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Les migrations des populations sont dues à des raisons
différentes :
- Il y a les migrations dues aux cataclysmes, aux guerres (les déplacements
de population pendant les dernières guerres furent importantes;
en Afrique, cela touche aujourd'hui des millions de réfugiés).
- Il y a les migrations dues aux déplacements forcés,
l'exemple le plus fort est celui de la traite des noirs africains
vendus comme esclaves aux Amériques et aux Antilles ; il
y a eu aussi les déplacements important en
URSS sous le régime stalinien .
- Il y a les migrations dues à la misère, les gens
migrent parce que la terre ne peut plus les nourrir, parce que les
conditions de vie ne sont plus supportables. L'histoire est pavée
de ces migrations. Ces migrations ne sont pas le résultat
de projets collectifs. Elles passent par des myriades de projets
individuels. C'est bien cette dernière catégorie qui
nous concerne principalement en France et en Europe. Or aujourd'hui
tous ceux et celles qui ont un minimum de regard objectif sur cette
migration s'accordent pour dire que, régulière ou
clandestine, rien ne peut l'arrêter.
Nous envisageons dans ce texte de comprendre quelques mécanismes
des migrations dues à la misère et de voir les caractéristiques
nouvelles ou leur évolution, ainsi que les perspectives que
nous pouvons en tirer.
Ce qui est spécifique à ces migrations depuis 2
ou 3 siècles, c'est qu'elles ont été étroitement
liées au développement du capitalisme. Les gens migraient
dans les pays où le capitalisme se développait. L'exemple
le plus fort a été sans doute la migration des européens
vers les Amériques, mais aussi entre les pays européens.
Le capitalisme était loin d'avoir atteint les limites de
son développement tant quantitativement que géographiquement
telles qu'on les connaît aujourd'hui. Cela ne veut pas dire
pour autant que les gens s'installaient dans le bonheur. C'était
souvent la misère, la faim, la maladie, ... Mais parce que
le capitalisme qui se développait dans ces pays avait besoin
de main d'»uvre, la perspective de trouver du travail et de
s'enrichir allait au-delà de l'espoir, c'était une
réalité.
Cela ne veut pas dire qu'il n'y avait pas de conflits entre les
immigrés et les autochtones qui leur reprochaient de casser
les salaires, d'accepter n'importe quoi.
Cela ne veut pas dire qu'il n'y avait pas de racisme, de xénophobie.
Aux USA, le développement était très communautaire,
mais beaucoup de primo-arrivants s'y sont fait une place malgré
tout.
Par le travail, les migrants s'intégraient, faisaient souche
et enrichissaient la culture. Cette situation a duré jusque
dans les années 60. Les deux périodes de reconstruction
après les deux guerres mondiales ont été une
pompe aspirante de l'immigration à la fois volontaire et
forcée.
Certes, il y a eu des périodes de récession dont les
immigrés ont été les premiers à faire
les frais. On peut penser au renvoi des polonais dans leur pays
pendant la crise des années 20. On était loin pour
autant de la création de l'Europe des barbelés qui
se met en place depuis 1974.
La différence aujourd'hui et qui se fait de plus en plus
nette depuis 25 ans, c'est que la période d'expansion a atteint
ses limites. Le travail n'est plus essentiel pour le capital pour
deux raisons :
Premièrement le capital financier a pris un tel poids qu'il
acquiert une certaine autonomie face au travail et qu'il génère
des profits par lui-même sans le travail, En second lieu l'augmentation
de la productivité du travail
détruit le travail lui-même.
Il n'y aura plus de conquêtes de l'Ouest, (sauf à nous
envoyer sur Mars ou Vénus) les limites de la planète
elle-même sont devenues pour l'instant les limites du capitalisme.
Le mythe de la croissance infinie
s'est effondrée et a montré ses ravages écologiques,
de santé, ...
Aujourd'hui, les migrants partent là où il y a de
l'argent, là où il y a un mode de vie meilleur que
le leur. Aussi, la migration ne peut plus être associée
aux conquêtes du capitalisme, au développement de la
croissance, mais doit se comprendre dans le contexte mondial de
la domination du Nord sur le Sud ou l'Est. En ce sens l'immigration
est structurelle de notre monde contemporain et le restera tant
que les rapports de force impérialistes ne seront pas modifiés.
On comprend que vouloir lier régularisation et travail devienne
une gageure. Comment exiger des immigrés de trouver du travail
pour avoir une carte de séjour quand 5 millions de personnes
ne peuvent en trouver (si on se réfère aux chiffres
donnés par Chevénement). La migration pose la question
du partage des richesses. Hier, cela passait par la rémunération
au travers du travail. Travail qui permettait aussi aux patrons
de s'enrichir toujours davantage.
Aujourd'hui, le travail salarié et les différentes
allocations qui lui étaient liées (Sécurité
sociale, Allocations chômages, familiales, Etat providence,
...) ne peuvent plus être ni le médiateur de ce partage
des richesses, ni celui de l'intégration.
Les dominants de nos pays essaient de gérer la situation
en vue d'une «préservation » du niveau de vie
occidental et du maintien de leur situation de privilégié.
En ce sens l'Europe est un camp de consommation. Le prix à
payer, c'est :
-l'utilisation des clandestins pour faire baisser le coût
de la main d'oeuvre (cf l'exemple du Grand Stade),
- la fermeture des frontières,
- la suspicion et la répression pour les étrangers
vivants en France et en Europe,
- le maintien de la misère du Sud ou de l'Est,
- les noyades à Gibraltar,
- les clandestins qu'on pousse par-dessus bord dans certains bateaux,
- les trafics en tous genres pour passer les frontières,
- etc...
La source de la misère ne vient pas de l'immigration, mais
du capitalisme. Combattre la misère passe par d'autres formes
de solidarité qui sont à inventer ou à maintenir
quand elles existent.
Les gens d'ici sont d'ici !
Personne n'est illégal !
Georges Birault et Philippe Coutant Nantes le 16 Octobre 1997
Origine : http://www.internatif.org/antenneassedic/0114/18.html
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