsanto, un fragment d'ADN dont la présence restait insoupçonnée, n'ayant rien à voir avec la modification souhaitée.

Ce même printemps, en France, l'Etat se voyait contraint par une décision de Justice, sur requête de France-Nature-Environnement, à publier la liste des sites localisés d'expérimentation de cultures OGM, ce qu'il fit le 1er juillet.

Le 23 juillet un avis de l'Agence française de la sécurité sanitaire des aliments (I'Afssa) révélait que "41% des échantillons de maïs conventionnels testés contiennent de faibles fragments d'OGM" . Ce qui, "appliqués aux trois millions d'hectares emblavés en maïs sur le territoire national pourrait cependant laisser suggérer que des centaines de milliers d'hectares comportent aujourd'hui des fragments transgéniques" (Le Monde du 26/07/01). De là à penser que ces "expérimentations" ne sont que des leurres destinés en fait à faire progresser le fait accompli et à ruiner l'argumentaire oppositionnel...

La Confédération paysanne, au terme d'un it vigoureux" ultimatum à l'État, lui demandant de faire procéder, avant le 12 août, à l'arrachage des champs expérimentaux, entamait une campagne d'arrachage au motif finalement raisonnable d'imposer des expérimentations en milieu confiné! Le ministre de l'agriculture avait beau jeu de répliquer à José Bové qu'à ce compte il n'aurait pas dû s'attaquer aux serres du CIRAD en juin 1999.

D'anonymes opposants n'avaient pas attendu ce bras de fer médiatique et avaient en quelque sorte devancé les révélations du printemps :
* le 26 juin 2000, à Toulouse, une serre confinée de l'INRA contenant divers végétaux transgéniques est saccagée par les Chercheurs dans la nuit. * le 29 décembre 2000, plusieurs tonnes de semences OGM destinées à la vente sont détruites dans un entrepôt PIONEER SEMENCES à Montauban par les Overdosés grandement Mécontents. * le 16 juillet 2001, ce sont les Ravageurs qui détruisent une parcelle de 3000 M2 de maïs insecticide à Guyancourt (78). * le 11 août 2001, quatre sites de maïs génétiquement modifiés à des fins médicales par une filiale de Limagrain pour produire de la lipase gastrique du chien sont détruits dans la Drôme par les Limes à Grains. Cette attaque contre le génie génétique médical suscita dans la presse une indignation "antiterroriste". Puis, l'entrain aidant : - le 24 août 2001, un champ de mais transgénique de Caussade Semences est détruit à Cayrac (Tarnet-Garonne) par des Obscurs anti-scientistes. * le 27 août 2001, deux parcelles de betteraves transgéniques de la firme ADVENTA sont détruites à Avelin par les Preneurs de Mal à la Racine. * le 9 septembre 2001, un hectare et demi de maïs génétiquement modifié de la société RHOBIO est rasé, à Cornebarieu (Haute-Garonne) par des Sangliers repus. * le 14 septembre 2001, à Montech (Tarn-et-Garonne) une parcelle d'expérimentation de la firme PIONEER est nettoyée par les Pionniers de la décontamination. * le 18 septembre 2001, une parcelle de 2000 m2 de colza transgénique est détruite par les Malconfinés au centre INRA de Rennes, au Rheu (53).

Venant BRISSET