Origine : http://www.under.ch/sanstitre/Textes/Progres/InExtremis2.htm
1. à l'article de la mort, à l'agonie, voir, extrémité,
à la dernière 2. Au tout dernier moment (cf. au vol)
(Petit Robert 1991)
Pour tout contact:
MALGRÉ TOUT...
(Prolégomènes à un manifeste anti-industriel
ou non)
I - L'AIR DU TEMPS
Il aurait fallu être doté d'une confiance aveugle
dans l'organisation actuelle de la vie pour être véritablement
surpris de cette escalade dans la désintégration.
Non pas qu'il y ait eu, à l'inverse, un quelconque motif
de satisfaction à ce qu'un milliardaire et quelques fanatiques,
nous dit-on, puissent peser sur le sort du monde quand, ordinairement,
tant d'autres milliardaires et leurs fanatiques veulent subvertir
les bases biologiques de la vie et les dupliquer à volonté.
Le rappel de la réalité du désordre planétaire
a néanmoins cueilli à froid alors même qu'est
mise sous une lumière crue l'accumulation de bombes à
retardement dont est grosse la société industrielle.
L'Histoire a crevé l'écran de manière chaotique.
Sous les décombres, à New York ou à Toulouse,
des formes de conscience victimisées sont passées
d'un état tétanisé à celui du désarroi
et d'une demande compulsive de protection. Les dirigeants, dans
leur magnanimité, en ont rajouté dans cette "hogra"
occidentale qui consiste à avertir en temps réel des
progrès de la peur ou de l'humiliation.
Quand bien même on s'en remettrait entièrement aux
mains des experts et de leurs employeurs, au bout du compte, d'épidémie
inédite en carambolage automobile, d'accident industriel
en pollution génétique, de désordres climatiques
en usine de retraitement nucléaire sous menace d'attaque
suicide, l'anéantissement devient en toile de fond la menace
qui hante la vie en société. Avoir cru pouvoir échanger
abri et sécurité contre le sacrifice de son autonomie
et de sa dignité a révélé sa vérité
centrale quand, au bas de la pente où le renoncement a fait
débouler, il n'y a plus ni sécurité, ni liberté.
Nous sommes entrés depuis quelque temps déjà
dans une guerre sans fin à laquelle une piétaille
désemparée sert de chair a progrès. Que le
monde industriel, depuis trente ans, ait basculé définitivement
du mauvais coté accroît le sentiment d'avoir été
pris au piège.
Les mêmes pulsions morbides de catastrophes peuplent les
cerveaux des cinéastes hollywoodiens, des kamikazes islamistes,
des adolescents gorgés de fictions télévisées.
Ensuite, l'encadrement policier, le fichage et la surveillance
généralises ne permettent pas tant l'impossible contrôle
de tout que la mise sous tutelle accrue des relations sociales,
devenues suspectes de receler - malgré elles, dans leur opacité
- d'éventuels et inédits ennemis du genre humain.
Le "gouvernement par la peur" se renforce. Qu'importe
la paternité de la logistique du coup du 11 septembre. ses
conséquences arrangent les partisans de la domination; celle-ci
ne s'étendant que par la soumission des dominés, la
fragilisation accrue du mode de vie industriel les fait adhérer
un peu plus aux palliatifs néotechnologiques, qui permettent,
avec le succès que I *on a vu, de se tenir à l'écart
de l'Histoire.
II - SUR LES CONDITIONS ACTUELLES DE LA CRITIQUE HISTORIQUE
L'exercice de la conscience et de la pensée est marqué
par l'écart grandissant entre l'accélération
supra-humaine des innovations technologiques et la lenteur, elle
bien humaine, de la conscience à se diffuser dans la société,
d'autant plus que cette lenteur est accentuée par le morcellement
des individualités: le culte du soi et tout autant la nécessité
de sauver quelques relations indispensables, quand partout la plus
élémentaire socialité disparaît, poussent
à l'évitement des conflits. L'affirmation claire de
démarcations n'est plus de mise dans le relativisme ambiant.
Même le progressisme ne se défend plus avec la mise
en avant de bienfaits qui résulteraient de l'intensification
historique dont il est le promoteur, et il s'en tient désormais
à cette injonction minimaliste : il n'y a tout simplement
pas d'autre choix. La menace suit immédiatement: "Qui
n'est pas avec nous est contre nous". Il faut prendre au mot
cette mise en demeure et relever le défi tant il est vrai
que c'est dans les situations désespérées qu'il
faut affirmer la plus grande confiance en soi.
Il nous faut renouveler la critique radicale de ce monde justement
parce que le vieux projet émancipateur - qui voulait instaurer
une intégrité humaine débarrassée des
diverses corruptions sociales - est enfoui sous un sentiment écrasant
d'impuissance: comme d'être assis sur de la dynamite, désamorcer
ce système complexifié à souhait paraît
aussi dangereux que de l'endurer.
L'état d'urgence durable dans lequel nous sommes entrés
d'abord insensiblement, puis brutalement, exige que la critique
historique rassemble ce qui a fait le meilleur de ses intuitions
et de sa raison pour mettre sur la place publique la nécessité
d'une sécession d'avec le inonde industriel et ses principes,
et rendre leurs raisons à ceux qui, loin de vouloir détourner
les prouesses de la domination, ont préféré
de longue date leur tourner le dos.
III - LE MONDE INDUSTRIEL ET SES PRINCIPES
Que le progrès nous ait bien imposé une rançon,
ou que le sentiment se fasse toujours plus vif sur cette réalité
de pacotille et d'éphémère, alimentent un nouveau
sens commun: là s'arme la conviction de l'impasse historique
du monde industriel. Si la puissance technologique s'est échappée
des mains de l'homme et se retourne contre lui, c'est que le credo
instrumental et réducteur qui l'a fondée portait en
lui son autonomisation:
- l'irréversibilité induite par des moyens qui ne
peuvent pas rester neutres, comme l'ânnonait la vulgate progressiste
pour laquelle c'est toujours l'usage qu'on en fait qui déterminerait
la portée d'un moyen: énergie nucléaire (radioactivité
diffuse, déchets à "gérer"), génie
génétique (pollution génétique, mutations,
etc.) démontrent le contraire. Le caractère irréversible
d'une technique la rend humainement inacceptable;
- l'illimitation: elle n'est possible qu'en brûlant ce qui
est derrière elle. Le capitalisme dans son processus économique,
et 1 , automatisation dans son principe procèdent de la même
façon: les dévalorisations économiques brutales
et périodiques (dépréciations boursière,
destructions de guerre, obsolescence programmée de la marchandise
réelle ou virtuelle) ou la liquidation des savoir-faire anciens
qui rend indispensables les prothèse technologiques, nous
jettent dans un devenir aveugle. Tout ce qui est techniquement,
réalisable est légitimé comme scientifique:
face à cette démence où le devenir humain est
happé dans une combinatoire sans fin, le besoin d véritable
progrès, c'est-à-dire dans les mœurs, doit se
chercher contre cette marche forcée;
- L'innovation pour l'innovation n'est pas seulement un aspect
de la compétition économique. La fonction de ce moteur
de l'industrie est d'exclure les savoir-faire et le techniques précédentes.
La prétention de modernes à se situer au sommet de
la pyramide des connaissances rend impossible la coexistence de
techniques de différents âges. De même, l'innovation
des ingénieurs finit, à terme, par rendre impossible,
du fait de la sophistication technologique et des appareils nécessaires
pour son entretien, l'ingéniosité d "base"
dans la société;
- la fausse universalité de ses principes et de s mise en
oeuvre : donnée en objet d'envie à tous les terriens,
la technologie est en fait pratiquement inapplicable à la
majorité de la planète, sauf catastrophe sciemment
organisée;
- la production de masse qui ne peut être qu concentrée,
dépossède les communautés d base, et les accoutume
à voir arriver les chose de loin, rendant caduc, voire suspect
l'échange direct au plus près;
- la concentration des moyens de production de l'habitat a dépassé
depuis longtemps le seuil où ses avantages supposés
se sont retournés en dommages patents: le brassage des population
dans les villes a fait place à l'isolement et l'anonymat;
- l'élévation effrénée et sans fin
de la productivité ne débouche pas sur le fameux temps
"libre" puisque celui-ci, répondant au vieil adage
que la nature humaine marchandisée a horreur du vide, se
remplit à toute vitesse de toutes sortes de nécessités
abracadabrantes.
IV - COMMENT S'EN SORTIR?
Les principes de l'efficacité technique démontrent,
par delà des performances de façade, qu'ils organisent
un monde invivable; son fonctionnement chaotique devient l'aiguillon
essentiel pour convaincre de ne pas se dissocier de la domination,
sans parler de quelques profits collatéraux. Mais si l'avenir
appartient à ceux qui ont la mémoire la plus longue,
il n'y aura, a fortiori, pas de perspectives sans bilan.
Le détournement marchand de l'appropriation de la nature
par l'homme, en s'autonomisant, devait s'attaquer nécessairement
aux deux termes de ce rapport initial, l'homme et la nature. D'un
coté, la rébellion du prolétariat industriel
était d'abord une révolte contre l'assujettissement
du travail a des fins autres que celle de satisfaire les besoins
humains. De l'autre coté, l'exploitation de la nature a été
poussée à être sans limites puisque la première
d'entre elles, la résistance des producteurs, n'a pas joué
suffisamment, malgré les tentatives révolutionnaires.
Pourtant, la révolte anti-industriel le du XIXe siècle,
qui s'opposait à la loi des grandes séries manufacturées
-comme étant nécessairement la loi de concentration
des travailleurs - s'annonçait comme une protestation contre
l'arrachement aux communautés restreintes de base; et c'est
un fil historique invisible qui a relié les Canuts et leur
nostalgie de la communauté antérieure avec le projet
révolutionnaire de porter au niveau de l'espèce humaine
ce qui était vécu de mieux dans les communautés
de base - et perdu dans la société de masse - la reconnaissance
sociale d'emblée des individus hors le chantage du salariat
et la sanction du marché. L'erreur tragique de la théorie
révolutionnaire Marx en comprit la portée à
propos de la communauté paysanne russe traditionnelle, le
mir, (dans sa lettre à la populiste russe Véra Zassoulitch)
dont il pensa en définitive qu'elle pourrait constituer un
saisissant raccourci, hors le périple industriel, vers la
communauté humaine universelle - a été de négliger
le ferment de ces communautés de base; ce que, de leur coté,
les anarchistes ont été plus à même de
prendre en compte aussi bien dans leurs conceptions fédératives
que par leurs tentatives de soulèvement.
Parvenue à cette forme aboutie en quelque sorte, cette histoire
irrésolue n'est pas néanmoins sans garder quelque
ressort secret. Ce dont l'opposition contre la superstition technologique
("du temps de perdu pour la recherche c'est du temps de gagné
pour la conscience") peut se remplir c'est d'une rébellion
contre le temps homogène et processif du développement
des forces productives; et qu'elle puisse toucher l'or du temps,
la construction d'un temps communautaire, qui ferait des programmes
d'émancipation autre chose que "le reflet anthropologique
des lois de la production" (Adorno).
La domination affiche clairement sa rationalité monstrueuse
de nous boucler dans sa bulle (envoûtement médiatique,
recomposition de la nature, action sur le système cérébral
humain). Les tentatives de briser ce carcan et de retrouver des
présupposés naturels et des bases arrières
à partir desquels tenter malgré tout de ressaisir
les fils de notre destin individuel et collectif, ces tentatives
aussi timides, isolées ou fragmentaires soient-elles constituent
ici le préalable à quoi que ce soit de plus ambitieux.
Pour l'instant, avec ce bulletin, "si l'on pense que la condition
de toute reprise de l'humanisation passe par la disparition du système
actuel, il est préalablement nécessaire de ruiner
l'ensemble de ses valeurs et justifications. L'idéologie
du progrès technique en constitue le coeur, ce que prouvent
a contrario les massifs contre-feux déclen-chés dès
que la réalité la dément un tant soit peu ou
que la critique s'aventure sur ce terrain. La consti-tution d'une
communauté critique, d'un courant de pensée durable,
ennemis de la réification marchande et technique est le seul
moyen à notre disposition pour mener à bien un tel
projet. Toutefois il ne s'agit pas d'une entreprise purement intellectuelle,
car une telle élaboration critique ne peut s'opérer
sans rompre autant que faire se peut, individuellement et collectivement,
matériellement et spirituellement, avec le système
de la déshumanisation (au premier rang de laquelle figure
la disparition des conditions nécessaires à la pensée).
C'est donc aussi du maintien ou de la reconstitution d'un milieu
(au sens large, pas au sens restrictif de biotope rassurez-vous!)
nécessaire à une pensée critique vivante qu'il
s'agit." (Lettre de Jacques PHILIPPONNEAU à "En
Attendant "/Alain CONDRIEUX)
Venant BRISSET, Michel GOMEZ
CONTRIBUTIONS
Les textes (ou extraits de textes, correspondances) qui suivent
participent de la tentative d'une remise à plat de la critique
- et des initiatives qu'elle peut susciter. La fonction d' In extremis
est de provoquer confrontations et débat.
Lettre de Jacques PHILIPPONNEAU à Alain CONDRIEUX (10 mars
2000)
(...) Je tiens d'abord à vous féliciter pour la manière
jubilatoire dont vous réglez son compte à la méthode
de Zerzan. Peut-être pourra-t-on dire bientôt une Zerzanerie
pour qualifier ces méthodes "intellectuelles" au
service d'un extrémisme qui se veut d'autant plus radical
qu'il est aussi arbitraire qu'irréaliste.
Je vous joins ici un texte du littérateur Quadruppani qui
montre bien la fonction de telles idées dans la confusion
ambiante : disqualifier toute la critique de la société
technicienne qui se cherche actuellement au nom d'un radicalisme
régressif difficilement surpassable et totalement impraticable
par ses partisans mêmes. A moins en effet de surenchérir
en proclamant que le bonheur fondamental n'est pas seulement à
chercher dans le paléolithique ancien mais peut-être
dans la soupe primordiale de l'océan primitif où sont
apparues les proto-bactéries, on ne voit pas en effet ce
qu'on peut avoir à dire d'utile sur le monde d'aujourd'hui
à partir de telles prémisses. Puisque l'impuissance
intellectuelle intéressée au renoncement nous serine
depuis si longtemps que tout était déjà écrit
en lettres de douleur dès la tradition judéo-chrétienne
et Descartes, pour les mêmes raisons on peut en effet remonter
le cours de la causalité anti-dialectique jusqu'à
l'apparition de la pensée symbolique, de la sédentarisation
et de l'acquisition du langage, etc... Et probablement donc depuis
le big bang. Mais laissons là cette pensée proprement
religieuse de la chute originelle, niant l'histoire et le progrès
dans l'humanisation de l'homme, et voyons où commencent quelques
vrais problèmes.
Pour commencer, je ne mettrais pas comme vous Zerzan et Kaczynski
dans le même sac, non pour une querelle de boutique, mais
parce que la critique de la fausse conscience du gauchisme américain
effectuée par ce dernier me semble tout à fait pertinente;
elle contient soit dit en passant celui d'un Zerzan. Désigner
la division du travail, nécessaire à la société
industrielle moderne, comme la source essentielle de l'aliénation
rejoint par un détour inattendu la critique du travail de
Marx ou de Simone Weil. Il est tout à fait vrai que nos deux
Nord-américains sont marqués par une idéologie
de la nature sauvage, anti-urbaine, qui a nourri d'ailleurs toute
la nostalgie américaine d'une vie pré-industrielle
de Thoreau à Mumford, mais ce sont là les conditions
locales d'une conscience anti-industrielle que l'on aurait tort
de railler à cause de sa supposée naïveté.
Je préfère cette "naïveté" à
l'indécrottable idéologie progressiste d'un post-situ
comme Ken Knab ou celle de tous ces extrémistes virtuels
qui voient dans Internet de formidables possibilités de communication
directe et de subversion.
Naturellement, je ne défendrai pas ici, ni nulle part d'ailleurs,
la totalité des positions de Kaczynski ni les solutions qu'il
envisage pour sortir de l'impasse technologique et à fortiori
sa pratique "anarquo-bombista" qui a au contraire toutes
les faveurs de l'Insomniaque. Mais je crois que son analyse de l'effondrement
inéluctable de la société technologique ou
de la soumission définitive du matériel humain aux
besoins de la méga-machine technologique mondiale n'est pas
une vue de l'esprit : on en voit les éléments se mettre
en place chaque jour.
Ce qui réunit Zerzan et Kaczynski au-delà des intérêts
très différents de leurs textes, c'est que vivant
dans la société industrielle la plus avancée
et la plus répugnante, ils ne peuvent pas se bercer d'illusions
sur le sens de l'histoire, a fortiori sous sa forme rédemptrice
de "l'inévitable" révolution. En effet,
lorsque l'on a relevé le bluff de Zerzan ou les insuffisances
de Kaczynski, le problème reste entier ; à moins de
botter en touche en déclarant qu'il n'y a pas de problème.
C'est ce qui me semble être la tentation qui court dans la
dernière page de votre brochure et qui me parait participer
d'une autre condition locale de la critique, européenne celle-ci,
celle de l'inéluctabilité du dépassement du
capitalisme.
On peut très bien dire que la révolution est plus
que jamais possible parce qu'elle est maintenant plus nécessaire
que jamais et qu'elle ne peut résulter que d'une action collective
consciente, etc ... Tout le monde peut être d'accord, comme
sur le fait qu'une communauté humaine libérée
du capitalisme, de l'Etat et des techniques aliénantes pourrait
résoudre tous les problèmes légués par
le système actuel. Oui, et alors ! Le problème demeure
identique, à moins que ce passage ne soit marqué du
coin d'une ironie quelque peu ambigüe.
Quel est aujourd'hui le point d'unification de l'aliénation
si ce n'est justement ce développement technique incessant
au service du capitalisme et de l'Etat. Il est tout à fait
vain de séparer le capitalisme du progrès technique
que nous connaissons car ils sont consubstantiels.
L'argent, la marchandise, des capitalistes privés ont existé
avant le capitalisme, mais celui-ci comme système exige d'une
part que ses valeurs soient dominantes dans la société
où il s'implante et d'autre part l'assujetissement de la
science au processus productif, au progrès technologique
qui est la condition de son dynamisme. C'est pourquoi la simplification
de Kaczynski, englobant dans l'appellation "société
industrielle" le capitalisme et la technologie qu'il développe,
me semble être de bon aloi.
A la vieille aliénation étatique du pouvoir séparé
chère aux anarchistes s'est surimposée l'aliénation
économique chère aux marxistes, et les tentatives
révolutionnaires contre cette double aliénation ont
toutes échoué. On voit mal aujourd'hui quel est le
"sujet historique" qui pourrait reprendre une lutte victorieuse
sur ce seul terrain classique. Il existe toujours bien sûr,
mais il est tellement miné qu'il en est devenu impraticable.
Bien au contraire, l'Etat apparait comme l'unique protecteur de
l'individu isolé de la société de masse, opprimé
par le rouleau compresseur marchand, et les rapports marchands étendus
à tous les aspects de la vie sont ressentis par la quasi
totalité des populations industrialisées comme la
forme de liberté adaptée à cette société
de masse, nullement refusée dans son principe.
Ce qui unifie l'aliénation moderne, c'est bien le résultat
concret de la transformation technique incessante des conditions
de vie, la confiance aveugle dans les capacités de la technologie
à résoudre tous les problèmes de l'humanité
et les résultats catastrophiques ( psychologiques, sociaux,
écologiques ), résultant d'une telle inconscience
toujours plus équipée. Une contradiction de cette
taille ne peut paisiblement durer bien longtemps : le mandat du
ciel technologique est épuisé.
Nous voyons là une brèche historique menaçant
la société totale, sans aucune autre assurance quant
au résultat final d'une telle crise. Mais il y a là
une contradiction, tout sauf momentanée, à laquelle
la société marchande technicienne ne peut échapper.
Et donc une possibilité par là, par ce côté
le plus universellement ressenti d'un assujetissement sans échappatoire
et sans retour à la vie artificielle totalitaire, de reprendre
le flambeau de la bonne vieille cause. A partir de là, comme
vous dites, le débat peut commencer et nous sommes tout à
fait conscients qu'il a été jusqu'à maintenant
à peine ébauché.
Une chose semble certaine: tant que cette société
n'affrontera pas une crise fondamentale (sociale, économique,
écologique ou les trois à la fois), elle restera tout
aussi incapable de se réformer que de susciter une alternative
révolutionnaire conséquente. C'est pourquoi elle continue
cette course folle vers un mur, la condition de sa perpétuation
exigeant qu'elle sape toute forme de stabilité.
Les conclusions les plus diverses peuvent être tirées
de telle considérations ou d'autres approchantes. On peut
citer les principales : il en sortira une crise révolutionnaire
ou bien une nouvelle réorganisation étatique mondiale
(celle qu'appelle le parti de l'Etat, de Bourdieu à Bové,
d'Attac aux lobbies de consommateurs) ou encore il est trop tard
pour tout cela, et on doit d'ores et déjà chercher
à préserver ou à reconstruire les bases minimum
d'une humanité digne de ce nom en dehors d'un système
voué à l'autodestruction.
Je crois que l'on peut les garder à l'esprit comme des hypothèses
plausibles, au gré des penchants ou des certitudes de chacun.
Cependant, dans chacune de ces hypothèses lointaines et dans
l'état actuel des forces nous n'y aurions quasiment aucune
influence, elles ne doivent donc pas nous éloigner de ce
que nous pouvons et devons faire hic et nunc.
( ... ) (passage cité dans "Malgré tout"
p. 3)
Dans une telle étape préalable à la constitution
d'un corptis critique, le premier mouvement de la pensée
est de se souvenir ou de chercher dans un passé plus lointain
ce qui a pu être merveilleux, bien, mieux ou simplement moins
mal qu'aujourd'hui du point de vue d'une liberté réellement
vécue ou possible en matière de moeurs, d'institutions,
de rapports à la nature, d'arts ou de techniques. C'est une
arme essentielle comme point de comparaison, argument polémique
contre cette vie et première ouverture vers ce qu'elle pourrait
être.
Il ne s'agit évidemment pas de justifier ou de surestimer
ces états antérieurs de l'histoire humaine au nom
de l'ignominie présente. Encore moins de vouloir en reconstituer
les conditions pour y retourner vivre au gré de notre fantaisie
comme on pourrait tourner les talons devant une rencontre fâcheuse.
Les portes du passé en tant que tel sont définitivement
closes et c'est justement ce qui le caractérise. En effet,
quelles que soient les qualités que l'on prête aux
époques passées, chacune d'elles présente cependant
le même défaut rédhibitoire : elle était
finalement si peu assurée de la supériorité
de ses valeurs (vécues ou potentielles), qu'elle a laissé
la suite se dérouler, qu'elle contenait la suite. Le retour
aux mêmes conditions d'un passé quelconque (en admettant
qu'il soit possible), contiendrait inévitablement cette même
suite comme dans ces voyages dans le temps où l'on ne peut
empêcher le présent de s'accomplir. Et ceci vaut pour
le paléolithique de Zerzan, la société agro-artisanale
de Kaczynski, celle de l'ouvrier professionnel du 19e siècle
de Simone Weil ou du paysan de Giono. Bref, rien ne pourra se faire
sans une autre conception de la vie.
( ... ) Pour ma part, je crois qu'un projet d'émancipation
réaliste doit envisager le démantèlement du
système technico-industriel actuel comme un préalable
ou ce qui revient au même, doit partir de son auto-destruction
possible. Mais ceci n'est envisageable que si cette nécessité
théorique devient le besoin social d'une partie notable de
l'humanité. Et aucun échec global de cette société
ne créera automatiquement ce besoin sans qu'aient été
développées, répandues, popularisées
et pratiquées des valeurs antagonistes à celles qui
rendent indispensables aujourd'hui, l'Etat, l'argent et la technique
autonomisée comme médiations universelles entre les
hommes.
(...) Il reviendrait à une société émancipée
elle-même des fausses nécessités fonctionnelles
de conserver ou de reprendre telles quelles dans le passé
et le présent les techniques les plus propices à son
être, comme il lui serait permis le retour fructueux sur ces
innombrables bifurcations oubliées, laissées sur le
chemin univoque de la science mercenaire.
Extrait de la suite du texte "une perspective anti-industrielle"
- diffusé le 8/02/2001 à Montpellier - et rédigée,
en avril suivant, par l'un des deux auteurs, Guy BERNELAS.
( ... ) Reste aussi à expliquer où des contemporains
pensent pouvoir trouver les éléments matériels
et philosophiques propres à étayer une perspective
anti-industrielle qui réponde aux enseignements de la raison
et ragaillardisse les âmes.
d'abord dans l'histoire : ils héritent du travail intellectuel
de ceux qui entre les deux guerres ont critiqué dans les
domaines de l'art, de la morale et de la philosophie, ou dans le
mouvement révolutionnaire de l'époque, la mécanisation
du monde (Rathenau, Weil, Benjamin, Bernanos, etc.). Ceux-ci avaient
avancé que le capitalisme et la mécanisation du monde
étaient identiques, et que celle-ci était antithétique
à la poursuite de l'humanisation des hommes, et affirmé
que l'activité industrielle soit est subordonnée à
l'ordre plus vaste de la vie, soit se la soumet-, qu'elle ne pouvait
pas s'étendre avec la vie. Ce que Günther Anders, Lewis
Mumford ou Bernard Charbonneau sont venus corroborer plus tard.
- puis en eux-mêmes : ils sont en effet de purs produits
du machinisme. Le concept rationaliste d'un monde "neutre,
non touché par les efforts des hommes, indifférent
à leurs activités, sourd à leurs voeux et à
leurs supplications, ce triomphe de l'imagination humaine"
(L. Mumford, Technique et civilisation) les a entièrement
façonnés. Et déformés, car il n'était
qu'imagination. Il n'en a pas moins laissé chez l'homme moderne,
comme son bon coté, une part de personnalité objective,
rationnelle, qui a dû devenir commune parce qu'elle représentait
une adaptation indispensable à la marche de la machine :
la connaissance que l'arbitre final du jugement est toujours un
ensemble de faits auxquels on petit se référer, l'assurance
tranquille de pouvoir comprendre les détails de la vie, la
distance par rapport à sa propre affectivité. Et cette
part rationnelle est devenue heureusement indépendante de
la machine, depuis que s'est objectivé le fait que le monde
est bien touché par les efforts des hommes, sensible à
leurs activités, et perméable à leurs voeux
les plus artificiels; comme elle a malheureusement cessé
d'être commune. dès que la mécanisation du monde
a commencé à produire la société de
masse (enfantée par la Première Guerre mondiale),
et qu'en conséquence à la part rationnelle a succédé
le rationalisme de l'homme de masse. Cette part rationnelle cependant
existe encore de manière diffuse dans la société.
Et l'homme à venir qui très hypothétiquement
pourrait trouver comme tâche de reconstruire le monde pourrait
s'en servir : il aura le sang, la constitution, les formes de pensée
et de jugements de ses contemporains, s'il en a encore.
(...)
Extrait du texte présenté par Guy BERNELAS à
l'assemblée parisienne du 13-14 octobre 2001.
En conséquence, au procès en appel, il serait bon
d'attaquer à un niveau supérieur en allant crescendo
(...) ce qui pourrait se faire en se concentrant sur la critique
de la science contemporaine non plus comme business ou fauteur de
l'artificialisation de la vie, mais comme imposture.
(...) dans ses principes, qui sont ceux du scientisme, comme dans
leur application :
* dans l'abandon de son principe expérimental sous sa forme
mécaniste : elle a fait du monde entier son laboratoire,
là où elle ne maîtrise donc plus les conditions
de son expérience. * dans son rapport avec la nature pour
le scientiste, la nature est désordre et chaos, nullement
puissance créatrice autonome et livre de la vie; ensuite
dans ses résultats : sa pratique étant de substituer
ses artefacts au travail de la nature en ne l'utilisant que comme
matière première et ressource énergétique,
les substituts violents qu'elle introduit dans le monde et mêle
à la nature interdisent de comprendre leurs interactions
et ses réactions propres. (...)
Oh, Toulouse... !
Toulouse, 21 septembre 2001, 10h15.
Alors que les écoliers s'égaillent dans les cours
de récréation, que les ménagères se
rendent au marché, deux énormes explosions secouent
toute la ville et ses environs. Dans un rayon de 10 km chacun soupçonne
son voisin d'avoir fait exploser la gazinière...
10h16, un champignon s'élève au-dessus du pôle
chimique sud de la ville...
"C'est l'ONIA qui a pété." Dans la tête
de tous les Toulousains l'évidence se fait jour, on le savait,
on l'attendait sans y croire vraiment, comme une menace présente
de tout temps que l'on a si longtemps refoulé parce qu'il
faut bien vivre... et que les quelques luttes récurrentes
depuis les années soixante-dix sont restées sans effet...
À Toulouse, c'est la panique dans les rues et sur les ondes.
Dix jours après les attentats aux USA, les premières
infos parlent de plusieurs bombes qui auraient explosé dans
divers endroits de la ville. Il faut presque trois quart d'heure
pour que les radios annoncent que c'est au pôle chimique sud
qu'il y a eu une explosion. Les consignes de sécurité
sont diffusées: confinement !
Dans le sud de la ville, alors que des centaines de gens hagards,
beaucoup ensanglantés, arpentent les rues, pour aller chercher
les gosses dans les écoles, pour se faire soigner, pour éviter
de recevoir les décombres dans la figure, pour comprendre,
pour s'éloigner... un nuage rouge orangé évolue
sur la banlieue sud en laissant sur son passage des retombées
noirâtres et grasses. Tout le monde en a pris: les gosses
des lycées et collèges que l'on a renvoyés
chez eux, les appartements soufflés, ouverts aux quatre vents,
les jardins potagers, etc.
À la radio, le préfet appelle au confinement au cas
où... mais il n'y a pas de quoi s'affoler...
Comment se confiner quand il n'y a plus de vitres aux fenêtres,
des trous dans les murs...?
Et puis un confinement ça se prépare, il y a des
conditions : pièces fermées sans aucune aération,
du scotch, de l'eau, un contact avec l'extérieur... et si
ça dure plusieurs heures ? plusieurs jours ? en tout cas
il y a bien longtemps qu'aucun exercice de sécurité
n'a eu lieu, les dernières consignes ont été
distribuées à la population en 1987...
Malgré que le site soit classé "Seveso",
qu'un plan particulier d'intervention existe, c'est la panique.
Des secours ont du mai à rejoindre la zone, des autorités
politiques et techniques qui ne savent pas comment gérer
le problème... et pour cause, dans tous les schémas
de catastrophes virtuelles l'incident restait confiné aux
murs d'enceinte du site.
Les consignes de confinement sont levées en fin d'après-midi.
Le préfet émet un arrêté provisoire d'arrêt
de la production sur le site chimique. Ce pôle regroupe cinq
usines : AZF appartenant à Total-Fina, SNPE société
mixte, TOLOCHIMIE, Gazoduc du Sud-ouest, ainsi qu'un terrain militaire,
qui travaillent en interaction. C'est à AZF qu'un hangar
de stockage contenant 300 tonnes de nitrate d'ammonium a explosé.
Pour le reste des productions locales : engrais, explosifs, substances
chimiques en tout genre cohabitent, entre autres le Phosgène
(TOLOCHIMIE et SNPE), un gaz inodore et incolore qui entrait dans
la fabrication des gazs de combat, le combustible de la fusée
Ariane...
Hormis le hangar d'AZF, c'est tout l'ensemble du site qui a été
touché, des bâtiments se sont effondrés, des
milliers de tonnes de produits gazeux, solides ou cryogénisés
attendent dans des installations plus que fragilisées.
La catastrophe à coté de laquelle nous sommes passés
aurait anéanti pour longtemps la ville et l'agglomération
toulousaine...
Mais est-on vraiment passé à coté ?
Le plan rouge n'a duré que quatre jours. Les pompiers ont
évacué la zone. Les industriels sont redevenus maîtres
de la sécurité de leurs usines...
Les produits sont en cours de déblaiement en fonction de
leur facilité d'accès et non de leur dangerosité.
Les autorités ont refusé d'envisager la protection
des populations : évacuation du périmètre à
risques, mesures concrètes, etc., alors que se multiplient
des manipulations de produits à hauts risques dans des conditions
douteuses, l'ensemble des transports de matières toxiques
s'effectuant le week-end ou la nuit...
Pour le préfet, c'est la sécurisation du site qui
est à l'ordre du jour, pas celle de la population.
Et sinon... le confinement est toujours à l'ordre du jour...
Une fois de plus le danger est minimisé ou dénoncé
comme une rumeur, les informations manipulées, la population
laissée dans l'ignorance...
Et ça continue, des fuites d'ammoniac ont traumatisé
la population déjà sinistrée. La découverte
d'une hécatombe de milliers de poissons a permis de se rendre
compte qu AZF a répandu 9 tonnes d'ammoniac liquide dans
la Garonne pour éviter les "désagréments
olfactifs"... Jusqu'à quand va durer cette situation
? Bonne question, mais qui en appellent d'autres: l'évacuation
des produits, niais vers où ? la reprise de la production
: ici ou ailleurs ?
Là, le débat est large. C'est la position de DousteBlazy
: fermeture du site, avec délocalisation hors zone fortement
urbanisée, qui en a obligé d'autres à s'y rallier..
car même au sein des opposants au site, l'idée de fermeture
définitive avec refus de réouverture ailleurs n'est
pas acquise... et la SNPE a déjà mis en place une
cellule de reconstruction... Même si cette explosion a réveillé
en partie les consciences, les résistances à aborder
le problème de fond sont fortes.
Pour la plupart, le confort quotidien dépend de ces industries
de la mort, chimique, nucléaire, ogm... sans pour autant
faire le lien avec la pression que les industriels et leurs scientifiques
imposent sur l'orientation des modes de production, de consommation
et donc de société. Mais qui pourrait concevoir que
tel médicament ait été prescrit par son docteur,
pas forcément pour le soigner, mais à cause du week-end
de thalassothérapie offert par le laboratoire pharmaceutique?
Les notions de progrès, de bonheur, de bien être,
dans la tête des gens, sont assujettis au développement
de la science, aux technologies qui en découlent, par la
prolifération des industries chimiques et consorts (transgéniques,
biotechnologies... ). Et puis comment se sentir compétents
sur la question, il n'y a que des experts pour nous sauver de cette
situation (sic). L'idée qui s'impose alors est une sécurité
renforcée des sites, avec des demandes de législations
spéciales, avec un renforcement de l'Etat dans le contrôle,
et surtout du citoyen.
"Super-citoyen" s'organiserait alors en groupe de pression
qui assurerait la vigilance autour des sites dangereux, en jonglant
entre les experts officiels et les groupes d'experts indépendants
qu'il constituerait pour l'occasion.
La réflexion, sur d'autres choix de production est minime,
et souvent ramenée à des prises de conscience individuelle.
L'industrie peut-elle être transformée par la consommation
des ménages ? La production industrielle n'a-t-elle pas pour
unique but le profit ?
Malgré un bilan officiel de 30 morts et plus de 3000 blessés,
bilan qui ne prend pas en compte les traumatismes qui ressurgiront
plus tard, psychologiques (suicides, folies, troubles de la personnalité),
surdités, atteintes oculaires, pulmonaires, allergies...
Malgré les 1300 familles en attente de relogement, 2 lycées,
une école, des dizaines de bâtiments rasés,
des centaines endommagés... la prise de conscience d'appartenir
a une population sacrifiée sur le temple de l'industrialisation,
la question d'un arrêt définitif de toutes ces productions
n'est pas à l'ordre du jour. Le capitalisme n'est pas pointé
comme responsable de cette catastrophe.
PS 1 : Les secours se sont installés dans les grandes cités
les plus touchées... 3 jours après l'explosion: par
contre les CRS ont été largement déployés
dès les premières heures...
PS 2 : Le nuage toxique n'a pas été analysé.
Les avions qui l'ont traversé ont été constellés
de piqûres de rouille...
PS 3 : Dans la première semaine des fonds ont été
débloqués pour "venir en aide aux victimes",
2000F par personne, 4000F pour une famille de deux enfants. Sur
quels critères ces sommes ont été allouées
? À quoi servent-elles ? à permettre aux sinistrés
de s'installer à l'hôtel ? à calmer la colère
en achetant à bas prix les populations ?
PS 4 : Dans la zone sinistrée les projets immobiliers sont
remis à l'ordre du jour. Les promoteurs privés et
surtout publics vont en profiter pour repenser l'urbanisation de
la ville.
PS 5 : A qui profite le débat "attentat ou accident"?
A l'industriel ou à l'Etat qui auront à en assumer
les conséquences financières suivant la conclusion
de l'enquête ? A l'industrie chimique en général
? À l'Etat qui a permis de développer ce type de production
?
PS 6 : L'urbanisation s'est rapprochée du pôle industriel,
mais aussi l'augmentation de la production a agrandi de manière
croissante la zone à risque qui englobe aujourd'hui l'ensemble
de l'agglomération.
PS 7 : La commisération a des limites, la vie normale continue
: ce jour, un squat, lieu collectif d'expression insoumise, a été
expulsé manu militari par les CRS, à 6h30 du matin.
Toulouse, le 23 octobre Des rescapés en sursis
Petite liste bibliographique de secours
André PICHOT, Histoire de la notion de gène, Ed.
Champs Flammarion.
Henri ATLAN: Entre le cristal et la fumée, Ed. du Seuil,
collection "points".
La fin du "Tout génétique", vers de nouveaux
paradigmes en biologie, INRA éditions.
B. JORDAN : Les Imposteurs de la génétique, Ed. du
Seuil.
J.-J. KUPIEK, P. SONIGO : Ni Dieu, ni Gène, Ed. du Seuil.
Sur une campagne et ses antécédents
Courrier international du 26 avril 2001 publiait un article du
Wall Street Journal de New York : on y apprenait que dans le même
temps où un label alimentaire "sans OGM" faisait
fureur dans les rayons des supermarchés, la promesse devenait
impossible à tenir, tant les analyses révélaient
une dissémination générale d'organismes génétiquement
modifiés - la moitié du soja circulant aux USA contiendrait
le gène implanté par Monsanto pour résister
à son herbicide le Round up.
A ce propos, une équipe de chercheurs belges a repéré
et isolé. dans un soja génétiquement modifié
par Monsanto, un fragment d'ADN dont la présence restait
insoupçonnée, n'ayant rien à voir avec la modification
souhaitée.
Ce même printemps, en France, l'Etat se voyait contraint
par une décision de Justice, sur requête de France-Nature-Environnement,
à publier la liste des sites localisés d'expérimentation
de cultures OGM, ce qu'il fit le 1er juillet.
Le 23 juillet un avis de l'Agence française de la sécurité
sanitaire des aliments (I'Afssa) révélait que "41%
des échantillons de maïs conventionnels testés
contiennent de faibles fragments d'OGM" . Ce qui, "appliqués
aux trois millions d'hectares emblavés en maïs sur le
territoire national pourrait cependant laisser suggérer que
des centaines de milliers d'hectares comportent aujourd'hui des
fragments transgéniques" (Le Monde du 26/07/01). De
là à penser que ces "expérimentations"
ne sont que des leurres destinés en fait à faire progresser
le fait accompli et à ruiner l'argumentaire oppositionnel...
La Confédération paysanne, au terme d'un it vigoureux"
ultimatum à l'État, lui demandant de faire procéder,
avant le 12 août, à l'arrachage des champs expérimentaux,
entamait une campagne d'arrachage au motif finalement raisonnable
d'imposer des expérimentations en milieu confiné!
Le ministre de l'agriculture avait beau jeu de répliquer
à José Bové qu'à ce compte il n'aurait
pas dû s'attaquer aux serres du CIRAD en juin 1999.
D'anonymes opposants n'avaient pas attendu ce bras de fer médiatique
et avaient en quelque sorte devancé les révélations
du printemps :
* le 26 juin 2000, à Toulouse, une serre confinée
de l'INRA contenant divers végétaux transgéniques
est saccagée par les Chercheurs dans la nuit. * le 29 décembre
2000, plusieurs tonnes de semences OGM destinées à
la vente sont détruites dans un entrepôt PIONEER SEMENCES
à Montauban par les Overdosés grandement Mécontents.
* le 16 juillet 2001, ce sont les Ravageurs qui détruisent
une parcelle de 3000 M2 de maïs insecticide à Guyancourt
(78). * le 11 août 2001, quatre sites de maïs génétiquement
modifiés à des fins médicales par une filiale
de Limagrain pour produire de la lipase gastrique du chien sont
détruits dans la Drôme par les Limes à Grains.
Cette attaque contre le génie génétique médical
suscita dans la presse une indignation "antiterroriste".
Puis, l'entrain aidant : - le 24 août 2001, un champ de mais
transgénique de Caussade Semences est détruit à
Cayrac (Tarnet-Garonne) par des Obscurs anti-scientistes. * le 27
août 2001, deux parcelles de betteraves transgéniques
de la firme ADVENTA sont détruites à Avelin par les
Preneurs de Mal à la Racine. * le 9 septembre 2001, un hectare
et demi de maïs génétiquement modifié
de la société RHOBIO est rasé, à Cornebarieu
(Haute-Garonne) par des Sangliers repus. * le 14 septembre 2001,
à Montech (Tarn-et-Garonne) une parcelle d'expérimentation
de la firme PIONEER est nettoyée par les Pionniers de la
décontamination. * le 18 septembre 2001, une parcelle de
2000 m2 de colza transgénique est détruite par les
Malconfinés au centre INRA de Rennes, au Rheu (53).
Venant BRISSET
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