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Regard critique sur les lectures africaines de l’esclavage et de la traite atlantique 1
Ibrahima Thioub
Département d’Histoire FLSH-UCAD

Origine : http://ucadao.s3.amazonaws.com/agorae/2009311101924/I.Thioub(b).pdf

L’idée de cette communication vient de deux événements à l’origine d’une vive émotion de l’opinion publique sénégalaise : la remise en cause, dans le journal français Le Monde 2, du rôle de l’île de Gorée dans la traite atlantique des esclaves et les controverses suscitées par la demande de réparations pécuniaires des torts causés à l’Afrique par les pays européens qui ont pris part à la traite atlantique des esclaves.

La vigueur et la promptitude des réactions provoquées par « un banal article (Samb, 1997 : 11-17) » d’un quotidien français permettent de mesurer l’actualité de la traite atlantique des esclaves. L’occasion a alors été donnée à l’Institut Fondamental d’Afrique Noire - Cheikh Anta Diop (IFAN­CAD), appuyée par l’autorité politique sénégalaise, de réaffirmer « la validité actuelle de la valeur symbolique de Gorée comme expression focale de la traite négrière dans notre mémoire historique (Ibid) 3. Un séminaire et un Symposium international 4 ont été nécessaires pour parer « une tentative d’endormissement de la mémoire collective, une volonté révisionniste plus ou moins déclarée, un élan d’absolution unilatérale reposant sur de sommaires disquisitions journalistiques… (Samb, 2001 : 9-15) ».

1 Communication au Colloque « Historiens Africains et Mondialisation », IIIème congrès de l'Association des Historiens Africains, Bamako, 10-14 septembre 2001. 

2 L’article publié dans Le Monde du 27 Décembre 1996 par Emmanuel de Roux portait le titre : « Le mythe de la Maison des esclaves qui résiste à la réalité ».

3 Outre ses aspects mémoriels et symboliques, l’hypothèse est plausible que la réaction sénégalaise comportait un enjeu économique lié au rôle attractif qu’exerce Gorée sur les diasporas africaines et sa place dans le projet de l’UNESCO sur la Route de l’esclave que lui dispute d’autres lieux de mémoires de la traite atlantique, en particulier au Bénin (Thioub & Bocoum, 1997 : 199-215).

4 Du 7 au 8 avril 1997, l’IFAN-CAD a organisé à Gorée un séminaire dont les actes ont été publiés sous le titre Gorée et l’esclavage (Samb, 1997) ; du 18 au 20 décembre 1998, Saint-Louis a abrité un Symposium international dont les actes ont été publiés sous le titre Saint-Louis et l’esclavage (Samb, 2000).

Dans le même registre, lors de la « Conférence mondiale contre le Racisme, la Discrimination raciale, la Xénophobie et l’Intolérance », tenue à Durban du 31 Août au 7 septembre 2001, une interrogation pertinente s’est posée au cours des polémiques et tensions suscitées par la question des réparations du crime que fut l’exportation de millions d’Africains vers l’Amérique. Elle portait sur la nécessité d’identifier les créanciers et les débiteurs. La réponse à cette question semble aller de soi. L’Afrique et les Africains ont été victimes de la plus grande tragédie de l’histoire humaine, reconnue par le Parlement français comme crime contre l’humanité, à l’origine de son sous-développement et de ses positions subalternes dans les affaires contemporaines du monde. Il est établi que l’Occident doit une importante partie de son expansion économique entre le XVIIe et le XIXe siècle à l’exploitation du travail de millions d’Africains transplantés par ses soins en Amérique. 

Dans l’étude de cette séquence historique, l’analyse des rapports entre l’Afrique, l’Europe et l’Amérique a largement pris le pas sur les mutations internes aux sociétés des trois continents. Pour comprendre les multiples impacts de la traite négrière sur l’Afrique n’est-il pas nécessaire d’interroger les mécanismes par lesquels la dynamique atlantique s’incorpore dans les recompositions des sociétés africaines à partir des positions de pouvoir de leurs différents segments, en prenant en compte la pluralité de leurs héritages. Par quelles médiations ce facteur externe a été introduit dans les rapports domestiques des sociétés africaines ? Quelles sont les implications des thèses présentant l’Afrique et les Africains comme passivement victimes d’une histoire activement conduite par des bourreaux identifiables à l’Europe et aux Européens ?

Les enjeux qui transparaissent dans les réactions et controverses nous rappellent, qu’en Afrique, la traite atlantique des esclaves ne se limite pas à un simple objet de connaissance. Cette expérience historique occupe une épaisseur considérable dans les constructions identitaires en cours dans l’Afrique contemporaine. Elle constitue une dimension importante de l’être de l’Afrique et des Africains dans le monde actuelle, donc en définitive de leur rapport à l’Autre.

La durée de la traite atlantique des esclaves et ses liens avec l’esclavage domestique plus ancien, le nombre de ses acteurs et la diversité de leurs intérêts, la multiplicité des contextes géopolitiques, socio-économiques et politiques des sociétés qui y furent impliquées en Afrique, l’ampleur des transformations de tous ordres qui en ont résulté, n’ont pas été étudiés dans toute leur complexité par l’historiographie africaine. En lui-même, ce déficit est un indicateur intéressant des enjeux de mémoire et de pouvoir qui s’attachent à l’étude de ce phénomène historique.

Il n’est pas de ma prétention de décrypter la complexité de ces processus historiques dont l’actualité et les enjeux dépassent certainement le cadre académique dans lequel s’inscrit mon propos. Il s’agit dans cette communication, de mesurer d’abord leur poids dans l’historiographie africaine, d’en examiner ensuite les lectures qui y sont dominantes avant de procéder à leur examen critique.

I. L’esclavage interne et les traites exportatrices dans l’historiographie africaine

En Afrique, l’esclavage domestique, les traites transsaharienne, transatlantique ou océan-indienne des esclaves ont constitué des modalités de mise en servitude, distinctes par leur mode d’inscription dans le temps, leurs significations, les acteurs impliqués et leurs diverses implications historiques. Pourtant vus sous l’angle de la victime, ils n’en entretiennent pas moins des liens indissociables puisqu’il s’agit du sort d’êtres humains, privés d’une manière ou d’une autre de leur liberté par diverses médiations : martiale, marchande, pénale. Cette privation entame un processus mettant l’individu dans un état de servitude dont hérite sa descendance, lui conférant un nouveau statut social et une nouvelle identité, nonobstant la destination domestique, saharienne, atlantique ou océan-indienne où il est mis dans des conditions susceptibles de modifications (Meillassoux, 1975 : 11-25).

L’examen de l’historiographie africaine sur ces processus historiques met en évidence un contraste. La faiblesse relative du nombre des études consacrées à l’esclavage domestique par les historiens africains contraste fortement avec l’ancienneté du phénomène, sa généralisation à l’échelle du continent, son ampleur variable d’une époque à une autre, le rôle et les fonctions des esclaves dans tous les domaines d’activités, la diversité de leur statut social. Au contraire, la traite atlantique a fait l’objet d’un nombre considérable de publications et la majorité des historiens africains travaillant sur la séquence historique du XVe au XIXe siècle en ont fait le facteur explicatif central de la dynamique historique en Afrique. La plupart de ces études établissent une radicale différence entre le traitement de la population servile, dans l’esclavage domestique pratiqué de longue date par les sociétés africaines et celui réservé aux esclaves destinés à la traite atlantique. Plusieurs éléments sont avancés pour fonder cette différence : le système économique utilisateur, l’ampleur de la demande, les fonctions auxquelles sont destinés les esclaves, la signification historique des deux destinations.

Les historiens africains semblent avoir laissé l’étude de l’esclavage domestique à leurs homologues européens et américains qui, depuis l’ouvrage dirigé par Claude Meillassoux (1975) sur l’esclavage en Afrique précoloniale, ont poursuivi une réflexion sur le sujet. Notons que dans cet ouvrage, la contribution africaine se limite au texte de l’historien regretté Mamadou Saliou Baldé sur l’esclavage dans l’État théocratique du Fuuta Djallon et son évolution impulsée à la fois par les besoins de la classe dirigeante et les demandes du commerce atlantique. Les travaux de Claude Meillassoux sur le sujet ont fait l’objet de critiques portant principalement sur la trop grande part qu’il attribue à l’exportation des esclaves à travers le Sahara au détriment de l’usage interne (Bathily, 1989 : 183), sur la faible prise en compte de la dimension diachronique et sur le poids de la traite atlantique dans l’évolution de l’esclavage domestique (Barry, 1988 : 177-178). La réflexion sur l’esclavage domestique s’est poursuivie avec une faiblesse relative de la participation des historiens africains. L’ouvrage publié sous la direction de Suzanne Miers et Igor Kopytoff (1977), celui de Paul Lovejoy (1983) et plus récemment de Martin Klein (1998) confirment la nécessité d’investir cet objet de recherche dont le poids dans le vécu quotidien ne fait l’ombre d’un doute. 

Dans la bibliographie des travaux universitaires sur l’histoire de la Sénégambie publiée par Charles Becker et Mamadou Diouf (1988), sur les 706 titres recensés, un mémoire de maîtrise (Bâ, 1982) porte explicitement sur l’esclavage domestique. Dans cette recension que j’ai poursuivie pour la période 1988-1993, deux mémoires sur 159 titres portent sur des études comparatives entre l’esclavage aux États-Unis et au Fouta Djallon d’une part et entre la Grèce ancienne et « l’Afrique noire précoloniale (Thioub, 1994) ». Six (6) titres sur les 884 que compte le « recensement des travaux universitaires soutenus dans les universités francophones d’Afrique noire » portent sur l’esclavage domestique (Chanson-Jabeur et Coquery-Vidrovitch, 1995).

Dans sa thèse sur le Galam couvrant un millénaire d’histoire, Abdoulaye Bathily (1989) consacre 5 pages (180-184) à l’esclavage domestique pour établir son ancienneté et son usage massif par les classes dirigeantes de cet État et la faiblesse relative de l’exportation vers le Maghreb et l’Egypte. Dans l’analyse des hiérarchies sociales, il avance l’hypothèse du rôle décisif joué par les esclaves dans le système économique et social par la production de « l’essentiel du surplus qui entrait dans les échanges (Id : 224-225) ». Le reste de l’analyse sur l’esclavage développe sur 3 pages le thème de la mobilité sociale dont bénéficièrent certains segments de groupe social, à l’époque précoloniale, et signale incidemment l’existence d’un groupe servile dénommé « les esclaves qui se lèvent tôt le matin ». Il serait intéressant d’en savoir plus sur ce dernier groupe : ses origines, les modalités de sa reproduction, sa place dans le système économique et social.

Dans les travaux consacrés par les historiens africains à l’étude des empires du Ghana, du Mali et du Songhay, l’existence de l’esclavage domestique est signalée et son rôle central dans les systèmes sociaux mentionné mais au total, son étude systématique fait défaut et il y occupe une faible place. Dans Empire du Mali, Madina Ly-Tall (1972 : 162-163) l’évacue en moins d’une page pour noter la présence d’esclaves d’origine diverse au service des Mansa. Dans Tombouctou et l’empire Songhay, Sékéné Mody Cissokho estime que les esclaves constituaient la majorité de la population, chaque famille en possédant à côté des tribus d’esclaves léguées aux Askya par les Sonni qui les avaient enlevées aux Mansa du Mali. Ce poids démographique et économique de la population servile ne lui confère toutefois pas plus de 2 pages (169-170) dans l’ouvrage.

La grande aventure intellectuelle que fut L’Histoire Générale de l’Afrique entreprise par l’Unesco ne fait pas mieux. Elle comporte de nombreuses références sur les esclaves et l’esclavage domestique. Toutefois, pour la période antérieure au contact avec l’Europe (Voir les volumes III et IV), l’institution servile n’a fait l’objet d’aucune étude systématique alors que le volume V qui couvre la période de la fin des Grands empires au XVIIIe, le thème de la traite atlantique y occupe une importante place.

Différents arguments sont avancés pour expliquer ce silence relatif sur l’esclavage domestique dont on reconnaît par ailleurs l’importance dans l’histoire et l’actualité des sociétés africaines. Dans son ouvrage sur L’Afrique et l’esclavage sous-titré Une étude sur la traite négrière, Mbaye Guèye (1983) consacre quelques lignes à la « traite intérieure », pour constater l’impossibilité de son étude due à la rareté de la documentation, au caractère fragmentaire et tardif des informations disponibles (Id. : 15). S’y ajoute la sensibilité de la question avec le risque d’exploitation des résultats à des fins politiques ou dans les litiges et conflits sociaux, le risque de mettre sur la place publique l’origine servile de certains groupes et individus, le silence des traditions orales dans la panoplie des arguments à l’origine de cette lacune historiographique. Ces arguments sont fort contestables et les résultats de la recherche infirment à tout point de vue leur pertinence 5.

Ce silence relatif des historiens africains sur l’esclavage domestique commence à peine à se briser 6. Les contributions des historiens de l’Université de Ouagadougou portant sur « une enquête sur l’expérience de l’esclavage au sein des sociétés du Burkina à l’époque précoloniale » qui a fait l’objet d’un séminaire dont les actes ont été publiés sous le titre Les sociétés du Burkina Faso au temps de l’esclavage, dans un numéro spécial  des Cahiers du Centre d’Études et de Recherche en Lettres Sciences Humaines et Sociales (CERLESHS) 7, l’ouvrage de Facinet Béavogui (2001) sur Les Toma (Guinée et Liberia) au temps des négriers et de la colonisation française, (XVIe-XIXe siècles), les recherches conduites par Akosua Perbi sur l’esclavage dans les sociétés ghanéennes, constituent des contributions de qualité qui toutefois ne comblent pas le fossé accusé par l’historiographie africaine sur le thème de l’esclavage domestique articulé ou non aux commerces des esclaves dans et hors du continent.

5 L’occultation des traditions villageoises et de celles des familles non aristocratiques a privé l’historiographie d’une source décisive sur l’analyse des systèmes domestiques de domination, en particulier  celui de l ‘esclavage.

6 Signalons les travaux d’anthropologie de Harris Memel-Foté sur le sujet, en particulier sa thèse soutenue en 1988 sur L’esclavage dans les sociétés lignagères d’Afrique noire. Exemple de la Côte-d’Ivoire précoloniale, 1700-1920.

7 Je ne pense pas que se soit par hasard que la direction de ce travail a été assurée par Maurice Bazémo, un spécialiste de l’histoire de l’esclavage à Rome qui, après sa thèse, a publié un certain nombre d’articles sur l’esclavage dans les sociétés du Burkina Faso.

Les historiens africains se sont au contraire investis dans la connaissance des causes et des conséquences multiformes, les mécanismes de fonctionnement de la connexion des continents européen, africain et américain, par le biais de la traite atlantique largement dominée par le commerce des esclaves vers l’Amérique entre les  XVe et XIXe siècles. À partir des années 1970, les historiens africains, interpellés par l’échec du projet panafricaniste scellé dans la constitution de micro État-nations à l’échelle du continent et l’impasse des projets de développement portés par les élites au pouvoir, élaborent de nouveaux paradigmes et posent la question des racines historiques du sous-développement. Ils ont trouvé dans le marxisme et principalement dans sa version dépendantiste élaborée en Amérique Latine les réponses les plus opérationnelles à ces questions. La réflexion historique a porté sur les réponses apportées par différents segments des sociétés africaines aux défis posés par la traite atlantique des esclaves.

L’émergence de nouveaux groupes sociaux entre les XVe et XIXe siècle et la restructuration de l’ensemble des rapports sociaux qui en ont découlé, la généralisation de la violence et la militarisation des pouvoirs politiques, l’accentuation des comportements prédateurs des élites dirigeantes des États ayant pris part au trafic esclavagiste, la régression technologique et ses conséquences économiques et sociales, la mise en dépendance du continent, l’apparition de nouveaux comportements démographiques, les mutations des systèmes pénaux, la détérioration de l’état sanitaire et l’accélération des crises de subsistance, la dislocation des grands ensembles politiques, la subversion des valeurs éthiques et morales sont autant de pistes aujourd’hui mieux explorées grâce à l’affirmation d’une approche qui ne s’enferme pas dans la mesure statistique du commerce atlantique des esclaves.

L’examen de cette abondante littérature sur l’esclavage et de la traite atlantique des esclaves permet de dégager différentes lectures opérées par les historiens africains sur ces processus historiques. 

II. Des lectures plurielles

Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, dans un contexte marqué par l’essor du mouvement nationaliste et panafricaniste, les Africains participent à l’écriture académique de l’histoire du continent. L’approche historiographique qu’ils mettent en œuvre, largement informée par ce contexte se donne pour tâche de rétablir la conscience historique africaine brouillée par l’idéologie coloniale inscrite en droite ligne des idées racistes qui, au XVIIIe siècle, ont légitimé la traite atlantique des esclaves. Il s’agit de fournir au mouvement nationaliste un passé digne de ses ambitions. La solution a consisté à renouer le cordon ombilical liant le passé précolonial et la libération en vue, par une mise entre parenthèses de la longue séquence historique considérée porteuse des disharmonies et déséquilibres dont les sociétés africaines ont souffert du fait de l’intervention extérieure, d’abord la traite des esclaves, par le Maghreb et le monde arabe et à leur suite l’Occident, puis la colonisation directe. Cette entreprise de démantèlement du discours colonial a produit une histoire glorieuse de l’Afrique procédant par un gommage plus ou moins systématique de tout ce qui pouvait donner crédit aux idées promues par le discours colonial sur l’absence d’une historicité propre à l’Afrique, l’arriération de ses sociétés demeurées à l’état de nature.

Cette approche s’est évertuée à produire une histoire comparable à celle de l’Europe dans ce qu’elle a de glorieux, en particulier ses constructions étatiques. Dès lors, son attention s’est focalisée sur l’histoire des élites restituée à partir des sources arabes puis de la tradition dynastique réhabilitée. Paradoxalement, elle s’est enfermée dans les paradigmes chromatiques produites par les idéologies racistes en cours dans l’Europe du XVIIIe siècle. Cette pigmentation des processus historiques a été un masque posé sur la pluralité et la diversité des sociétés africaines mais aussi sur leur différentiation sociale interne, gommant les systèmes de domination et les hiérarchies. Ainsi fut inventée une Afrique de couleur « noire », siège de la barbarie pour les idéologues de la traite et de la colonisation, et pour l’historiographie nationaliste et panafricaniste, productrice d’une civilisation faite d’harmonie et d’équilibre, d’une humanité reflétée par ses institutions et par ailleurs à nulle autre pareille par sa grandeur.

Par son orientation élitiste, l’historiographie nationaliste tend à prendre pour argent comptant le discours social des dominants autochtones ; discours chargé justement de voiler le contenu oppressif des hiérarchies sociales au sein des sociétés africaines. Il en est ainsi de « l’artifice idéologique de la parenté qui veut que l’esclave soit sur le même pied que les autres membres du groupe lignager », (Somé, 2001 : 57-97) cachant la réalité de son origine servile, stigmate qui le marque pour la vie et détermine ses positions sociales. Quand, au terme de leurs investigations, les historiens nationalistes se retrouvent face de telles réalités, comme les idéologues coloniaux face à des réalités positives, ils attribuent la dimension oppressive des hiérarchies autochtones à une intervention extérieure. La lecture de l’esclavage domestique, mis en opposition à l’esclavage atlantique, révèle les limites de cette approche historiographique.

Ainsi l’analyse de Joseph Ki-Zerbo sur les origines de la traite atlantique des esclaves, « un génocide perpétré par l’Europe à l’échelle d’un continent », (Ki-Zerbo, 1972 : 217, s’ouvre sur une plaidoirie établissant sa différence radicale avec l’esclavage anciennement pratiqué en Afrique. La présence de pratiques esclavagistes antérieures aux traites atlantique et transsaharienne est reconnue mais plusieurs procédés sont mis en œuvre pour dépouiller ce rapport social de ses aspects considérés comme humainement intolérables. Les cas « d’esclavage ayant un caractère d’exploitation marquée » constituent « une exception très localisée » située dans les régions d’Afrique où l’évolution économique était avancée autour des centres urbains de Djenné et Tombouctou … ces esclaves vivaient avec leur famille ; c’étaient plutôt des serfs attachés à un domaine » (Idem : 208). Pour bien marquer la différence avec la traite atlantique, l’auteur insiste sur les droits civiques des esclaves, leur accès à la propriété, l’ascension sociale et les multiples procédures d’affranchissement dont ils peuvent bénéficier. À cet esclavage supposé intégrateur et humanisé, empiriquement restitué, s’est substituée la traite atlantique. Comment s’est opérée la substitution ? « Les conditions économiques étaient telles que la cupidité humaine eut vite fait le rapprochement entre les besoins immenses de main-d’œuvre bon marché à  l’ouest de l’Océan et le vivier non moins immense des peuples africains, impuissants devant les armes à feu des négriers européens. Et ce fut le grand passage vers le tonneau sans fond du marché américain », (Ki-Zerbo, 1972 : 210).

L’esclavage, sous la plume de Ki-Zerbo, ne devient un mal qu’avec la traite atlantique où la naïveté des Africains pris au piège des entrepreneurs européens laisse voir un trafic organisé par un monde sans foi ni loi, de déclassés sociaux atteints d’une inhumanité sans bornes : « toute une pègre parfois métissée, de courtiers, d’interprètes, de griots, d’intermédiaires de tout poil, marinait dans un bouillon de culture où la cupidité et la ruse le disputaient à la débauche et à la cruauté. Ces larrons bancs et noirs s’entendaient d’ailleurs assez bien » (Idem : 212) pour livrer des « nègres achetés uniquement avec de l’alcool, à moins que l’on invite un gaillard, flânant entre la mer et l’entrepôt, à venir goûter de l’eau-de-vie, en attendant qu’il titube pour l’enchaîner proprement en vue de l’exportation ».

La production des esclaves relativement bien organisée sous des formes diverses  par des structures étatiques avec l’acheminement par des réseaux marchands tout aussi bien structurés, est passée sous silence pour présenter le commerce à son moment ultime sur la côte. Les expériences historiques de participation des États autochtones : Toma, Ashanti, Abomey, Kajoor, Bawol, Fuuta Djallon, etc. à ce système économique démontrent suffisamment la sophistication des stratégies mises en œuvre par les élites autochtones conformément à leurs intérêts (Inikori, 1982 ; Becker et Martin, 1975 : 270-300).

Dans la même veine, l’ouvrage de Mbaye Guèye (1983), faisant le point des connaissances de l’époque sur les traites saharienne, océan-indienne et atlantique, avance la faiblesse de la documentation pour expliquer son silence sur l’esclavage domestique. « Avant l’intervention étrangère, la traite des captifs se pratiquait sans doute dans le continent, mais à une échelle réduite. Elle avait surtout pour but de réintégrer socialement des individus qui avaient perdu leur famille à la suite de guerres ou d’autres calamités ». 

En laissant de côté les mutations de l’objet inscrit dans le temps, l’historien en est réduit à une explication plutôt anthropologique.

« Dans son essence, l’organisation de la famille africaine exclut l’isolement et l’individualisme. L’idéal des Africains c’est une existence communautaire fondée sur de puissants rapports familiaux en vue d’une « vie ordonnée et sûre ». L’homme ne compte qu’en tant qu’élément d’un ensemble harmonieux et homogène. Dans ces conditions un homme isolé n’avait aucune chance de survie. L’esclavage des populations dispersées à la suite de calamités accidentelles ou naturelles constituait un moyen à la fois commode et humain de leur donner un nouveau cadre de vie accordé à leurs espérances temporelles (Idem : 15) ». 

Dès lors, l’analyse historique de l’esclavage domestique sur des bases scientifiques était scellé dans cette vision essentialiste qui fige son objet dans une immuabilité qui serait propre aux sociétés africaines. L’esclavage domestique cesse d’avoir une histoire et « c’est l’expansion continue de la demande résultant de l’immixtion étrangère dans les affaires du continent qui provoqua l’accroissement assez sensible du volume de la traite jusqu’alors très localisée, Idem : 16 ».

Cette lecture reste toujours d’actualité. Dans une récente publication, des Cahiers des Anneaux de la mémoire, Zacharie Saha l’applique à l’étude comparative de l’esclavage coutumier et de la traite atlantique au Cameroun. L’intérêt de ce texte  est qu’il affiche plus que les autres le caractère chromatique de son approche faisant de « l’Occident » l’unique «  commanditaire et profiteur de la traite négrière », (Saha, 2001 : 109-144). La volonté d’absoudre l’Afrique et les Africains victimes de la cruauté de l’Occident est affichée sans ambages, toute autre question relève du négationnisme ou du révisionnisme « Les États esclavagistes africains apparaissent comme des formes d’adaptation à la traite arabo-musulmane ou européenne et non comme le fruit d’une évolution typiquement endogène », (Idem). Ainsi, « Pour échapper à la traite, il fallait devenir trafiquant d’esclaves ; vendre ou être vendu », (Idem). Dans le but d’atténuer la responsabilité des élites africaines compromises à ses yeux par des pratiques coupables, Sara avance « … que les chefs africains ont fait preuve de cupidité, mais ils ont voulu surtout profiter d’un contexte. Rabah est souvent cité comme le prototype de cette cupidité du négrier africain. On oublie cependant que le terrible razzieur du pourtour du Lac Tchad a été formé à l’école arabo-musulmane de la traite au cours de sa carrière soudano-égyptienne », (Idem).

Ce regard romantique a nécessairement recours à un fixisme essentialiste pour rendre compte des processus historiques qui contredisent son postulat absolvant les acteurs africains de toute initiative de violence. Pour réfuter l’accusation portée contre les Peul du Fuuta Djallon d’être « d’affreux esclavagistes » Thierno Diallo trouve les raisons véritables du besoin d’esclaves au Fuuta, « dans la faiblesse physique du Peul incapable de résister aux travaux pénibles exigés par la culture des champs et l’aversion et la répugnance  maladive à l’égard des travaux agricoles, … la fierté du nomade et sa prétendue supériorité sur le sédentaire rivé à la terre » (Diallo, 1972 : 106). 

L’approche nationaliste et chromatique pointe un doigt accusateur sur les puissances européennes qui ont doté les compagnies de commerce animatrices de l’inique système dont l’inhumanité relève de l’évidence. Cette thèse dédouane les États et élites aristocratiques africains dont le rôle central dans la mise en place et le fonctionnement du système en Afrique est analysé comme une contrainte imposée par les demandes de l’Europe. Elle occulte l’adhésion des élites africaines à la traite atlantique, un régime conforme à leurs intérêts politiques et économiques et pour lequel ils ont produit une idéologie légitimant leurs activités prédatrices. 

Cette lecture piste les moindres oppositions, pour fonder la thèse de la résistance des aristocraties africaines à la traite atlantique. Les politiques d’Afonso Ier au Congo, des Bathily au Galam, d’Agadja au Dahomey sont lues dans ce prisme déformant (Guèye, 2000 : 199-216). Ainsi, les démêlés ayant opposé André Bruë, gouverneur de la Compagnie du Sénégal, à Latsukaabe Fall, damel du Kajoor et teen du Bawol, ont permis de prêter au souverain africain la volonté de mettre un terme à la traite atlantique des esclaves dans son pays (Ibid). Latsukaabe Fall a contribué à la centralisation et à la militarisation du pouvoir dans ces États et au monopole de la violence dans son lignage maternel par le biais d’une participation à la traite des esclaves.  Ce faisant, il s’est donné les moyens de renégocier en position de force, avec la Compagnie du Sénégal, les termes du marché de la traite des esclaves conformément à ses intérêts (Fall, 1997). Ce qui est loin d’une remise en cause du marché lui-même ! Certes des contraintes ont pesé sur les élites qui ont relayé la traite atlantique. Toutefois, les multiples tentatives d’inverser les termes de l’échange dans le marché des esclaves, en faveur des classes dirigeantes africaines, ne peuvent s’interpréter comme une résistance de celles-ci à la traite des esclaves. De même, le mouvement de renouveau islamique s’est opposé à la réduction des musulmans en captivité. Cependant, les États nés des révolutions islamiques, des plus précoces (XVIIe siècle) au plus tardifs (XIXe siècle) ont fini par produire des régimes dynastiques qui ont participé à la traite des non-musulmans.

Prenant le contre-pied des thèses nationalistes, l’approche dépendantiste inscrit le système de la traite atlantique dans le développement de l’accumulation du capital en Europe, avec la subordination des sociétés africaines, réduites en périphérie passive d’un centre actif dans l’impulsion des dynamiques historiques. Elle consacre peu de place à l’exploitation domestique de la main d’œuvre servile et son impact dans le modelage de l’architecture sociale. La synthèse de Boubacar Barry (1988 : 168-184) sur les rapports esclavagistes en Sénégambie illustre la thèse de la subordination des processus historiques internes aux sociétés africaines à la dynamique atlantique. Réintroduisant à juste titre la dimension diachronique dans l’analyse de l’esclavage domestique, elle rapporte l’évolution particulière de cette institution sociale à la dynamique des traites saharienne dans une moindre mesure et atlantique principalement. Selon Barry, la vente des esclaves pour l’exportation est à l’origine du blocage de la transformation du mode de production tributaire dominant dans les sociétés sénégambiennes en mode de production esclavagiste indépendant ou capitaliste.

Il me semble important de souligner que parmi les facteurs explicatifs de la relative faiblesse numérique de la part de la Sénégambie dans la traite atlantique des esclaves, il faut inclure l’insertion des captifs de guerre dans les sociétés et économies locales. Je ne pense pas que la Sénégambie méridionale en a l’exclusivité. Ce sont les modalités d’insertion qui changent d’une société à une autre. Les guerres conduites dans le but d’obtenir des captifs se sont intensifiées, impulsées par les nouvelles conditions (armement et logistique) issues du commerce atlantique qui a fourni des moyens considérables (armes à feu et ressources logistiques) aux élites, pour imposer par une violence accrue leur pouvoir politique. Ce contexte explique la montée en puissance des ceddo, segment de l’aristocratie d’origine captive, au sein des appareils de domination qui, par la militarisation des pouvoirs politiques, modifient radicalement les rapports de force entre les classes sociales et accroissent leurs pratiques prédatrices hors de leurs États. L’importance de la ponction démographique entraînée par la traite atlantique des esclaves ne fait aucun doute. Toutefois, elle ne doit voiler ni la forte croissance de l’esclavage domestique ni les mutations qualitatives internes résultant d’une telle intensification. Le poids des conséquences de cette évolution de l’esclavage domestique dans le contexte de la traite atlantique se reflète dans sa présence relativement importante dans notre actualité. Il en est ainsi probablement dans nombre d’autres régions du continent (Perbi, 1992 :64-75) ; Akyeampong, 2001 :1-24 ; Kiéthéga, 2001 : 99-113).

La fin des années 1980 est témoin du passage à la revendication d’une plus grande ouverture thématique dans les pratiques historiennes au détriment de l’engagement militant qui avait privilégié l’histoire politique (Thioub, 2002 : 109-153). Les travaux issus de ce changement d’orientation fournissent une information empirique considérable et des élaborations théoriques ouvrant le débat sur les facteurs de la dynamique de l’esclavage domestique dans différentes formations sociales du continent et leur signification sociale. Rompant avec les lectures romantiques et pigmentaires d’un esclavage africain intemporel et par essence « social », « humaniste » et « intégrateur », indemne de toute préoccupation économique, ces travaux portent un regard critique sur les éléments de différenciation des processus d’intégration des esclaves dans les sociétés hiérarchisées et dans les formations sociales où dominent les rapports lignagers 8.

Dans le même registre, des approches novatrices sur la traite atlantique des esclaves établissent ses liens avec l’esclavage domestique (Perbi, 1992 : 64-75), son inscription dans l’espace (Diop, 1997 : 137-153) ; 2000 :177-196)  ou dans les processus de transformations technologiques et leurs conséquences économiques et socio-politiques.

S’appuyant sur une analyse des données archéologiques, Hamady Bocoum (2000 : 51-66) explore les causes de la subordination des sociétés sénégambiennes aux logiques d’accumulation à l’œuvre dans la traite atlantique des esclaves. Son approche se structure autour de la défaite des complexes technologiques de la sidérurgie africaine face à ses homologues européens, à partir du XVe-XVIe siècles. Cette défaite résulte de ce que les régimes politiques africains et les artisans de la réduction du fer n’ont pas su soutenir la concurrence victorieuse de la révolution technologique survenue en Europe. Avec la perte du contrôle des moments stratégiques de la chaîne opératoire du fer en faveur de l’Europe, les sociétés africaines ont été progressivement réduites à de simples consommatrices des produits sidérurgiques européens qui alimentent la violence de la traite (Bocoum 2000 : 51-66). Ces thèses nous réintroduisent dans les dynamiques internes aux sociétés africaines dans leur confrontation avec l’intervention de facteurs externes, le tout formant un seul et unique processus historique.

8  Voir le numéro spécial précité des Cahiers du CERLESHS, Ouagadougou, 2001.

III. Réhabiliter les agendas et les dynamiques autochtones

Aussi différents que soient les méthodes utilisées, les questions posées, les présupposés idéologiques qui informent leurs lectures du passé, les historiographies nationalistes et dépendantistes partagent quelques communes conclusions à propos de la signification historique de la traite des esclaves. Elles considèrent que depuis le contact avec l’Occident et l’essor de la traite atlantique, l’Afrique et les Africains sont victimes d’un système qui, en rompant le cours normal de leur histoire, constitue en dernière instance, la cause principale voire exclusive de la place subalterne qu’occupe le continent dans les affaires contemporaines du monde. La dynamique historique est impulsée par les facteurs et acteurs externes au continent et se décline en découverte, exploration, agression, pillage, conquête auxquels l’Afrique et les Africains, en victimes, répondent par l’inertie, le retrait, l’adaptation, la résistance, l’accommodation. Ces conceptions sont à l’origine d’une conséquence historiographique majeure : d’une part, l’exclusion ou la minoration de la place de certains thèmes du champ de la recherche des historiens africains couplés à une excessive focalisation sur ceux qui permettent de mettre en évidence le paradigme victimaire. 

Dans La concurrence des victimes, Jean-Michel Chaumont (2002) montre comment une telle lecture des tragédies historiques — la quête de reconnaissance par les victimes — voile les enjeux de connaissance. Il n’est dès lors pas étonnant que les historiens africains répètent à volonté la nécessité et l’importance de l’étude de l’esclavage domestique tout en continuant à focaliser leurs efforts sur la traite atlantique des esclaves avec la mise en place d’un ordre du discours cultivant la radicale différence des deux processus historiques.

Tétanisée par le regard dévalorisant des idéologues de la traite des esclaves du XVIIIe siècle, l’historiographie nationaliste s’est laissé enfermer dans la logique chromatique qui lui ôte les moyens d’expliquer les conflits internes aux sociétés africaines et pousse à gommer ou présenter selon une vision romantique les événements qui ont servi à fonder le discours des idéologues des compagnies du commerce esclavagiste atlantique. Dans le domaine francophone tout au moins, la traite atlantique des esclaves se décline constamment en référence à la couleur de la peau. Cette catégorisation qui tire son origine du regard teinté de racisme produit par le XVIIIe siècle européen n’a pas fait l’objet d’une analyse critique et a été acceptée comme telle, avec sa charge aussi péjorative que négative. Masque idéologique efficace dans sa fonction de globalisation qui fait de tous les Africains (les Noirs ?) des victimes de la traite atlantique.

Cette catégorie globalisante occulte la pluralité des positions des Africains dans le système de la traite. Les Africains ne furent pas tous également exposés à l’éventualité d’une mise en servitude et d’une vente sur la côte pour l’exportation. Le caractère généralisé de l’insécurité a souvent été avancé pour arguer qu’aucun groupe ou individu n’était potentiellement à l’abri d’une capture et d’une vente aux négriers européens. Des exemples sont souvent donnés de membres de la classe dirigeante ayant connu pareille mésaventure ou de membres d’un mouvement de contestation politique vaincus et réduits en esclavage et vendus aux Européens.

Il est incontestable que le contexte dans lequel se déploie la traite atlantique a largement favorisé la multiplication de tels cas de figures. Mais, à l’échelle de la séquence historique, les groupes sociologiquement les plus exposés à la réduction à l‘esclavage et à la vente furent les exclus du pouvoir, les membres des sociétés lignagères non soumises à un État centralisé. Il faudrait même affiner la recherche pour tester l’hypothèse qu’au sein des groupes sociaux les plus exposés, certaines catégories telles que les femmes ou les enfants ont donné statistiquement le plus grand nombre de victimes.

Ainsi apparaît le double danger de la logique victimaire. D’une part, elle interdit l’approche scientifique de certains objets d’histoire exclus par auto-censure du champ d’investigation et d’autre part, elle infantilise les acteurs africains qui subissent ainsi une histoire imposée par les acteurs externes et ne participent au processus historique que comme sujets passifs.

Des études moins encombrées de militantisme nationaliste ou anti-impérialiste ont tenté avec quelques succès d’opérer une lecture débarrassée des paradigmes victimaires. Elles redonnent aux acteurs autochtones leur capacité d’initiative avec son corollaire, la responsabilité (Béavogui, op. cit : 192 et Baldé, art . cit.). Elles éradiquent la ligne de partage des acteurs selon une logique pigmentaire pour mettre en évidence la complexité des réseaux d’intérêts qui convergent indépendamment de l’identité chromatique des acteurs. Globalement, il n’est pas contestable que la traite atlantique des esclaves a joué un rôle déterminant dans le sous-développement de l’Afrique et sa présente marginalisation. Force est aussi d’admettre que dans le processus d’intégration subalterne de l’Afrique à l’économie-monde capitaliste alors en construction à partir de la traite atlantique, les Africains n’ont pas subi les contraintes structurelles sans prendre d’initiatives. La prise en compte des projets autonomes des acteurs africains dans la lecture de ces processus historiques réintroduit les enjeux de connaissance en rompant avec les paradigmes victimaires. 

Le système atlantique, essentiellement basé sur l’exportation de la main d’œuvre africaine vers les Amériques, a stimulé une extraordinaire expansion du commerce international et, par là, provoqué des réactions en chaîne particulièrement favorables à l’Europe, allant de l’accumulation des capitaux soutenant une dynamique industrielle et technologique à une révolution des transports maritimes et terrestres sans précédent tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles. Mais pour l’Afrique, ce système fut un désastre. On ne peut se limiter au constat de ces résultats. Il faut en chercher les facteurs explicatifs non réductibles à des catégories morales.

La question évacuée par les lectures nationalistes de la traite atlantique et résolue de manière réductrice par les «dépendantistes» est la suivante : pourquoi, en dépit de l’expansion de la servitude domestique et de son corollaire la surexploitation de la main d’œuvre servile, aucun processus d’accumulation productive ne s’est enclenché dans le continent. Les ressources tirées par les classes marchandes et les pouvoirs prédateurs de cette main d’œuvre employée à grande échelle échangée contre des produits européens n’ont pas permis d’élargir la production locale autrement que par un recours à plus de captivité.

Inikori (1985 : 64-97) explique le sous-peuplement accusé par l’Afrique au cours des quatre siècles de traite des esclaves par la perte d’un croît de cent millions d’habitants que le taux de reproduction de la population africaine transplantée en Amérique aurait donné. Cette perte a alors empêché la mise en place d’une solide économie de marché, en éliminant la pression démographique qui aurait conduit à une colonisation interne, au défrichement des forêts et à une plus grande concentration des populations. Il suppose que toute une série d’effets enchaînés auraient développé le capitalisme avec la mise en place d’un marché foncier suite à la raréfaction de cette ressource. La probabilité que les choses auraient évolué comme indiqué dans cette approche a une faible valeur explicative quant à l’impact de la traite des esclaves sur les économies africaines. Plus opératoire me semble l’analyse des « forces socio-économiques et socio-politiques particulières déclenchées par le trafic d’esclaves en Afrique » pendant plusieurs siècles avec la recrudescence des guerres devenues plus dévastatrices, (Idem). Seulement, il importe de souligner que ces forces ont été constituées et mises en œuvre par des acteurs qui, loin de les subir, en ont tiré des profits qui enjambent les identités continentales.

Cette manière de désincarner les forces historiques pour s’en remettre à l’action des structures se retrouve dans le rôle exclusif attribué par Boubacar Barry à la traite atlantique des esclaves quant à ce qu’il appelle le blocage de l’évolution du mode de production tributaire vers les modes de production esclavagistes ou capitalistes (Barry, 1988 : 178-179) 9.

9 Mamadou Fall (1998 :75-87) a raison de se rebeller contre « l’image chimérique de la « victoire de la caravelle sur la caravane » [qui] par delà la célébration de la « Prépondérance européenne » a définitivement disqualifié les groupes sociaux sénégambiens comme sujets historiques pour en faire des agents passifs ou tout au plus des acteurs d’un système sur lequel ils n’ont aucune prise ».

Elle évacue une dimension importante des origines du sous-dévelopement, le modèle de consommation des élites africaines tirant profit de la traite, l’usage des surplus résultant de l’exportation de la force de travail servile, les rôles des pouvoirs publics et des classes dirigeantes dans les systèmes de production. Dans la postface à la réédition de sa thèse, Abdoulaye Ly s’est longuement appesanti sur cette donnée. L’intérêt du texte de Ly réside dans le lien établi entre le comportement des élites d’hier et de celles d’aujourd’hui. Ici, le présent éclaire utilement le passé. Tout en insistant sur le rôle décisif joué par les besoins de l’accumulation capitaliste au bénéfice de l’Europe, dans la traite atlantique des esclaves, il stigmatise son pendant africain :

« la satisfaction de l’amour du lucre et celle des vices des souverains et chefs locaux corrompus jusqu’à l’os, comme ceux d’aujourd’hui, par la consommation des tentantes marchandises produites par les manufactures européennes ou acquises …sur d’autres marchés exotiques, parties dans la connexion universelle des continents… indignes et cruelles monarchies esclavagistes dont le pouvoir reposait en dernière analyse sur leurs coupables relations d’échanges avec l’Europe capitaliste… », (Ly, 1993 : 329).

Abdoulaye Ly ne cherche pas à absoudre ou à légitimer la participation des classes dirigeantes africaines au trafic esclavagiste atlantique. Il donne les éléments constitutifs de la relation structurelle qui les impliquent avec toute leur capacité d’initiatives comme sujets actifs du système. 

Les modèles de consommation et l’intervention des États, des marchands et de la totalité de la classe dirigeante dans le système de production constituent autant d’éléments de dynamiques internes dont l’analyse s’avère décisive. La prise en compte de ces éléments permet de ne pas limiter la traite atlantique des esclaves à l’échange des esclaves africains contre des produits européens sur les côtes.

Conclusion

Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, dans le sillage de l’essor du mouvement nationaliste inscrit dans les idéaux du panafricanisme, les historiens africains se sont donné pour tâche de participer au démantèlement de l’idéologie coloniale qui avait tenté d’exclure l’Afrique et les Africains des sociétés historiques. Dans ce procès de déconstruction, l’historiographie nationaliste s’est laissé piéger et enfermer dans une lecture pigmentaire identifiant Africains et Noirs, rendant difficile l’émancipation de l’histoire académique des lectures anthropologiques en quête d’une Afrique dotée de valeurs spécifiques et atemporelles. Elle a rédigé une histoire élitiste à la gloire des grandes constructions politiques antérieures au contact avec l’Europe. Évacuant les contradictions, elle a construit des sociétés africaines à structures équilibrées, reflet d’une permanente harmonie sociale.

L’épuisement des illusions nourries par les projets nationalistes dès les premières décennies de l’indépendance ont posé des questions inédites aux sciences sociales qui ont reformulé leurs paradigmes et méthodes d’investigation. Dans cette dynamique nouvelle, les historiens ont trouvé dans la version dépendantiste du marxisme les origines historiques du sous-développement lié à l’intégration de l’Afrique à la périphérie de la dynamique d’accumulation du capital. L’instrument par excellence de cette intégration a été l’ouverture sur l’économie de l’atlantique décrite pour l’Afrique comme la genèse de la perte progressive de l’initiative historique 10.

10 Sur cette notion, voir la critique de Charles Becker, à propos de l’ouvrage de Philip D. Curtin (Becker, 1977 : 203­204.

La traite négrière est étudiée comme un fait historique imposé à l’Afrique et aux Africains, victimes de l’Europe ou du système capitaliste mondial qui leur ont attribué des fonctions changeantes mais constamment subalternes dans l’édification du système-monde capitaliste. Les études qui lui sont consacrées ont alors privilégié l’analyse des trajectoires des élites qui ont assuré la médiation de la connexion de l’Afrique à l’économie atlantique.

La centralité des facteurs considérés comme externes à l’Afrique — traite négrière, colonisation — dans l’écriture de l’histoire des sociétés africaines a renforcé la tendance de l’historiographie à privilégier le travail sur les segments sociaux, classes, États, individus, en rapport direct avec la dynamique atlantique, accordant une place subalterne ou niant les autres processus et événements historiques non directement connectés à cette dynamique. L’historiographie de cette époque tend à réduire sa lecture du passé aux rapports entre élites autochtones et acteurs européens (commerçants, explorateurs, administrateurs, conquérants) dans le contexte de la traite atlantique des esclaves suivie de la conquête et de l’institution des régimes coloniaux. Ces limites n’altèrent en rien l’apport considérable de l’approche dépendantiste à la connaissance de la période du XVe au XIXe siècle mais elle tend à occulter les processus autochtones de domination, d’exploitation et d’oppression, antérieures ou concomitantes à la traite atlantique des esclaves. 

Une telle approche de l’histoire explique la négligence avec laquelle aussi bien l’historiographie nationaliste que dépendantiste a traité les systèmes de domination autochtones comme l’esclavage domestique. L’historiographie nationaliste le réduit en un instrument de gestion de la marginalité sociale et lui attribue une fonction d’intégration à vocation humaniste et qui ne devient tragique pour ses victimes que sous l’influence de l’intervention extérieure, à visée économique, qu’elle soit orientale ou occidentale. Alors que pour les dépendantistes, l’esclavage domestique, jouant un rôle secondaire dans l’explication des processus historiques, n’a de signification historique qu’intégré dans le facteur décisif qu’est la traite atlantique.

Il me semble important de rappeler que l’élaboration et l’imposition de la mémoire de certains groupes sociaux à la conscience collective participent efficacement à la construction hégémonique dans les sociétés humaines. Les groupes dominants travaillent en permanence à faire admettre, par divers moyens qui n’excluent pas la violence, leurs mémoires comme celles de la collectivité. Ils mettent en place un ordre du discours rendant inaudible ou illégitime toute autre lecture du passé fondant d’autres légitimités. Le travail de l’historien devrait participer à la déconstruction de ces mémoires en dévoilant leur lien avec le système de domination qui les met en place et en offrant les autres lectures possibles du passé.

Les mémoires africaines dominantes qui s’adossent sur la traite atlantique des esclaves ont un volet discursif qui déconnecte cette séquence historique des expériences antérieures de domination autochtone. Dans son expression monumentale, ces mémoires se sont affichées dans le discours des États-nations postérieurs à l’événement commémoré. Il est frappant de constater que la monumentalité qui célèbre la traite atlantique des esclaves se dresse le long des côtes des États-nations souvent en compétition pour s’approprier ces mémoires. Pourquoi les lieux de commémoration de la traite, Gorée au Sénégal, les îles de Los en Guinée, Elmina et Cape Coast au Ghana, Ouidah au Bénin occultent respectivement le Galam, le Fuuta Djallon, l’Ashanti et Abomey qui furent assurément les plaques tournantes du trafic des esclaves et plus graves encore les réservoirs de l’intérieur du continent (Burkina Faso, Tchad, Niger, etc.) qui ont fourni le gros des victimes de la traite ? Les conséquences d’une telle lecture de la traite ne se limitent pas à l’exclusion des États contemporains, situés dans l’hinterland, du travail mémoriel sur la traite atlantique des esclaves. Elles permettent une lecture chromatique de la traite, brouillant ainsi les lignes de partage des victimes et des bourreaux. 

Cette lecture a été suivie et est alimentée par le discours dominant de l’historiographie africaine qui saisit la chaîne de la traite atlantique au moment de l’échange sur la côte, oubliant les maillons de la production et de l’acheminement, partie intégrante et peut-être la plus décisive de la Route de l’esclave. « La gaine de fer [qui] encerclait toute la côte de l’Afrique noire », (Ki-Zerbo, Id : 212) n’était que le terminus d’un vaste filet à la construction de laquelle ont pris part activement des acteurs autochtones conformément à la perception qu’ils avaient de leurs intérêts. Lire la traite atlantique à partir de la gaine et ignorer le reste du filet, dans le meilleur des cas c’est s’interdire de comprendre et d’expliquer ses implications historiques et dans le pire c’est restituer les mémoires des groupes qui en ont tiré profit et qui ne sont pas réductibles à l’Autre défini selon la couleur de sa peau. Au moment de la genèse de la traite atlantique des esclaves, l’Europe n’a ni les moyens techniques encore moins politiques ou économiques pour imposer à l’Afrique des rapports économiques qui ne répondent pas aux intérêts des groupes détenteurs des pouvoirs dans les sociétés africaines. L’étude de l’architecture sociale des sociétés africaines en ce moment décisif, ses systèmes de production, d’échanges, de domination et d’exploitation de la force de travail, me semble être une clef pour la compréhension de l’implication des Africains dans ce processus historique qui a abouti au sous-développement du continent. 

L’évolution récente de l’historiographie africaine de l’esclavage et des différentes formes de servitude indique l’émergence et l’affirmation d’un regard lucide et critique ouvrant des chemins novateurs à la recherche. L’objectif demeure la compréhension et l’explication des processus historiques complexes que furent les douloureuses expériences de l’esclavage et des traites exportatrices, saharienne, océan-indienne et atlantique.

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