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Origine :
http://www.cite.uqam.ca/magnan/wiki/pmwiki.php/AER/VieResistance?action=search&text=VieResistance
VieResistance
Cette époque n'est pas, pour moi, celle d'un triomphe proclamé
de l'humanisme, proclamation qui n'a cours que dans les médias
parisiens. Je ne sais pas non plus s'il est très important de
se référer à Foucault pour la mettre sous le signe (unitaire ?)
du biopouvoir, à moins que ce soit précisément une confirmation
de ce que nous sommes « dedans » et que cette question du biopouvoir
se décompose en une multitude de composantes, dont certaines semblent
renvoyer à l'État, d'autres au capitalisme, d'autres encore à
ce que certains appellent « la société civile », le tout enchevêtré.
Y a-t-il un trait commun entre les organismes génétiquement modifiés
(qui mettent les États en position de perplexité, pris en pince
entre capitalisme et groupes actifs issus de la société civile),
les techniques de procréation artificielle (où l'État et ses réglementations
tendent à s'attribuer le rôle de grand moralisateur, l'ami du
« désir d'enfant », mais celui qui prend également en charge la
détermination de ce qu'il faut et ne faut pas), la question des
drogues (où l'État se fait défenseur répressif du « sujet » et
du « lien social »), et les organisations humanitaires (ces manifestations
de la « société civile » qui semblent se voir déléguer par les
États ses anciennes prérogatives civilisatrices, réduites en l'occurrence
à « il faut sauver et guérir ») ?
Si j'ai mis l'État au centre de chaque question, c'est parce
que la question de Foucault dans La volonté de savoir et dans
Il faut défendre la société n'est pas celle du capitalisme mais
celle de la souveraineté. Que les entreprises capitalistes, légales
ou non, trafiquent avec les vivants en tant que vivants, avec
les ADN, les ovaires, les « machines qui pensent », les drogues,
les tests génétiques, l'indignation est facile, et elle peut suivre
des voies assez classiques. Mais que le pouvoir ait « laissé tomber
la mort » pour se donner comme objet « la vie » (double série
correspondant au « corps » et à la « population ») aide bel et
bien à penser là où c'est le plus difficile, là où nous nous retournons
si facilement vers l'État pour exiger qu'il « fasse quelque chose.
» Le bras long du pouvoir traverse comme par enchantement toutes
les stratifications qui étaient censées le contenir, si « un enfant
est en danger » qui doit être retiré à sa famille indigne (surtout
si celle-ci est d'origine étrangère), et bientôt, pourquoi pas,
cela commence aux États Unis, si une femme enceinte ose boire
un verre d'alcool. Et le pouvoir de l'État s'exhibe lors des tremblements
de terre et autres sinistres : nous sommes fiers de voir « nos
» chiens, « nos » pompiers, « nos » militaires, sauver des vies
abstraites, dans un gigantesque déploiement de moyens soudain
consacrés à des gens dont la vie concrète nous était parfaitement
indifférente.
La résistance, si elle devient pouvoir de la vie, pouvoir vital,
selon Deleuze, peut être résistance au pouvoir, mais ne peut se
laisser définir par un objet, qui serait le pouvoir. Si « elle
ne se laisse pas arrêter aux espèces, aux milieux, et aux chemins
de tel ou tel diagramme », c'est qu'elle doit partager avec le
capitalisme (capitalisme et schizophrénie) une grande indifférence
par rapport aux instances et aux hiérarchies critiques. Ce qui
n'est pas un problème lorsque l'on perçoit la multiplicité proliférante
de ce qui s'invente en tant que « force qui résiste », depuis
cette Américaine perchée pendant plus d'un an sur son séquoia
jusqu'aux groupes activistes que l'on traite d'écoterroristes,
depuis les « femmes en noir » jusqu'aux associations de toxicos
non repentis. Ce qui est assez difficile pour les théoriciens
puisque cela met à l'épreuve leurs propres tentations « étatistes
» et pédagogiques. Si la vie devient résistance, c'est la pensée
de la résistance qui doit muter, abandonner les « ou... ou...
» pour le « et... et... »
S'il doit y avoir un nouveau matérialisme ou un nouveau vitalisme,
ils viendront par surprise, par où on ne s'y attend pas, par un
dehors non pris au sérieux, disqualifié par principe. Qu'est-ce
qui rend capable de résister ? Là-bas, aux États-Unis, des femmes
héritières des mouvements féministes, écologistes, pacifistes,
etc. (et donc anticapitalistes) se sont inventées sorcières et
ont réinventé des rituels proprement constructivistes. Les histoires
qu'elles racontent couplent la montée du Sujet de l'humanisme
avec la chasse aux sorcières que certains marxistes (du passé
?) n'auraient pas hésité à mettre sur le compte des vertus progressistes
du capitalisme, défaisant des liens et des strates censés faire
obstacle au socialisme. Leur « magie » a pour ingrédient une Déesse
qui rejoue le rapport entre Vie et Spiritualité, qui fait exister
ce à quoi nous sommes si fiers d'avoir échappé en tant qu'inconnue
de la situation : « futur antérieur. » Juste, à titre d'exemple,
voilà ce que l'une d'entre elles, Starhawk [1], m'a demandé de
diffuser (le 17 décembre 1999). Cela aurait peut-être intéressé
Foucault.
[1] Starhawk est une écrivain, une activiste... et une sorcière.
Les sorcières néopaïennes américaines sont héritières et parties
prenantes des mouvements politiques pacifistes, écologistes, féministes,
anti-capitalistes qui sont loin d'avoir disparu aux États-Unis.
Elles ont appris des mouvements de désobéissance civile ce que
Guattari affirmait dans Les trois écologies, qu'il s'agit de «
reclaim » (un terme difficile à traduire, à la fois guérir, se
réapproprier, rendre à nouveau habitable, etc.) les pratiques
de soi, les pratiques sociales, les pratiques politiques de lutte.
La Déesse est le point mobile d'articulation et de déterritorialisation
pour cette « écosophie », produite sur un mode constructiviste-spéculatif-pragmatique-politique,
et non de conversion vers une quelconque transcendance. Pour qui
s'intéresse aux witches, essayez, pour commencer, Starhawk, Dreaming
the Dark, Beacon Press, Boston, 1997 (nouvelle édition quinze
ans après).
Origine
http://www.cite.uqam.ca/magnan/wiki/pmwiki.php/AER/AtelierEnEmpirismeRadical
AtelierEnEmpirismeRadical
"Règles
pour le Parc humain. Réponse à la lettre sur l'humanisme", par
Peter Sloterdijk
Une
biopolitique mineure avec Giorgio Agamben
Non
au tatouage biopolitique par Giorgio Agamben
Un
nouveau Nietzsche, par Bruno Latour
La
production biopolitique, par Antonio Negri et Michael Hardt
Retour
sur les camps comme paradigme biopolitique, par Bernard Aspe,
Muriel Combes
Biopouvoir
et vie publique, par Bruno Latour
Le
pouvoir et la résistance, par Eric Alliez, Bruno Karsenti, Maurizio
Lazzarato, Anne Querrien
Du
Biopouvoir à la biopolitique, par Maurizio Larazzato
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